Quelles ont été, selon vous, les principales innovations de ces quinze dernières années ?
Dr Cyril Boronad : Les évolutions ont été nombreuses et se divisent en trois principales catégories: les innovations techniques, les changements de pratiques et les réorganisations territoriales. Sur ce dernier point, la création en 2016 des Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT) a par exemple modifié les habitudes en matière d’achats, et incité les établissements de santé à constituer des projets pharmaceutiques de territoire, renforçant par là même les collaborations inter-PUI. Autre évolution notable : à partir de 2017, la nouvelle législation a imposé d'être titulaire du DES de formation hospitalière pour pouvoir exercer en PUI. Cette obligation souhaitée par l’ensemble de la profession a permis de mieux reconnaître notre spécialité, tout en améliorant la qualité des actes et en encourageant la spécialisation professionnelle. Mais elle a également accentué les difficultés de recrutement auxquelles sont actuellement confrontées de nombreuses PUI.
Quid de l’innovation des pratiques ?
Les changements ont eux aussi été nombreux, notamment à travers le développement de la pharmacie clinique. L'intégration des pharmaciens dans les programmes d'éducation thérapeutique a progressivement permis de développer et de mieux structurer les différentes activités relevant de la pharmacie clinique, comme la conciliation médicamenteuse ou les consultations pharmaceutiques avancées, tout en renforçant les échanges avec les équipes médicales. La pharmacie hospitalière s'est également plus intéressée à ce qu’il se passait à l'extérieur de l’hôpital, développant de nouveaux liens avec les praticiens libéraux et les pharmacies d'officine.
Plus récemment, l’on a aussi assisté à une plus grande prise de conscience en matière d’éco-activité…
Les PUI prennent en effet de plus en plus en compte l’impact environnemental de leurs activités – et en particulier des produits de santé –, et s’attachent désormais à mieux le maîtriser. Plusieurs initiatives sont menées en ce sens, pour des achats plus responsables et des critères de choix plus exigeants, une consommation raisonnée des produits de santé ou encore une attention accrue portée à leurs modalités de recyclage. Ces actions s’inscrivent d’ailleurs souvent dans le cadre plus large du plan Développement Durable des établissements de santé, lorsque celui-ci existe. Mais elles peuvent aussi être mises en place à la seule initiative d’une équipe de PUI particulièrement engagée sur le sujet. Toujours est-il que comme le reste de la société, notre spécialité s’est elle aussi emparée de cet enjeu ô combien important pour les années à venir.
Dans quelle mesure les innovations technologiques de ces dernières années ont-elles marqué l’exercice des PUI ?
Nous avons assisté à de très nombreuses avancées, notamment en ce qui concerne le déploiement partout en France de systèmes automatisés. Et à l’instar des autres secteurs de l’Hôpital, les outils numériques se sont aussi largement imposés et ont su trouver leur place dans nos activités. Mais ils ont aussi apporté leur lot de nouveaux enjeux. Par exemple, la mise en œuvre de la prescription informatisée a engendré de nouveaux besoins, à la fois en matière d’urbanisation informatique et d’interopérabilité. D’autres évolutions sont aujourd’hui en cours, en particulier pour mieux lutter contre la contrefaçon médicamenteuse – c’est notamment l’objectif de la sérialisation –, ou encore favoriser l’intégration des outils d’aide à la décision pour la validation des actes pharmaceutiques.
Qu’en est-il de l’innovation médicamenteuse, que nous n’avons pas encore évoquée ?
Nous avons effectivement accès à des médicaments de plus en plus complexes. Le développement des anticorps monoclonaux, de l'immunothérapie et de médicaments de thérapie innovante (MTI) n’est pas sans impact sur nos process de préparation et de pharmacotechnie. Les organisations et les équipements des PUI ont dû s’y adapter, mais d’autres changements sont également à l’œuvre en lien avec l’industrie pharmaceutique. Les dispositifs médicaux stériles, par exemple, ont eux aussi largement évolué, parallèlement aux nouvelles techniques opératoires et chirurgicales. Leur prise en charge est de plus en plus complexe et nécessite une expertise plus spécialisée.
