Quelles ont été les principales évolutions en blanchisserie hospitalière ces quinze dernières années ?
Andy Nguyen : Je commencerai par évoquer la plus récente, qui fait directement suite à l’épidémie Covid. Sur le plan bactériologique, les process et organisations mis en œuvre ces deux dernières décennies ont clairement confirmé leur efficacité et leur pertinence. Cela a notamment été perceptible durant la première vague du printemps 2020, une période difficile durant laquelle nous avons démontré notre capacité à faire, et à faire bien, avec les méthodologies déjà en place, et en particulier la démarche RABC. Le principe de la marche en avant, les bonnes pratiques de gestion des tenues, de circulation, etc., ont sans conteste fait leurs preuves et même gagné leurs lettres de noblesse avec la pandémie. Mais, si nous sommes évidemment heureux de cette reconnaissance de nos actions et de notre engagement, notre secteur d’activité a connu d’autres évolutions notables ces dernières années, notamment en matière d’économie d’énergie et de maîtrise des rejets des substances dangereuses dans l’eau (RSDE).
L’URBH, et plus généralement les responsables de blanchisseries hospitalières, se sont d’ailleurs saisis de ces problématiques depuis déjà plusieurs années.
Il nous est en effet difficile de faire l’impasse sur les enjeux environnementaux, eu égard à notre activité. Au-delà des points déjà évoqués, qui ont concentré l’essentiel des attentions ces dernières années, nous cherchons de manière générale à réduire notre impact carbone. Plusieurs initiatives notables ont été mises en œuvre en ce sens, pour moderniser les infrastructures, revoir les modalités de production de la chaleur, repenser les approvisionnements et acheter de manière plus responsable, ou encore mieux valoriser les textiles usagés au sein de filières adaptées.
D’autres grandes tendances ayant marqué votre secteur ?
Je citerai notamment la création des groupements, groupement de coopération sanitaire (GCS), groupement d’intérêt public (GIP), groupement d’intérêt économique (GIE), et donc la concentration des moyens de production sur des unités plus grosses, ce qui n’a pas été sans impact sur notre profession – mise en place de processus de gestion plus intensifs, d’horaires d’exploitation élargis, etc. Mais les résultats ont été au rendez-vous, et les blanchisseries hospitalières industrielles ont prouvé qu’elles tenaient bien la route. Pour preuve, de nombreuses prestations qui avaient dans le passé été externalisées vers des structures privées ont été réinternalisées vers le secteur public. Il faut dire que contrairement à nos confrères du privé, nous faisons partie intégrante du service public hospitalier et partageons ses valeurs. Au-delà des exigences sur le plan de la qualité, nous avons une obligation de service et faisons tout pour nous y tenir, car c’est un engagement que nous devons à nos adhérents et aux usagers. Les agents des blanchisseries hospitalières sont très investis dans leur métier, car ils savent qu’eux aussi œuvrent pour le bien-être des patients.
Une autre évolution les concerne d’ailleurs directement : la pénibilité de leur métier est de mieux en mieux prise en compte.
Les réflexions autour de la prévention des troubles musculo-squelettiques (TMS) ne datent pas d’hier ! En avril 2000, à ma première prise de poste à la blanchisserie du CHU de Montpellier, on commençait déjà à faire attention à l’impact des équipements sur les conditions de travail. C’est l’époque des premières engageuses à hauteur variable, qui ont progressivement remplacé les modèles historiques. Aujourd’hui, la qualité de vie au travail, la prévention des TMS, bénéficient de technologies initialement mises en œuvre dans d’autres secteurs. Je pense notamment ici aux exosquelettes, d’abord adoptés par le GCS Blanchisserie Interhospitalière 77, implanté à Meaux, et qui équipent désormais de plus en plus de blanchisseries hospitalières.
Quel en est l’objectif ?
Cette technologie était, à l’origine, utilisée dans l’industrie aéronautique et automobile pour faciliter le port de charges lourdes. Elle a trouvé d’autres applications au sein des blanchisseries hospitalières, car le port de charge n’y est pas du même ordre : il tourne en effet chez nous autour de 10-15 kg, parfois 20 lorsque le sac de linge est bien rempli – ce qui représente d’ailleurs un dysfonctionnement en soi. Les exosquelettes n’en permettent pas moins d’alléger l’impact de ces charges sur les bras, en particulier lors des mouvements répétitifs. C’est d’ailleurs là que réside chez nous le principal enjeu en termes de TMS. Les exosquelettes sont donc également utilisés à des fins pédagogiques. En rigidifiant le dos, en empêchant les rotations du tronc et les pathologies vertébrales associées, ils contraignent l’opérateur à effectuer et donc acquérir les bons mouvements, pour éviter de se blesser.
