Les prochaines Journées IHF feront notamment la part belle aux enjeux de la performance énergétique. Pourquoi avoir retenu cette thématique ?
Bruno Cazabat : Car elle est au cœur des préoccupations actuelles des acteurs du soin, et s’inscrit dans une tendance qui ne fait que s’accélérer depuis la crise Covid. Sa prise en compte est pour nous d’autant plus nécessaire que le plan national Éco Énergie Tertiaire impose la réduction des consommations énergétiques de l’ensemble du parc tertiaire d’au moins -40 % en 2030, par rapport à 2010/2019. Pour atteindre cet objectif ambitieux, il nous faut mettre en œuvre un certain nombre d’actions dès à présent. En particulier, nous devons travailler sur le réglage des installations et les investissements dédiés pour favoriser la juste consommation des ressources énergétiques, mais aussi engager des travaux d’isolation thermique sur le bâti existant. Les constructions neuves doivent, pour leur part, intégrer la notion de performance énergétique dès leur phase de conception, pour que l’hôpital de demain soit nativement durable.
De quelle manière votre prochain congrès entend-il contribuer à cette réflexion ?
Nous la traiterons frontalement, tout en cherchant à l’inscrire dans le cadre, plus large, de la responsabilité sociale et environnementale (RSE). L’association IHF travaille d’ailleurs aujourd’hui au rassemblement des initiatives pertinentes en matière de RSE, pour contribuer à leur diffusion à plus large échelle. Pour en revenir au congrès : la première session plénière apportera un certain nombre d’éclairages, pour améliorer son empreinte environnementale, maîtriser sa production énergétique et identifier des leviers de décarbonation sur le champ immobilier. L’objectif étant d’aider les maîtres d’ouvrage hospitaliers à appréhender ces questions sur le plan méthodologique, à travers des exposés qui permettront de rationaliser les équations, et donc à les rendre plus perceptibles. En complément, l’atelier dédié au développement durable sera l’occasion d’approfondir certains points, comme l’écoconception des chambres, tandis que l’atelier consacré à la gestion patrimoniale cherchera à accompagner la prise de décision entre démolition ou réhabilitation du bâti existant.
La seconde plénière s’attardera, pour sa part, sur les innovations en matière de construction hospitalière. Pourriez-vous nous en parler ?
Nous chercherons ici à ouvrir le champ des possibles, en évoquant l’utilisation de matériaux plus durables comme le bois et la paille, et en présentant le concept novateur d’« hôpital volant », qui ambitionne d’apporter par les airs une unité d’hospitalisation légère avec bloc et réanimation, dans les zones isolées ou confrontées à une situation extrême. Cela dit, l’innovation est également numérique, et les ingénieurs hospitaliers s’en sont saisis de longue date. Le BIM, pour Building information model, ou modélisation des bâtiments par la donnée, s’est désormais démocratisé, particulièrement dans les CHU pour la surveillance des installations techniques complexes. Nous cherchons à aller plus loin encore, en ouvrant ce jumeau numérique aux équipes chargées de l’exploitation et de la maintenance des équipements. Cette application sera d’ailleurs mise en lumière lors de l’atelier consacré à l’hôpital numérique, aux côtés d’autres technologies répondant aux besoins des populations hospitalières, comme la géolocalisation ou le relampage intelligent.
Les thématiques techniques, qui sont indissociables du métier d’ingénieur hospitalier, feront aussi l’objet d’un coup de projecteur. Que pourriez-vous nous en dire ?
Nous nous pencherons notamment sur l’architecture technique des salles d’imagerie interventionnelle, qui vient ajouter une couche de complexité « sécurité électrique » à un environnement en lui-même déjà très complexe. Ces salles combinent en effet un bloc opératoire et un imageur, qui ont chacun leur propre logique pour l’alimentation électrique et le régime de traitement de l’air. L’imagerie interventionnelle a toutefois un intérêt thérapeutique bien réel, et elle est appelée à continuer de se développer au sein des établissements de santé français. Pour accompagner ce mouvement, les ingénieurs hospitaliers doivent en maîtriser les enjeux, à l’instar de ceux inhérents aux autres techniques pointues caractérisant l’hôpital. En termes d’innovation, la conversion rapide d’une unité d’hospitalisation continue en unité de maladies infectieuses sera également évoquée.
