Pourriez-vous nous présenter l’unité Blanchisserie du CHU de Bordeaux ?
Ludovic Denais : Implantée dans un bâtiment sur le site de Haut-Lévêque, celle-ci traite exclusivement le linge du CHU de Bordeaux, tous sites confondus – ce qui représente environ 15 tonnes par jour. Une centaine de personnes y travaillent et interviennent sur toutes les étapes du circuit du linge, y compris en ce qui concerne le transport, géré en interne. Nous desservons ainsi entre 200 et 250 points de livraison par jour.
Vous êtes d’ailleurs chargé de tous les transports à l’échelle du CHU. Comment organisez-vous vos journées ?
J’ai effectivement les transports dans mon périmètre, ce qui inclut la fonction linge mais aussi la restauration, la stérilisation, la pharmacie… J’organise mes journées en fonction des problématiques en cours. Je n’ai pas réellement d’emploi du temps type, tout dépend des attentes des services, des aléas de la production ou de la gestion des personnes. Je travaille également sur des sujets plus vastes, comme actuellement le projet de nouvelle blanchisserie du CHU de Bordeaux.
Justement, pourriez-vous nous parler de ce projet ?
Le bâtiment qui accueille aujourd’hui la blanchisserie a été construit en 1976, ce qui commence à dater. Les équipements eux-mêmes sont d’ailleurs assez anciens. Le taux de disponibilité opérationnelle laisse à désirer, avec des ruptures et des pannes, et ce depuis plusieurs années maintenant. Le dernier schéma directeur immobilier du CHU de Bordeaux a donc prévu la construction d’une unité neuve, dont l’ouverture est programmée pour le début de l’année 2027.
Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Nous analysons actuellement les offres proposées par les trois groupements retenus en première instance. Chaque groupement, qui inclut une entreprise de génie civil, un équipementier, un architecte et différents corps d'État, nous a proposé trois solutions clés en main, aussi bien sur l'aspect bâtimentaire que les équipements. Notre objectif étant de disposer d'une unité de production capable de traiter 18 tonnes de linge par jour, en 7 heures de travail effectif. Nous pourrons ainsi répondre à la demande du CHU, mais aussi nous positionner, en tant que prestataires de service, auprès des hôpitaux, cliniques et EHPAD de la région bordelaise – ce qui nous permettrait d'optimiser et de rationaliser les coûts finaux.
À quoi ressemblera cette future blanchisserie ?
Le projet, qui est financièrement porté par le CHU, mettra forcément l'accent sur le développement durable, la recherche d'économie d'énergie et la robotisation, y compris sur certaines fonctions spécifiques afin d'être les plus efficients possibles. En revanche, le format n'est à ce jour pas arrêté sur le plan administratif : il n’a pas encore été décidé de passer ou non en Groupement de coopération sanitaire (GCS), un statut juridique qui nous permettrait d’étendre davantage le nombre de partenaires, de disposer d’instances décisionnaires spécifiques et de prendre en charge plus de linge hors CHU. Mais tout ceci est en cours d’arbitrage.
Où prévoyez-vous de construire le nouveau bâtiment ?
La future unité de production prendra place à proximité immédiate de l’ancienne, à Pessac sur le site de l’hôpital Haut-Lévêque. Comme je le disais plus haut, c’est le CHU de Bordeaux qui porte l’investissement, à hauteur de 23 millions d'euros, avec une date de livraison prévue pour 2027. Le groupement qui réalisera le projet sera sélectionné dès ce début d’automne, puis nous déposerons le permis de construire et les demandes d’autorisation d'exploitation. Les travaux pourront démarrer quand tous les voyants seront au vert.
Vous évoquiez plus haut un projet qui « mettra l'accent sur le développement durable ». Comment cela se traduira-t-il ?
La nouvelle unité de production s’inscrira dans la réglementation « Installation classée pour la protection de l'environnement » (ICPE), matérialisant ainsi notre volonté de réduire les consommations d'eau et les consommations énergétiques. Pour y parvenir, nous souhaitons notamment passer sur un process sans vapeur, là où l'unité actuelle utilise exclusivement de la vapeur. Nous chercherons également à récupérer toutes les calories possibles, à partir de nos effluents et rejets. Le futur bâtiment sera aussi raccordé à une chaudière biomasse, ce qui permettra de faire également des économies d’énergies lors du chauffage des locaux. Ce sont autant d’exigences inscrites dans le cahier des charges du projet, et le groupement qui sera sélectionné devra ici répondre à des objectifs précis.
