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Biologie

La biologie médicale à un tournant de son histoire


Rédigé par Joëlle Hayek le Mercredi 28 Septembre 2022 à 09:51 | Lu 2472 fois


Portées par les nombreuses avancées technologiques de ces deux dernières décennies, la biologie médicale occupe une place de plus en plus structurante dans le processus de soins, ainsi que l’a d’ailleurs montré la crise Covid. Mais cette spécialité est aujourd’hui à un tournant de son histoire, comme nous l’expliquent les Docteurs Carole Poupon, présidente du Syndicat national des biologistes des hôpitaux (SNBH), et Jérôme Grosjean, président du conseil scientifique des 5èmes Journées Francophones de Biologie Médicale (JFBM), qui se tiendront du 5 au 7 octobre au Palais des Congrès de Saint-Étienne.



Le Dr Carole Poupon, présidente du SNBH. ©DR
Le Dr Carole Poupon, présidente du SNBH. ©DR
Quelles ont été les principales innovations en biologie médicale ces quinze dernières années ?

Dr Carole Poupon : J’évoquerai principalement la biologie délocalisée et la biologie moléculaire, dont le développement s’est encore accéléré avec la crise Covid. Nous l’avons notamment vu avec les tests PCR qui, outre le rôle majeur joué dans la détection du SARS-CoV-2, ont chaque jour de nouvelles applications, par exemple en oncologie ou en infectiologie. Tout porte à croire qu’ils devraient progressivement remplacer les sérologies.

Dr Jérôme Grosjean : Les avancées actuelles en matière de biologie moléculaire sont à mettre en regard avec les progrès exponentiels du séquençage à haut débit, mais aussi de la miniaturisation. Il y a quinze ans, trois mois étaient nécessaires pour séquencer le génome d’une brebis. Aujourd’hui, quelques heures suffisent pour le séquençage d’un génome humain. Cette accélération notable, conjuguée à la miniaturisation que je viens d’évoquer, favorise l’utilisation de la biologie moléculaire à plus large échelle. Cette technique auparavant essentiellement réservée à quelques centres très spécialisés, équipe désormais de plus en plus d’hôpitaux partout en France. Bien sûr, notre spécialité a également connu d’autres évolutions, par exemple sur le champ des biomarqueurs. Mais celles-ci restent à la marge, car elles ont un impact organisationnel moindre.

Justement, quels sont les changements apportés par le développement de la biologie moléculaire ?

Dr Jérôme Grosjean : Cette technique place les biologistes médicaux au cœur du processus décisionnel, car elle apporte une réponse immédiate participant à l’aide à la décision. La biologie devient interventionnelle, là où elle était auparavant uniquement à visée diagnostique, et impose à ce titre des évolutions organisationnelles. Mais le développement de la biologie moléculaire a également un impact sur le coût de la santé. Il me semble difficilement envisageable de proposer à tous les patients un test PCR facturé plusieurs centaines d’euros. Une réflexion poussée autour de la pertinence des actes est devenue plus que jamais nécessaire. Ce sera d’ailleurs là le nouveau rôle du biologiste, dès lors qu’il s’agira d’avoir recours à un examen faisant appel à la biologie moléculaire : plutôt que d’effectuer l’analyse en tant que telle, il évaluera plutôt la pertinence de la prescription et des actes demandés, en fonction des autres données cliniques du patient.

Dr Carole Poupon : Il me semble important d’évoquer ici les évolutions numériques, qui permettent d’impulser et de nourrir cette modification de notre rôle. C’est par exemple le cas de la e-prescription, déjà très présente au sein des établissements de santé et qui se diffuse désormais auprès des professionnels de ville. Elle rendra ici de nombreux services, en particulier pour échanger des expertises. Les biologistes eux-mêmes en sont demandeurs. Cela fait d’ailleurs longtemps qu’ils sont moteurs sur les projets numériques, une dynamique que l’on retrouve rarement dans d’autres spécialités médicales – sauf peut-être en radiologie.
 

Le Dr Jérôme Grosjean, président du conseil scienti que des JFBM. ©DR
Le Dr Jérôme Grosjean, président du conseil scienti que des JFBM. ©DR
Toutes ces évolutions seront au cœur des 5èmes JFBM. Pourriez-vous nous en parler ?

Dr Jérôme Grosjean : Cette édition 2022 sera notre premier congrès post-Covid. Nous n’y évoquerons pas la pandémie, ou du moins nous en parlerons sans en parler, en faisant le lien entre le monde d’avant et celui d’après. La période actuelle est une période de changements, les difficultés exacerbées par la crise Covid ont des conséquences sur le monde hospitalier dans son ensemble, y compris la biologie médicale. Notre spécialité a désormais elle aussi des difficultés de recrutements, alors que nous étions jusque-là relativement préservés. De plus en plus de postes restent vacants à l’hôpital, cela est assez inédit. Sur un autre registre, la crise Covid a mis la biologie sur le devant de la scène. Les notions de tests PCR, de tests antigéniques, sont aujourd’hui connues de tous, imposant la biologie délocalisée comme un acte technique aidant à la prise de décision. Mais nous voyons également arriver de plus en plus d’autotests. La situation est donc quelque peu paradoxale : d’une part, comme je le soulignais précédemment, la biologie n’a jamais été aussi présente dans le processus décisionnel, et de l’autre, elle n’a jamais été aussi éloignée des biologistes. Quelle tendance prendra le pas sur l’autre ? Cet enjeu, les biologistes médicaux doivent s’en saisir dès à présent.

