Si jusqu’au XIXème siècle la santé ne s’envisage que par rapport à la maladie (René LERICHE la définit ainsi : « la santé, c’est la vie dans le silence des organes »), dès 1946, un parallèle se confirme entre santé et précarité, la mauvaise santé générant un facteur d’exclusion et l’accès aux soins apparaissant comme un moyen de réduire les inégalités sociales.
Pour autant, si l’hôpital, dans sa généralité, a pour mission, à son origine, l’hébergement charitable des pauvres, la législation va, à partir du XIXème siècle, renforcer sa mission médicale.
Au fil du temps, les notions de « santé » et « précarité » s’étendent à nouveau au-delà du simple débat philosophique pour devenir un véritable débat sociétal, au cœur des politiques sociales et des textes réglementaires.
Pour autant, alors même que les coûts médicaux se déclinent en actes, comment évaluer la précarité au sein des établissements de santé, et plus spécifiquement en Soins de Suite et de Réadaptation (SSR) ? Les outils de mesure sont-ils fiables et exhaustifs ? Une étude menée au sein de l’hôpital Villers Saint Denis, SSR de 417 lits et places, situé dans l’Aisne, en Région picarde, démontre la pertinence du recueil de données recensées à travers des sources pluridimensionnelles utilisées que sont le score EPICES, les codes CIM 10 du PMSI et le rapport d’activité du service social.
Précarité et santé – Santé et précarité : un débat sociétal
Même si la précarité, la pauvreté et l’exclusion font état de 3 situations distinctes, il n’en demeure pas moins qu’elles peuvent se confondre et, en tout état de cause, impacter l’une sur l’autre. Aussi définir ces 3 situations apparaît indispensable.
La précarité est définie comme « l’absence d’une ou plusieurs des sécurités permettant aux personnes et aux familles d’assumer leurs responsabilités élémentaires, et de jouir de leurs droits fondamentaux. L’insécurité qui en résulte peut être plus ou moins étendue et avoir des conséquences plus ou moins graves et définitives ». (Rapport Wresinski - 1987)
La pauvreté se décrit en fonction du seuil de pauvreté, dès lors que son niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté fixé à 50 % du niveau de vie médian de la France.
Quant à l’exclusion sociale, elle se caractérise par l’absence, pendant une période plus ou moins longue, de la possibilité de bénéficier des droits attachés à la situation sociale et à l’histoire de l’individu concerné.
Aussi des dispositifs ont-ils été mis en place pour lutter contre la précarité, la pauvreté et l’exclusion sociale. Leur objectif est de permettre aux individus de :
• bénéficier d’un revenu minimum
• pouvoir accéder au système de soins
• jouir de droits fondamentaux
En quoi l’accès au système de soins favorise-t-il la lutte contre la précarité, la pauvreté et l’exclusion ? Quel est l’impact de la précarité, la pauvreté et l’exclusion sociale sur la santé ?
Il faudra attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour que la Constitution de l’Organisation Mondiale de la Santé (1946) ébauche un lien discret entre précarité et santé, définissant cette dernière comme « l’état de bien-être physique, mental et social, et non pas seulement par l’absence de maladie ou d’infirmité ».
La Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé, adoptée par l’Organisation Mondiale de la santé le 21 novembre 1986 renforce ce lien par un lien de causalité en précisant que « la santé exige un certain nombre de conditions et de ressources préalables, l’individu devant pouvoir notamment : se loger, accéder à l’éducation, se nourrir convenablement, disposer d’un certain revenu, bénéficier d’un écosystème fiable, compter sur un apport durable de ressources, avoir droit à la justice sociale et à un traitement équitable. Tels sont les préalables indispensables à toute amélioration de la santé ».
C’est donc à partir de ces années 1980 que les débats politiques se centrent autour des questions de la lutte contre les exclusions et de l’accès aux soins avec notamment :
• le rapport « Grande pauvreté et précarité économique et sociale », dit « rapport Wresinski » (Père Joseph Wresinski, fondateur d’ATD Quart Monde), présenté le 28 février 1987 au Conseil économique et social et qui propose une politique prospective de lutte contre la misère en y intégrant les problèmes de santé. C’est d’ailleurs dans ce contexte que la définition de la « précarité » est donnée (cf. supra).
