Ce congrès 2021 tiendra place dix-huit mois après le début d’une crise épidémique inédite. Comment l’appréhendez-vous ?
Pr Bruno Grandbastien : Après une période que l’on pourrait qualifier de « disette » pour les rencontres entre professionnels, nous sommes très heureux de pouvoir à nouveau nous retrouver et échanger sur nos pratiques et expériences. Pour cette édition 2021, nous avons, naturellement, programmé des conférences autour du Covid, car il a très largement occupé le quotidien des équipes d’hygiène. Mais, ces dix-huit derniers mois, nous avons également travaillé sur des projets de maîtrise de l’antibiorésistance, et nous comptons bien présenter nos travaux durant le congrès. Nous évoquerons ainsi autant les bactéries multi-résistantes que l’évolution prochaine de la politique nationale de prévention des infections et de l’antibiorésistance, avec la mise en place d’une stratégie nationale spécifique.
Quel a été ici le rôle de la SF2H ?
Notre société savante a été très présente auprès du ministère des Solidarités et de la Santé, pour participer à l’élaboration et à la définition de cette stratégie qui devrait remplacer et élargir le PROPIAS. Son ambition est en effet d’aller au-delà de la seule prévention des infections associées au soin pour offrir une vision plus large des enjeux métiers, et en particulier la lutte contre l’antibiorésistance. Encore en attente d’un certain nombre d’arbitrages, il nous est difficile, à ce jour, de la détailler davantage. Gardons toutefois en mémoire que des objectifs forts de prévention sont en train de se préciser et devraient bientôt se décliner sur le territoire national.
Quels autres travaux ont été menés par la SF2H ces derniers mois ?
L’une des problématiques majeures sur laquelle nous travaillons actuellement a trait à la désinfection des dispositifs médicaux. Mais les recommandations sont encore en cours d’élaboration. Ce point ne sera donc pas spécialement abordé à Nantes cet automne, et devrait plutôt être détaillé lors du congrès suivant, qui se déroulera en juin 2022 à Lyon. Nous devrions alors, à ce moment-là, être également en mesure de présenter nos travaux en matière de prévention des infections en néonatologie.
Revenons-en au congrès 2021. Quels seront ses temps forts ?
Les principaux thèmes abordés lors des sessions plénières porteront, comme je l’évoquais justement, sur le Covid et l’antibiorésistance, mais aussi sur le bloc opératoire du XXIème siècle, les pneumopathies nosocomiales ou encore la stratégie de communication en hygiène hospitalière. La conférence invitée accueillera, pour sa part, le Pr Benoît Vallet, ancien PU-PH du CHU de Lille, ancien président de CME et ancien directeur général de la santé. Il a notamment accompagné l’AP-HP lors de la première vague épidémique et est actuellement le directeur général de l’ARS dans les Hauts-de-France. Le Pr Vallet reviendra sur vingt années de politiques de prévention des infections et de l’antibiorésistance, en apportant une vision large telle que celle que nous essayons de dessiner sur le plan national.
Pourriez-vous nous détailler les sessions consacrées à la crise sanitaire ?
Plusieurs axes seront développés sur cette thématique pour tenter d’évoquer de la manière la plus large possible nos constats et enseignements. La première session plénière s’intéressera ainsi aux équipements de protection individuels (EPI), et notamment aux contre-vérités qui peuvent circuler à leur sujet. Gilles Boetsch, anthropologue et directeur de recherche émérite au CNRS, reviendra aussi sur la place du masque en milieu de soin et en population générale depuis un siècle, nous offrant un regard enrichi des sciences humaines et sociales pour éclairer différemment ce sujet et ses ramifications. La même matinée, une autre conférence dédiée au Covid s’arrêtera sur les actions menées à l’international, avec en particulier l’intervention du Dr Nagwa Khamis, médecin hygiéniste au Caire, qui reviendra sur l’appui dont ont pu bénéficier les pays du Sud.
Vous êtes vous-même en poste en Suisse. Avez-vous pu observer des différences notables par rapport à la politique française ?
