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Hygiène

Décryptage : la conception des zones à environnement maîtrisé


Rédigé par Admin le Lundi 13 Janvier 2020 à 12:23 | Lu 3489 fois


Pour éviter les infections nosocomiales dans les établissements de santé, les précautions à prendre en considération pour la conception et l’exploitation des salles blanches sont importantes. Elles sont en outre en évolution constante : les pratiques et les textes changent régulièrement pour toujours mieux maîtriser les risques de contamination, qu’ils soient d’ordre microbiologique, particulaire et/ou chimique.
Par Stéphane Ortu, délégué général de l’ASPEC




Les blocs opératoires, notamment, sont non seulement encadrés par des textes normatifs, mais aussi par des bonnes pratiques, ou règles de l’art, visant à répondre au mieux aux exigences de maîtrise des risques, tout en intégrant l’analyse des risques et les flux des patients et du personnel, principales sources de contaminations. Deux principaux textes normatifs font référence en la matière : 

• La norme française NF S 90351 « Établissements de santé – zones à environnements maîtrisé – exigences relatives à la maîtrise de la contamination aéroportée », qui propose plusieurs outils et des moyens techniques contribuant à la définition puis à l’obtention d’un environnement maîtrisé : l’identification des locaux à risques et les exigences associées à un projet de conception, les solutions techniques et leurs performances énergétiques, et la conception architecturale des locaux.

• La norme internationale ISO 14644 « Salles propres et environnements maîtrisés apparentés », dont la quatrième partie aborde les enjeux relatifs à la conception, la construction et la mise en fonctionnement. Avec, à la clé, des éléments concrets pour justement faciliter la conception des zones à risques et limiter les oublis et les erreurs.

Le niveau de maîtrise de la contamination aéroportée dans les salles propres est donc conditionné par un ensemble de choix techniques arrêtés à la conception. Il faut dès lors déterminer les besoins réels très en amont et de manière précise, en associant l’ensemble des acteurs concernés par les zones à concevoir : utilisateurs, services techniques, équipe d'hygiène hospitalière, … Les outils méthodologiques proposés par la norme française, au service de tous, peuvent sensiblement aider à la définition du besoin et à la rédaction d’un cahier des charges, tout en évitant les écueils qui seront préjudiciables à l’exploitation. Il est en effet toujours plus difficile d’apporter des changements à réception des installations !

Méthodologie d’analyse des risques et classification

En particulier, la norme NF S 90351 explique comment réaliser une analyse de risques pour mieux concevoir une zone à environnement maîtrisé, afin de limiter les futures contraintes liées à l’exploitation des locaux. Elle va jusqu’à lister les informations à recueillir, à travers une approche multidisciplinaire : description des activités et des différents circuits, mode d’exploitation, spécification des équipements nécessaires à l’activité ou à l’acte, objectifs visés, nature des contaminants par activité, source et niveau cible, caractéristiques physiques du local, économies d’énergie, contraintes environnementales, de maintenance et de sécurité des personnes.

Au travers de ces éléments, il apparaît évident que les acteurs portant le projet sont issus de différents services et métiers, avec des attentes, des contraintes et des objectifs qui leur sont propres. C’est pourquoi, pour aider à la définition des zones à risques, la norme donne des exemples de classification en fonction des actes pratiqués (schéma 1). Ainsi les salles de chirurgie orthopédique ou prothétique seront classés en zone à risque 4, soit à très haut risque infectieux, les salles de chirurgie digestive, viscérale ou urologique en zone à risque 3, donc à haut risque infectieux, et les salles de réveil en zone à risque 2, modéré. Ces informations sont données à titre indicatif ; il sera possible de déterminer d’autres classes suivant une analyse des risques argumentée.
Schéma 1 : Exemple de classe de risques donnés par la norme NF S 90351 – Avril 2013
Schéma 1 : Exemple de classe de risques donnés par la norme NF S 90351 – Avril 2013

Une fois la classe de risque déterminée, l’installation sera dimensionnée pour répondre aux objectifs fixés par la norme NF S 90 351 (schéma 2), tant du point de vue de la classification particulaire, de la classification microbiologique, de la cinétique d’élimination des particules, de la cascade de pression et de la température.
 
