Pour commencer, pourriez-vous nous présenter l’EOH du CHU de Poitiers ?
Dr Sarah Thévenot : Composée d’un MCU-PH, de trois praticiens hospitaliers, quatre IDE hygiénistes, un assistant hospitalo-universitaire et une secrétaire – soit environ 6 ETP –, l’Équipe Opérationnelle d’Hygiène intervient sur les cinq sites du CHU, à Poitiers, Châtellerault, Loudun, Lusignan et Montmorillon, ainsi que sur le centre SSR de La Roche-Posay. Nos missions, comme celles des autres EOH, regroupent surveillance, rédaction de protocoles, évaluation des pratiques, formation, conseils. Actuellement, nous intervenons particulièrement dans la gestion de patients porteurs de bactéries hautement résistantes (BHRe) aux antibiotiques en travaillant avec les équipes sur les mesures de prévention de la diffusion. Depuis près de deux ans maintenant, nous sommes, comme les autres EOH, accaparés par la gestion de la crise Covid…
Justement, comment faites-vous face à la pandémie ?
Il nous faut régulièrement reformer les équipes aux mesures barrière, qui se relâchent quelque peu d’une vague à l’autre – une réaction normale lorsqu’une crise s’installe dans la durée. Nous essayons cependant de traiter d’autres sujets lorsque la situation le permet. En 2020 par exemple, nous avons profité d’une décrue épidémique pour nous mettre en conformité avec les nouvelles recommandations nationales relatives à la gestion des cathéters veineux. Nous avons d’ailleurs réalisé un tutoriel vidéo pour accompagner la prise en main de ces changements, et cette nouvelle manière d’informer s’est révélée pertinente, comme l’a montré l’enquête flash menée un an plus tard auprès de 250 IDE. Nous comptons bien continuer à travailler avec ce type de support, pour notamment mieux répondre aux attentes d’un public plus jeune.
Avez-vous l’intention de mener d’autres enquêtes sur le terrain ?
Il nous est difficile de mobiliser les équipes soignantes et privilégions donc les options qui ne perturbent pas leur activité. C’est d’ailleurs tout l’intérêt des enquêtes flash, qui ne durent que quelques minutes. Nous essayons également d’aller observer nous-mêmes l’application des bonnes pratiques d’hygiène hospitalière, afin d’identifier les actions correctives à mettre en œuvre. Une autre alternative est l’auto-évaluation. En 2019, nous avions ainsi demandé aux équipes des services de soins de s’auto-évaluer sur l’hygiène des mains. Les soignants ont également interrogé les patients sur leur perception de l’hygiène des mains, afin de pouvoir par la suite mieux les impliquer dans la prévention des infections associées aux soins. La majorité des répondants s’est dite concernée par cet enjeu mais aussi en demande d’informations. Peut-être pourrions-nous justement utiliser dans cet objectif de nouveaux supports de communication…
Dr Sarah Thévenot : Composée d’un MCU-PH, de trois praticiens hospitaliers, quatre IDE hygiénistes, un assistant hospitalo-universitaire et une secrétaire – soit environ 6 ETP –, l’Équipe Opérationnelle d’Hygiène intervient sur les cinq sites du CHU, à Poitiers, Châtellerault, Loudun, Lusignan et Montmorillon, ainsi que sur le centre SSR de La Roche-Posay. Nos missions, comme celles des autres EOH, regroupent surveillance, rédaction de protocoles, évaluation des pratiques, formation, conseils. Actuellement, nous intervenons particulièrement dans la gestion de patients porteurs de bactéries hautement résistantes (BHRe) aux antibiotiques en travaillant avec les équipes sur les mesures de prévention de la diffusion. Depuis près de deux ans maintenant, nous sommes, comme les autres EOH, accaparés par la gestion de la crise Covid…
Justement, comment faites-vous face à la pandémie ?
Il nous faut régulièrement reformer les équipes aux mesures barrière, qui se relâchent quelque peu d’une vague à l’autre – une réaction normale lorsqu’une crise s’installe dans la durée. Nous essayons cependant de traiter d’autres sujets lorsque la situation le permet. En 2020 par exemple, nous avons profité d’une décrue épidémique pour nous mettre en conformité avec les nouvelles recommandations nationales relatives à la gestion des cathéters veineux. Nous avons d’ailleurs réalisé un tutoriel vidéo pour accompagner la prise en main de ces changements, et cette nouvelle manière d’informer s’est révélée pertinente, comme l’a montré l’enquête flash menée un an plus tard auprès de 250 IDE. Nous comptons bien continuer à travailler avec ce type de support, pour notamment mieux répondre aux attentes d’un public plus jeune.