• le « rapport Revol-Strohl », publié en novembre 1987 et issu du groupe de travail sur l’accès aux soins des personnes en situation de précarité mis en place par le ministre des affaires sociales et de l’emploi (Philippe Seguin), qui précise la nécessité de lutter contre la précarité des exclus du système de santé, en misant sur leur accès aux soins.
En 1994, le Haut Comité de la Santé Publique confirme l’importance des déterminants sociaux, dont la santé, en matière de précarité et d’exclusion dans un rapport intitulé « la santé en France ». Ce rapport rend compte des inégalités sociales en matière de santé tout en soulignant que « la question des disparités sociales est délicate à analyser pour des raisons techniques […] mais aussi en raison de la complexité des déterminants sociaux et de la difficulté de s’appuyer sur un indicateur synthétique ».
En février 1995, le groupe de travail « Ville, santé mentale, précarité et exclusion sociale » présente son rapport « Une souffrance qu’on ne peut plus cacher » appelé également « rapport Lazarus » et précise que « […] les populations démunies ont une utilisation du système de soins plus restrictive et n’accèdent pas forcément à des activités ou des modes de vie leur permettant d’améliorer leur bien-être ; au contraire il y a comme une interaction entre ce mal être et leurs conditions de vie, notamment parce que l’effort demandé aux personnes pour s’insérer est en général bien supérieur que celui qui est demandé aux personnes bien intégrées socialement […] ».
C’est en 1998 qu’un programme de prévention et de lutte contre les exclusions est présenté à travers la loi 98-657 du 29 juillet 1998 appelée « loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions » et qui précise en son article premier :
• « La lutte contre les exclusions est un impératif national fondé sur le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains et une priorité de l’ensemble des politiques publiques de la Nation ».
• « La présente loi tend à garantir sur l’ensemble du territoire l’accès effectif de tous aux droits fondamentaux dans les domaines de l’emploi, du logement, de la protection de la santé, de la justice, de l’éducation, de la formation et de la culture, de la protection de la famille et de l’enfance »
Un ensemble de dispositif est alors mis en place pour faciliter l’accès aux soins des personnes les plus démunies :
• Les permanences d’accès aux soins de santé (PASS), définies dans la circulaire du 17 décembre 1998 comme des cellules médico-sociales « qui doivent faciliter l’accès des personnes démunies non seulement au système hospitalier, mais aussi aux réseaux institutionnels et associatifs de soins, d’accueil et d’accompagnement social » sont situées à proximité ou dans les services d’urgence.
• La CMU (Couverture Médicale Universelle), issue de la loi 99-641 du 27 juillet 1999, facilite l’accès aux soins des personnes à faible revenu
• L’AME (Aide Médicale Etat) permet, sous conditions de revenus, un accès aux soins aux personnes étrangères en situation irrégulière résidant en France de manière stable depuis plus de 3 mois
La loi 2009-879 du 21 juillet 2009, dite loi « HPST » et relative à la réforme de l’hôpital fait créer l’article L.1431-2 dans le Code de la santé publique, qui précise que « les agences régionales de santé […] veillent à assurer l’accès aux soins de santé et aux services psychosociaux des personnes en situation de précarité ou d’exclusion ».
Enfin, la circulaire DGOS/R4 n°2013-246 du 18 juin 2013 relative à l’organisation et au fonctionnement des PASS crée un référentiel et une base de recueil d’informations destinées aux ARS afin de « recadrer la définition et le rôle des PASS polyvalentes et fournir des outils aux mains des agence régionales de santé pour, le cas échéant, rééquilibrer les allocations en fonction de la situation et de l’activité de chaque site ».