Qu’en est-il du procédé ? Lequel avez-vous retenu ?
Il existe actuellement deux modes, le procédé classique avec un séchage dans des calandres, et le procédé dit « tout séché » qui permet de se passer de cette étape. Nous avons, pour notre part, opté pour une approche hybride : nous conserverons les calandres pour les draps mais les supprimerons pour le petit plat, pour passer sur du linge séché plié. Un process automatisé est donc prévu ici, avec l’acquisition de robots d'engagement.
Et du côté des ressources humaines ? Ce projet aura-t-il un impact sur les effectifs de la blanchisserie ?
Il y aura certainement des changements, sur lesquels nous n’avons toutefois pas encore travaillé de manière précise. Néanmoins, une attention toute particulière sera portée à l’amélioration des conditions de travail, avec notamment moins de déplacements, une lumière plus naturelle, un environnement thermique mieux maîtrisé… Sur ce dernier point, nous n’avons pas opté pour la climatisation, privilégiant plutôt des actions passives sur le bâtiment – par exemple en recherchant un juste équilibre entre des fenêtres en nombre suffisant pour garantir un éclairage en lumière naturelle, tout en limitant l’effet calorifique des baies vitrées.
Avez-vous prévu des actions spécifiques pour prévenir les troubles musculo-squelettiques (TMS) ?
Nous nous sommes bien évidemment penchés sur ce sujet. La médecine du travail du CHU et plusieurs préventeurs en sécurité, dont des ergonomes, sont associés au projet et apportent leur expertise pour évaluer les propositions des équipementiers. Plusieurs projets sont ainsi déjà actés. Le nouveau bâtiment sera par exemple équipé d’aides à la manutention, avec un retourneur au niveau du linge sale pour limiter sa manipulation, des tapis de transport afin que les agents aient moins de charges à soupeser, un convoyeur aérien pour éviter les transferts manuels, des tapis de collecte centralisés en sortie de machine, ou encore des démêleurs en amont des postes de travail pour faciliter cette étape… Mais il n’y a pas que les investissements mécaniques qui peuvent réduire le risque de TMS. Nous essayons aussi de travailler sur la typologie des textiles afin de limiter certaines manipulations, avec par exemple la suppression des tuniques à boutons pression au profit de tuniques à col V. Les agents ne seront ainsi plus obligés de reboutonner les vêtements pour les engager sur les cintres, ce qui contribuera à la prévention des TMS tout en réduisant le temps nécessaire à l’opération.
Le mot de la fin ?
S’il comporte plusieurs volets sur les champs du développement durable, de l’automatisation ou encore de la lutte contre les TMS, ce projet vise avant tout à fournir une prestation de qualité aux utilisateurs. La blanchisserie doit être un service support performant, qui a aussi un rôle à jouer pour libérer les soignants des tâches logistiques. Il est donc pour nous important de placer l’humain au cœur de nos préoccupations, pour essayer d’améliorer la qualité de vie au travail de tous les acteurs de l’hôpital, qu’ils exercent ou non auprès des patients.
Ludovic Denais : Implantée dans un bâtiment sur le site de Haut-Lévêque, celle-ci traite exclusivement le linge du CHU de Bordeaux, tous sites confondus – ce qui représente environ 15 tonnes par jour. Une centaine de personnes y travaillent et interviennent sur toutes les étapes du circuit du linge, y compris en ce qui concerne le transport, géré en interne. Nous desservons ainsi entre 200 et 250 points de livraison par jour.
Vous êtes d’ailleurs chargé de tous les transports à l’échelle du CHU. Comment organisez-vous vos journées ?
J’ai effectivement les transports dans mon périmètre, ce qui inclut la fonction linge mais aussi la restauration, la stérilisation, la pharmacie… J’organise mes journées en fonction des problématiques en cours. Je n’ai pas réellement d’emploi du temps type, tout dépend des attentes des services, des aléas de la production ou de la gestion des personnes. Je travaille également sur des sujets plus vastes, comme actuellement le projet de nouvelle blanchisserie du CHU de Bordeaux.
Justement, pourriez-vous nous parler de ce projet ?
