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Le magazine de l'innovation hospitalière
Hygiène

Quand l’escape game vient aux soignants


Rédigé par Aurélie Pasquelin le Mercredi 24 Janvier 2024 à 09:59 | Lu 1597 fois


Pour sensibiliser les professionnels de santé à la vaccination et la prévention de la grippe saisonnière, l’Unité de prévention des infections associées aux soins (UPIAS) du Centre Hospitalier du Bassin de Thau, à Sète, a retenu un format innovant, proposant en 2022 un escape game dit « de poche » car déplaçable en fonction des besoins. En trois semaines, l’équipe d’hygiène hospitalière a ainsi pu sensibiliser les 22 services de l’établissement.



crédit photo : CH du Bassin de Thau
crédit photo : CH du Bassin de Thau
Chaque automne, la campagne de prévention et de vaccination contre la grippe mobilise de nombreuses spécialités au sein des établissements de santé. Pharmacie, médecine du travail, direction des soins… la lutte contre cette maladie saisonnière impose un effort collectif. Et l’hygiène hospitalière n’est pas en reste, puisque la maîtrise des infections croisées représente l’une de ses principales missions. « La promotion des mesures de prévention, dont la vaccination, est au cœur de notre action », confie le Dr Hanane Abdoush, praticien hygiéniste responsable de l’Unité de prévention des infections associées aux soins (UPIAS) du Centre Hospitalier du Bassin de Thau. Partie prenante, depuis déjà plusieurs années, du comité de pilotage lié au risque Grippe, l’UPIAS a décidé en 2022 d’étoffer son action, optant pour la création d’un escape game dédié à la vaccination et la prise en charge des patients infectés, mis en œuvre entre octobre et novembre de cette année.

« Nous souhaitions, au départ, réaliser un escape game “grandeur nature”, mais les contraintes de salles, et les difficultés pour libérer les professionnels de santé le temps d’une session d’une heure, nous ont conduits à imaginer l’escape game sous une autre forme », se souvient Élodie Merlo, cadre de santé hygiéniste en charge du projet. Pendant plusieurs semaines, du début de l’été jusqu’au milieu de l’automne, les équipes de l’UPIAS ont donc construit et réalisé un escape game mobile, pouvant être rangé dans une mallette. Un format dit « de poche », inspiré des escape games en boîte disponibles dans les magasins de jeux. Sa grande force ? Il n’est pas nécessaire de disposer d’une salle fixe, la mallette et le jeu pouvant être déplacés suivant les besoins. 

Cinq énigmes dans une mallette

« La mallette contient tout le nécessaire pour l’organisation d’une session, notamment des images de la chambre du patient infecté, ainsi qu’un livret proposant cinq énigmes et détaillant les différentes étapes à franchir pour terminer la partie », complète la cadre de santé. Installés dans la salle de pause ou dans l’une des salles de soins de leur service, les soignants, en équipes de trois à dix, étaient ainsi incités à relever toute une série de défis. « Nous avions, par exemple, imaginé une épreuve avec des jetons et une lampe à UV, qui permettait de trouver le code d’un cadenas. Était alors libérée une grille de définitions, pour découvrir un objet en lien avec la prévention et la vaccination de la grippe », détaille Élodie Merlo. Et pour que le jeu ne soit pas « figé », les membres de l’UPIAS invitaient les participants à également chercher des indices ailleurs, notamment dans la base de données de l'établissement. 

« La dernière étape du jeu, celui qui permettait d’arrêter le chronomètre, consistait à passer un appel à l’UPIAS », ajoute la cadre de santé, qui indique avoir alors observé « avec intérêt » les réactions des équipes soignantes. « Cela était particulièrement instructif, car il leur fallait, d’une part, savoir ce qu’était l’UPIAS, et d’autre part connaître le numéro à composer pour nous joindre ou, du moins, le rechercher sur l'intranet ou via le standard », souligne l’hygiéniste. Son constat ? « Beaucoup de soignants connaissaient notre équipe, mais pas forcément son numéro de téléphone ». La dénomination utilisée au sein des Hôpitaux du Bassin de Thau n’était par ailleurs pas toujours assimilée. « L’appellation d’UPIAS n’est pas forcément connue en tant que telle, note Hanane Abdoush. Alors que la modification a eu lieu il y a maintenant cinq ans, nombreux sont ceux qui nous appellent encore “équipe opérationnelle d’hygiène” »

