Pourriez-vous, pour commencer, nous rappeler le contexte dans lequel est survenue la révision de la norme NF EN ISO 15189 ?
Hélène Mehay : Toutes les normes portées au niveau de l’organisation internationale de normalisation ISO font l’objet de revues régulières. La norme ISO 15189 avait par exemple déjà fait l’objet d’une mise à jour en 2012. Une nouvelle actualisation avait été décidée à la suite d’une enquête menée en 2017 par l’ISO auprès des organismes de normalisations nationaux – comme l’AFNOR pour la France. Les principales évolutions apportées par la version 2022 portent sur trois points. Sur le plan structurel, la norme a été réorganisée pour proposer une construction plus cohérente, sur le modèle de ce qui avait déjà été effectué pour la norme ISO/IEC 17025 applicable aux laboratoires d’étalonnage et d’essais. En matière de contenu, elle a intégré les exigences relatives aux examens de biologie médicale délocalisée, qui étaient jusque-là évoquées dans une norme spécifique, l’ISO 22870, destinée à être utilisée conjointement avec l’ISO 15189 – ce qui n’était pas très commode. Enfin, en termes d’objectif, la version 2022 met plus l’accent sur le service médical rendu, en lien notamment avec la gestion des risques.
Comment ces changements ont-ils été accueillis par les laboratoires de biologie médicale (LBM) ?
Cette nouvelle version est moins prescriptive, dans le sens où les moyens mis en œuvre pour répondre aux exigences normatives sont davantage laissés à la discrétion des laboratoires, en fonction du contexte local – besoins des patients pris en charge, contraintes organisationnelles, risques identifiés, etc. Cette souplesse a donc été favorablement accueillie, car elle correspond mieux aux dynamiques observées sur le terrain. Il faut dire que l’obligation d’accréditation est en place depuis maintenant une quinzaine d’années ; les LBM sont désormais plus matures sur ce champ, ils se sont familiarisés avec l’approche par les risques et sa mise en perspective avec le service médical rendu.
Ces modifications ont poussé le Comité Section humaine du Cofrac à revoir le référentiel d’accréditation SH REF 02. Pourriez-vous nous en parler ?
Le SH REF 02 vient en effet décliner les exigences normatives au contexte national, en les inscrivant dans le cadre législatif et règlementaire français. Sa révision était donc nécessaire compte tenu des évolutions apportées par la V2022. Aussi avons-nous revu la structure du document pour l’aligner sur celle de la nouvelle norme, et permettre ainsi aux LBM de s’appuyer sur un référentiel véritablement lisible. Nous avons également mieux mis en valeur l’approche par les risques et l’orientation vers le service médical rendu, tout en simplifiant certains points développés dans la V2022, par exemple autour des audits internes. Nous nous sommes en outre attachés à expliciter les nouvelles notions comme celle des menaces sur l’impartialité ou celles de travaux non conformes.
Quel est, aujourd’hui, le calendrier d’application pour la nouvelle version de la norme ?
Une période de transition de trois ans, à compter de la date de publication de la V2022, a été fixée au niveau international. Ce qui veut dire qu’à partir de décembre 2025, les accréditations obtenues selon la version précédente ne seront plus valides. Pour minimiser l’impact de cette obligation sur les LBM, mais aussi sur nos propres évaluateurs, nous avons donc proposé aux structures concernées de mettre à profit leur évaluation de surveillance ou de renouvellement – programmée entre le 1er octobre 2023 et le 31 mai 2025 – pour également effectuer leur évaluation de transition vers la nouvelle norme. Il leur faudra toutefois mener au préalable une étude d’impact pour identifier les actions à potentiellement mettre en œuvre en amont.
Qu’entendez-vous par là ?
Comme je le soulignais, la V2022 est moins prescriptive : certains moyens déjà retenus par un LBM pour répondre à la V2012 pourraient suffire pour se conformer à une exigence donnée de cette nouvelle version. Cette souplesse nouvelle élargit par exemple les options pour coordonner les activités de biologie médicale délocalisée : la constitution du groupement de professionnels de santé et du groupe multidisciplinaire d’encadrement, qui était jusque-là obligatoire, ne l’est plus. Des LBM pourront ainsi choisir de conserver ce dispositif, d’autres préfèreront un autre format de coordination. Toujours est-il que les actions nécessaires de mise en conformité avec la V2022 devront avoir été menées avant l’évaluation de transition. D’autres actions pourront ensuite être progressivement engagées par les LBM pour profiter des opportunités offertes par la V2022, notamment en termes de simplification de leur système documentaire.
