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Activités accessoires d’un praticien hospitalier universitaire – l’appréciation souple des obligations déontologiques par le Conseil d’État


Rédigé par Me Ghislaine ISSENHUTH et Me Olivier SAMYN, Associés, LMT Avocats le Lundi 31 Mars 2025 à 14:36 | Lu 206 fois


Par une décision du 28 novembre dernier [1], le Conseil d’État a estimé que la violation, par un praticien hospitalier universitaire (PU-PH), de son obligation d’obtenir l’autorisation de sa hiérarchie d’exercer des activités accessoires pour le compte d’un industriel, ainsi que le fait de passer outre les avis défavorables du Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) s’agissant des avantages perçus au titre de ces activités, ne constituent pas nécessairement des manquements déontologiques.



Cette décision, qui témoigne d’une certaine souplesse dans l’appréciation des obligations déontologiques des médecins, est une occasion pour le Conseil d’État de revenir sur l’encadrement des activités exercées par un PU-PH pour le compte d’industriels. Elle présente toutefois une portée incertaine au regard de l’évolution des textes en vigueur. 

1. L’origine du recours exercé par le CNOM

En l’espèce, un PU-PH avait conclu plusieurs conventions avec des entreprises pharmaceutiques, portant notamment sur la réalisation de prestations pour leur compte, et perçu à ce titre des rémunérations et autres avantages. 

Ce dernier n’avait toutefois pas obtenu les autorisations de sa hiérarchie pour exercer les activités. En conséquence, le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) avait émis des avis défavorables quant à leur mise en œuvre, dont le médecin n’avait pas tenu compte. 

 Reprochant au médecin un manquement à ses obligations déontologiques d’indépendance, de moralité, de probité, ainsi qu’à l’interdiction de déconsidérer la profession, le CNOM a saisi la Chambre Disciplinaire Nationale de l’ordre des médecins (CDN). Débouté tant en première instance qu’en appel, il s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’État, qui a confirmé les précédentes décisions. 

2. Un rappel de l’encadrement des activités exercées par les PU-PH pour le compte d’industriels

Cette décision est une opportunité pour le Conseil d’État de rappeler les obligations incombant aux PU-PH en leur qualité tant de professionnels de santé que d’agents publics. 

En premier lieu, du fait de leur qualité d’agent public, les PU-PH sont tenus de consacrer leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Si l’exercice d’une activité accessoire est possible, il est toutefois soumis à l’obtention d’une autorisation délivrée par l’autorité hiérarchique, afin de contrôler la compatibilité de l’activité aux fonctions exercées par l’agent [2].

En second lieu, en tant que professionnel de santé, le PU-PH est également soumis au dispositif dit « d’encadrement des avantages » qui prohibe par principe le fait, pour des professionnels de santé, de recevoir des avantages en nature ou en espèce procurés par des entreprises produisant ou commercialisant des produits de santé. Ce dispositif, dans sa version en vigueur à la date des faits [3], prévoyait la possibilité de recevoir certains avantages limitativement énumérés, notamment des rémunérations pour des activités de recherche ou des hospitalités dans le cadre de manifestations promotionnelles ou professionnelles, sous réserve que l’avantage soit prévu par une convention soumise pour avis à l’ordre compétent. 

3. Une appréciation indulgente des obligations déontologiques des médecins

Le CNOM estimait qu’en exerçant les activités accessoires en l’absence d’autorisation hiérarchique et malgré un avis défavorable du Conseil de l’ordre, le médecin avait méconnu les principes d’indépendance, de moralité, de probité, ainsi que l’interdiction de déconsidérer la profession. Toutefois, le Conseil d’État ne s’est pas montré sensible à cette argumentation. 

S’agissant de l’application du dispositif d’encadrement des avantages, la Haute juridiction indique à titre liminaire que la seule circonstance que l'instance ordinale ait émis un avis défavorable n'implique pas, par elle-même, que le médecin se trouve en infraction au regard de ses obligations déontologiques. 
Le Conseil d’État précise ensuite que la méconnaissance du principe d’indépendance ne saurait être déduite du seul nombre des contrats et du montant des rémunérations, et confirme en conséquence la décision de la CDN qui avait procédé à une analyse détaillée des circonstances de fait pour estimer que les rémunérations perçues n’étaient pas manifestement disproportionnées au travail fourni, et que le praticien n’était pas dépendant économiquement de ces sommes versées.

Enfin, la Haute juridiction rejette les griefs portant sur la méconnaissance des principes de moralité, de probité, et de l’interdiction de déconsidérer la profession, estimant notamment que le non-respect du PU-PH de son obligation d’obtenir une autorisation de cumul d’activité ne constituait pas nécessairement un manquement déontologique, dès lors qu’en l’espèce, le médecin n’avait pas eu pour intention de soustraire ses activités au contrôle de l’administration, mais avait simplement fait preuve d’un manque de rigueur. Il semble donc que, si la démonstration d’une intention de contourner le contrôle de l’administration avait été apportée, le Conseil d’État aurait probablement retenu l’existence d’un manquement déontologique.

4. Une décision à la portée incertaine au regard de l’évolution des textes en vigueur

En considérant que tout manquement d’un médecin à ses obligations professionnelles ne constitue pas nécessairement une faute déontologique, le Conseil d’État fait preuve d’une certaine souplesse dans l’application, tant du dispositif d’encadrement des avantages que des obligations relatives au cumul d’activité dans la fonction publique. La portée de cette décision est toutefois incertaine au regard de l’évolution des textes applicables. 

En effet, le dispositif d’encadrement des avantages, dans sa version issue de la réforme d’ampleur initiée en 2017 [4], prévoit désormais, pour les avantages dépassant certains seuils financiers, que les conventions font l’objet non plus d’un simple avis mais d’une autorisation par l’autorité compétente avant le versement de l’avantage. Dans une telle hypothèse, il apparait donc impossible de passer outre la critique du CNOM. En dessous des seuils toutefois, la procédure reste uniquement déclarative. 

En outre, les nouvelles dispositions imposent aux professionnels de santé ayant le statut d’agents publics de joindre à leur dossier de déclaration ou à leur demande d’autorisation, l’autorisation de cumul d’activités, facilitant le contrôle des conventions par l’ordre. Un dossier qui ne comporterait pas une telle autorisation fait ainsi systématiquement l’objet d’un avis négatif ou d’un refus d’autorisation selon le régime applicable. 

Il convient enfin de préciser qu’outre les sanctions pénales encourues [5], le nouveau dispositif facilite les poursuites disciplinaires en prévoyant qu’en cas de constatation d’une infraction par un professionnel aux exigences précitées, les procédures « font l’objet d’un signalement, dès leur clôture, à l’autorité administrative compétente ou à l’ordre professionnel concerné pour saisine éventuelle de son organe disciplinaire » [6].


[1] Conseil d’État, 28 novembre 2024, n° 463875
[2] Obligation désormais codifiée aux articles L. 123-1 et suivants du Code général de la fonction publique.
[3] Ancien article L.4113-6 du Code de la santé publique.
[4] La réforme a été opérée par l’ordonnance n° 2017-49 du 19 janvier 2017 ratifiée par la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 et ses textes d’application.
[5] Articles L. 1454-7 et L.1454-9 du Code de la santé publique
[6] Article L.1454-9 du Code de la santé publique


> Article paru dans Hospitalia #68, édition de février 2025, à lire ici 


 
 
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