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Le magazine de l'innovation hospitalière
Pharmacie

La pharmacie de l’ICANS, au carrefour de l’innovation


Rédigé par Aurélie Pasquelin le Mardi 12 Novembre 2024 à 14:42 | Lu 255 fois


Né de l’union des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg et du Centre de lutte contre le cancer Paul Strauss, l’ICANS (Institut de cancérologie Strasbourg Europe) a fait de l’innovation l’un de ses marqueurs. La Pharmacie à usage intérieur (PUI) ne fait pas exception à la règle : « le service est pensé comme une véritable plateforme d’innovation pour les patients », nous confie le Docteur Pierre Coliat, chef du service de cet établissement qui regroupe 900 professionnels de santé.



Pourriez-vous, pour commencer, nous présenter la PUI de l’ICANS ?  

Dr Pierre Coliat : Comme toutes les pharmacies hospitalières, la première mission de la PUI de l’ICANS est de répondre aux besoins des patients de l’établissement en médicaments ou autres produits pharmaceutiques. L’ICANS étant un institut de cancérologie, notre activité est principalement centrée sur la production des médicaments anticancéreux stériles et radiopharmaceutiques. La PUI est ainsi dotée de grands plateaux techniques dédiés à leur production. Ils sont similaires à ceux que l’on pourrait trouver dans l’industrie pharmaceutique. Cette activité est couplée à une activité plus classique, centrée autour de la gestion et la délivrance de produits pharmaceutiques conventionnels, et elle est également complétée par un deuxième volet spécialisé, la pharmacie clinique oncologique : les douze pharmaciens et radiopharmaciens de la PUI interviennent notamment auprès du patient ou des médecins pour évaluer les interactions médicamenteuses et optimiser les traitements.

Disposez-vous de salles blanches dans vos installations ? 

Bien entendu, il s’agit de salles propres. Elles sont nécessaires à la production de médicaments stériles. Le plateau technique de production des anticancéreux stériles comprend ainsi trois salles à environnement maîtrisé indépendantes, qui répondent aux exigences de propreté attendues dans ce type de zone. Elles sont par exemple équipées de systèmes de traitement de l’air – filtres ultra-performants –, et toutes les personnes amenées à y entrer doivent respecter un protocole spécifique d’habillage et de désinfection, garantissant la sécurité sanitaire des traitements produits. Plus de 65 000 poches de médicament anticancéreux stériles ont été dispensées en 2023 à l’ICANS, dont 50 000 produits au sein du plateau technique de l’ICANS. 

L’ICANS a mis l’innovation au cœur de son action. Comment cela se traduit-il au sein de la PUI ? 

Lors de l’ouverture de l'Institut de cancérologie en 2019, nous avons mis à profit l’élan de ces premières années pour effectuer des investissements et mettre en avant quelques projets notables, comme l’installation d’armoires à pharmacie sécurisées dans les services de soins. La PUI de l’ICANS est également dotée d’une des plus grandes unités de radiopharmacie en Europe, située au sein du service de médecine nucléaire. Dans cette unité, des enceintes plombées permettent de manipuler les médicaments radiopharmaceutiques dans des conditions optimales de sécurité et de stérilité. Par ailleurs, comme je l’évoquais plus haut, la PUI dispose aussi d’un très grand plateau technique dédié à la production de médicaments anticancéreux stériles associé à un laboratoire de contrôles environnementaux, microbiologiques et analytiques. Il est notamment équipé d’étuves et d’une chromatographie en phase liquide à ultra-haute performance (UHPLC) couplée à un spectromètre de masse. Ces technologies de pointe contribuent aux contrôles qualité du médicament, tout en jouant un rôle dans nos recherches et études autour de la stabilité des molécules, en particulier celles utilisées en soins courants.

Participez-vous à d’autres activités de recherche ? 