Le développement du tout-séché s’inscrit également dans cette réflexion autour des conditions de travail…
Le tout-séché permet en effet de réduire la manipulation de linge humide, car tout le process est automatisé, depuis la réception du linge jusqu’à sa sortie du séchoir, ce qui se traduit par un port de charges moindre pour les opérateurs. Surtout, il permet de supprimer le tri au sale, lui-même source de pénibilité au travail. Le modèle tout-séché/tri au propre est à mon sens idéal, à la fois en termes de gains organisationnels que d’ergonomie des postes de travail. C’est d’ailleurs celui qui est aujourd’hui privilégié dans les unités neuves, où sa mise en œuvre est amenée à s’accélérer. Son succès impose néanmoins d’engager une réflexion collective avec les établissements desservis, car eux aussi doivent modifier leurs habitudes et par exemple adopter des textiles jersey.
Tous ces points que nous venons d’évoquer seront notamment abordés lors des prochaines Journées d’Études de l’URBH, qui se tiendront fin septembre à Dijon. Pourriez-vous nous en parler ?
L’édition 2022 accordera en effet une large place aux enjeux environnementaux et, plus globalement, au virage RSE, qui recouvre également les notions de qualité de vie au travail, d’accompagnement et d’inclusion des personnes en situation de handicap, etc. Il peut à la fois s’agir ici de personnes dont le handicap est survenu au cours de l’activité professionnelle, que de personnes exerçant en établissement ou service d’aide par le travail (ESAT) et souhaitant intégrer un milieu ordinaire. Nous devons faciliter leur apprentissage et leur insertion, et évoquerons notamment ce sujet, ainsi que quelques retours d’expériences, au cours des Journées d’Études 2022.
Sous quel angle aborderez-vous la QVT et la prévention des risques psychosociaux ?
Durant la période post-Covid, nous avions surtout réfléchi à la manière dont nous pourrions limiter l’impact de la pandémie sur nos organisations et nos équipes. Il nous faut désormais aller plus loin, car il s’agit d’une thématique importante en lien direct avec les évolutions sociales et sociétales. Ce n’est pas uniquement notre métier qui change. C’est, plus généralement, la relation de la société au travail qui se modifie, avec désormais une recherche de sens qui a été exacerbée par la crise sanitaire. Ce mouvement de fond impose une nouvelle approche managériale, afin que nos métiers restent attractifs.
Une autre thématique majeure aura trait au traitement des articles textiles pour l’entretien des sols. Que pourriez-vous nous en dire ?
Les bandeaux de sol occupent une place importante au sein des blanchisseries industrielles, car leur traitement doit être parfaitement maîtrisé afin d’éviter à la fois la pollution des effluents et les risques de contaminations croisées avec les autres articles traités. Ces produits à risque, qui nécessitent donc une vigilance particulière, feront l’objet de conférences et d’ateliers spécifiques. Par ailleurs, à la demande de plusieurs participants au congrès et membres actifs de notre association – en particulier le Docteur Philippe Carenco, médecin hygiéniste au CH de Hyères –, les Journées d’Études 2022 accueilleront une nouvelle association professionnelle dédiée au bionettoyage. Il s’agit là d’une fonction qui se professionnalise progressivement dans les établissements de santé, avec la création de nouvelles structures d’encadrement. Ce métier naissant a besoin d’échanger sur son expérience et ses bonnes pratiques, au sein d’une structure dédiée qui n’existe pas encore. En appuyant sa constitution, nous nous positionnons clairement en faveur des échanges interprofessionnels entre les hygiénistes, les professionnels du bionettoyage, ceux des blanchisseries hospitalières, et les fournisseurs. Tout le monde y gagnera.
Le mot de la fin ?
Les retrouvailles sur les journées d’Agen à l’automne 2021 et la richesse des échanges auxquels elles ont donné lieu me laissent penser que nous vivrons à nouveau de très belles journées de partage à Dijon. Au-delà de l’acquisition de nouvelles compétences – rappelons que nos Journées d’Études sont certifiées Qualiopi –, tout porte à croire que cette édition 2022 sera une fois de plus placée sous le signe du partage et de la convivialité, pour construire et asseoir son réseau professionnel avec les adhérents de l’URBH et ses partenaires techniques. Nous vous y attendons nombreux !
> Informations, Inscriptions et Programme sur www.urbh.net
Article publié dans l'édition de septembre 2022 d'Hospitalia à lire ici.