Le Comité Section humaine du Cofrac poursuit en parallèle ses propres travaux de réactualisation, en procédant désormais à la révision des guides techniques d’accréditation (SH GTA). Que pourriez-vous nous en dire ?
Tous ces guides techniques ont en effet été construits à partir de la V2012 et ont, depuis, été régulièrement réactualisés. Pour cette nouvelle révision, nous nous sommes concentrés sur trois premiers documents, le SH GTA 01 relatif à la biologie médicale, le SH GTA 03 concernant l’anatomie et la cytologie pathologiques, et le SH GTA 05 portant sur la biologie de la reproduction. Trois groupes de travail ont été constitués sur appel à candidatures, et regroupent aussi bien des représentants de structures publiques et privées, que des évaluateurs, des membres du comité de section et de la commission d’accréditation du Cofrac ou encore des sociétés savantes – un processus collégial inscrit dans l’ADN du Cofrac, qui a toujours cherché à associer toutes les parties prenantes afin de parvenir au meilleur consensus possible. Les autres guides techniques d’accréditation seront eux aussi progressivement revus, et ces textes continueront à évoluer à la lumière des enseignements issus des retours d’expérience sur le terrain, des interrogations éventuelles identifiées auprès des publics concernés, ou encore des avancées technologiques – comme l’intelligence artificielle – et de leurs impacts sur les pratiques.
Sur un autre registre, le souci de simplification apporté par la norme NF EN ISO 15189 s’inscrit dans une tendance plus globale, dans laquelle s’est également engagé le Cofrac à travers son projet OMEGA. En quoi consiste ce dernier ?
Le projet OMEGA, pour « Optimisation des Modalités d’Évaluation et Gestion des Accréditations », entend renforcer la valeur ajoutée des évaluations, tous secteurs confondus. Il ambitionne tout particulièrement d’individualiser le processus, sur la base des risques identifiés localement et à travers la prise en compte de l’historique d’évaluation et de la performance des organismes accrédités. Il s’agit donc de mieux s’adapter à la réalité du terrain, en personnalisant le périmètre et les intervalles de surveillance, ainsi que le suivi des écarts. Nous avons initié ce virage depuis déjà quelques années, et une consultation menée auprès des organismes concernés par un processus d’accréditation a récemment confirmé leur intérêt pour la démarche, qui devrait se poursuivre et s’accentuer dans les mois et années à venir.
Le mot de la fin ?
Ce nouveau regard porté sur le processus d’accréditation, et surtout cette volonté de mieux mettre sa plus-value en lumière, au-delà des seules exigences normatives et règlementaires, font finalement écho à la nouvelle norme NF EN ISO 15189 qui, comme nous l’avons vu, s’est recentrée sur la notion de service médical rendu. Les premières années suivant la mise en œuvre de l’obligation d’accréditation pour les laboratoires de biologie médicale, le Cofrac s’assurait pour l’essentiel de la conformité aux exigences applicables. Aujourd’hui, nous évaluons désormais l’efficacité des organisations et des moyens mis en œuvre, c’est-à-dire leur contribution effective à l’atteinte d’objectifs Qualité, en l’occurrence ici le service médical rendu. Naturellement, les LBM seront accompagnés dans cette transition, d’autant que le service médical rendu est une notion transverse, à laquelle concourent tout autant les choix organisationnels que technologiques. Il peut être plus difficile de les mettre en perspective avec les exigences et les attendus de la norme, en particulier lorsqu’il s’agit de technologies nouvelles comme les algorithmes décisionnels intelligents. D’où, d’ailleurs, la volonté du Cofrac de s’appuyer sur des groupes de travail pluridisciplinaires ; les éclairages ainsi apportés sont dès lors plus pertinents et en meilleure adéquation avec les usages du terrain.
> Pour en savoir plus, rendez-vous sur www.cofrac.fr .