En matière de prévention de l’infection au SARS-CoV-2 et ses variants, nos deux politiques nationales sont similaires. Le « certificat Covid » suisse, comparable au Pass sanitaire français, est ici aussi au centre des débats. La confédération helvétique semble ainsi se diriger dans la même direction que la France. Rappelons toutefois que la politique sanitaire y est sous l’autorité des cantons. Les principales orientations sont données au niveau fédéral, mais il peut y avoir des variations entre les zones, de petites différences de modalités d’un canton à l’autre.
Suite à la première vague épidémique, vous constatiez dans nos pages que « les mots “hygiène” et “prévention” n’auront jamais été aussi prononcés, à tous niveau ». En est-il toujours de même ?
Ces termes restent en effet au centre des attentions, et le concept de « gestes barrière » a été repris par toutes les disciplines. Même si l’interprétation qu’en ont certains peut surprendre, on peut globalement être satisfait que les notions de prévention du risque infectieux par des mesures d’hygiène aient autant infusé dans notre société. Il faut maintenant homogénéiser les discours. En tant que société savante, la SF2H a ici toute sa place pour porter des messages validés, compréhensibles et applicables par tous afin que l’on pérennise un certain nombre de gestes. Je suis, par exemple, très heureux que les produits hydro-alcooliques aient trouvé leur place dans la population générale. Cette crise aura en tous cas montré que les gestes d’hygiène, pour lesquels nous militons depuis des décennies, diminuent effectivement la transmission de micro-organismes, pour prévenir le Covid mais aussi d’autres pathologies.
Quels sont vos objectifs aujourd’hui sur le champ de l’antibiorésistance ?
Il faudrait que la prévention de l’infection et l’antibiorésistance, deux enjeux fortement imbriqués, deviennent une priorité pour l’ensemble des acteurs. Le concept anglo-saxon de « One Health », d’une seule santé reliée à l’environnement et au monde animal, rend bien compte de cette double nécessité. Nous devons travailler de concert pour tenter de préserver nos ressources actuelles pour le traitement des infections. En tant que préventionnistes, notre rôle est aujourd’hui de porter ce message et d’agir par l’exemple.
Justement, la prise en compte de la dimension environnementale se développe de plus en plus dans le monde de l’hygiène hospitalière. Quel est ici votre point de vue ?
S’intéresser à l’environnement lorsque l’on lutte contre la diffusion des infections est à mon sens primordial. Tout est relié. Avoir une vision uniquement centrée sur les patients, sur la prise en charge clinique, peut être réductrice. Notre priorité est de veiller à la non-transmission et à la non-diffusion de bactéries multi-résistantes à l’homme, mais aussi au monde animal et à l’environnement. Cette approche transversale montre bien que la lutte contre l’antibiorésistance est un enjeu de santé publique multifactoriel, qui doit donc être adressé dans sa globalité.
Article publié dans l'édition de septembre 2021 d'Hospitalia à lire ici.
Pr Bruno Grandbastien : Après une période que l’on pourrait qualifier de « disette » pour les rencontres entre professionnels, nous sommes très heureux de pouvoir à nouveau nous retrouver et échanger sur nos pratiques et expériences. Pour cette édition 2021, nous avons, naturellement, programmé des conférences autour du Covid, car il a très largement occupé le quotidien des équipes d’hygiène. Mais, ces dix-huit derniers mois, nous avons également travaillé sur des projets de maîtrise de l’antibiorésistance, et nous comptons bien présenter nos travaux durant le congrès. Nous évoquerons ainsi autant les bactéries multi-résistantes que l’évolution prochaine de la politique nationale de prévention des infections et de l’antibiorésistance, avec la mise en place d’une stratégie nationale spécifique.
Quel a été ici le rôle de la SF2H ?
Notre société savante a été très présente auprès du ministère des Solidarités et de la Santé, pour participer à l’élaboration et à la définition de cette stratégie qui devrait remplacer et élargir le PROPIAS. Son ambition est en effet d’aller au-delà de la seule prévention des infections associées au soin pour offrir une vision plus large des enjeux métiers, et en particulier la lutte contre l’antibiorésistance. Encore en attente d’un certain nombre d’arbitrages, il nous est difficile, à ce jour, de la détailler davantage. Gardons toutefois en mémoire que des objectifs forts de prévention sont en train de se préciser et devraient bientôt se décliner sur le territoire national.
Quels autres travaux ont été menés par la SF2H ces derniers mois ?
