Comment en êtes-vous venu à vous intéresser aux salles blanches ?
Stéphane Ortu : J’ai démarré dans le métier un peu par hasard : lors de mes études en alternance, je me suis retrouvé dans le département Environnement du groupe Areva, où je suis finalement resté pendant 12 ans. C’est là que j’ai découvert le monde si particulier des salles blanches, en travaillant à leur contrôle et leur qualification dans différents secteurs. Je me suis rapidement passionné pour cette activité qui nécessite des compétences à la fois techniques, normatives et règlementaires, ainsi qu’une réelle maîtrise des règles de l’art. La norme ISO 90001 relative au management de la qualité commençait d’ailleurs à être mise en œuvre à cette époque, et a trouvé des applications concrètes dans toutes les activités touchant à l’assainissement de l’air, comme le désamiantage.
Un autre concours de circonstances vous a permis de mettre le pied à l’hôpital. Pouvez-vous nous en parler ?
En effet, Airinspace, une entreprise spécialisée dans les systèmes de traitement de l’air, m’a un jour sollicité pour la réalisation d’une étude clinique portant sur l’installation d’épurateurs d’air au sein de cinq centres hospitaliers. C’était alors quelque chose de nouveau, nous étions au début des années 2000. Je me suis donc attaché, deux années durant,à évaluer l’impact de ces systèmes sur l’incidence des infections nosocomiales. Les résultats ont, sans surprise, plaidé en leur faveur. J’ai ensuite intégré cette entreprise où, pendant six ans, j’ai travaillé sur le traitement de l’air dans les établissements de santé. En 2012, alors que j’étais devenu consultant indépendant, l’ASPEC, l’Association pour la Prévention et l’Étude de la Contamination, à laquelle j’avais adhéré dès 1994, m’a demandé d’élaborer un plan de relance pour accélérer son développement.
L’ASPEC venait alors d’être reconnue d’utilité publique.
Effectivement, et un an plus tard, en avril 2013, a été publiée la norme NF S90-351, qui porte sur les exigences relatives à la maîtrise de la contamination aéroportée dans les zones à environnement maîtrisé des établissements de santé. Grâce à son réseau d’experts, l’ASPEC était sans nul doute la mieux placée pour accompagner cette évolution. En 2015, je suis nommé Délégué Général. Les années suivantes ont été marquées par plusieurs temps forts, qui ont contribué au nouveau dynamisme de l’association. Le salon Contamin’Expo et le congrès Contamin’Expert, qui se tiennent tous les deux ans, sont ainsi devenus des événements de référence pour la maîtrise des contaminations et des salles propres. L’ASPEC a également été reconnue comme organisme de formation avec, notamment, le recrutement de Christophe Lestrez, qui coordonnait jusque-là les risques liés à l’air au CHRU de Lille. Bien qu’elle fête ses 50 ans en 2021, elle s’est par ailleurs rajeunie, en repensant sa communication et en renforçant sa présence digitale.
Où en êtes-vous aujourd’hui ?
En septembre 2020, je suis devenu le Directeur Général de LSB - La Salle Blanche, une PME française adhérente de l’ASPEC et dont l’activité porte sur le secteur de la santé au sens large. Cette évolution s’inscrit in finedans la continuité de mon parcours et lui donne du sens : après le contrôle qualification et qualité, puis le déploiement des solutions techniques, la formation et les bonnes pratiques, je peux désormais intervenir en amont des projets, et défendre les règles de l’art auprès des architectes, des bureaux d’études et des utilisateurs pour renforcer la maîtrise des contaminations – un enjeu particulièrement actuel aujourd’hui.
Vous avez vu la filière murir. Quels enseignements pouvez-vous en tirer ?
Le secteur des salles blanches s’esteffectivementstructuré, et a même réfléchi à des problématiques qui dépassent sa mission première, comme la réduction des consommations énergétiques.Mais, comme toute filière où il y a des règles, celles-ci ne sont pas toujours appliquées, parce que leur mise en œuvre est financièrement lourde ou qu’elles sont méconnues. Je vois donc deux principaux enjeux à court et moyen terme, du moins pour l’hôpital. D’abord, trouver un juste équilibre entre les exigences techniques et leur faisabilité réelle. Et ensuite, renforcer la formation de tous ceux impliqués dans un projet de salle blanche dite zone à risque, concepteurs, utilisateurs et exploitants, afin que les installations soient correctement dimensionnées, qu’elles soient adaptées aux besoins réels, qu’elles vieillissent bien, etc. Tout cela va dans le sens de la norme NF S90-351, et de l’ISO 14644 (partie 4, conception). Mais elles ne sont pas encore obligatoires à l’hôpital, contrairement par exemple au contexte règlementaire type Bonnes Pratiques de Fabrication (BPF) applicablesà l’industrie pharmaceutique, alors qu’il s’agit d’un secteur tout aussi spécifique.