> Article paru dans Hospitalia #63, édition de décembre 2023, à lire ici
Hélène Mehay : Toutes les normes portées au niveau de l’organisation internationale de normalisation ISO font l’objet de revues régulières. La norme ISO 15189 avait par exemple déjà fait l’objet d’une mise à jour en 2012. Une nouvelle actualisation avait été décidée à la suite d’une enquête menée en 2017 par l’ISO auprès des organismes de normalisations nationaux – comme l’AFNOR pour la France. Les principales évolutions apportées par la version 2022 portent sur trois points. Sur le plan structurel, la norme a été réorganisée pour proposer une construction plus cohérente, sur le modèle de ce qui avait déjà été effectué pour la norme ISO/IEC 17025 applicable aux laboratoires d’étalonnage et d’essais. En matière de contenu, elle a intégré les exigences relatives aux examens de biologie médicale délocalisée, qui étaient jusque-là évoquées dans une norme spécifique, l’ISO 22870, destinée à être utilisée conjointement avec l’ISO 15189 – ce qui n’était pas très commode. Enfin, en termes d’objectif, la version 2022 met plus l’accent sur le service médical rendu, en lien notamment avec la gestion des risques.
Comment ces changements ont-ils été accueillis par les laboratoires de biologie médicale (LBM) ?
Cette nouvelle version est moins prescriptive, dans le sens où les moyens mis en œuvre pour répondre aux exigences normatives sont davantage laissés à la discrétion des laboratoires, en fonction du contexte local – besoins des patients pris en charge, contraintes organisationnelles, risques identifiés, etc. Cette souplesse a donc été favorablement accueillie, car elle correspond mieux aux dynamiques observées sur le terrain. Il faut dire que l’obligation d’accréditation est en place depuis maintenant une quinzaine d’années ; les LBM sont désormais plus matures sur ce champ, ils se sont familiarisés avec l’approche par les risques et sa mise en perspective avec le service médical rendu.
Ces modifications ont poussé le Comité Section humaine du Cofrac à revoir le référentiel d’accréditation SH REF 02. Pourriez-vous nous en parler ?
Le SH REF 02 vient en effet décliner les exigences normatives au contexte national, en les inscrivant dans le cadre législatif et règlementaire français. Sa révision était donc nécessaire compte tenu des évolutions apportées par la V2022. Aussi avons-nous revu la structure du document pour l’aligner sur celle de la nouvelle norme, et permettre ainsi aux LBM de s’appuyer sur un référentiel véritablement lisible. Nous avons également mieux mis en valeur l’approche par les risques et l’orientation vers le service médical rendu, tout en simplifiant certains points développés dans la V2022, par exemple autour des audits internes. Nous nous sommes en outre attachés à expliciter les nouvelles notions comme celle des menaces sur l’impartialité ou celles de travaux non conformes.
Quel est, aujourd’hui, le calendrier d’application pour la nouvelle version de la norme ?
Une période de transition de trois ans, à compter de la date de publication de la V2022, a été fixée au niveau international. Ce qui veut dire qu’à partir de décembre 2025, les accréditations obtenues selon la version précédente ne seront plus valides. Pour minimiser l’impact de cette obligation sur les LBM, mais aussi sur nos propres évaluateurs, nous avons donc proposé aux structures concernées de mettre à profit leur évaluation de surveillance ou de renouvellement – programmée entre le 1er octobre 2023 et le 31 mai 2025 – pour également effectuer leur évaluation de transition vers la nouvelle norme. Il leur faudra toutefois mener au préalable une étude d’impact pour identifier les actions à potentiellement mettre en œuvre en amont.
Qu’entendez-vous par là ?
Comme je le soulignais, la V2022 est moins prescriptive : certains moyens déjà retenus par un LBM pour répondre à la V2012 pourraient suffire pour se conformer à une exigence donnée de cette nouvelle version. Cette souplesse nouvelle élargit par exemple les options pour coordonner les activités de biologie médicale délocalisée : la constitution du groupement de professionnels de santé et du groupe multidisciplinaire d’encadrement, qui était jusque-là obligatoire, ne l’est plus. Des LBM pourront ainsi choisir de conserver ce dispositif, d’autres préfèreront un autre format de coordination. Toujours est-il que les actions nécessaires de mise en conformité avec la V2022 devront avoir été menées avant l’évaluation de transition. D’autres actions pourront ensuite être progressivement engagées par les LBM pour profiter des opportunités offertes par la V2022, notamment en termes de simplification de leur système documentaire.