Ainsi, la précarité est une problématique transversale y compris dans le champ sanitaire et devient une question prédominante au sein des établissements de santé, au-delà du service public hospitalier et des services de courts séjours plus communément appelés « MCO » (Médecine – Chirurgie – Obstétrique).
L’accompagnement social à l’hôpital : des missions identifiées au fil du temps
Pendant la 1ère guerre mondiale, le Docteur CABOT, médecin américain, importe en France le modèle des assistantes sociales à l’hôpital, qu’il a expérimenté à Boston. Il définissait ainsi leur rôle : « découvrir toutes les causes sociales que le médecin peut ignorer et qui peuvent entretenir ou aggraver la maladie, de faire agir les œuvres pouvant aider les familles, de prolonger, au-delà de l’hôpital, une influence médicale ».
C’est ainsi qu’en 1914, le service social est introduit à l’AP-HP, à l’hôpital des Enfants Malades de Paris, dans le service de pédiatrie du Docteur MARFAN, et ce, à l’initiative de Madame GETTING. Cette œuvre s’étend rapidement aux services des tuberculeux en 1917, aux services des accouchements en 1919, puis dans les services de chirurgie et de médecine au début des années 1920, à Paris, puis rapidement à Lyon et à Bordeaux.
En 1921, le service social de tous les services parisiens est unifié au sein d’une association, « le service social à l’hôpital », reconnue d’utilité publique en 1932 et soutenue par des subventions du Ministère de l’Hygiène. Dès sa genèse en 1921, Madame GETTING décrivait l’œuvre laïque du service social à l’hôpital comme « un instrument simple et pratique conçu pour améliorer le rendement économique et social du travail hospitalier et pour rendre aussi productives que possible les dépenses que s’imposent les collectivités en vue d’entretenir les hôpitaux ».
C’est à cette date qu’apparaît le premier diplôme d’assistante sociale intitulé « brevet de capacité professionnelle d’assistante sociale ».
C’est le Front Populaire qui va donner une forte impulsion aux services sociaux et à leur coordination. C’est le décret du 18/02/1938 qui institue le diplôme d’état d’assistante sociale mais aussi celui d’infirmière. Les études d’AS passent à 3 ans, avec une première année commune avec les infirmières jusqu’en 1968 ; la formation d’infirmière visiteuse disparaît en fusionnant avec celle d’assistante sociale.
Jusqu’à la deuxième guerre mondiale, les assistantes sociales sont employées pour la plupart, par des œuvres privées ou travaillent dans les entreprises. La fonction d’assistante sociale hospitalière a été officialisée en 1943, date à laquelle un décret les a rendues obligatoires dans les hôpitaux situés dans des villes de plus de 100.000 habitants.
La loi du 8 avril 1946 donne un statut officiel au service social en imposant le secret professionnel et en rendant obligatoire le diplôme pour pouvoir exercer.
En 1948, le service social hospitalier est intégré à la Fonction Publique Hospitalière. Les missions et le cadre d’intervention du service social hospitalier sont progressivement définis : « l’assistante sociale (placée sous l’autorité du directeur) est la collaboratrice du médecin » (1962).
Les phénomènes de grande pauvreté qui réapparaissent dans les années 1980 ont reposé avec urgence la question de l’accès aux soins. La mission sociale de l’hôpital finira par être réaffirmée par la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions.
La circulaire du 6 mai 1995 relative aux droits du patient hospitalisé et la charte du patient hospitalisé mettent l’accent sur la qualité de l’accueil et des soins pour le patient. Celui-ci est avant tout « une personne avec ses droits et ses devoirs » et « ne saurait être considéré uniquement ni même principalement que du point de vue de sa pathologie, de son handicap ou de son âge ». Cette circulaire précise également que « l’hôpital est un lieu privilégié où les personnes les plus démunies doivent pouvoir faire valoir leurs droits y compris sociaux. Dans ce but, les soins et l’accueil doivent s’accompagner d’une aide dans les démarches administratives et sociales ». Le service social doit, de par sa mission, y contribuer.
