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Pharmacie

« Il nous faut porter un message commun car d'autres avancent leurs pions »


Rédigé par Joëlle Hayek le Lundi 2 Octobre 2023 à 11:39 | Lu 1249 fois


C’est un sujet qui agite les pharmaciens hospitaliers depuis déjà plusieurs mois. Pour pallier les difficultés de recrutement et de remplacement dans les pharmacies à usage intérieur, le Conseil national de l’ordre des pharmaciens a proposé une évolution des conditions d’exercice en PUI. Une initiative jugée « pragmatique » par le Docteur Florence Compagnon, présidente du Syndicat national des pharmaciens gérants et hospitaliers publics et privés (SNPGH), dont nombre d’adhérents sont en exercice isolé et, de ce fait, directement concernés par ces difficultés.



Cela fait déjà plusieurs années que les pharmaciens hospitaliers en exercice isolé alertent sur leurs difficultés à trouver des remplaçants…

Dr Florence Compagnon : Cet enjeu est loin d’être anecdotique puisque, sur les 2 274 pharmacies à usage intérieur (PUI) recensées en octobre 2021 par le Conseil national de l’ordre des pharmaciens (CNOP), 1 041 d’entre elles – soit 45 % – sont gérées par un pharmacien en exercice isolé. La consultation en ligne réalisée par la section H du Conseil de l’ordre auprès de pharmaciens gérants exerçant dans des PUI est à ce titre riche d’enseignements. Ainsi, bien que tous les répondants aient attesté de difficultés à trouver des remplaçants, les pharmaciens gérants concernés par l’exercice isolé sont ici en première ligne, en particulier dans les établissements de santé privés où sont localisées 739, donc 71 %, de ces PUI. Pas moins de 94 % de nos confrères concernés par l’exercice isolé en clinique avaient ainsi indiqué chercher des remplaçants sur leur propre poste, estimant, pour 96 % d’entre eux, que les difficultés s’étaient accentuées au cours des cinq dernières années. Sans surprise, la localisation de la PUI semble représenter un facteur aggravant : 89 % de ceux qui exercent dans des communes rurales ont fait part d’une intensification de leurs difficultés. Celles-ci sont loin d’être résolues à ce jour, avec des conséquences bien réelles en termes de pénibilité et d’épuisement professionnel…

Comment y remédier ?

Dès septembre 2022, le conseil central de la section H de l’Ordre des pharmaciens – présidé par le Dr Patrick Rambourg – a réfléchi à des pistes d’évolution des conditions d’exercice en PUI, pour justement tenir compte des difficultés constatées sur le terrain. En mai dernier, le CNOP a ainsi proposé un certain nombre d’assouplissements règlementaires, dont la mise en œuvre d’une dérogation qui autoriserait notamment les pharmaciens d’officine à effectuer des remplacements en PUI dans une limite de temps déterminée – quatre mois cumulés par an –, sous réserve que la pharmacie en question ne comporte aucune activité à risque nécessitant une autorisation. Naturellement, ces remplacements ponctuels n’ouvriraient pas la faculté d’acquérir la condition d’exercice en PUI, pour laquelle l’obtention du DES, le diplôme d’études spécialisé en pharmacie hospitalière, demeure nécessaire. Mais certains, dans la profession, n’y semblent pas favorables, craignant un « pied dans la porte » qui viendrait affaiblir le DES. Il faut dire que nous nous sommes tous battus pour cette reconnaissance de notre spécialité, et que nous y tenons grandement.

Quelle est ici la position du SNPGH ?

Nous serions favorables aux assouplissements proposés par le CNOP, en particulier s’il s’agissait d’une solution applicable durant une durée limitée, le temps de résorber la situation actuelle. Nous portons à cet égard une vision pragmatique : si nous ne trouvions pas de solution acceptable pour faire face aux difficultés des recrutements et des remplacements, les autorités de tutelle pourraient nous imposer leur propre solution. Nous perdrions alors toute maîtrise de la situation, en particulier en ce qui concerne justement l’obligation du DES. 

Qu’entendez-vous par là ?

La mise en œuvre de ce diplôme est le seul levier qui a permis – et permettra dans l’avenir – d’obtenir une égalité salariale entre les pharmaciens des établissements de santé privés et ceux des hôpitaux publics, alors même qu’ils ont les mêmes diplômes et les mêmes responsabilités. Le SNPGH a d’ailleurs fortement soutenu cette initiative, dont la mise en place effective est désormais annoncée par les fédérations hospitalières, sous réserve d’obtention d’aides financières. Nous refusons donc tout assouplissement du DES et la création d’un clivage entre les différentes catégories de pharmaciens, avec ou sans activités à risque. Cela dit, si nous ne trouvons pas de solution à la crise actuelle, il est à craindre que des PUI ne ferment ou ne doivent se regrouper, ce qui ne sera pas sans conséquence sur la qualité de nos prestations, car les pharmaciens perdront ainsi leur proximité avec les patients et les équipes hospitalières.

Cette problématique des remplacements ne peut-elle pas être adressée à travers le vivier des internes ?

C’est effectivement une solution évoquée par l’ensemble des syndicats des pharmaciens hospitaliers, et qui a d’ailleurs la faveur des internes eux-mêmes. Mais elle ne peut, à elle seule, pallier les difficultés actuelles. Rares sont en effet les internes à postuler pour des postes en exercice isolé, a fortiori dans les communes rurales. Rares sont aussi ceux à connaître le fonctionnement d’un établissement de santé privé, alors même que les besoins y sont les plus prégnants. Sans oublier les réticences de certains CHU à accorder à leurs internes des congés pour remplacements… Cela dit, l’augmentation récente du numerus clausus, avec 63 nouveaux postes ouverts au concours national d’internat pour l’année universitaire 2023-2024, est un pas dans la bonne direction, mais ses effets ne se feront ressentir que dans quelques années. Il faudrait également développer les agréments pour l’accueil des internes au sein des cliniques privées, pour qu’ils puissent se familiariser avec ces établissements. Or nous constatons la tendance inverse : nombre de demandes d’agréments sont aujourd’hui refusées, en particulier dans les cliniques qui accueillaient jusqu’à présent des internes.

La situation semble donc inextricable… 

Aucune solution ne résoudra la crise à elle seule, plusieurs propositions devront être combinées pour répondre aux difficultés actuelles. Mais il nous faut porter un message commun car d’autres avancent leurs pions. Une ARS a par exemple récemment autorisé une clinique privée à faire appel, par dérogation, à un pharmacien remplaçant non titulaire du DES, en dehors du cadre évoqué par le CNOP. Le « pied dans la porte » que nous craignions est en train de se réaliser sous nos yeux. Aujourd’hui plus que jamais, la défense du DES et, plus globalement, de l’exercice hospitalier, nous impose de sortir du dogmatisme pour chercher des solutions réalistes et immédiatement applicables. Des assouplissements imaginés et maîtrisés par les pharmaciens hospitaliers seront toujours préférables à des dérogations imposées par des tiers.

> Article publié dans l'édition de septembre d'Hospitalia à lire ici.

> Plus d'informations sur le site du SNPGH.

 






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