Quelles autres évolutions majeures seraient à votre sens attendues dans les prochaines années ?
Tous les éléments que je viens de citer sont encore déployés de manière hétérogène au sein des PUI. La prochaine étape consisterait donc à d’abord élargir le champ d’application de ces innovations. Mais nous rencontrons actuellement deux freins majeurs : le manque d'attractivité des spécialités hospitalières et la faiblesse des moyens financiers qui y sont alloués. Généraliser les systèmes d'information et les solutions d'automatisation, développer des outils d'intelligence artificielle et élargir les activités de pharmacie clinique, imposent d’investir des moyens humains et financiers. Une attention forte devra d’ailleurs être portée sur les investissements en matière d'équipements. Il faudrait ici que les projets pharmaceutiques soient portés par plusieurs établissements pour multiplier les sources de financements. Il est également nécessaire de reconnaître ces projets comme prioritaires, de manière à y flécher une part des budgets biomédicaux des établissements de santé.
Un mot pour finir sur la problématique de l’attractivité, que vous venez de soulever ?
Cette problématique est commune à l’Hôpital dans son ensemble. Les pharmacies hospitalières n’y échappent pas, et doivent chercher à être plus attractives pour répondre à la pénurie actuelle de ressources humaines. Les effectifs existants ne sont aujourd’hui pas en mesure de répondre à la demande des établissements. Il nous faut donc impérativement augmenter le nombre de pharmaciens hospitaliers formés... or formation et attractivité vont de pair. Il est nécessaire de créer des postes supplémentaires d’internes, puis d’être en mesure de proposer par la suite des postes pérennes, afin que les professionnels nouvellement formés puissent se projeter et avoir une carrière qui corresponde à leurs attentes.
Article publié dans l'édition de septembre 2022 d'Hospitalia à lire ici.
Dr Cyril Boronad : Les évolutions ont été nombreuses et se divisent en trois principales catégories: les innovations techniques, les changements de pratiques et les réorganisations territoriales. Sur ce dernier point, la création en 2016 des Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT) a par exemple modifié les habitudes en matière d’achats, et incité les établissements de santé à constituer des projets pharmaceutiques de territoire, renforçant par là même les collaborations inter-PUI. Autre évolution notable : à partir de 2017, la nouvelle législation a imposé d'être titulaire du DES de formation hospitalière pour pouvoir exercer en PUI. Cette obligation souhaitée par l’ensemble de la profession a permis de mieux reconnaître notre spécialité, tout en améliorant la qualité des actes et en encourageant la spécialisation professionnelle. Mais elle a également accentué les difficultés de recrutement auxquelles sont actuellement confrontées de nombreuses PUI.
Quid de l’innovation des pratiques ?
Les changements ont eux aussi été nombreux, notamment à travers le développement de la pharmacie clinique. L'intégration des pharmaciens dans les programmes d'éducation thérapeutique a progressivement permis de développer et de mieux structurer les différentes activités relevant de la pharmacie clinique, comme la conciliation médicamenteuse ou les consultations pharmaceutiques avancées, tout en renforçant les échanges avec les équipes médicales. La pharmacie hospitalière s'est également plus intéressée à ce qu’il se passait à l'extérieur de l’hôpital, développant de nouveaux liens avec les praticiens libéraux et les pharmacies d'officine.
