Pourriez-vous vous présenter ?
Dr Pierre Cassier : Pharmacien biologiste, j’ai « rencontré » l’hygiène hospitalière lors de ma 5ème année d’études à Clermont-Ferrand, grâce à un stage passionnant dans le laboratoire du Pr Laveran. Arrivé aux Hospices civils de Lyon en 2009 pour mon dernier semestre d’internat, je suis depuis 2015 en charge du laboratoire de microbiologie environnementale et d’hygiène hospitalière. Constatant chaque jour le grand intérêt intellectuel offert par l’hôpital public, particulièrement aux HCL – deuxième CHU de France –, je compte y rester encore de nombreuses années.
Comment est organisé le service d’hygiène hospitalière des HCL ?
Il s’agit d’un service unique et transversal à l’échelle de l’institution, avec toutefois différentes unités implantées au sein de chaque groupement hospitalier et opérées par un binôme pharmacien-médecin, auquel s’ajoutent plusieurs infirmières hygiénistes. Autrefois intégré au service d’hygiène hospitalière, le laboratoire de microbiologie environnementale et d’hygiène hospitalière est pour sa part rattaché depuis 2018 au service de bactériologie, et fait donc partie du Laboratoire de biologie médicale multisite (LBMMS) des HCL. Ce changement a clairement été bénéfique, puisque nous avons désormais accès à l’ensemble du plateau technique de biologie, d'autant que toutes les activités de microbiologie sont aujourd’hui regroupées dans un même bâtiment. Et, bien que nous n’ayons plus de proximité administrative avec le service d’hygiène hospitalière, nous restons évidemment en contact avec les différentes équipes opérationnelles d'hygiène présentes sur le terrain.
Pourriez-vous évoquer plus en détail l’activité du laboratoire de microbiologie environnementale ?
Celui-ci est chargé de tout ce qui a trait à la maîtrise du risque infectieux lié à l’environnement. Nous réalisons ainsi les analyses des eaux, de l'air et des surfaces, mais aussi du lait préparé en biberonnerie, des aliments destinés aux patients immunodéprimés, des préparations pharmaceutiques, des liquides de dialyse ou encore des endoscopes. Nos missions sontdonc très variées, mais essentielles pour garantir la sécurité sanitaire. En ce qui concerne les endoscopes, par exemple, ces dispositifs n’étant pas stérilisables, les contaminations existent et peuvent survenir tout au long du process de désinfection, qui est complexe. Il est difficile de se prémunir à 100 % contre le risque infectieux. Notre laboratoire est donc là pour effectuer les contrôles microbiologiques nécessaires. Mais l’exemple le plus éloquent est peut-être celui des patients leucémiques maintenus en chambres stériles. La surveillance doit, de fait, être maximale, et nous analysons régulièrement tous les composants de leur environnement, le sol de la salle de bain, l’air de la chambre… Pour résumer, le laboratoire de microbiologie environnemental œuvre en premier lieu pour les patients eux-mêmes, et nous ne perdons jamais de vue ce cet objectif.
Participez-vous également à des activités de recherche ?
Nous sommes associés à plusieurs travaux, notamment ceux autour des bactéries hautement résistantes, menés au sein du Centre international de recherche en infectiologie (CIRI). Nous comparons notamment ici la prévalence de ces bactéries chez les patients et dans l’environnement, pour nous rendre compte d’éventuelles transmissions croisées et de leurs impacts sur les patients. Nous avons aussi participé à une étude portant sur Acinetobacter baumannii, une bactérie régulièrement retrouvée dans l’environnement hospitalier, particulièrement dans les services de réanimation. Inscrits dans une approche « One Health », ces travaux se sont tout autant intéressés à la présence de cette bactérie à l’hôpital que dans l’environnement général et dans le monde vétérinaire, chez les animaux domestiques et d’élevage. Nous avons ainsi collecté et comparé les souches d’A. baumannii prélevées dans différents milieux, dont l’un des bras du Rhône, pour chercher à estimer les échanges à l’échelle des écosystèmes.