« Sous l’effet combiné de la maîtrise des dépenses de santé, du développement des pathologies lourdes comme le SIDA, de l’augmentation des personnes âgées et de la montée des exclusions, l’hôpital est bien forcé de redécouvrir la dimension sociale du soin, quelque peu abandonnée au profit d’une hyper-technicité, et de s’ouvrir sur la cité. Plus que jamais, il a besoin de s’appuyer sur des professionnels à la jonction du sanitaire et du social, de l’intra et de l’extra-hospitalier ». (SARAZIN Isabelle « service social hospitalier : développer une stratégie d’acteur » - ASH N° 1901 du 17 novembre 1994)
Depuis 1993, les assistants de service social et éducateurs spécialisés de la Fonction Publique Hospitalière disposent d’un statut clairement défini par un décret qui les regroupe en un seul corps nommé assistant socio-éducatif.
Ce décret N° 93-652 du 26 mars 1993 précise les missions des assistants socio-éducatifs :
« les assistants socio-éducatifs ont pour mission d’aider les personnes, les familles ou les groupes qui connaissent des difficultés sociales à retrouver leur autonomie, et de faciliter leur insertion. Dans le respect des personnes, ils recherchent les causes qui compromettent leur équilibre psychologique, économique ou social. Ils participent à l’élaboration et à la mise en œuvre du projet d’établissement dont ils relèvent, ainsi que des projets sociaux et éducatifs ».
Ce décret précise les missions spécifiques des assistants socio-éducatifs de formation « assistants de service social » :
Ils « ont pour mission de conseiller, d’orienter et de soutenir les personnes accueillies et leurs familles, de les aider dans leurs démarches et d’informer les services dont ils relèvent pour l’instruction d’une mesure d’action sociale. Ils apportent leur concours à toute action susceptible de prévenir les difficultés sociales ou médico-sociales rencontrées par la population ou d’y remédier. Ils assurent dans l’intérêt de ces personnes, la coordination avec d’autres institutions ou services sociaux et médico-sociaux. Certains d’entre eux exercent les mêmes fonctions au bénéfice des personnels de l’établissement ».
Aujourd’hui, les assistants de service social se trouvent davantage impliqués dans les processus de soins, dans les stratégies de réinsertion médico-sociale des patients. L’hospitalisation est une étape transitoire dans la vie de la personne, étape orientée vers un rétablissement de l’état de santé du patient et sa réintégration dans son milieu d’origine ou dans un milieu adapté à son nouvel état. Les assistants de service social aident les patients à maintenir et/ou à reconstituer leur tissu social, en lien avec les intervenants internes ou externes à l’institution hospitalière. A ce titre, ils s’inscrivent comme partenaires de l’équipe pluridisciplinaire en faisant l’apport d’une vision environnementale du patient.
Comment rendre compte de l’activité du service social et quels sont les indicateurs possibles pour mesurer la précarité ?
Une expérience : l’hôpital Villiers Saint Denis, SSR de 417 lits et places
Dans le cadre de la réforme de financement des SSR, il convient de s’interroger sur l’existence de spécificités liées à la précarité dans ces établissements. Pour autant, à partir de quels outils peut-on mesurer cette précarité ?
L’hôpital Villiers Saint Denis a ainsi mené une étude sur le dernier semestre 2013 à partir du score EPICES. L’analyse comparative avec les données médicales (codes CIM 10), les données sociales issues du rapport d’activité du service social de cet établissement et le score EPICES tend à démontrer une certaine corrélation entre l’ensemble des éléments ainsi recueillis.
Un indicateur de précarité : le score EPICES est-il transposable en indicateur de précarité en SSR ?
EPICES (Evaluation de la Précarité et des Inégalités de santé dans les Centres d’Examens de Santé) est un indicateur individuel de précarité qui prend en compte le caractère multidimensionnelle de la précarité.