Plus récemment, l’on a aussi assisté à une plus grande prise de conscience en matière d’éco-activité…
Les PUI prennent en effet de plus en plus en compte l’impact environnemental de leurs activités – et en particulier des produits de santé –, et s’attachent désormais à mieux le maîtriser. Plusieurs initiatives sont menées en ce sens, pour des achats plus responsables et des critères de choix plus exigeants, une consommation raisonnée des produits de santé ou encore une attention accrue portée à leurs modalités de recyclage. Ces actions s’inscrivent d’ailleurs souvent dans le cadre plus large du plan Développement Durable des établissements de santé, lorsque celui-ci existe. Mais elles peuvent aussi être mises en place à la seule initiative d’une équipe de PUI particulièrement engagée sur le sujet. Toujours est-il que comme le reste de la société, notre spécialité s’est elle aussi emparée de cet enjeu ô combien important pour les années à venir.
Dans quelle mesure les innovations technologiques de ces dernières années ont-elles marqué l’exercice des PUI ?
Nous avons assisté à de très nombreuses avancées, notamment en ce qui concerne le déploiement partout en France de systèmes automatisés. Et à l’instar des autres secteurs de l’Hôpital, les outils numériques se sont aussi largement imposés et ont su trouver leur place dans nos activités. Mais ils ont aussi apporté leur lot de nouveaux enjeux. Par exemple, la mise en œuvre de la prescription informatisée a engendré de nouveaux besoins, à la fois en matière d’urbanisation informatique et d’interopérabilité. D’autres évolutions sont aujourd’hui en cours, en particulier pour mieux lutter contre la contrefaçon médicamenteuse – c’est notamment l’objectif de la sérialisation –, ou encore favoriser l’intégration des outils d’aide à la décision pour la validation des actes pharmaceutiques.
Qu’en est-il de l’innovation médicamenteuse, que nous n’avons pas encore évoquée ?
Nous avons effectivement accès à des médicaments de plus en plus complexes. Le développement des anticorps monoclonaux, de l'immunothérapie et de médicaments de thérapie innovante (MTI) n’est pas sans impact sur nos process de préparation et de pharmacotechnie. Les organisations et les équipements des PUI ont dû s’y adapter, mais d’autres changements sont également à l’œuvre en lien avec l’industrie pharmaceutique. Les dispositifs médicaux stériles, par exemple, ont eux aussi largement évolué, parallèlement aux nouvelles techniques opératoires et chirurgicales. Leur prise en charge est de plus en plus complexe et nécessite une expertise plus spécialisée.
Quelles autres évolutions majeures seraient à votre sens attendues dans les prochaines années ?
Tous les éléments que je viens de citer sont encore déployés de manière hétérogène au sein des PUI. La prochaine étape consisterait donc à d’abord élargir le champ d’application de ces innovations. Mais nous rencontrons actuellement deux freins majeurs : le manque d'attractivité des spécialités hospitalières et la faiblesse des moyens financiers qui y sont alloués. Généraliser les systèmes d'information et les solutions d'automatisation, développer des outils d'intelligence artificielle et élargir les activités de pharmacie clinique, imposent d’investir des moyens humains et financiers. Une attention forte devra d’ailleurs être portée sur les investissements en matière d'équipements. Il faudrait ici que les projets pharmaceutiques soient portés par plusieurs établissements pour multiplier les sources de financements. Il est également nécessaire de reconnaître ces projets comme prioritaires, de manière à y flécher une part des budgets biomédicaux des établissements de santé.
Un mot pour finir sur la problématique de l’attractivité, que vous venez de soulever ?
Cette problématique est commune à l’Hôpital dans son ensemble. Les pharmacies hospitalières n’y échappent pas, et doivent chercher à être plus attractives pour répondre à la pénurie actuelle de ressources humaines. Les effectifs existants ne sont aujourd’hui pas en mesure de répondre à la demande des établissements. Il nous faut donc impérativement augmenter le nombre de pharmaciens hospitaliers formés... or formation et attractivité vont de pair. Il est nécessaire de créer des postes supplémentaires d’internes, puis d’être en mesure de proposer par la suite des postes pérennes, afin que les professionnels nouvellement formés puissent se projeter et avoir une carrière qui corresponde à leurs attentes.
Article publié dans l'édition de septembre 2022 d'Hospitalia à lire ici.