Quels ont été les résultats de ces travaux ?
Si cette bactérie se retrouve en grande diversité dans la nature et chez les animaux d’élevage, l’hôpital produit ce que l’on pourrait appeler des « clones ». Des micro-organismes similaires sont aussi observés dans le monde vétérinaire en soins intensifs, sans qu’il y ait forcément de transfert de l’homme à l’animal. Toujours est-il que ces deux milieux accueillent les souches les plus résistantes. La typologie bactérienne y est très spécifique, ce qui est symptomatique d’une forte action de sélection : l’hôpital concentre les souches les plus résistantes, mais heureusement ne semble pas les disséminer dans l’environnement extérieur.
Vous êtes également membre de la SF2H depuis 2017. Pourquoi avoir souhaité rejoindre la société savante ?
Car j’ai à cœur de défendre ma discipline et contribuer à sa visibilité au sein de la SF2H, qui est riche d’une diversité de métiers. La création récente de la commission sur la microbiologie environnementale, dirigée par le Pr Jean-Winoc Decousser et que je co-pilote, est d’ailleurs une vraie réussite. Il s’agit à mon sens d’un projet à la fois intéressant pour les microbiologistes de l’environnement, que pour l’ensemble des adhérents de la SF2H, puisque nous avons décidé d’apporter des réponses pragmatiques aux interrogations remontées du terrain. Les premiers « grands travaux » de la commission, qui portent sur les contrôles de l’eau, devraient ainsi étudier les différents paramètres analysés pour sélectionner les plus pertinents et améliorer ainsi les pratiques.
Vous présidez aussi le comité scientifique du prochain congrès de la SF2H, qui se tiendra à Nancy du 5 au 7 juin 2024…
J’occupe cette fonction depuis le congrès de Nantes de 2021. C’est une mission chronophage, mais réellement intéressante puisqu’elle implique de nombreux échanges entre confrères pour bâtir un programme riche et varié. Le comité scientifique du congrès est composé de membres régionaux, et du conseil scientifique de la SF2H qui œuvre toute l’année. Nous avons par exemple mis à profit ce mois d’avril 2024 pour déjà choisir les principaux thèmes du congrès 2025 de Marseille, qui seront annoncés au congrès de Nancy. Par la suite, les thématiques retenues seront alors déclinées dans les sessions plénières et les sessions parallèles. Nous lancerons aussi un appel à communication, qui se clôturera à la mi-janvier. Nous sélectionnerons ensuite les abstracts qui feront l’objet d’une présentation orale ou par poster, tout en validant les sujets des sessions proposées par les partenaires du congrès. Je pense notamment ici à la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF), à la Société française de microbiologie (SFM), ou encore à l’Association de chimiothérapie anti-infectieuse (ACAI), qui peuvent suggérer des interventions en lien avec l’hygiène hospitalière. C’est vraiment un travail au long cours !
Comment choisissez-vous les thématiques mises en lumière lors de chaque édition ?
Nous nous basons sur notre propre exercice, mais aussi sur nos échanges avec d’autres hygiénistes ou spécialistes. Nous nous inspirons également des travaux menés dans d’autres spécialités, comme l’infectiologie ou la microbiologie clinique. Par exemple, après avoir assisté à une intervention du Pr Stéphane Paul lors des dernières Journées nationales d’infectiologie (JNI), nous avons souhaité lui donner la parole pour le congrès de Nancy. Le 7 juin prochain, il animera ainsi une conférence de 45 minutes sur la vaccination ciblée, ce qui nous a semblé être un bon moyen d’apporter un nouvel éclairage sur un enjeu qui reste compliqué. Il existe en effet encore une certaine défiance vis-à-vis de la vaccination, au sein de la population générale mais aussi à l'hôpital. Rappeler ses bienfaits et évoquer les nouvelles dynamiques à l’œuvre – une vaccination qui devient de plus en plus ciblée sur les populations à risque – peut donc se révéler particulièrement intéressant pour les professionnels de l’hygiène hospitalière.
