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Hygiène

SPIADI, une mission pour prévenir les infections associées aux dispositifs invasifs


Rédigé par Aurélie Pasquelin le Jeudi 16 Juin 2022 à 12:09 | Lu 838 fois


Intégrée à la stratégie nationale de prévention des infections et de l’antibiorésistance, la mission SPIADI concentre son activité sur les dispositifs invasifs, dont les cathéters et les outils d’assistance respiratoire. Ses actions, qui s’articulent autour de volets – surveillance, observation et formation – visent à réduire le nombre d’infections graves, mais souvent évitables.



L’équipe du CPias Centre-Val de Loire. ©DR
L’équipe du CPias Centre-Val de Loire. ©DR
Rendu public en février 2022, le plan stratégique national 2022-2025 de prévention des infections et de l’antibiorésistance entend favoriser et renforcer la surveillance et la prévention de ces événements indésirables, et notamment les infections associées aux soins. Un axe dans lequel les cinq missions du RéPias (Réseau de Prévention des Infections associées aux Soins) occupent une place importante. Chacune coordonnée par un ou deux CPias (Centre d'appui pour la prévention des infections associées aux soins), ces missions nationales concentrent leurs actions de prévention et de surveillance sur des points spécifiques*.

Portée par le CPias Centre-Val de Loire, la mission SPIADI, pour « Surveillance et Prévention des Infections Associées aux Dispositifs Invasifs », travaille ainsi sur les dispositifs invasifs, et plus particulièrement sur les cathéters et les outils d’assistance respiratoires. « SPIADI aide à la mise en œuvre de la surveillance et de la prévention de pneumopathies acquises sous ventilation mécanique ou de bactériémies acquises sur cathéters. Même si ces infections sont rares, elles engendrent une surmortalité importante, des durées d’hospitalisations plus longues et sont souvent évitables », indique le Dr Nathalie Van der Mee-Marquet, responsable du CPias Centre-Val de Loire, basé au CHRU de Tours. « Afin de maximiser son impact, la mission SPIADI s’adresse en priorité aux services à risque : réanimations adultes, enfants et néonatales, services d’hématologie, d’oncologie et de dialyse », poursuit le praticien hygiéniste. Et pour mieux prévenir les infections associées aux dispositifs invasifs, les équipes de SPIADI ont divisé leurs travaux en trois grands volets : la surveillance, l’observation des pratiques et la formation.  

Une meilleure visibilité sur l’incidence nationale

Les établissements de santé sont ainsi incités à compter, au moins trois mois par an, leurs infections sur cathéters ainsi que leurs pneumopathies acquises sous ventilation mécanique (PAVM). « SPIADI récupère ces données, analyse les résultats et les restitue le plus rapidement possible aux établissements », résume Nathalie Van der Mee-Marquet. Chaque établissement peut alors comparer ses chiffres avec les données nationales, mais aussi avec les résultats d’établissements similaires. « Au niveau national, ces informations permettent d’établir un panorama de l’incidence des infections associées aux dispositifs médicaux en établissements de santé », complète la responsable.
 

« ReaExplAur », un outil d’observation dédié à la réanimation

Partant de ces données, les équipes SPIADI peuvent alors développer des stratégies pour améliorer la prévention des infections. D’autant que, pour compléter ces informations, SPIADI s’est doté d’un module d’observation des pratiques. « L’objectif est ici d’étudier les freins sur le terrain, pour notamment mettre en place des formations répondant aux problématiques réelles », indique le Dr Van der Mee-Marquet. Concrètement, dans les établissements partenaires, les hygiénistes locaux observent les manipulations effectuées par les soignants et renseignent leurs constats sur le serveur de SPIADI. Plusieurs outils ont ainsi vu le jour, dont « Observa4 » pour l’observation des pratiques concernant la préparation cutanée avant la pose d'un cathéter ou avant la manipulation d'un dispositif intravasculaire, ou encore « ReaExplAur ».

Dédié aux unités de réanimation, ce dernier fait office d’outil de pilotage et d’observation quant à la mise en place des mesures de prévention des infections sur cathéters. Mais ReaExplAur dispose aussi d’un second volet, portant sur l’étude des staphylocoques dorés isolés lors d’infections bactériennes. « En lien avec le Centre national de référence des staphylocoques, ReaExplAur analyse les particularités des bactéries prélevées : virulences, résistances, capacités à produire du biofilm… Nous réalisons une étude microbiologique pointue, qui vise à sensibiliser au maximum les cliniciens dans la lutte contre cette bactérie que l’on pourrait qualifier de “bête noire” », décrit la responsable du CPias Centre-Val de Loire. Trouver de nouvelles façons de sensibiliser les professionnels du soin à toutes ces problématiques est clairement l’un des objectifs de SPIADI.
 

Plusieurs outils de formation

La mission nationale comprend d’ailleurs tout un volet de formation, aux multiples déclinaisons. Chaque année, le CPias organise ainsi à Tours une journée nationale, complétée tous les 15 jours par une webconférence qui insiste sur un point précis. Les équipes de SPIADI interviennent également sur le terrain, pour notamment organiser des sessions de formation à destination des équipes d’hygiène hospitalière – qui elles-mêmes « transmettent ensuite l’information dans leur établissement », note Nathalie Van der Mee-Marquet. Des actions appuyées par un certain nombre d’outils pédagogiques, par exemple des fiches reprenant les recommandations nationales, mais aussi des ressources plus innovantes dans leur forme.

