Claire-Marie Virot, cadre de santé du service d’hygiène hospitalière au Centre Hospitalier Princesse Grace de Monaco
En novembre 2021, dans le cadre de la semaine de sécurité des patients, vous aviez proposé aux soignants un jeu autour des antiseptiques. Pourquoi cette thématique ?
Claire-Marie Virot : Peu de temps avant cette édition de la semaine de sécurité des patients, dont le thème était alors « Le risque infectieux : prévenir, protéger, gérer », nous avions introduit un nouvel antiseptique alcoolique et réalisé deux quicks audits, qui avaient révélé des écarts de pratique. Il nous avait donc semblé opportun de mettre cette semaine à profit pour travailler sur le bon usage des antiseptiques, et notamment sensibiliser les soignants au choix d’un antiseptique adapté en fonction du soin, à la vérification du flacon, l’identification du nombre de passages, la détersion… Ce réajustement des pratiques était nécessaire, mais nous avions souhaité l’inscrire dans un cadre ludique et original. Rapidement, nous avions opté pour le format du jeu et créé à cette occasion « Antiseptique Game : ferez-vous le bon choix ? ».
Comment aviez-vous préparé cette initiative ?
Le principe retenu était simple : les soignants sont confrontés à une situation donnée et doivent décrire les différents choix effectués en lien avec les antiseptiques. Nous avions, bien sûr, élaboré quelques règles, mais aussi créé deux plateaux de jeu et toute une série d’étiquettes représentant les différentes étapes du soin, comme la détersion, le rinçage à l'eau stérile, l'usage d’un antiseptique aqueux, d’un antiseptique alcoolique… Pour sensibiliser les soignants à la nécessité de vérifier les flacons, nous avions aussi récupéré dans les services des bouteilles entamées d'antiseptique, d'eau stérile et de savon, avec et sans date d'ouverture. Puis nous avions imaginé cinq situations de soins, deux concernant la pose de cathéters périphériques, deux pour la réfection de pansements et une relative aux prélèvements d'hémoculture.
Comment se déroulaient les séances ?
Durant la semaine de sécurité des patients, deux infirmières du service d’hygiène hospitalière et moi-même tenions un stand tous les jours, de 11h30 à 14h30, devant le self. Seuls ou en équipes, les soignants pouvaient ainsi faire une partie chronométrée : ils piochaient une situation de soins, nous lancions le chronomètre et ils devaient alors choisir sur le plateau de jeu les différents produits nécessaires à la situation et placer les étiquettes associées. Une grille d’évaluation préalablement établie nous permettait ensuite de comptabiliser les points, notamment en ce qui concerne le choix des produits, le contrôle de la date de péremption et la présence d'une date d'ouverture. Bien sûr, un temps d’échange était systématiquement prévu à l’issue de la partie. Les joueurs sont en outre tous repartis avec un document récapitulant l’ensemble des résultats attendus, et complété de rappels et de liens vers tous les protocoles en vigueur dans l'établissement. Sans oublier, en bonus, les petits porte-clés sur le thème de Squid Game, offerts par l’hôpital. Chaque jour, la meilleure équipe de la journée recevait également un lot mis à disposition par l’établissement.
Comment cette initiative a-t-elle été accueillie par les soignants ?
Cette nouvelle forme d’apprentissage, plus ludique, a clairement été plébiscitée par tous les participants. 111 professionnels ont joué le jeu, seuls ou en groupe, pour un total de 71 situations piochées. La majorité des participants, soit 55 %, étaient des infirmiers, mais nous avons aussi réussi à mobiliser des médecins (13,5 %), des étudiants en soins infirmiers (12 %) et des cadres de santé (11 %). Tous étaient très enthousiastes, et les échanges sur le sujet se sont poursuivis à l’intérieur des services de soins. Il y a même eu un effet d’entraînement au sein des unités, certaines « contre-équipes » venant jouer après avoir appris qu’une première équipe de leur service avait participé au jeu.