Le score EPICES, construit en 1998, est élaboré à partir d’un questionnaire de 42 questions prenant en compte des éléments multidimensionnelles de la précarité : emploi, revenus, niveau d’étude, catégorie socio-professionnelle, logement, composition familiale, liens sociaux, difficultés financières, évènements de vie, santé. Les méthodes statistiques d’analyse factorielle des correspondances et de régression multiple ont permis d’extraire 11 questions sur les 42 initiales, résumant ainsi à 90 % la situation de précarité d’un individu. La réponse à chaque question est affectée d’un coefficient, la somme des 11 réponses donne le score EPICES. Le score est continu, il varie de 0 (absence de précarité) à 100 (maximum de précarité), étant considéré alors que tout score supérieur à 30,17 points considère un individu comme « précaire ».
L’étude menée au sein de l’hôpital Villiers Saint Denis a été réalisée auprès de 477 patients, présents au sein de l’établissement (en hospitalisation complète) entre le 01/07/2013 et le 31/12/2013, dans les unités de soins ciblées que sont les 6 unités du pôle Vasculaire – Diabétologie – Appareillage et les 2 unités à orientation pneumologique (réhabilitation respiratoire et soins de suite en pneumologie).
• Le score moyen de précarité EPICES est de 44,92 chez les 477 patients audités (47,11 pour les hommes et de 44,86 pour les femmes), âgés en moyenne de 65,65 ans
• Les hommes (68,14 % des patients) ont un âge moyen de 64,93 ans
• Les femmes (31,86 % des patients) ont un âge moyen de 67,69 ans
• 78 % des patients audités ont un score de précarité EPICES supérieur au seuil de 30,17. Ils sont répartis comme suit :
o 78,77 % des hommes
o 75 % des femmes
• L’autorisation « locomoteur » est la plus représentée avec 55,56 % des patients audités, le secteur « polyvalent » étant le moins important avec 4,62 % de l’échantillon.
• Les hommes (68,14 % des patients) ont un âge moyen de 64,93 ans
• Les femmes (31,86 % des patients) ont un âge moyen de 67,69 ans
• 78 % des patients audités ont un score de précarité EPICES supérieur au seuil de 30,17. Ils sont répartis comme suit :
o 78,77 % des hommes
o 75 % des femmes
• L’autorisation « locomoteur » est la plus représentée avec 55,56 % des patients audités, le secteur « polyvalent » étant le moins important avec 4,62 % de l’échantillon.
• La précarité est retrouvée dans toutes les autorisations SSR, allant d’un score moyen de 39,62 pour la « pneumologie » à un score moyen de 48,48 pour le « locomoteur ».
• La répartition des sujets précaires varie selon les autorisations, montrant un pourcentage élevé, allant de 72 % chez les patients relevant de l’autorisation « pneumologie » à 81,25 % pour les patients relevant du « cardio-vasculaire » sans qu’il ne soit (pour l’instant) possible d’établir de relation de cause à effet.
• La répartition des sujets précaires varie selon les autorisations, montrant un pourcentage élevé, allant de 72 % chez les patients relevant de l’autorisation « pneumologie » à 81,25 % pour les patients relevant du « cardio-vasculaire » sans qu’il ne soit (pour l’instant) possible d’établir de relation de cause à effet.
Un élément de mesure pour identifier l’accompagnement des personnes en situation de précarité : les codes CIM 10 ?
Le guide méthodologie de production des informations relatives à l’activité médicale et à sa facturation en soins de suite et de réadaptation précise que « La description de l'activité médicale dans le cadre du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) en soins de suite et de réadaptation (SSR) des établissements de santé publics et privés repose sur le recueil systématique de données administratives, démographiques, médicales et de prise en charge, normalisées. Ce recueil s’inscrit dans la logique des dispositions des articles L. 6113-7 et L. 6113-8 du code de la santé publique, qui s’appliquent aux établissements de santé, publics et privés, en matière d’analyse de leur activité.
Les établissements de santé publics et privés, en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer, ayant une activité autorisée en soins de suite et de réadaptation, quel que soit leur mode de financement, sont tenus de réaliser, pour chaque patient pris en charge en hospitalisation, par extraction depuis le système d’information de l’établissement de santé, un recueil d’informations portant sur l’activité de soins et sur sa facturation.