L’une des problématiques majeures sur laquelle nous travaillons actuellement a trait à la désinfection des dispositifs médicaux. Mais les recommandations sont encore en cours d’élaboration. Ce point ne sera donc pas spécialement abordé à Nantes cet automne, et devrait plutôt être détaillé lors du congrès suivant, qui se déroulera en juin 2022 à Lyon. Nous devrions alors, à ce moment-là, être également en mesure de présenter nos travaux en matière de prévention des infections en néonatologie.
Revenons-en au congrès 2021. Quels seront ses temps forts ?
Les principaux thèmes abordés lors des sessions plénières porteront, comme je l’évoquais justement, sur le Covid et l’antibiorésistance, mais aussi sur le bloc opératoire du XXIème siècle, les pneumopathies nosocomiales ou encore la stratégie de communication en hygiène hospitalière. La conférence invitée accueillera, pour sa part, le Pr Benoît Vallet, ancien PU-PH du CHU de Lille, ancien président de CME et ancien directeur général de la santé. Il a notamment accompagné l’AP-HP lors de la première vague épidémique et est actuellement le directeur général de l’ARS dans les Hauts-de-France. Le Pr Vallet reviendra sur vingt années de politiques de prévention des infections et de l’antibiorésistance, en apportant une vision large telle que celle que nous essayons de dessiner sur le plan national.
Pourriez-vous nous détailler les sessions consacrées à la crise sanitaire ?
Plusieurs axes seront développés sur cette thématique pour tenter d’évoquer de la manière la plus large possible nos constats et enseignements. La première session plénière s’intéressera ainsi aux équipements de protection individuels (EPI), et notamment aux contre-vérités qui peuvent circuler à leur sujet. Gilles Boetsch, anthropologue et directeur de recherche émérite au CNRS, reviendra aussi sur la place du masque en milieu de soin et en population générale depuis un siècle, nous offrant un regard enrichi des sciences humaines et sociales pour éclairer différemment ce sujet et ses ramifications. La même matinée, une autre conférence dédiée au Covid s’arrêtera sur les actions menées à l’international, avec en particulier l’intervention du Dr Nagwa Khamis, médecin hygiéniste au Caire, qui reviendra sur l’appui dont ont pu bénéficier les pays du Sud.
Vous êtes vous-même en poste en Suisse. Avez-vous pu observer des différences notables par rapport à la politique française ?
En matière de prévention de l’infection au SARS-CoV-2 et ses variants, nos deux politiques nationales sont similaires. Le « certificat Covid » suisse, comparable au Pass sanitaire français, est ici aussi au centre des débats. La confédération helvétique semble ainsi se diriger dans la même direction que la France. Rappelons toutefois que la politique sanitaire y est sous l’autorité des cantons. Les principales orientations sont données au niveau fédéral, mais il peut y avoir des variations entre les zones, de petites différences de modalités d’un canton à l’autre.
Suite à la première vague épidémique, vous constatiez dans nos pages que « les mots “hygiène” et “prévention” n’auront jamais été aussi prononcés, à tous niveau ». En est-il toujours de même ?
Ces termes restent en effet au centre des attentions, et le concept de « gestes barrière » a été repris par toutes les disciplines. Même si l’interprétation qu’en ont certains peut surprendre, on peut globalement être satisfait que les notions de prévention du risque infectieux par des mesures d’hygiène aient autant infusé dans notre société. Il faut maintenant homogénéiser les discours. En tant que société savante, la SF2H a ici toute sa place pour porter des messages validés, compréhensibles et applicables par tous afin que l’on pérennise un certain nombre de gestes. Je suis, par exemple, très heureux que les produits hydro-alcooliques aient trouvé leur place dans la population générale. Cette crise aura en tous cas montré que les gestes d’hygiène, pour lesquels nous militons depuis des décennies, diminuent effectivement la transmission de micro-organismes, pour prévenir le Covid mais aussi d’autres pathologies.
Quels sont vos objectifs aujourd’hui sur le champ de l’antibiorésistance ?