Ce sera aussi le cas de tout ce qui a trait à la conduite de projets et la maîtrise d’ouvrage.
Sur le premier champ, nous nous concentrerons notamment sur la base de données OSCIMES®, l’Observatoire des Surfaces et des coûts IMmobiliers en Établissement de Santé, dont l’utilisation s’est banalisée. Mais il y a récemment eu des évolutions, issues d’un travail commun mené par l’association IHF, la Conférence des directeurs généraux de CHU et l’ANAP, pour faciliter l’accès à cet outil gratuit, très utile pour simuler le coût d’un projet. Il permet en effet d’extraire les données pertinentes, de les décomposer en unités d’œuvre (nombre de lits, de box, ou de mètres carrés, par exemple) et de disposer ainsi d’une estimation du coût de construction par corps d’État. Par ailleurs, du côté de la maîtrise d’ouvrage, nous chercherons à inscrire les réflexions dans une démarche d’amélioration continue centrée sur l’humain, afin de le mettre au centre des préoccupations de confort, d’organisation et d’exploitation de l’hôpital.
Arrêtons-nous un instant sur les enjeux liés au management. Comment les abordez-vous ?
La gestion des équipes et la valorisation de nos collaborateurs sont un défi quotidien, que nous évoquerons naturellement au cours d’un atelier spécifique. Ce champ mobilise aussi beaucoup notre association, qui travaille notamment à faire connaître notre métier auprès des étudiants et futurs ingénieurs. Beaucoup ne savent même pas qu’il existe un corps d’ingénieurs hospitaliers ! Cette méconnaissance se répercute sur nos capacités de recrutement, alors même que notre métier est passionnant : la grande technicité de l’univers hospitalier offre de nombreuses opportunités, qui elles-mêmes couvrent tous les volets de l’ingénierie.
Un mot, pour finir, sur l’actualité de la profession, qui a récemment connu une évolution statutaire ?
Le 30 janvier dernier, un décret a en effet modifié le statut des ingénieurs hospitaliers, en l’alignant notamment avec celui des ingénieurs territoriaux et des ingénieurs d’État. Il s’agit donc d’une avancée majeure, que nous appelions de nos vœux depuis déjà dix ans. Pour autant, nous demeurons attentifs à sa mise en œuvre au sein des établissements de santé, particulièrement en ce qui concerne les potentielles marges d’interprétation. Nous mettrons d’ailleurs à profit notre prochain congrès pour capitaliser sur les premiers retours d’expérience, et espérons vivement que l’esprit de la loi sera préservé !
> Informations, inscriptions et programme détaillé
> Article paru dans Hospitalia #65, édition de mai 2024, à lire ici
Bruno Cazabat : Car elle est au cœur des préoccupations actuelles des acteurs du soin, et s’inscrit dans une tendance qui ne fait que s’accélérer depuis la crise Covid. Sa prise en compte est pour nous d’autant plus nécessaire que le plan national Éco Énergie Tertiaire impose la réduction des consommations énergétiques de l’ensemble du parc tertiaire d’au moins -40 % en 2030, par rapport à 2010/2019. Pour atteindre cet objectif ambitieux, il nous faut mettre en œuvre un certain nombre d’actions dès à présent. En particulier, nous devons travailler sur le réglage des installations et les investissements dédiés pour favoriser la juste consommation des ressources énergétiques, mais aussi engager des travaux d’isolation thermique sur le bâti existant. Les constructions neuves doivent, pour leur part, intégrer la notion de performance énergétique dès leur phase de conception, pour que l’hôpital de demain soit nativement durable.
De quelle manière votre prochain congrès entend-il contribuer à cette réflexion ?
