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Pharmacie

« Une injustice manifeste qui doit être réparée » : les pharmaciens du privé oubliés du Ségur


Rédigé par Rédaction le Jeudi 10 Décembre 2020 à 12:34 | Lu 1949 fois


C’est un combat qui devrait faire date. Depuis les revalorisations salariales accordées par le Ségur de la Santé, les pharmaciens des établissements de santé privés sont en colère. Exclus des accords alors même que leur rémunération est moindre que celle de leurs confrères publics, ils interpellent les tutelles par la voix du Docteur Florence Compagnon, présidente du Syndicat National des Pharmaciens Gérants et Hospitaliers publics et privés (SNPGH).



Hospitalia : La communauté des pharmaciens exerçant dans les établissements de santé privés s’interroge sur son exclusion du Ségur de la Santé. Pouvez-vous nous en parler ?

Dr Florence Compagnon : Ces professionnels, qui ont toujours été des acteurs à part entière du système de santé, ont en effet fait preuve d’une mobilisation sans faille lors des deux épisodes Covid. Au plus fort de la première vague, ils ont par exemple passé un temps fou à gérer les ruptures, à la fois pour que les patients puissent être soignés dans les meilleures conditions possibles et que les soignants soient correctement protégés contre le SARS-CoV-2. Les conditions d’exercice des pharmaciens du privé sont déjà difficiles en temps normal, puisqu’ils sont souvent seuls en poste pour assurer des actes engageant leur responsabilité pénale. Les démissions sont d’ailleurs chaque année plus nombreuses. Cette situation déjà tendue est devenue explosive à l’issue du Ségur de la Santé : là où les pharmaciens du public vont bénéficier d’un doublement de la prime de service public exclusif, les pharmaciens du privé ont été laissés au bord du chemin alors que, contrairement aux idées reçues, leur salaire est moitié moindre en fin de carrière.

Hospitalia : Comment cela ?

Dr Florence Compagnon : Après 25 années d’exercice, un pharmacien du privé gagne entre 46 et 55% de moins que son confrère du public. Un tel différentiel, aisément vérifiable en comparant les différentes grilles salariales, nous semble difficile à justifier alors que nous avons tous bénéficié de la même formation pour gagner en compétences – soit 10 ans d’études, depuis le décret du 9 mai 2017 et la mise en œuvre du Diplôme d’Études Spécialisées (DES). Cet écart de rémunération représente aujourd’hui le nerf de la guerre puisqu’il explique, en grande partie, le manque d’attractivité de nos postes. Faudrait-il à terme fermer les Pharmacies à Usage Intérieur (PUI) des établissements privés, au risque d’augmenter encore la pression sur des hôpitaux publics ? La situation est d’autant moins tenable que nous sommes nous aussi salariés de nos structures. Pourquoi n’avons-nous pas bénéficié de la revalorisation du Ségur ? Cette injustice manifeste doit être réparée.

Hospitalia : Vous portez ce combat depuis le mois de septembre. Quelles actions avez-vous déjà entreprises ?

Dr Florence Compagnon : Nos adhérents ont en effet été nombreux à nous faire part de leur colère devant cette non-reconnaissance de leur exercice salarial. Nous avons donc aussitôt sollicité l’appui de la FHP, puisque les pharmaciens des établissements privés représentent la moitié de nos adhérents. Le 23 octobre, un premier courrier co-signé avec Monsieur Lamine Gharbi, le président de la Fédération de l’Hospitalisation Privée, a été transmis au Ministre de la Santé. Tous deux ont eu une « saine discussion », le 8 décembre dernier. Nous avons, en parallèle, remis à la FHP les résultats d’un sondage effectué auprès de nos adhérents sur leur temps de travail et leur rémunération, afin d’appuyer les revendications salariales qu’elle continue de porter auprès des tutelles.
 

Hospitalia : Quid des pharmaciens exerçant dans les structures privées à but non lucratif, qui représentent un tiers de nos adhérents ?

Dr Florence Compagnon : Nous nous sommes ici rapprochés du Dr Jean-Paul Zerbib, Président de l’Union Nationale des Médecins Salariés (UNMS CFE-CGC), puisque 8 000 médecins du privé non lucratif se retrouvent dans la même situation. Deux courriers communs ont une fois de plus été transmis au Ministre, cosignés par le Syndicat Jeunes Médecins, l’Association des Directeurs au service des Personnes Âgées (AD-PA) et le Syndicat National des Praticiens des Centres de Lutte contre le Cancer (SNPCLCC). Pour appuyer cette démarche, l’UNMS CFE-CGC a également lancé une pétition, qui totalisait début décembre près de 16 000 signatures pour demander l’ouverture de négociations afin de transposer les accords du Ségur de la santé à toutes les professions médicales du secteur non lucratif. Une manifestation nationale est a priori prévue le 18 décembre prochain. 

Le Dr Florence Compagnon, Présidente du SNPGH.
Le Dr Florence Compagnon, Présidente du SNPGH.

Hospitalia : Le SNPGH a en parallèle réfléchi au poids financier de ces demandes, et propose quelques pistes pour limiter les coûts pour la collectivité. Pourriez-vous nous en parler ?

Dr Florence Compagnon : Nos travaux portent sur l’application du Ségur aux seuls pharmaciens du privé lucratif et non lucratif, soit 2 248 professionnels. Une augmentation de 160 € net par mois, soit environ 230 € brut, représenterait un surcoût annuel de 2 760 € par pharmacien, et donc un peu plus de 6,2 millions d’euros au total. Cette enveloppe peut être financée de différentes manières, par exemple à travers la prochaine hausse des tarifs des groupements homogènes de séjour (GHS), ou via la redevance acquise par les médecins des établissements privés – notre exercice étant complémentaire –, ou encore en récupérant une part de l’intéressement lié aux activités pharmaceutiques du Contrat d’Amélioration de la Qualité et de l’Efficience des Soins (CAQES), ou par les Écarts de Médicament Indemnisable (EMI) obtenus par les actions des pharmaciens. Ce ne sont naturellement là que des propositions, d’autres peuvent également être mises sur la table. Nous sommes en tous cas ouverts à l’échange et espérons être entendus par les pouvoirs publics et les directions d’établissements. Sans pharmacien pas de PUI, sans PUI pas de médecine ou de chirurgie. Ne compliquons pas inutilement l’avenir de notre système de santé, alors que nous ne demandons qu’une équité de traitement.






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