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Hygiène

« Peu d’hygiénistes sont réellement visibles dans les médias, ce qui est regrettable »


Rédigé par Rédaction le Vendredi 26 Février 2021 à 10:03 | Lu 633 fois


Médecin hygiéniste et anesthésiste-réanimateur, le Dr Michel Brousse a rejoint le CPias* Occitanie au printemps dernier. Son expertise, précieuse dans le contexte sanitaire actuel, viendra également appuyer des travaux plus transversaux autour de la prévention des risques liés à l’antibiothérapie ou d’une meilleure prise en compte du volet environnemental. Rencontre.



Le Dr Michel Brousse, médecin hygiéniste et anesthésiste-réanimateur. ©DR
Le Dr Michel Brousse, médecin hygiéniste et anesthésiste-réanimateur. ©DR
Votre profil est quelque peu atypique. Pourriez-vous revenir sur votre parcours ?
Dr Michel Brousse : À l’origine praticien hospitalier en anesthésie-réanimation, j’ai exercé au Centre Hospitalier Intercommunal de Toulon La Seyne-sur-Mer dans les années 90, où je me suis progressivement tourné vers l’hygiène hospitalière pour son rôle central dans la prise en charge des patients. Après un Diplôme Interuniversitaire (DIU) dans cette spécialité, j’ai dirigé le service d’hygiène de Toulon tout en étant responsable de la Fédération Inter-hospitalière en hygiène hospitalière de Toulon-Hyères. En 2016, j’ai intégré le CHU de Guadeloupe où j’ai notamment été en charge du système de management de la prise en charge médicamenteuse des patients, de l’hémovigilance et de la gestion des risques associés aux soins. Après trois années mouvementées passées à Pointe-à-Pitre[le CHU ayant connu un incendie et plusieurs cyclones durant cette période, NDLR]j’ai postulé au CPias Occitanie, qui cherchait un médecin hygiéniste pour compléter ses équipes. 

Vous êtes entré en fonction en mars, dans un contexte sanitaire pour le moins particulier. Quelles ont été vos contributions ? 
Nous étions, en effet, en plein pic épidémique. J’aidonc principalement travaillé sur l’accompagnement des équipes occitanes, en mettant notamment en application plusieurs approches apprises au cours de ma formation en médecine de catastrophe, il y a presque trente ans. Aujourd’hui encore, nous nous adaptons quasiment au jour le jour, en apportant notre soutien et notre appui aux équipes des établissements sanitaires et médico-sociaux qui signalent des cas Covid+. Nous enregistrons actuellement une vingtaine de signalements par jour, effectués via les plateformes « e-Sin » pour les établissements de santé, et « Voozanoo » pour les EHPAD, ce qui nous permet de cibler nos actions sur les structures concernées. À l’instar des autres CPias, nous éditons et relayons également les recommandations de bonnes pratiques et avons aussi mis en place, ces derniers mois, des formations destinées aux soignants. 

Vous intervenez donc au plus près des établissements pour le suivi épidémique. Quelles questions vous sont le plus souvent posées ? 
Répondre aux interrogations et aux inquiétudes des équipes fait effectivement partie de notre rôle. Aujourd’hui, avec le rebond épidémique, celles-ci portent essentiellement sur la mise en place des tests antigéniques, l’approvisionnement et l’utilisation des Équipements de Protection Individuels (EPI) ou encore l’usage des désinfectants. Même si tout est toujours perfectible, l’attention portée ces derniers mois aux précautions standard a permis de sensibiliser les soignants aux bonnes pratiques d’hygiène hospitalière. Tous ont aujourd’hui conscience de l’infectiosité importante du virus. La situation est plus compliquée en ce qui concerne le grand public... Peut-être est-ce parce que peu d’hygiénistes sont réellement visibles dans les médias, ce qui est regrettable, d’autant plus que le virus semble particulièrement contagieux durant cette 2èmevague et qu’une épidémie de grippe risque de complexifier un peu plus la situation. Sur ce dernier point, même si l’adoption des gestes barrières par un plus grand nombre de nos concitoyens peut diminuer l’incidence des épidémies hivernales par rapport aux années précédentes, le manque de vaccins anti-grippe et le taux d’occupation des services de réanimation poseront de réelles difficultés auxquelles, j’en suis convaincu, la prévention et donc l’hygiène seront les premières des réponses à apporter.  

À plus long terme, vous serez amené à intervenir sur d’autres thématiques, dont la prévention des risques liés à l’antibiothérapie. En quoi consistera votre approche ?
Au-delà des missions relatives aux précautions standards, au signalement des Infections Associées aux Soins (IAS), à la stérilisation, ou encore aux recommandations de bonnes pratiques, mon poste porte en effet également sur les risques liés à l’antibiothérapie. L’accompagnement que nous porterons passera principalement par l’information des soignants quant à la juste utilisation des antibiotiques, en les sensibilisant par exemple à la nécessité d’effectuer un antibiogramme avant d’administrer un traitement – ce qui contribuera à limiter l’apparition de Bactéries Multi-Résistantes (BMR) et de Bactéries Hautement Résistantes émergentes (BHRe). L’enjeu est particulièrement prégnant puisque, selon une étude réalisée avant la crise sanitaire, les BHRe seront la première cause de mortalité en 2050. Il faut donc tout mettre en œuvre pour freiner au maximum leur développement. Ce travail est indissociable du rôle préventionniste de l’hygiéniste hospitalier. Cela étant dit, la création prochaine des Centres Régionaux en Antibiothérapie (CRAtb) devrait se traduire par un appui renforcé et une mutualisation des moyens qui seront bénéfiques à tous. 

Vous avez précédemment évoqué votre expérience au sein du CH de Toulon. Également basé dans le Var, à Hyères plus exactement, le Dr Philippe Carenco appelait cet été** à une diminution de l’usage des désinfectants chimiques. Qu’en pensez-vous ? 
Je connais bien le Dr Philippe Carenco pour avoir travaillé avec lui pendant plusieurs années. Comme lui, je pense que l’hygiéniste a aussi un rôle à jouer sur le volet environnemental. À Toulon, j’avais d’ailleurs mis en place un système de bionettoyage à l’eau qui regroupait l’utilisation de franges micro-fibres, d’électrolyse et de nettoyage vapeur. Cette désinfection mécanique donne des résultats comparables à la désinfection chimique, tout en limitant l’usage des produits désinfectants. Ceux-ci sont en effet problématiques non seulement pour leur impact environnemental, mais aussi parce qu’ils ont tendance à favoriser les résistances croisées : ils multiplient donc le risque d’apparition de BHRe dont, comme vous le savez, la maîtrise fait partie inhérente des objectifs de l’hygiéniste hospitalier. Cette question montre bien la nécessité de s’inscrire dans une vision globale, à l’échelle des établissements de santé comme de l’environnement, pour assurer au mieux nos missions de prévention. 


 

*Centre de Prévention des Infections Associées aux Soins.
**Voir les articles Désinfectants, appels pour une utilisation raisonnéeet Maîtriser l’impact environnemental, autre rôle de l’hygiéniste, publiés dans Hospitalia #50 (septembre 2020), pages 108-114.



Article publié dans le numéro de décembre d'Hospitalia à consulter ici
 






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