Bien sûr, car l’une des ambitions de l'ICANS est de faciliter l’accès aux molécules innovantes pour nos patients grâce à la recherche clinique, qu’elle soit industrielle ou académique. La PUI participe actuellement à plus de 120 essais cliniques. Elle contribue activement aux études académiques de l’ICANS, notamment par la rédaction de dossiers de médicaments expérimentaux permettant, après validation par l’Agence nationale de la sécurité du médicament (ANSM), la production de médicaments expérimentaux contre le cancer. 

Lors de l’installation de la PUI, avez-vous opté pour une automatisation des processus ? 

Le plateau de production est effectivement doté de deux robots pour la préparation de chimiothérapies, et dont l’installation au sein d’une nouvelle structure est complexe : les circuits ont été repensés, associés à une formation spécifique des équipes de préparateurs et pharmaciens. La montée en charge a été progressive. Nous avions été attentifs à anticiper ces changements en faisant participer les équipes avant l’arrivée des équipements, nous permettant précocement de répondre à certaines interrogations initiales. À ce jour, les préparateurs en pharmacie sont de plus en plus habitués à l’implémentation de ce type d’équipement. D’ailleurs, la montée en compétences engendrée par l’arrivée de ces machines a suscité de l’intérêt. Nous conservons néanmoins plusieurs actes manuels pour maintenir la compétence, notamment en cas d’arrêt technique. 

Plus spécifiquement, quelles sont les tâches prises en charge par ces robots ? 

Nous avons fait le choix d’orienter vers la préparation automatisée, les médicaments nécessitant des manipulations complexes, et vers la préparation manuelle, les préparations les plus simples. Les productivités automates versus manuelles s’en retrouvent de fait différentes. Ces robots comportent également différents systèmes de contrôles réalisés de manière automatique durant la préparation, ce qui garantit la qualité de celle-ci. Ils contribuent par ailleurs à limiter le nombre de gestes répétitifs nécessaires pour la production de ces médicaments, et pourvoyeurs de troubles musculo-squelettiques. Pour résumer, j’aimerais mettre en avant deux avantages majeurs attendus liés à l’utilisation de ces robots : une amélioration de la qualité de vie au travail des agents, et une sécurisation accrue de la production des médicaments. Les automates contribuent également à l’attractivité de notre structure auprès des professionnels de la pharmacie, car ce type de démarche combine innovation et hyperspécialisation. 

L’ICANS a également été primé en 2023 par l’ARS Grand Est pour le concours « Initiatives en soins pharmaceutiques »… 

C’est une démarche très intéressante de l’ARS, permettant d’encourager les soins pharmaceutiques mis en place. Dix établissements ont été primés à cette occasion. L’ICANS s’est ainsi démarqué pour la structuration de sa pharmacie, où chaque pharmacien est identifié et contribue aux parcours de soins en cancérologie selon les filières médico-scientifiques de l’Institut (sein, digestif, gynéco…). Cette approche innovante nous permet là encore de nous hyperspécialiser pour répondre au mieux et de manière plus pertinente aux besoins des patients. Le type de cancer et sa localisation orientent la prise en charge, et donc le choix du protocole d’anticancéreux utilisé. Des entretiens pharmaceutiques sont proposés surtout dans le cadre de la primo-prescription de thérapies anticancéreuses orales, y compris pour des médicaments expérimentaux ou en accès précoce. Cela permet de faire un point sur les différents traitements pris par le patient, qu’ils aient été ou non prescrits par un oncologue. Dans les pathologies que nous traitons, il est fréquent que les patients se tournent vers de la phytothérapie ou des médecines complémentaires. L’entretien avec le pharmacien est donc essentiel pour pouvoir analyser les interactions possibles entre les différentes substances, surtout avec ces médicaments anticancéreux hautement actifs. Nous sommes également sollicités par les professionnels de santé dans notre structure en cas de doute d’interactions. Ainsi, l’exercice pluridisciplinaire et hyperspécialisé permet au pharmacien d’apporter son expertise et de contribuer à la sécurisation du parcours du patient. 

> Article paru dans Hospitalia #66, édition de septembre 2024, à lire ici 
 

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