Quels ont été les principaux enseignements de cette expérience ?
Pour l’équipe d’hygiène hospitalière, elle a notamment mis en avant les dérives de pratique sur lesquelles nous devrons travailler : l’identification du bon moment pour faire une détersion, pour utiliser un savon doux ou un savon antiseptique, et la nécessité de mettre en œuvre des rappels réguliers sur les différences entre antiseptiques aqueux et alcooliques. Ces messages ont certes été passés lors du jeu, mais sans véritablement insister. Nous développons donc actuellement des formations spécifiques et sommes en train de revoir nos supports et outils pour accompagner ces petits changements. En collaboration avec le service pharmacie, il est également prévu que nous intervenions en binôme dans les différents services pour informer les équipes sur les antiseptiques et leurs usages. Nous sommes, en fin, en train de retravailler tous les tableaux des antiseptiques pour en modifier l'approche, et partir du geste et non du produit afin d’en favoriser la mémorisation.
Vous avez également décidé de décliner Antiseptique Game autour d’autres thématiques…
Devant le succès rencontré auprès des soignants, nous avons effectivement choisi d’appliquer ce jeu à d'autres sujets, par exemple, la réfection des pansements de Midline ou le choix des équipements de protection individuelle (EPI). Ces nouvelles versions, qui reprennent les principaux éléments d’Antiseptique Game, proposent une fois de plus différentes situations et étiquettes afin que les participants choisissent le matériel et les protocoles adaptés au soin. Elles sont certes moins éprouvées qu’« Antiseptique Game », mais connaissent néanmoins un certain succès et sont régulièrement utilisées. Nous sommes en tout cas convaincus des vertus de cette pédagogie ludique, qui permet de favoriser l’apprentissage et la sensibilisation sur des thématiques spécifiques. Pour aller plus loin, nous préparons une semaine dédiée aux précautions standard qui proposera chaque jour une ou plusieurs activités avec, dans l’idéal, l’organisation d’un Grand Quiz final pour évaluer son impact sur les connaissances et les pratiques des participants.
Article publié dans l'édition de décembre 2022 d'Hospitalia à lire ici.
Claire-Marie Virot : Peu de temps avant cette édition de la semaine de sécurité des patients, dont le thème était alors « Le risque infectieux : prévenir, protéger, gérer », nous avions introduit un nouvel antiseptique alcoolique et réalisé deux quicks audits, qui avaient révélé des écarts de pratique. Il nous avait donc semblé opportun de mettre cette semaine à profit pour travailler sur le bon usage des antiseptiques, et notamment sensibiliser les soignants au choix d’un antiseptique adapté en fonction du soin, à la vérification du flacon, l’identification du nombre de passages, la détersion… Ce réajustement des pratiques était nécessaire, mais nous avions souhaité l’inscrire dans un cadre ludique et original. Rapidement, nous avions opté pour le format du jeu et créé à cette occasion « Antiseptique Game : ferez-vous le bon choix ? ».
Comment aviez-vous préparé cette initiative ?
Le principe retenu était simple : les soignants sont confrontés à une situation donnée et doivent décrire les différents choix effectués en lien avec les antiseptiques. Nous avions, bien sûr, élaboré quelques règles, mais aussi créé deux plateaux de jeu et toute une série d’étiquettes représentant les différentes étapes du soin, comme la détersion, le rinçage à l'eau stérile, l'usage d’un antiseptique aqueux, d’un antiseptique alcoolique… Pour sensibiliser les soignants à la nécessité de vérifier les flacons, nous avions aussi récupéré dans les services des bouteilles entamées d'antiseptique, d'eau stérile et de savon, avec et sans date d'ouverture. Puis nous avions imaginé cinq situations de soins, deux concernant la pose de cathéters périphériques, deux pour la réfection de pansements et une relative aux prélèvements d'hémoculture.
Comment se déroulaient les séances ?