Il faudrait que la prévention de l’infection et l’antibiorésistance, deux enjeux fortement imbriqués, deviennent une priorité pour l’ensemble des acteurs. Le concept anglo-saxon de « One Health », d’une seule santé reliée à l’environnement et au monde animal, rend bien compte de cette double nécessité. Nous devons travailler de concert pour tenter de préserver nos ressources actuelles pour le traitement des infections. En tant que préventionnistes, notre rôle est aujourd’hui de porter ce message et d’agir par l’exemple.
Justement, la prise en compte de la dimension environnementale se développe de plus en plus dans le monde de l’hygiène hospitalière. Quel est ici votre point de vue ?
S’intéresser à l’environnement lorsque l’on lutte contre la diffusion des infections est à mon sens primordial. Tout est relié. Avoir une vision uniquement centrée sur les patients, sur la prise en charge clinique, peut être réductrice. Notre priorité est de veiller à la non-transmission et à la non-diffusion de bactéries multi-résistantes à l’homme, mais aussi au monde animal et à l’environnement. Cette approche transversale montre bien que la lutte contre l’antibiorésistance est un enjeu de santé publique multifactoriel, qui doit donc être adressé dans sa globalité.
Article publié dans l'édition de septembre 2021 d'Hospitalia à lire ici.
Le programme du congrès 2021
Le 31ème congrès national de la Société Française d’Hygiène Hospitalière aura lieu les 4, 5 et 6 octobre 2021 à la Cité des Congrès de Nantes. Lundi 4 octobre, après une matinée d’accueil et d’animations, les participants pourront assister à toutes une série de rencontres et de sessions. C’est notamment le cas de la session internationale, qui se tiendra de 14h à 17h30, en anglais avec une traduction simultanée en français : elle reviendra sur la pandémie en évoquant autant l’émergence de nouveaux pathogènes que les modalités de prise de décision, en passant par la mésinformation.
Mardi 5 octobre, trois sessions plénières traiteront des équipements de protection individuels, des infections respiratoires nosocomiales et des dernières recherches en matière de prévention. Elles seront complétées par une dizaine d’interventions spécialisées, mais aussi par un symposium de l’industrie et une session de l’innovation, qui s’intéressera plus particulièrement aux biofilms et aux désinfectants.
Pour sa dernière journée, le mercredi 6 octobre, le congrès 2021 sera une fois de plus le théâtre d’un symposium de l’industrie et d’une nouvelle session de l’innovation. Ces présentations s’articuleront avec d’autres sessions annexes, ainsi que deux plénières autour du bloc opératoire du XXIème siècle et de la stratégie de communication en hygiène hospitalière. À 14h, place à la remise de prix avant de terminer avec le Pr Benoît Vallet pour sa conférence invitée « 20 ans de prévention des IAS et de l’antibiorésistance ».
- Programme complet et inscriptions sur le site de la SF2H : www.sf2h.net
Le 31ème congrès national de la Société Française d’Hygiène Hospitalière aura lieu les 4, 5 et 6 octobre 2021 à la Cité des Congrès de Nantes. Lundi 4 octobre, après une matinée d’accueil et d’animations, les participants pourront assister à toutes une série de rencontres et de sessions. C’est notamment le cas de la session internationale, qui se tiendra de 14h à 17h30, en anglais avec une traduction simultanée en français : elle reviendra sur la pandémie en évoquant autant l’émergence de nouveaux pathogènes que les modalités de prise de décision, en passant par la mésinformation.
Mardi 5 octobre, trois sessions plénières traiteront des équipements de protection individuels, des infections respiratoires nosocomiales et des dernières recherches en matière de prévention. Elles seront complétées par une dizaine d’interventions spécialisées, mais aussi par un symposium de l’industrie et une session de l’innovation, qui s’intéressera plus particulièrement aux biofilms et aux désinfectants.
Pour sa dernière journée, le mercredi 6 octobre, le congrès 2021 sera une fois de plus le théâtre d’un symposium de l’industrie et d’une nouvelle session de l’innovation. Ces présentations s’articuleront avec d’autres sessions annexes, ainsi que deux plénières autour du bloc opératoire du XXIème siècle et de la stratégie de communication en hygiène hospitalière. À 14h, place à la remise de prix avant de terminer avec le Pr Benoît Vallet pour sa conférence invitée « 20 ans de prévention des IAS et de l’antibiorésistance ».
- Programme complet et inscriptions sur le site de la SF2H : www.sf2h.net