Avez-vous l’intention de mener d’autres enquêtes sur le terrain ?
Il nous est difficile de mobiliser les équipes soignantes et privilégions donc les options qui ne perturbent pas leur activité. C’est d’ailleurs tout l’intérêt des enquêtes flash, qui ne durent que quelques minutes. Nous essayons également d’aller observer nous-mêmes l’application des bonnes pratiques d’hygiène hospitalière, afin d’identifier les actions correctives à mettre en œuvre. Une autre alternative est l’auto-évaluation. En 2019, nous avions ainsi demandé aux équipes des services de soins de s’auto-évaluer sur l’hygiène des mains. Les soignants ont également interrogé les patients sur leur perception de l’hygiène des mains, afin de pouvoir par la suite mieux les impliquer dans la prévention des infections associées aux soins. La majorité des répondants s’est dite concernée par cet enjeu mais aussi en demande d’informations. Peut-être pourrions-nous justement utiliser dans cet objectif de nouveaux supports de communication…
Vous avez évoqué l’antibiorésistance. Comment travaillez-vous à sa prévention ?
Nous avons la chance de pouvoir compter sur une Commission des Anti-Infectieux très dynamique. De notre côté, nous rappelons que le respect des précautions « standard » permet, à lui seul, d’éviter la diffusion des bactéries multi-résistantes (BMR) aux antibiotiques et des BHRe. La crise Covid, qui a mis en lumière l’importance de ces mesures de prévention, a été un accélérateur pour faire adhérer les professionnels de santé aux précautions d’hygiène. La crise épidémique a également souligné un fait assez étonnant : la prévention des infections associées aux soins a été essentiellement ciblée sur les paramédicaux et non tant sur les médecins. Elle est trop peu intégrée à leur formation initiale… J’essaie pour ma part d’y sensibiliser nos étudiants en médecine à la Faculté. La formation par simulation, l’usage de serious games, sont des outils efficaces. Il est important que notre communauté hospitalo-universitaire se mobilise sur la formation des futurs médecins.
Un autre enjeu qui vous mobilise : le développement durable.
Mes travaux de recherche au sein d’une équipe centrée sur la santé environnementale m’ont en effet mené à réfléchir sur l’impact environnemental de tout ce que nous, les hygiénistes, demandons à mettre en œuvre. Je me suis notamment intéressée à l’impact de l’usage des biocides utilisés quotidiennement au CHU sur les effluents pris en charge sur l’agglomération de Poitiers. Ces biocides peuvent perturber le fonctionnement des stations de traitement de l’eau et l’environnement de façon générale. Notre EOH intervient dans le comité de pilotage du développement durable du CHU de Poitiers. Depuis de nombreuses années, nous tentons de diminuer le recours aux produits chimiques dans l’entretien des locaux, en favorisant le nettoyage vapeur et le nettoyage mécanisé des sols. Nous travaillons également à la sensibilisation des professionnels au bon usage des produits biocides (indications, dilution, etc.).
Comment envisagez-vous la suite des événements ?
C’est simple d’être l’hygiéniste dogmatique qui veut toujours tout désinfecter. Il faut plutôt réfléchir sereinement aux alternatives qui nous permettraient d’être plus éco-responsables. Est-il nécessaire de désinfecter quotidiennement la chambre d’un résident en EHPAD, d’une maman en maternité ? Un nettoyage à la microfibre et à l’eau devrait suffire au quotidien. Dans un autre registre, il est nécessaire de s’intéresser aux alternatives à l’usage unique. Des solutions plus durables existent, comme nous l’avons découvert – contraints et forcés – durant la première vague épidémique, en utilisant des surblouses en tissu que nous avons appris à ré-imperméabiliser. Toujours est-il que les enjeux de développement durable imposent une réflexion au long cours et nécessitent des évaluations et la construction d’indicateurs. Cette démarche est d’ailleurs partagée par les trois CHU de la région Nouvelle-Aquitaine, Bordeaux, Limoges et Poitiers qui, ensemble, essaient de diminuer leur empreinte environnementale.
Le mot de la fin ?