Schéma 2 : Objectifs par classe de risque selon la norme NF S 90351 – Avril 2013
Schéma 2 : Objectifs par classe de risque selon la norme NF S 90351 – Avril 2013

En 2013, lorsqu’elle a été revue, la nouvelle version de la norme NF S 90351 a ajouté un tableau de performance associé à un mode veille, pour maîtriser au mieux les performances énergétiques*
.

Les principes à prendre en compte pour la conception des salles propres

Au-delà la norme française dédiée aux établissements de santé, la norme internationale ISO 14644 relative aux salles propres spécifie, dans sa partie 4, les exigences pour la conception et la construction de salles propres. Elle s’adresse aux acheteurs, fournisseurs et concepteurs de ces installations, et comprend une liste indicative de paramètres importants de performance. Des conseils en matière de construction sont également proposés, accompagnés d’exigences pour la mise en fonctionnement et la qualification.

Les annexes de la partie 4 présentent concrètement les points clés à prendre en compte pour la conception : les principes de maîtrise et de séparation, comme les régimes d’écoulement de l’air et les pressions (Annexe A), les exemples de classification en fonction des attentes applicatives (Annexe B), la réception d’une salle propre (Annexe C –schéma 3), la disposition d’une installation, des dimensions aux emplacements des postes de travail, en passant par les servitudes et flux (Annexe D), la construction, les matériaux, leur nature et des considérations autour des éléments constitutifs (Annexe E), la maîtrise de l’ambiance des salles propres (Annexe F), la maîtrise de la propreté de l’air (Annexe G), et les spécifications complémentaires des exigences devant faire l’objet d’un accord entre l’acheteur/utilisateur et le concepteur/fournisseur (Annexe H).
Schéma 3 : Schématisation de la conception d’un projet et des niveaux de qualification associés, selon la norme ISO 14644
Schéma 3 : Schématisation de la conception d’un projet et des niveaux de qualification associés, selon la norme ISO 14644

Pour la partie relative à la conception des systèmes de maîtrise de l’ambiance, l’annexe F détaille notamment les principaux éléments à prendre en considération. Cette liste peut être complétée en fonction des attentes ou de certaines spécificités : le principe choisi en termes de maîtrise de la contamination, les exigences de qualité du produit, les coûts d’investissement et d’exploitation, la politique d’économie d’énergie, la sécurité des utilisateurs, la santé et le confort du personnel, les besoins et les contraintes imposés par les équipements et les procédés, la fiabilité/facilité d’exploitation et de maintenance, les questions environnementales (par exemple le traitement des rejets et des emballages), les exigences réglementaires.
 

Des outils d’aide à la définition des projets

La conception d’une zone à environnement maîtrisé doit donc s’appuyer sur les textes normatifs existants, qui doivent être perçus non comme des contraintes, mais bien comme des outils d‘aide à la définition du projet. La sélection des acteurs et parties prenantes, aux visions parfois différentes, est déterminante pour la rédaction du cahier des charges. Ce n’est qu’ainsi que pourront être effectués les choix techniques les plus pertinents, ceux qui permettront de disposer de la salle la mieux adaptée à son utilisation quotidienne, et la mieux à même de répondre aux attentes de tous.
 

Heureusement, la technologie peut venir au secours des concepteurs. Les outils de modélisation et de vision 3D permettent par exemple de présenter des prototypes de projets, et donc de les découvrir avant leur conception. Dans certains cas, il est même possible de visiter les projets de salles en vision 3D, voire en réalité augmentée, pour se projeter et pouvoir y apporter d’éventuelles modifications. Mais c’est là l’objet d’un tout autre article…

*Voir l’article « Maîtrise des performances énergétiques des installations de traitement d’air des zones à environnements maîtrisés – focus bloc opératoire », par Stéphane Ortu (ASPEC) et Denis Lopez (CHU Bordeaux) – Hospitalia #46, septembre 2019, page 100.
 

Bibliographie :
Au-delà des normes, 4 ouvrages peuvent être très utiles en phase de conception :
  • Le guide « Traitement de l’air » publié par l’ASPEC
  • Le guide « Sas » de l’ASPEC
  • Le guide régional édité par l’ARS Auvergne Rhône Alpes, et relatif aux « Blocs opératoires et locaux associés : guide de bonnes pratiques de conception »
  • L’ouvrage « Comprendre et concevoir le bloc opératoire » publié par Patrick Breack, expert en conception et hygiène hospitalière.






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