L’enregistrement de l’activité est réalisé par semaine calendaire sous la forme d’un résumé hebdomadaire standardisé (RHS). Ce recueil couvre l’hospitalisation ; il ne couvre ni l’activité de consultation et de soins externes de SSR réalisée dans les établissements de santé, ni les actes réalisés par les intervenants de SSR pour des patients hospitalisés dans un autre champ d’activité (médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie (MCO), psychiatrie...). Les informations du RHS constituent un résumé normalisé et codé conforme au contenu du dossier médical du patient. »
(B.O. n° 2014/2bis – fascicule spécial)
La Classification internationale des maladies (CIM–10) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est l’ouvrage de référence pour le codage de la morbidité dans le RHS.
Les codes décrivant la précarité font partie du Chapitre XXI de la CIM 10 et se trouvent plus particulièrement dans les séries Z 56, Z59, Z60 et Z 74.
Certains de ces codes ont été plus particulièrement ciblés pour l’étude:
Ces codes, principalement renseignés par les assistantes de service social de l’établissement, s’inscrivent davantage dans le diagnostic associé significatif (DAS) considéré comme « tout problème de santé coexistant avec la morbidité principale ayant donné lieu à une prise en charge effective (investigation, traitement…) du fait d’une affection nouvelle (telle une affection aigüe intercurrente) ou préexistante (évolution d’une affection connue ou affection chronique en cours de traitement) ou du fait de conditions familiales, sociales ou économiques ayant justifié une prise en charge particulière identifiable, dont la description est mentionnée comme telle dans le dossier médical du patient. »
Pour l’étude considérée, 336 patients ont été codés en CIM 10, soit 70,44 % de la population étudiée.
Les sources ont été croisées et indiquent une corrélation entre les codes CIM 10 et les questions EPICES 2, 4, 5, 9, 10 et 11 :
• 15,35 % ont des difficultés liées à une pauvreté extrême ou à l’absence de revenus (lien avec questions 5 et 11 d’EPICES)
• 8,03 % ont des difficultés liées à une couverture sociale et à des secours insuffisants (lien avec la question 2 d’EPICES)
• 4,43 % ont des difficultés liées à la solitude (lien avec la question 9 d’EPICES)
• 63,26 % ont des difficultés liées à être sans abri ou à avoir un logement inadéquat ou d’avoir besoin d'assistance à domicile (lien avec les questions 4 et 10 d’EPICES)
Une déclinaison exhaustive des prises en charge sociales au sein de l’établissement : les indicateurs de suivi du service social ?
Acteur de l’accompagnement à la réinsertion, tant familiale que sociale, scolaire ou professionnelle, le service social en SSR intervient à des niveaux divers pour accompagner le patient dans le retour vers son milieu de vie.
L’objectif des SSR est de permettre au patient de retrouver une place dans son environnement initial ou le plus proche possible de ce qu’elle était avant, voire de l’aider à s’adapter à une nouvelle vie.
Ainsi cinq fonctions de soins techniques et d’accompagnement caractérisent une véritable prise en charge en soins de suite et de réadaptation. Combinées à des degrés variés, elles sont mises en œuvre au sein de l’hôpital Villiers Saint Denis, dans un but de réinsertion globale des malades.
Il s’agit de :
1. la limitation des handicaps physiques qui implique la mise en œuvre de rééducation physique, voire d’appareillage et d’adaptation du milieu de vie ;
2. la restauration somatique et psychologique grâce à la stimulation des fonctions de l’organisme, la compensation des déficiences provisoires, l’accompagnement psychologique et la restauration des rythmes ;
3. l’éducation du patient et éventuellement de son entourage par le biais des apprentissages, de la préparation et de d’adhésion au traitement, de la prévention. Le recours à des relais associatifs peut être utilisé à cet effet ;
4. la poursuite et le suivi des soins et du traitement à travers son adaptation, son équilibration, la vérification de l’observance par le malade, la surveillance des effets iatrogènes éventuels. Une attention particulière sera portée au traitement de la douleur
5. la préparation de la sortie et de la réinsertion en engageant, aussi rapidement que possible, les demandes d’allocation et d’aides à domicile, en tenant compte éventuellement de la dimension professionnelle.