Le Comité Section humaine du Cofrac poursuit en parallèle ses propres travaux de réactualisation, en procédant désormais à la révision des guides techniques d’accréditation (SH GTA). Que pourriez-vous nous en dire ?
Tous ces guides techniques ont en effet été construits à partir de la V2012 et ont, depuis, été régulièrement réactualisés. Pour cette nouvelle révision, nous nous sommes concentrés sur trois premiers documents, le SH GTA 01 relatif à la biologie médicale, le SH GTA 03 concernant l’anatomie et la cytologie pathologiques, et le SH GTA 05 portant sur la biologie de la reproduction. Trois groupes de travail ont été constitués sur appel à candidatures, et regroupent aussi bien des représentants de structures publiques et privées, que des évaluateurs, des membres du comité de section et de la commission d’accréditation du Cofrac ou encore des sociétés savantes – un processus collégial inscrit dans l’ADN du Cofrac, qui a toujours cherché à associer toutes les parties prenantes afin de parvenir au meilleur consensus possible. Les autres guides techniques d’accréditation seront eux aussi progressivement revus, et ces textes continueront à évoluer à la lumière des enseignements issus des retours d’expérience sur le terrain, des interrogations éventuelles identifiées auprès des publics concernés, ou encore des avancées technologiques – comme l’intelligence artificielle – et de leurs impacts sur les pratiques.
Sur un autre registre, le souci de simplification apporté par la norme NF EN ISO 15189 s’inscrit dans une tendance plus globale, dans laquelle s’est également engagé le Cofrac à travers son projet OMEGA. En quoi consiste ce dernier ?
Le projet OMEGA, pour « Optimisation des Modalités d’Évaluation et Gestion des Accréditations », entend renforcer la valeur ajoutée des évaluations, tous secteurs confondus. Il ambitionne tout particulièrement d’individualiser le processus, sur la base des risques identifiés localement et à travers la prise en compte de l’historique d’évaluation et de la performance des organismes accrédités. Il s’agit donc de mieux s’adapter à la réalité du terrain, en personnalisant le périmètre et les intervalles de surveillance, ainsi que le suivi des écarts. Nous avons initié ce virage depuis déjà quelques années, et une consultation menée auprès des organismes concernés par un processus d’accréditation a récemment confirmé leur intérêt pour la démarche, qui devrait se poursuivre et s’accentuer dans les mois et années à venir.
Le mot de la fin ?
Ce nouveau regard porté sur le processus d’accréditation, et surtout cette volonté de mieux mettre sa plus-value en lumière, au-delà des seules exigences normatives et règlementaires, font finalement écho à la nouvelle norme NF EN ISO 15189 qui, comme nous l’avons vu, s’est recentrée sur la notion de service médical rendu. Les premières années suivant la mise en œuvre de l’obligation d’accréditation pour les laboratoires de biologie médicale, le Cofrac s’assurait pour l’essentiel de la conformité aux exigences applicables. Aujourd’hui, nous évaluons désormais l’efficacité des organisations et des moyens mis en œuvre, c’est-à-dire leur contribution effective à l’atteinte d’objectifs Qualité, en l’occurrence ici le service médical rendu. Naturellement, les LBM seront accompagnés dans cette transition, d’autant que le service médical rendu est une notion transverse, à laquelle concourent tout autant les choix organisationnels que technologiques. Il peut être plus difficile de les mettre en perspective avec les exigences et les attendus de la norme, en particulier lorsqu’il s’agit de technologies nouvelles comme les algorithmes décisionnels intelligents. D’où, d’ailleurs, la volonté du Cofrac de s’appuyer sur des groupes de travail pluridisciplinaires ; les éclairages ainsi apportés sont dès lors plus pertinents et en meilleure adéquation avec les usages du terrain.
> Pour en savoir plus, rendez-vous sur www.cofrac.fr .
> Article paru dans Hospitalia #63, édition de décembre 2023, à lire ici