Dr Pierre Cassier : Pharmacien biologiste, j’ai « rencontré » l’hygiène hospitalière lors de ma 5ème année d’études à Clermont-Ferrand, grâce à un stage passionnant dans le laboratoire du Pr Laveran. Arrivé aux Hospices civils de Lyon en 2009 pour mon dernier semestre d’internat, je suis depuis 2015 en charge du laboratoire de microbiologie environnementale et d’hygiène hospitalière. Constatant chaque jour le grand intérêt intellectuel offert par l’hôpital public, particulièrement aux HCL – deuxième CHU de France –, je compte y rester encore de nombreuses années.
Comment est organisé le service d’hygiène hospitalière des HCL ?
Il s’agit d’un service unique et transversal à l’échelle de l’institution, avec toutefois différentes unités implantées au sein de chaque groupement hospitalier et opérées par un binôme pharmacien-médecin, auquel s’ajoutent plusieurs infirmières hygiénistes. Autrefois intégré au service d’hygiène hospitalière, le laboratoire de microbiologie environnementale et d’hygiène hospitalière est pour sa part rattaché depuis 2018 au service de bactériologie, et fait donc partie du Laboratoire de biologie médicale multisite (LBMMS) des HCL. Ce changement a clairement été bénéfique, puisque nous avons désormais accès à l’ensemble du plateau technique de biologie, d'autant que toutes les activités de microbiologie sont aujourd’hui regroupées dans un même bâtiment. Et, bien que nous n’ayons plus de proximité administrative avec le service d’hygiène hospitalière, nous restons évidemment en contact avec les différentes équipes opérationnelles d'hygiène présentes sur le terrain.
Pourriez-vous évoquer plus en détail l’activité du laboratoire de microbiologie environnementale ?
Celui-ci est chargé de tout ce qui a trait à la maîtrise du risque infectieux lié à l’environnement. Nous réalisons ainsi les analyses des eaux, de l'air et des surfaces, mais aussi du lait préparé en biberonnerie, des aliments destinés aux patients immunodéprimés, des préparations pharmaceutiques, des liquides de dialyse ou encore des endoscopes. Nos missions sontdonc très variées, mais essentielles pour garantir la sécurité sanitaire. En ce qui concerne les endoscopes, par exemple, ces dispositifs n’étant pas stérilisables, les contaminations existent et peuvent survenir tout au long du process de désinfection, qui est complexe. Il est difficile de se prémunir à 100 % contre le risque infectieux. Notre laboratoire est donc là pour effectuer les contrôles microbiologiques nécessaires. Mais l’exemple le plus éloquent est peut-être celui des patients leucémiques maintenus en chambres stériles. La surveillance doit, de fait, être maximale, et nous analysons régulièrement tous les composants de leur environnement, le sol de la salle de bain, l’air de la chambre… Pour résumer, le laboratoire de microbiologie environnemental œuvre en premier lieu pour les patients eux-mêmes, et nous ne perdons jamais de vue ce cet objectif.
Participez-vous également à des activités de recherche ?
Nous sommes associés à plusieurs travaux, notamment ceux autour des bactéries hautement résistantes, menés au sein du Centre international de recherche en infectiologie (CIRI). Nous comparons notamment ici la prévalence de ces bactéries chez les patients et dans l’environnement, pour nous rendre compte d’éventuelles transmissions croisées et de leurs impacts sur les patients. Nous avons aussi participé à une étude portant sur Acinetobacter baumannii, une bactérie régulièrement retrouvée dans l’environnement hospitalier, particulièrement dans les services de réanimation. Inscrits dans une approche « One Health », ces travaux se sont tout autant intéressés à la présence de cette bactérie à l’hôpital que dans l’environnement général et dans le monde vétérinaire, chez les animaux domestiques et d’élevage. Nous avons ainsi collecté et comparé les souches d’A. baumannii prélevées dans différents milieux, dont l’un des bras du Rhône, pour chercher à estimer les échanges à l’échelle des écosystèmes.