Ainsi, et pour répondre à cette cinquième fonction, le service social de l’hôpital Villiers Saint Denis intervient-il sur plusieurs niveaux :
accompagnement dans l’élaboration et la mise en œuvre du projet de sortie du patient
accès aux dispositifs d’action sociale et de prestations sociales
constitution des dossiers d’aide à la compensation du handicap
maintien des droits aux ressources légales de droit commun
aide à l’ouverture des droits à une couverture sociale de base et/ou complémentaire
orientation de la personne et de sa famille dans la recherche et la mise en relation avec des partenaires, des organismes et des ressources à même de répondre aux besoins identifié afin de favoriser l’insertion ou la réinsertion, la socialisation ou l’intégration sociale.
Chacune de ces actions se décline en catégories et sous catégories de prises en charge déclinées via le DMC (dossier médical commun – dossier « social »). A tout moment, l’activité du service social est donc quantifiable (file active, nombre de démarches effectuées par catégorie de prise en charge) et qualifiable au regard des diverses démarches entreprises. L’essentiel de la prise en charge sociale se déploie pendant l’hospitalisation du patient, le développement des partenariats sociaux et médico-sociaux favorisant les relais et la continuité de la prise en charge au-delà du séjour hospitalier.
Ainsi, certaines des 11 catégories et des 78 sous catégories utilisées dans l’élaboration du rapport d’activité du service social, peuvent être identifiées comme des indicateurs de précarité :
Catégories Sous catégories
COUVERTURE SOCIALE AME
Absence de médecin traitant
Adhésion mutuelle
Aide financière CPAM
Aide financière mutuelle
Aide à la complémentaire santé
CMU B
CMU C
Echéancier
Limitation de PEC mutuelle
Ouverture de droits
Prise en charge des frais d'hospitalisation
DEVENIR Aménagement du domicile
Placement en établissement d'accueil pour personnes handicapées
Placement en établissement d'accueil pour personnes âgées
Placement en établissement d'accueil social (ACT – LAM –LHSS – SIAO)
Relogement
Retour à domicile avec aides
DIVERS Aides financières
Demande de domiciliation
Dossier de surendettement
Dégrèvement d'imposition
Titre de séjour
LIAISONS SOCIALES Bilan à l'entrée avec l’assistante sociale assurant le suivi avant
Bilan à la sortie avec l’assistante sociale qui va assurer le suivi après
MDPH AAH
ACTP / ACFP
Orientation structure d'accueil pour adulte handicapé
PCH
RQTH / Orientation professionnelle
PRESTATIONS SOCIALES APA – APA d’urgence – Révision APA
ARDH
Aide sociale
RETABLISSEMENT
DE REVENU CLM / CLD
DE REVENU CLM / CLD
Indemnités journalières
Pension d'invalidité / Rente AT - MP
Prestations CAF / MSA
RSA
Retraite
Nous avons donc retenu ces critères pour effectuer un parallèle avec les questions d’EPICES et les codes CIM 10.
Nous avons donc retenu ces critères pour effectuer un parallèle avec les questions d’EPICES et les codes CIM 10.
Les 477 patients audités ont bénéficié d’une prise en charge sociale, sachant que chaque patient a bénéficié en moyenne de 5 démarches sociales différentes (1 sous catégorie = 1 démarche sociale).