Andy Nguyen : Je commencerai par évoquer la plus récente, qui fait directement suite à l’épidémie Covid. Sur le plan bactériologique, les process et organisations mis en œuvre ces deux dernières décennies ont clairement confirmé leur efficacité et leur pertinence. Cela a notamment été perceptible durant la première vague du printemps 2020, une période difficile durant laquelle nous avons démontré notre capacité à faire, et à faire bien, avec les méthodologies déjà en place, et en particulier la démarche RABC. Le principe de la marche en avant, les bonnes pratiques de gestion des tenues, de circulation, etc., ont sans conteste fait leurs preuves et même gagné leurs lettres de noblesse avec la pandémie. Mais, si nous sommes évidemment heureux de cette reconnaissance de nos actions et de notre engagement, notre secteur d’activité a connu d’autres évolutions notables ces dernières années, notamment en matière d’économie d’énergie et de maîtrise des rejets des substances dangereuses dans l’eau (RSDE).
L’URBH, et plus généralement les responsables de blanchisseries hospitalières, se sont d’ailleurs saisis de ces problématiques depuis déjà plusieurs années.
Il nous est en effet difficile de faire l’impasse sur les enjeux environnementaux, eu égard à notre activité. Au-delà des points déjà évoqués, qui ont concentré l’essentiel des attentions ces dernières années, nous cherchons de manière générale à réduire notre impact carbone. Plusieurs initiatives notables ont été mises en œuvre en ce sens, pour moderniser les infrastructures, revoir les modalités de production de la chaleur, repenser les approvisionnements et acheter de manière plus responsable, ou encore mieux valoriser les textiles usagés au sein de filières adaptées.
D’autres grandes tendances ayant marqué votre secteur ?
Je citerai notamment la création des groupements, groupement de coopération sanitaire (GCS), groupement d’intérêt public (GIP), groupement d’intérêt économique (GIE), et donc la concentration des moyens de production sur des unités plus grosses, ce qui n’a pas été sans impact sur notre profession – mise en place de processus de gestion plus intensifs, d’horaires d’exploitation élargis, etc. Mais les résultats ont été au rendez-vous, et les blanchisseries hospitalières industrielles ont prouvé qu’elles tenaient bien la route. Pour preuve, de nombreuses prestations qui avaient dans le passé été externalisées vers des structures privées ont été réinternalisées vers le secteur public. Il faut dire que contrairement à nos confrères du privé, nous faisons partie intégrante du service public hospitalier et partageons ses valeurs. Au-delà des exigences sur le plan de la qualité, nous avons une obligation de service et faisons tout pour nous y tenir, car c’est un engagement que nous devons à nos adhérents et aux usagers. Les agents des blanchisseries hospitalières sont très investis dans leur métier, car ils savent qu’eux aussi œuvrent pour le bien-être des patients.
Une autre évolution les concerne d’ailleurs directement : la pénibilité de leur métier est de mieux en mieux prise en compte.
Les réflexions autour de la prévention des troubles musculo-squelettiques (TMS) ne datent pas d’hier ! En avril 2000, à ma première prise de poste à la blanchisserie du CHU de Montpellier, on commençait déjà à faire attention à l’impact des équipements sur les conditions de travail. C’est l’époque des premières engageuses à hauteur variable, qui ont progressivement remplacé les modèles historiques. Aujourd’hui, la qualité de vie au travail, la prévention des TMS, bénéficient de technologies initialement mises en œuvre dans d’autres secteurs. Je pense notamment ici aux exosquelettes, d’abord adoptés par le GCS Blanchisserie Interhospitalière 77, implanté à Meaux, et qui équipent désormais de plus en plus de blanchisseries hospitalières.
Quel en est l’objectif ?
Cette technologie était, à l’origine, utilisée dans l’industrie aéronautique et automobile pour faciliter le port de charges lourdes. Elle a trouvé d’autres applications au sein des blanchisseries hospitalières, car le port de charge n’y est pas du même ordre : il tourne en effet chez nous autour de 10-15 kg, parfois 20 lorsque le sac de linge est bien rempli – ce qui représente d’ailleurs un dysfonctionnement en soi. Les exosquelettes n’en permettent pas moins d’alléger l’impact de ces charges sur les bras, en particulier lors des mouvements répétitifs. C’est d’ailleurs là que réside chez nous le principal enjeu en termes de TMS. Les exosquelettes sont donc également utilisés à des fins pédagogiques. En rigidifiant le dos, en empêchant les rotations du tronc et les pathologies vertébrales associées, ils contraignent l’opérateur à effectuer et donc acquérir les bons mouvements, pour éviter de se blesser.