Quels ont été les résultats de ces travaux ?
Si cette bactérie se retrouve en grande diversité dans la nature et chez les animaux d’élevage, l’hôpital produit ce que l’on pourrait appeler des « clones ». Des micro-organismes similaires sont aussi observés dans le monde vétérinaire en soins intensifs, sans qu’il y ait forcément de transfert de l’homme à l’animal. Toujours est-il que ces deux milieux accueillent les souches les plus résistantes. La typologie bactérienne y est très spécifique, ce qui est symptomatique d’une forte action de sélection : l’hôpital concentre les souches les plus résistantes, mais heureusement ne semble pas les disséminer dans l’environnement extérieur.
Vous êtes également membre de la SF2H depuis 2017. Pourquoi avoir souhaité rejoindre la société savante ?
Car j’ai à cœur de défendre ma discipline et contribuer à sa visibilité au sein de la SF2H, qui est riche d’une diversité de métiers. La création récente de la commission sur la microbiologie environnementale, dirigée par le Pr Jean-Winoc Decousser et que je co-pilote, est d’ailleurs une vraie réussite. Il s’agit à mon sens d’un projet à la fois intéressant pour les microbiologistes de l’environnement, que pour l’ensemble des adhérents de la SF2H, puisque nous avons décidé d’apporter des réponses pragmatiques aux interrogations remontées du terrain. Les premiers « grands travaux » de la commission, qui portent sur les contrôles de l’eau, devraient ainsi étudier les différents paramètres analysés pour sélectionner les plus pertinents et améliorer ainsi les pratiques.
Vous présidez aussi le comité scientifique du prochain congrès de la SF2H, qui se tiendra à Nancy du 5 au 7 juin 2024…
J’occupe cette fonction depuis le congrès de Nantes de 2021. C’est une mission chronophage, mais réellement intéressante puisqu’elle implique de nombreux échanges entre confrères pour bâtir un programme riche et varié. Le comité scientifique du congrès est composé de membres régionaux, et du conseil scientifique de la SF2H qui œuvre toute l’année. Nous avons par exemple mis à profit ce mois d’avril 2024 pour déjà choisir les principaux thèmes du congrès 2025 de Marseille, qui seront annoncés au congrès de Nancy. Par la suite, les thématiques retenues seront alors déclinées dans les sessions plénières et les sessions parallèles. Nous lancerons aussi un appel à communication, qui se clôturera à la mi-janvier. Nous sélectionnerons ensuite les abstracts qui feront l’objet d’une présentation orale ou par poster, tout en validant les sujets des sessions proposées par les partenaires du congrès. Je pense notamment ici à la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF), à la Société française de microbiologie (SFM), ou encore à l’Association de chimiothérapie anti-infectieuse (ACAI), qui peuvent suggérer des interventions en lien avec l’hygiène hospitalière. C’est vraiment un travail au long cours !
Comment choisissez-vous les thématiques mises en lumière lors de chaque édition ?
Nous nous basons sur notre propre exercice, mais aussi sur nos échanges avec d’autres hygiénistes ou spécialistes. Nous nous inspirons également des travaux menés dans d’autres spécialités, comme l’infectiologie ou la microbiologie clinique. Par exemple, après avoir assisté à une intervention du Pr Stéphane Paul lors des dernières Journées nationales d’infectiologie (JNI), nous avons souhaité lui donner la parole pour le congrès de Nancy. Le 7 juin prochain, il animera ainsi une conférence de 45 minutes sur la vaccination ciblée, ce qui nous a semblé être un bon moyen d’apporter un nouvel éclairage sur un enjeu qui reste compliqué. Il existe en effet encore une certaine défiance vis-à-vis de la vaccination, au sein de la population générale mais aussi à l'hôpital. Rappeler ses bienfaits et évoquer les nouvelles dynamiques à l’œuvre – une vaccination qui devient de plus en plus ciblée sur les populations à risque – peut donc se révéler particulièrement intéressant pour les professionnels de l’hygiène hospitalière.