40 % des démarches sociales réalisées pour ces patients sont directement liées à un des indicateurs de précarité ciblés :
• 20 % des démarches sociales sont liées à l’aide l'ouverture de droits à une couverture sociale de base et/ou complémentaire et à la prise en charge des frais d'hospitalisation (référence à la question 2 d’EPICES et au code CIM-10 Z597)
• 11 % sont liées à l’accompagnement dans l'élaboration et la mise en œuvre du projet de devenir (référence aux questions 4, 9 et 10 d’EPICES et aux codes CIM-10 Z590, Z591, Z602 et Z742)
• 4 % à l’accès aux dispositifs de droits (référence aux questions 5, 9, 10 et 11 d’EPICES et aux codes CIM-10 Z560, Z562, Z591, Z595 et Z742)
• 3 % à une liaison avec une collègue assistante de service social en amont ou en aval du séjour du patient à l’hôpital (référence à la question 1 d’EPICES et à la globalité des codes CIM-10 « précarité », isolément ou collectivement)
• 2 % sont liées au maintien des droits et à l’accès aux ressources légales de droit commun (référence aux questions 5 et 11 et aux codes CIM-10 Z595 et Z596)
Pour autant, au regard des extractions des données, il n’est pas permis de préciser le pourcentage de patients ayant bénéficié d’une démarche sociale liée à au moins un indicateur de précarité. Ceci étant, le regard croisé sur les outils de mesure ainsi présentés (EPICES – Codes précarité CIM – 10 et les indicateurs précarité ciblés par le service social) laissent entrevoir une corrélation si ce n’est certaine, du moins possible.
En conclusion,…
Evaluer la précarité en SSR prend sens dès lors où il convient d’admettre que :
• de plus en plus de patients pris en charge dans ces établissements sont atteints de maladies chroniques
• la prévalence de nombreuses pathologies chroniques est inversement corrélée au niveau socio-économique
• prendre en compte la précarité des patients fait partie de la démarche thérapeutique puisque de la situation socio-économique du patient dépendra l’orientation et l’aboutissement du projet thérapeutique
Vouloir évaluer la précarité est une chose, le pouvoir en est une autre. Longtemps limitée à une simple enquête sur le nombre de patients bénéficiaires de la CMU ou de l’AME (flux B2), l’évaluation de la précarité, comme tend à le démontrer l’étude réalisée au sein de l’hôpital Villiers Saint Denis, requiert des outils plus diversifiés que ceux limités aux simples données quantitatives relevant du niveau de vie (revenus), du statut social (niveau d’études – qualification professionnelle), ou encore de la composition de la cellule familiale, ….
En ces temps de réflexion menée autour de la réforme de financement des établissements SSR, il convient effectivement de s’interroger sur les modes d’évaluation de la précarité même si la mission du service social au sein de ces structures se priorise autour de la démarche d’insertion et de réinsertion dans sa globalité, en prenant en compte la dépendance et le handicap de la personne. La situation de précarité du patient peut être un frein à cette démarche et nécessiter des préalables dont il convient, non seulement de quantifier mais également de qualifier et d’analyser à partir d’indicateurs clairement ciblés.
Les codes précarité de la CIM-10 complétés des actes CSARR liés à la réinsertion sociale enregistrés par les assistantes de service social sont une première pierre à cet édifice. Pour autant, l’analyse ne sera rendue possible que dès lors qu’une approche comparative avec les données recueillies à travers l’activité même du service social sera réalisée.
Longtemps considéré comme le « parent pauvre » dans la chaîne de soins en établissement de santé, le service social hospitalier, à travers cette démarche, redevient acteur dans la prise en charge globale du patient et se voit doté d’outils permettant la valorisation de son activité.
Christelle JOBERT
Coordinatrice socio-administrative
La Renaissance Sanitaire
Hôpital Villiers Saint Denis
Docteur Jérôme TALMUD
Médecin DIM
Coordinatrice socio-administrative
La Renaissance Sanitaire
Hôpital Villiers Saint Denis
Docteur Jérôme TALMUD
Médecin DIM
La Renaissance Sanitaire
BIBLIOGRAPHIE
Haut Conseil de la Santé Publique – Indicateurs de suivi de l’évolution des inégalités sociales de santé dans les systèmes d’information en santé. Rapport – Juin 2013.
Circulaire DGOS/R5 n°2013-57 du 19 février 2013 relative au guide de contractualisation des dotations finançant les Missions d’Intérêt Général.
Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie. Rapport annuel – 2013.
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