Le bâtiment qui accueille aujourd’hui la blanchisserie a été construit en 1976, ce qui commence à dater. Les équipements eux-mêmes sont d’ailleurs assez anciens. Le taux de disponibilité opérationnelle laisse à désirer, avec des ruptures et des pannes, et ce depuis plusieurs années maintenant. Le dernier schéma directeur immobilier du CHU de Bordeaux a donc prévu la construction d’une unité neuve, dont l’ouverture est programmée pour le début de l’année 2027.
Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Nous analysons actuellement les offres proposées par les trois groupements retenus en première instance. Chaque groupement, qui inclut une entreprise de génie civil, un équipementier, un architecte et différents corps d'État, nous a proposé trois solutions clés en main, aussi bien sur l'aspect bâtimentaire que les équipements. Notre objectif étant de disposer d'une unité de production capable de traiter 18 tonnes de linge par jour, en 7 heures de travail effectif. Nous pourrons ainsi répondre à la demande du CHU, mais aussi nous positionner, en tant que prestataires de service, auprès des hôpitaux, cliniques et EHPAD de la région bordelaise – ce qui nous permettrait d'optimiser et de rationaliser les coûts finaux.
À quoi ressemblera cette future blanchisserie ?
Le projet, qui est financièrement porté par le CHU, mettra forcément l'accent sur le développement durable, la recherche d'économie d'énergie et la robotisation, y compris sur certaines fonctions spécifiques afin d'être les plus efficients possibles. En revanche, le format n'est à ce jour pas arrêté sur le plan administratif : il n’a pas encore été décidé de passer ou non en Groupement de coopération sanitaire (GCS), un statut juridique qui nous permettrait d’étendre davantage le nombre de partenaires, de disposer d’instances décisionnaires spécifiques et de prendre en charge plus de linge hors CHU. Mais tout ceci est en cours d’arbitrage.
Où prévoyez-vous de construire le nouveau bâtiment ?
La future unité de production prendra place à proximité immédiate de l’ancienne, à Pessac sur le site de l’hôpital Haut-Lévêque. Comme je le disais plus haut, c’est le CHU de Bordeaux qui porte l’investissement, à hauteur de 23 millions d'euros, avec une date de livraison prévue pour 2027. Le groupement qui réalisera le projet sera sélectionné dès ce début d’automne, puis nous déposerons le permis de construire et les demandes d’autorisation d'exploitation. Les travaux pourront démarrer quand tous les voyants seront au vert.
Vous évoquiez plus haut un projet qui « mettra l'accent sur le développement durable ». Comment cela se traduira-t-il ?
La nouvelle unité de production s’inscrira dans la réglementation « Installation classée pour la protection de l'environnement » (ICPE), matérialisant ainsi notre volonté de réduire les consommations d'eau et les consommations énergétiques. Pour y parvenir, nous souhaitons notamment passer sur un process sans vapeur, là où l'unité actuelle utilise exclusivement de la vapeur. Nous chercherons également à récupérer toutes les calories possibles, à partir de nos effluents et rejets. Le futur bâtiment sera aussi raccordé à une chaudière biomasse, ce qui permettra de faire également des économies d’énergies lors du chauffage des locaux. Ce sont autant d’exigences inscrites dans le cahier des charges du projet, et le groupement qui sera sélectionné devra ici répondre à des objectifs précis.
Qu’en est-il du procédé ? Lequel avez-vous retenu ?
Il existe actuellement deux modes, le procédé classique avec un séchage dans des calandres, et le procédé dit « tout séché » qui permet de se passer de cette étape. Nous avons, pour notre part, opté pour une approche hybride : nous conserverons les calandres pour les draps mais les supprimerons pour le petit plat, pour passer sur du linge séché plié. Un process automatisé est donc prévu ici, avec l’acquisition de robots d'engagement.
Et du côté des ressources humaines ? Ce projet aura-t-il un impact sur les effectifs de la blanchisserie ?
Il y aura certainement des changements, sur lesquels nous n’avons toutefois pas encore travaillé de manière précise. Néanmoins, une attention toute particulière sera portée à l’amélioration des conditions de travail, avec notamment moins de déplacements, une lumière plus naturelle, un environnement thermique mieux maîtrisé… Sur ce dernier point, nous n’avons pas opté pour la climatisation, privilégiant plutôt des actions passives sur le bâtiment – par exemple en recherchant un juste équilibre entre des fenêtres en nombre suffisant pour garantir un éclairage en lumière naturelle, tout en limitant l’effet calorifique des baies vitrées.