La dynamique n’en est pas moins positive.
Assurément ! Avant les années 2000, de nombreux hôpitaux limitaient la maîtrise des contaminations au port de gants. Il y a depuis eu une réelle prise de conscience sur sa dimension globale, elle-même articulée autour des comportements, des solutions techniques et des opérations de maintenance. Nous voyons aujourd’hui émerger un quatrième maillon, qui en est à ses prémices : le traitement des données d’exploitation. Il sera à terme possible d’identifier les dysfonctionnements en temps réel et, à plus longue échéance, de mettre en œuvre des opérations de maintenance prédictive grâce aux technologies d’intelligence artificielle. Une telle évolution sera d’une importance capitale pour les établissements de santé, puisque les incidents engagent leur responsabilité. Et puis cela va dans le sens de l’histoire : à une époque où tout devient intelligent – les habitations, les voitures, etc. –, pouvons-nous faire l’impasse sur une activité qui touche directement à la santé ?
Le mot de la fin ?
L’année 2020 sera certainement une année charnière pour la maîtrise des contaminations.Cela fait des années que les professionnels du secteur tentent d’y sensibiliser les décideurs et le grand public. L’arrivée du Covid, aussi terrible soit-elle sur le plan humain, social et économique, a assurément contribué à faire bouger les lignes. Récemment encore, la question a été évoquée dans un congrès d’architecture hospitalière, dans une tentative de coupler dimension esthétique et enjeux fonctionnels. Nous constatons également une évolution des mentalités sur le terrain : renforcement de l’observance des précautions standard d’hygiène, des bonnes pratiques d’habillage, etc. Il ne faudra pas perdre ces acquis, qui pourront s’appuyer sur la présence de nombreux acteurs, spécialistes dans le domaine – dont nous faisons partie – et qui, au quotidien et depuis très longtemps, mettent leurs compétences au service de la maitrise de la contamination.
Stéphane Ortu : J’ai démarré dans le métier un peu par hasard : lors de mes études en alternance, je me suis retrouvé dans le département Environnement du groupe Areva, où je suis finalement resté pendant 12 ans. C’est là que j’ai découvert le monde si particulier des salles blanches, en travaillant à leur contrôle et leur qualification dans différents secteurs. Je me suis rapidement passionné pour cette activité qui nécessite des compétences à la fois techniques, normatives et règlementaires, ainsi qu’une réelle maîtrise des règles de l’art. La norme ISO 90001 relative au management de la qualité commençait d’ailleurs à être mise en œuvre à cette époque, et a trouvé des applications concrètes dans toutes les activités touchant à l’assainissement de l’air, comme le désamiantage.
Un autre concours de circonstances vous a permis de mettre le pied à l’hôpital. Pouvez-vous nous en parler ?
En effet, Airinspace, une entreprise spécialisée dans les systèmes de traitement de l’air, m’a un jour sollicité pour la réalisation d’une étude clinique portant sur l’installation d’épurateurs d’air au sein de cinq centres hospitaliers. C’était alors quelque chose de nouveau, nous étions au début des années 2000. Je me suis donc attaché, deux années durant,à évaluer l’impact de ces systèmes sur l’incidence des infections nosocomiales. Les résultats ont, sans surprise, plaidé en leur faveur. J’ai ensuite intégré cette entreprise où, pendant six ans, j’ai travaillé sur le traitement de l’air dans les établissements de santé. En 2012, alors que j’étais devenu consultant indépendant, l’ASPEC, l’Association pour la Prévention et l’Étude de la Contamination, à laquelle j’avais adhéré dès 1994, m’a demandé d’élaborer un plan de relance pour accélérer son développement.
L’ASPEC venait alors d’être reconnue d’utilité publique.