Comment vous positionnez-vous ici ?
Dr Carole Poupon : Les autotests disponibles en pharmacie ont leur utilité, nous ne le nions pas. Mais ils doivent rester sous la responsabilité des biologistes médicaux. Nous le voyons avec les tests Covid antigéniques, qui ne sont pas toujours réalisés dans des conditions suffisamment optimales pour obtenir des résultats fiables. Les biologistes médicaux ont ici l’expertise nécessaire, et doivent la conserver. La problématique est moindre à l’hôpital, car nous y travaillons en lien étroit avec les médecins et les patients. Mais ce triptyque biologiste-prescripteur-patient est moins évident en ville, c’est donc un point de vigilance qui nous mobilise, en partenariat avec Les Biologistes Médicaux, l’ex-Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux.

Pourriez-vous, pour finir, évoquer quelques temps forts des prochaines JFBM ?

Dr Jérôme Grosjean : Je citerai notamment les trois sessions plénières, qui exploreront justement les différentes facettes de la biologie post-Covid. Sera-t-elle réalisée avec ou sans les biologistes médicaux ? Dans des usines ou au lit des malades ? Et quelle serait alors la place des laboratoires de biologie hospitalière de proximité ? Ces thématiques seront abordées sous différents angles, politique, scientifique et technique, avec une ouverture à d’autres pays européens pour découvrir ce qui se fait ailleurs.

Dr Carole Poupon : Les ateliers seront pour leur part à la fois généralistes et très spécialisés. Pour la partie généraliste, je mettrai notamment l’accent sur la session « pour les nuls », afin que chacun puisse se former ou réactualiser ses connaissances sur des domaines en dehors de sa spécialité, ce qui est notamment utile dans le cadre de la biologie polyvalente pratiquée lors des gardes. La partie spécialisée, elle, est organisée en partenariat avec nos partenaires scientifiques, syndicats, sociétés savantes et collèges nationaux. Sans oublier l’association des Biologistes Sans Frontières, dont l’ancien président et actuel parasitologue au CHU de Saint-Étienne, le Pr Pierre Flori, abordera notamment la question des autotests de biologie délocalisée réalisés en Afrique. Nous vous y attendons nombreux !

- Informations, Inscriptions et Programme : www.jfbm.fr

Article publié dans l'édition de septembre 2022 d'Hospitalia à lire ici.
 

5èmes JFBM : les thématiques d’un coup d’œil

• Sessions plénières : (1) Une biologie sans biologistes médicaux ? (2) Quelle biologie médicale pour les laboratoires de demain ? Au lit des patients ou dans des usines ? (3) La biologie médicale face à la nouvelle règlementation européenne IVD : concilier innovation responsable et sécurité des patients.
• Ateliers Biochimie : (1) Anomalies cytologiques et diagnostic biochimique des maladies de surcharges lysosomiales (2) Marqueurs de remodelage osseux (3) Interprétation des gaz du sang (4) IA d’interprétation automatisée des électrophorèses des protéines sériques (5) Rôle du biologiste médical dans le diagnostic des dyslipidémies : du phénotype au génotype (6) Amylose
• Ateliers Microbiologie : (1) Actualités épidémiologiques et diagnostiques de la toxoplasmose (2) Antibiogrammes difficiles : pièges et actualités (3) Retour d’expérience de l’utilisation de la PCR multiplex dans les infections gastro-intestinales (4) Actualités des infections pulmonaires par techniques de PCR multiplex (5) Dépistage HPV et cancer du col de l’utérus : nouvelles recommandations
• Ateliers Hématologie : (1) Gestion de la CCMH au laboratoire : résultat de l’enquête nationale et recommandations du GHFC (2) L’ABC de l’hémostase (3) Rationalisation de la prescription biologique devant une hyperéosinophilie (4) Bilan de thromboses ou TIH (5) Prophylaxie fœto-maternelle Rhésus (6) La génération de thrombine : où en sommes-nous ?
• Ateliers : (1) Neuro-filament light (2) Évolution des POC en Afrique (3) La biologie médicale en Suisse : un modèle à suivre ? (4) Plan France Médecine Génomique 2025 (5) Hyperplasies congénitales des surrénales par déficit en 21 hydroxylase (6) Enquête nationale sur les délais de rendu des résultats de troponine aux urgences : premiers retours, premières analyse (7) Mon Espace Santé
 






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