Durant la semaine de sécurité des patients, deux infirmières du service d’hygiène hospitalière et moi-même tenions un stand tous les jours, de 11h30 à 14h30, devant le self. Seuls ou en équipes, les soignants pouvaient ainsi faire une partie chronométrée : ils piochaient une situation de soins, nous lancions le chronomètre et ils devaient alors choisir sur le plateau de jeu les différents produits nécessaires à la situation et placer les étiquettes associées. Une grille d’évaluation préalablement établie nous permettait ensuite de comptabiliser les points, notamment en ce qui concerne le choix des produits, le contrôle de la date de péremption et la présence d'une date d'ouverture. Bien sûr, un temps d’échange était systématiquement prévu à l’issue de la partie. Les joueurs sont en outre tous repartis avec un document récapitulant l’ensemble des résultats attendus, et complété de rappels et de liens vers tous les protocoles en vigueur dans l'établissement. Sans oublier, en bonus, les petits porte-clés sur le thème de Squid Game, offerts par l’hôpital. Chaque jour, la meilleure équipe de la journée recevait également un lot mis à disposition par l’établissement.
Comment cette initiative a-t-elle été accueillie par les soignants ?
Cette nouvelle forme d’apprentissage, plus ludique, a clairement été plébiscitée par tous les participants. 111 professionnels ont joué le jeu, seuls ou en groupe, pour un total de 71 situations piochées. La majorité des participants, soit 55 %, étaient des infirmiers, mais nous avons aussi réussi à mobiliser des médecins (13,5 %), des étudiants en soins infirmiers (12 %) et des cadres de santé (11 %). Tous étaient très enthousiastes, et les échanges sur le sujet se sont poursuivis à l’intérieur des services de soins. Il y a même eu un effet d’entraînement au sein des unités, certaines « contre-équipes » venant jouer après avoir appris qu’une première équipe de leur service avait participé au jeu.
Quels ont été les principaux enseignements de cette expérience ?
Pour l’équipe d’hygiène hospitalière, elle a notamment mis en avant les dérives de pratique sur lesquelles nous devrons travailler : l’identification du bon moment pour faire une détersion, pour utiliser un savon doux ou un savon antiseptique, et la nécessité de mettre en œuvre des rappels réguliers sur les différences entre antiseptiques aqueux et alcooliques. Ces messages ont certes été passés lors du jeu, mais sans véritablement insister. Nous développons donc actuellement des formations spécifiques et sommes en train de revoir nos supports et outils pour accompagner ces petits changements. En collaboration avec le service pharmacie, il est également prévu que nous intervenions en binôme dans les différents services pour informer les équipes sur les antiseptiques et leurs usages. Nous sommes, en fin, en train de retravailler tous les tableaux des antiseptiques pour en modifier l'approche, et partir du geste et non du produit afin d’en favoriser la mémorisation.
Vous avez également décidé de décliner Antiseptique Game autour d’autres thématiques…
Devant le succès rencontré auprès des soignants, nous avons effectivement choisi d’appliquer ce jeu à d'autres sujets, par exemple, la réfection des pansements de Midline ou le choix des équipements de protection individuelle (EPI). Ces nouvelles versions, qui reprennent les principaux éléments d’Antiseptique Game, proposent une fois de plus différentes situations et étiquettes afin que les participants choisissent le matériel et les protocoles adaptés au soin. Elles sont certes moins éprouvées qu’« Antiseptique Game », mais connaissent néanmoins un certain succès et sont régulièrement utilisées. Nous sommes en tout cas convaincus des vertus de cette pédagogie ludique, qui permet de favoriser l’apprentissage et la sensibilisation sur des thématiques spécifiques. Pour aller plus loin, nous préparons une semaine dédiée aux précautions standard qui proposera chaque jour une ou plusieurs activités avec, dans l’idéal, l’organisation d’un Grand Quiz final pour évaluer son impact sur les connaissances et les pratiques des participants.
Article publié dans l'édition de décembre 2022 d'Hospitalia à lire ici.