Les équipes de SPIADI ont ainsi développé deux kits comprenant un guide pratique, une affiche, un diaporama et une vidéo, autour de deux thématiques : la prévention des infections associées aux cathéters veineux périphériques courts et aux cathéters sous-cutanés ; et la bonne utilisation des valves bidirectionnelles. « Reprenant les recommandations d’hygiène, ces outils sont adaptés à des formations courtes, d’une dizaine de minutes, en autonomie ou en lien avec un professionnel de l’hygiène », explique l’hygiéniste qui constate ici « une adhésion forte à ce type de format, notamment auprès des plus jeunes ».
 

Deux années sur fond de Covid

Avec près de 900 établissements de santé participant à la mission SPIADI, dont 650 ayant des services identifiés comme prioritaires, l’adhésion est globalement forte et met en lumière l’enjeu, bien réel, que représente la prévention des infections associées aux dispositifs invasifs. « Malgré la crise sanitaire, deux tiers des services de réanimation français ont participé à SPIADI au cours de ces derniers mois », relève Nathalie Van der Mee-Marquet. En place depuis 2019, la mission SPIADI a vécu la majeure partie de son existence sur fond de crise Covid. Mais l’équipe, qui avait déjà récolté des données en 2019, dispose d’un référentiel « sans-Covid ». S’il est difficile, à cause de la crise sanitaire, d’évaluer l’impact réel des mesures et actions mises en place par SPIADI, ces données offrent un point de comparaison précieux entre deux situations très différentes.

Particulièrement touchés par la pandémie, les services de réanimation ont ainsi accueilli des patients plus nombreux et nécessitant une hospitalisation plus longue. Par rapport à 2019, les années 2020 et 2021 ont été marquées par l’augmentation des infections sur cathéter en réanimation, en particulier dans les « hôpitaux de première ligne » qui ont pris en charge les patients Covid graves. « L’exposition au risque était alors plus forte. Cette augmentation était donc attendue, mais elle ne s’accompagne pas, pour autant, d’une surmortalité sur ces infections », indique Nathalie Van der Mee-Marquet. Ces premières constatations, les hygiénistes les émettent grâce aux données recueillies dans le volet de surveillance de SPIADI. Pour aller plus loin, la mission commence également à constituer des cohortes pour les services de réanimation, et plus largement pour les établissements de santé. « On peut actuellement percevoir des tendances globales. L’instauration de cohortes offrira un maillage plus fin pour préciser nos analyses », explique la responsable qui compte sur cette année 2022 pour véritablement mettre en place ces cohortes.
 

L’hygiène des mains au cœur des actions 2022

En parallèle, les équipes de SPIADI engagent également cette année un travail important autour de la promotion de l’hygiène des mains, « axe majoritaire d’amélioration » pour la prévention des infections traitées par la mission nationale. « Plus d’une infection sur cathéter sur deux pourrait être évitée par une hygiène des mains adéquate », estime Nathalie Van der Mee-Marquet. Pour mieux porter ce message, SPIADI multiplie ainsi les actions, y compris à travers l’étude des staphylocoques via ReaExplAur. Elle a également lancé l’étude « CleanHand4 », qui s’intéresse plus particulièrement à l’hygiène des mains lors de la manipulation des valves bidirectionnelles.

Au sein de la centaine de services participant à CleanHand4, des hygiénistes locaux ont ainsi pu observer les pratiques de huit professionnels en train de poser un cathéter. Pour chacun, ils ont pu prélever un écouvillon des germes éventuellement présents, au bout des doigts ou des gants. Ces échantillons ont par la suite été analysés par les équipes de SPIADI, qui ont ainsi pu dessiner un premier portrait de la situation : « Pour l’instant, l’on constate que si plus de la moitié des échantillons ne comportent pas de micro-organismes, 15 % des cas environ possèdent un ou plusieurs pathogènes », indique Nathalie Van der Mee-Marquet. En cause : une hygiène des mains réalisée trop tôt, ou incomplète. « Pour rappel, dans ce cas, deux hygiènes des mains sont préconisées, et les gants stériles sont à mettre juste avant la pose du cathéter », insiste l’hygiéniste.

Mais l’étude CleanHand4 ne s’arrête pas à ces observations. Des formations seront en effet dispensées aux personnes dont l’hygiène des mains a été évaluée, à partir d’une boîte à outils fournie par SPIADI. « Deux mois après, nous reprendrons les observations pour évaluer l’impact de cette formation », résume la responsable en relevant ici une forte motivation de la part de ses confrères, qui peuvent parfois « se sentir désarmés » : « La question de l’hygiène des mains peut paraître facile, mais elle ne l’est manifestement pas. Pourtant, elle représente une mesure standard phare pour la prévention des infections associées aux soins, et se positionne à ce titre comme un enjeu majeur pour diminuer significativement leur prévalence », conclut la biologiste hygiéniste.

*Prévention et contrôle de l'infection en établissements médico-sociaux et en soin de ville (PRIMO), Surveillance et prévention de l’antibiorésistance en établissement de santé (SPARES), Surveillance et prévention du risque infectieux en chirurgie et médecine interventionnelle (SPICMI), Surveillance et prévention des infections associées aux dispositifs invasifs (SPIADI), Mission d’appui transversal à la prévention des infections associées aux soins (MATIS).

Article publié dans l'édition de mai 2022 d'Hospitalia à lire ici.

> Plus d’informations sur le site de la mission SPIADI.
 






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