Avez-vous prévu des actions spécifiques pour prévenir les troubles musculo-squelettiques (TMS) ?
Nous nous sommes bien évidemment penchés sur ce sujet. La médecine du travail du CHU et plusieurs préventeurs en sécurité, dont des ergonomes, sont associés au projet et apportent leur expertise pour évaluer les propositions des équipementiers. Plusieurs projets sont ainsi déjà actés. Le nouveau bâtiment sera par exemple équipé d’aides à la manutention, avec un retourneur au niveau du linge sale pour limiter sa manipulation, des tapis de transport afin que les agents aient moins de charges à soupeser, un convoyeur aérien pour éviter les transferts manuels, des tapis de collecte centralisés en sortie de machine, ou encore des démêleurs en amont des postes de travail pour faciliter cette étape… Mais il n’y a pas que les investissements mécaniques qui peuvent réduire le risque de TMS. Nous essayons aussi de travailler sur la typologie des textiles afin de limiter certaines manipulations, avec par exemple la suppression des tuniques à boutons pression au profit de tuniques à col V. Les agents ne seront ainsi plus obligés de reboutonner les vêtements pour les engager sur les cintres, ce qui contribuera à la prévention des TMS tout en réduisant le temps nécessaire à l’opération.
Le mot de la fin ?
S’il comporte plusieurs volets sur les champs du développement durable, de l’automatisation ou encore de la lutte contre les TMS, ce projet vise avant tout à fournir une prestation de qualité aux utilisateurs. La blanchisserie doit être un service support performant, qui a aussi un rôle à jouer pour libérer les soignants des tâches logistiques. Il est donc pour nous important de placer l’humain au cœur de nos préoccupations, pour essayer d’améliorer la qualité de vie au travail de tous les acteurs de l’hôpital, qu’ils exercent ou non auprès des patients.
Ludovic Denais
Diplômé de l’Institut national des sciences appliquées (INSA) de Strasbourg, Ludovic Denais a découvert le secteur de la blanchisserie hospitalière « un peu par hasard, comme beaucoup de personnes qui y travaillent ». « En tant que néophyte, on n’imagine pas ce qui se passe après l'utilisation du linge », constate le responsable, tout en soulignant l’aspect « pluri-technologique » de ce secteur d’activité. Aujourd’hui responsable Blanchisserie au CHU de Bordeaux, Ludovic Denais est aussi membre de l’Union des responsables de blanchisserie hospitalière (URBH). Élu au sein du Conseil d’administration national, il est chargé de l’animation des Journées d’études de l’URBH ainsi que de la coordination des instances régionales. Il est d’ailleurs également responsable du Comité régional Aquitaine Midi-Pyrénées des blanchisseurs hospitaliers (CRAMPBH). « Cette échelle régionale est essentielle pour toucher un public plus large, allant des EHPAD aux CHU, et partager nos expériences », confie l’intéressé en insistant sur ce point : « les échanges de pratiques sont au centre de nos activités et visent à faire avancer la profession pour être les plus performants possibles ».
Diplômé de l’Institut national des sciences appliquées (INSA) de Strasbourg, Ludovic Denais a découvert le secteur de la blanchisserie hospitalière « un peu par hasard, comme beaucoup de personnes qui y travaillent ». « En tant que néophyte, on n’imagine pas ce qui se passe après l'utilisation du linge », constate le responsable, tout en soulignant l’aspect « pluri-technologique » de ce secteur d’activité. Aujourd’hui responsable Blanchisserie au CHU de Bordeaux, Ludovic Denais est aussi membre de l’Union des responsables de blanchisserie hospitalière (URBH). Élu au sein du Conseil d’administration national, il est chargé de l’animation des Journées d’études de l’URBH ainsi que de la coordination des instances régionales. Il est d’ailleurs également responsable du Comité régional Aquitaine Midi-Pyrénées des blanchisseurs hospitaliers (CRAMPBH). « Cette échelle régionale est essentielle pour toucher un public plus large, allant des EHPAD aux CHU, et partager nos expériences », confie l’intéressé en insistant sur ce point : « les échanges de pratiques sont au centre de nos activités et visent à faire avancer la profession pour être les plus performants possibles ».
> Article paru dans Hospitalia #66, édition de septembre 2024, à lire ici