Le développement du tout-séché s’inscrit également dans cette réflexion autour des conditions de travail…
Le tout-séché permet en effet de réduire la manipulation de linge humide, car tout le process est automatisé, depuis la réception du linge jusqu’à sa sortie du séchoir, ce qui se traduit par un port de charges moindre pour les opérateurs. Surtout, il permet de supprimer le tri au sale, lui-même source de pénibilité au travail. Le modèle tout-séché/tri au propre est à mon sens idéal, à la fois en termes de gains organisationnels que d’ergonomie des postes de travail. C’est d’ailleurs celui qui est aujourd’hui privilégié dans les unités neuves, où sa mise en œuvre est amenée à s’accélérer. Son succès impose néanmoins d’engager une réflexion collective avec les établissements desservis, car eux aussi doivent modifier leurs habitudes et par exemple adopter des textiles jersey.
Tous ces points que nous venons d’évoquer seront notamment abordés lors des prochaines Journées d’Études de l’URBH, qui se tiendront fin septembre à Dijon. Pourriez-vous nous en parler ?
L’édition 2022 accordera en effet une large place aux enjeux environnementaux et, plus globalement, au virage RSE, qui recouvre également les notions de qualité de vie au travail, d’accompagnement et d’inclusion des personnes en situation de handicap, etc. Il peut à la fois s’agir ici de personnes dont le handicap est survenu au cours de l’activité professionnelle, que de personnes exerçant en établissement ou service d’aide par le travail (ESAT) et souhaitant intégrer un milieu ordinaire. Nous devons faciliter leur apprentissage et leur insertion, et évoquerons notamment ce sujet, ainsi que quelques retours d’expériences, au cours des Journées d’Études 2022.
Sous quel angle aborderez-vous la QVT et la prévention des risques psychosociaux ?
Durant la période post-Covid, nous avions surtout réfléchi à la manière dont nous pourrions limiter l’impact de la pandémie sur nos organisations et nos équipes. Il nous faut désormais aller plus loin, car il s’agit d’une thématique importante en lien direct avec les évolutions sociales et sociétales. Ce n’est pas uniquement notre métier qui change. C’est, plus généralement, la relation de la société au travail qui se modifie, avec désormais une recherche de sens qui a été exacerbée par la crise sanitaire. Ce mouvement de fond impose une nouvelle approche managériale, afin que nos métiers restent attractifs.
Une autre thématique majeure aura trait au traitement des articles textiles pour l’entretien des sols. Que pourriez-vous nous en dire ?
Les bandeaux de sol occupent une place importante au sein des blanchisseries industrielles, car leur traitement doit être parfaitement maîtrisé afin d’éviter à la fois la pollution des effluents et les risques de contaminations croisées avec les autres articles traités. Ces produits à risque, qui nécessitent donc une vigilance particulière, feront l’objet de conférences et d’ateliers spécifiques. Par ailleurs, à la demande de plusieurs participants au congrès et membres actifs de notre association – en particulier le Docteur Philippe Carenco, médecin hygiéniste au CH de Hyères –, les Journées d’Études 2022 accueilleront une nouvelle association professionnelle dédiée au bionettoyage. Il s’agit là d’une fonction qui se professionnalise progressivement dans les établissements de santé, avec la création de nouvelles structures d’encadrement. Ce métier naissant a besoin d’échanger sur son expérience et ses bonnes pratiques, au sein d’une structure dédiée qui n’existe pas encore. En appuyant sa constitution, nous nous positionnons clairement en faveur des échanges interprofessionnels entre les hygiénistes, les professionnels du bionettoyage, ceux des blanchisseries hospitalières, et les fournisseurs. Tout le monde y gagnera.
Le mot de la fin ?
Les retrouvailles sur les journées d’Agen à l’automne 2021 et la richesse des échanges auxquels elles ont donné lieu me laissent penser que nous vivrons à nouveau de très belles journées de partage à Dijon. Au-delà de l’acquisition de nouvelles compétences – rappelons que nos Journées d’Études sont certifiées Qualiopi –, tout porte à croire que cette édition 2022 sera une fois de plus placée sous le signe du partage et de la convivialité, pour construire et asseoir son réseau professionnel avec les adhérents de l’URBH et ses partenaires techniques. Nous vous y attendons nombreux !
> Informations, Inscriptions et Programme sur www.urbh.net
Article publié dans l'édition de septembre 2022 d'Hospitalia à lire ici.