crédit photo : CH du Bassin de Thau
crédit photo : CH du Bassin de Thau

Des retours positifs…

Pour chacune des 22 équipes ayant pu participer au jeu, tous ces termes, ainsi que les différentes notions abordées au cours d’une session, étaient ensuite revus durant un temps d’échange de cinq à dix minutes. « Ce débriefing est nécessaire pour bien fixer le message, et surtout rappeler aux soignants qu’ils connaissent les bonnes pratiques, et savent où chercher l’information en cas de doute », insiste Élodie Merlo. Quant aux freins rencontrés pour la mise en œuvre de cette expérience, ils tiennent en peu de mots : « le manque de moyens et de temps limite clairement l’organisation de ce type de jeux pédagogiques »

Les équipes de l’UPIAS ont toutefois aussi fait face à un frein culturel, quelques soignants ayant fait part de leur réticence à « jouer au lieu de travailler », raconte-t-elle. « Pour certains professionnels de santé, ce type d’outils innovants n’est pas forcément perçu comme du travail, ou comme un support de formation légitime. Ils n’imaginent pas le niveau d’engagement demandé, et peuvent avoir du mal à s’y impliquer », complète la cadre de santé qui a néanmoins fréquemment noté un changement d’attitude une fois la partie terminée. « La majorité des soignants ont demandé à “recommencer” ce type d’initiatives, car ils avaient “aimé et appris” », se félicite-t-elle.

… et une meilleure connaissance de l’UPIAS

« Les retours ont été très positifs, avec des soignants très réceptifs à la démarche et qui en ont cerné les enjeux », résume le Dr Hanane Abdoush, qui regrette tout de même une stagnation relative du taux de vaccination contre la grippe saisonnière. « Mais cela peut être mis en lien avec l’obligation de vaccination contre le Covid-19, qui à l’époque avait été très mal perçue et a donc laissé des traces auprès de certains soignants », complète le médecin hygiéniste. « L’escape game de poche n’en a pas moins eu un impact positif, d’ailleurs particulièrement marqué en ce qui concerne l'acceptation de nouveaux outils de formation », abonde Élodie Merlo en soulignant les perspectives prometteuses de cette appropriation pour continuer de développer le concept de jeu pédagogique. 

Et, bien que l’UPIAS du CH du Bassin de Thau n’envisage pas, pour l’instant, de proposer un nouvel escape game, l’équipe a à cœur d’organiser chaque année un événement « marquant ». Au cours de l’été 2023, les soignants ont ainsi été invités à remplir un cahier de vacances sur le thème des précautions standards. Mots croisés, rébus, mots mêlés… tous les codes de ces cahiers bien connus du grand public étaient repris dans un livret de 20 pages, aussi bien distribué aux soignants de l’établissement ainsi qu’aux étudiants de l’Institut de formation en soins infirmiers (IFSI) et de l’Institut de formation des aides-soignants (IFAS). 

« Cet outil a également reçu de bons retours. Certains professionnels nous ont même envoyé des photos d’eux en train de remplir le cahier à la plage », sourit Élodie Merlo, qui a d’ailleurs constaté que la mise en œuvre de ces démarches différenciantes « amène une augmentation du nombre d’appels quotidiens à l’unité ». Et le Dr Hanane Abdoush de conclure : « Si la crise s’est traduite par une meilleure connaissance et reconnaissance des métiers de l’hygiène hospitalière, ce type d’animations innovantes, conjuguées à nos nombreux déplacements au sein des services de soins, permettent à l’UPIAS d’être mieux connue, et donc aux soignants de nous solliciter de manière plus immédiate ».

> Article paru dans Hospitalia #63, édition de décembre 2023, à lire ici
 






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