Nous avons récemment initié des travaux de recherche sur les infections respiratoires nosocomiales virales qu’on détecte principalement lorsqu’une épidémie se déclare en EHPAD, par exemple– je pense notamment à la grippe : on ne connaît pas, aujourd’hui, la part des patients qui la contractent à l’hôpital. Nous venons d’effectuer une étude rétrospective sur 5 ans qui démontre l’importante incidence des infections respiratoires virales nosocomiales. La surveillance prospective que nous souhaitons mettre en œuvre permettra de détecter plus rapidement les épidémies nosocomiales et de mieux valoriser les mesures barrière et la vaccination. C’est un projet très stimulant !
Article publié dans l'édition de décembre 2021 d'Hospitalia à lire ici.
Nous avons la chance de pouvoir compter sur une Commission des Anti-Infectieux très dynamique. De notre côté, nous rappelons que le respect des précautions « standard » permet, à lui seul, d’éviter la diffusion des bactéries multi-résistantes (BMR) aux antibiotiques et des BHRe. La crise Covid, qui a mis en lumière l’importance de ces mesures de prévention, a été un accélérateur pour faire adhérer les professionnels de santé aux précautions d’hygiène. La crise épidémique a également souligné un fait assez étonnant : la prévention des infections associées aux soins a été essentiellement ciblée sur les paramédicaux et non tant sur les médecins. Elle est trop peu intégrée à leur formation initiale… J’essaie pour ma part d’y sensibiliser nos étudiants en médecine à la Faculté. La formation par simulation, l’usage de serious games, sont des outils efficaces. Il est important que notre communauté hospitalo-universitaire se mobilise sur la formation des futurs médecins.
Un autre enjeu qui vous mobilise : le développement durable.
Mes travaux de recherche au sein d’une équipe centrée sur la santé environnementale m’ont en effet mené à réfléchir sur l’impact environnemental de tout ce que nous, les hygiénistes, demandons à mettre en œuvre. Je me suis notamment intéressée à l’impact de l’usage des biocides utilisés quotidiennement au CHU sur les effluents pris en charge sur l’agglomération de Poitiers. Ces biocides peuvent perturber le fonctionnement des stations de traitement de l’eau et l’environnement de façon générale. Notre EOH intervient dans le comité de pilotage du développement durable du CHU de Poitiers. Depuis de nombreuses années, nous tentons de diminuer le recours aux produits chimiques dans l’entretien des locaux, en favorisant le nettoyage vapeur et le nettoyage mécanisé des sols. Nous travaillons également à la sensibilisation des professionnels au bon usage des produits biocides (indications, dilution, etc.).
Comment envisagez-vous la suite des événements ?
C’est simple d’être l’hygiéniste dogmatique qui veut toujours tout désinfecter. Il faut plutôt réfléchir sereinement aux alternatives qui nous permettraient d’être plus éco-responsables. Est-il nécessaire de désinfecter quotidiennement la chambre d’un résident en EHPAD, d’une maman en maternité ? Un nettoyage à la microfibre et à l’eau devrait suffire au quotidien. Dans un autre registre, il est nécessaire de s’intéresser aux alternatives à l’usage unique. Des solutions plus durables existent, comme nous l’avons découvert – contraints et forcés – durant la première vague épidémique, en utilisant des surblouses en tissu que nous avons appris à ré-imperméabiliser. Toujours est-il que les enjeux de développement durable imposent une réflexion au long cours et nécessitent des évaluations et la construction d’indicateurs. Cette démarche est d’ailleurs partagée par les trois CHU de la région Nouvelle-Aquitaine, Bordeaux, Limoges et Poitiers qui, ensemble, essaient de diminuer leur empreinte environnementale.
Le mot de la fin ?
Nous avons récemment initié des travaux de recherche sur les infections respiratoires nosocomiales virales qu’on détecte principalement lorsqu’une épidémie se déclare en EHPAD, par exemple– je pense notamment à la grippe : on ne connaît pas, aujourd’hui, la part des patients qui la contractent à l’hôpital. Nous venons d’effectuer une étude rétrospective sur 5 ans qui démontre l’importante incidence des infections respiratoires virales nosocomiales. La surveillance prospective que nous souhaitons mettre en œuvre permettra de détecter plus rapidement les épidémies nosocomiales et de mieux valoriser les mesures barrière et la vaccination. C’est un projet très stimulant !
Article publié dans l'édition de décembre 2021 d'Hospitalia à lire ici.