Effectivement, et un an plus tard, en avril 2013, a été publiée la norme NF S90-351, qui porte sur les exigences relatives à la maîtrise de la contamination aéroportée dans les zones à environnement maîtrisé des établissements de santé. Grâce à son réseau d’experts, l’ASPEC était sans nul doute la mieux placée pour accompagner cette évolution. En 2015, je suis nommé Délégué Général. Les années suivantes ont été marquées par plusieurs temps forts, qui ont contribué au nouveau dynamisme de l’association. Le salon Contamin’Expo et le congrès Contamin’Expert, qui se tiennent tous les deux ans, sont ainsi devenus des événements de référence pour la maîtrise des contaminations et des salles propres. L’ASPEC a également été reconnue comme organisme de formation avec, notamment, le recrutement de Christophe Lestrez, qui coordonnait jusque-là les risques liés à l’air au CHRU de Lille. Bien qu’elle fête ses 50 ans en 2021, elle s’est par ailleurs rajeunie, en repensant sa communication et en renforçant sa présence digitale.
Où en êtes-vous aujourd’hui ?
En septembre 2020, je suis devenu le Directeur Général de LSB - La Salle Blanche, une PME française adhérente de l’ASPEC et dont l’activité porte sur le secteur de la santé au sens large. Cette évolution s’inscrit in finedans la continuité de mon parcours et lui donne du sens : après le contrôle qualification et qualité, puis le déploiement des solutions techniques, la formation et les bonnes pratiques, je peux désormais intervenir en amont des projets, et défendre les règles de l’art auprès des architectes, des bureaux d’études et des utilisateurs pour renforcer la maîtrise des contaminations – un enjeu particulièrement actuel aujourd’hui.
Vous avez vu la filière murir. Quels enseignements pouvez-vous en tirer ?
Le secteur des salles blanches s’esteffectivementstructuré, et a même réfléchi à des problématiques qui dépassent sa mission première, comme la réduction des consommations énergétiques.Mais, comme toute filière où il y a des règles, celles-ci ne sont pas toujours appliquées, parce que leur mise en œuvre est financièrement lourde ou qu’elles sont méconnues. Je vois donc deux principaux enjeux à court et moyen terme, du moins pour l’hôpital. D’abord, trouver un juste équilibre entre les exigences techniques et leur faisabilité réelle. Et ensuite, renforcer la formation de tous ceux impliqués dans un projet de salle blanche dite zone à risque, concepteurs, utilisateurs et exploitants, afin que les installations soient correctement dimensionnées, qu’elles soient adaptées aux besoins réels, qu’elles vieillissent bien, etc. Tout cela va dans le sens de la norme NF S90-351, et de l’ISO 14644 (partie 4, conception). Mais elles ne sont pas encore obligatoires à l’hôpital, contrairement par exemple au contexte règlementaire type Bonnes Pratiques de Fabrication (BPF) applicable
La dynamique n’en est pas moins positive.
Assurément ! Avant les années 2000, de nombreux hôpitaux limitaient la maîtrise des contaminations au port de gants. Il y a depuis eu une réelle prise de conscience sur sa dimension globale, elle-même articulée autour des comportements, des solutions techniques et des opérations de maintenance. Nous voyons aujourd’hui émerger un quatrième maillon, qui en est à ses prémices : le traitement des données d’exploitation. Il sera à terme possible d’identifier les dysfonctionnements en temps réel et, à plus longue échéance, de mettre en œuvre des opérations de maintenance prédictive grâce aux technologies d’intelligence artificielle. Une telle évolution sera d’une importance capitale pour les établissements de santé, puisque les incidents engagent leur responsabilité. Et puis cela va dans le sens de l’histoire : à une époque où tout devient intelligent – les habitations, les voitures, etc. –, pouvons-nous faire l’impasse sur une activité qui touche directement à la santé ?
Le mot de la fin ?
L’année 2020 sera certainement une année charnière pour la maîtrise des contaminations.Cela fait des années que les professionnels du secteur tentent d’y sensibiliser les décideurs et le grand public. L’arrivée du Covid, aussi terrible soit-elle sur le plan humain, social et économique, a assurément contribué à faire bouger les lignes. Récemment encore, la question a été évoquée dans un congrès d’architecture hospitalière, dans une tentative de coupler dimension esthétique et enjeux fonctionnels. Nous constatons également une évolution des mentalités sur le terrain : renforcement de l’observance des précautions standard d’hygiène, des bonnes pratiques d’habillage, etc. Il ne faudra pas perdre ces acquis, qui pourront s’appuyer sur la présence de nombreux acteurs, spécialistes dans le domaine – dont nous faisons partie – et qui, au quotidien et depuis très longtemps, mettent leurs compétences au service de la maitrise de la contamination.
Article publié sur le numéro de décembre d'Hospitalia à consulter ici.