Nous la traiterons frontalement, tout en cherchant à l’inscrire dans le cadre, plus large, de la responsabilité sociale et environnementale (RSE). L’association IHF travaille d’ailleurs aujourd’hui au rassemblement des initiatives pertinentes en matière de RSE, pour contribuer à leur diffusion à plus large échelle. Pour en revenir au congrès : la première session plénière apportera un certain nombre d’éclairages, pour améliorer son empreinte environnementale, maîtriser sa production énergétique et identifier des leviers de décarbonation sur le champ immobilier. L’objectif étant d’aider les maîtres d’ouvrage hospitaliers à appréhender ces questions sur le plan méthodologique, à travers des exposés qui permettront de rationaliser les équations, et donc à les rendre plus perceptibles. En complément, l’atelier dédié au développement durable sera l’occasion d’approfondir certains points, comme l’écoconception des chambres, tandis que l’atelier consacré à la gestion patrimoniale cherchera à accompagner la prise de décision entre démolition ou réhabilitation du bâti existant.
La seconde plénière s’attardera, pour sa part, sur les innovations en matière de construction hospitalière. Pourriez-vous nous en parler ?
Nous chercherons ici à ouvrir le champ des possibles, en évoquant l’utilisation de matériaux plus durables comme le bois et la paille, et en présentant le concept novateur d’« hôpital volant », qui ambitionne d’apporter par les airs une unité d’hospitalisation légère avec bloc et réanimation, dans les zones isolées ou confrontées à une situation extrême. Cela dit, l’innovation est également numérique, et les ingénieurs hospitaliers s’en sont saisis de longue date. Le BIM, pour Building information model, ou modélisation des bâtiments par la donnée, s’est désormais démocratisé, particulièrement dans les CHU pour la surveillance des installations techniques complexes. Nous cherchons à aller plus loin encore, en ouvrant ce jumeau numérique aux équipes chargées de l’exploitation et de la maintenance des équipements. Cette application sera d’ailleurs mise en lumière lors de l’atelier consacré à l’hôpital numérique, aux côtés d’autres technologies répondant aux besoins des populations hospitalières, comme la géolocalisation ou le relampage intelligent.
Les thématiques techniques, qui sont indissociables du métier d’ingénieur hospitalier, feront aussi l’objet d’un coup de projecteur. Que pourriez-vous nous en dire ?
Nous nous pencherons notamment sur l’architecture technique des salles d’imagerie interventionnelle, qui vient ajouter une couche de complexité « sécurité électrique » à un environnement en lui-même déjà très complexe. Ces salles combinent en effet un bloc opératoire et un imageur, qui ont chacun leur propre logique pour l’alimentation électrique et le régime de traitement de l’air. L’imagerie interventionnelle a toutefois un intérêt thérapeutique bien réel, et elle est appelée à continuer de se développer au sein des établissements de santé français. Pour accompagner ce mouvement, les ingénieurs hospitaliers doivent en maîtriser les enjeux, à l’instar de ceux inhérents aux autres techniques pointues caractérisant l’hôpital. En termes d’innovation, la conversion rapide d’une unité d’hospitalisation continue en unité de maladies infectieuses sera également évoquée.
Ce sera aussi le cas de tout ce qui a trait à la conduite de projets et la maîtrise d’ouvrage.
Sur le premier champ, nous nous concentrerons notamment sur la base de données OSCIMES®, l’Observatoire des Surfaces et des coûts IMmobiliers en Établissement de Santé, dont l’utilisation s’est banalisée. Mais il y a récemment eu des évolutions, issues d’un travail commun mené par l’association IHF, la Conférence des directeurs généraux de CHU et l’ANAP, pour faciliter l’accès à cet outil gratuit, très utile pour simuler le coût d’un projet. Il permet en effet d’extraire les données pertinentes, de les décomposer en unités d’œuvre (nombre de lits, de box, ou de mètres carrés, par exemple) et de disposer ainsi d’une estimation du coût de construction par corps d’État. Par ailleurs, du côté de la maîtrise d’ouvrage, nous chercherons à inscrire les réflexions dans une démarche d’amélioration continue centrée sur l’humain, afin de le mettre au centre des préoccupations de confort, d’organisation et d’exploitation de l’hôpital.
Arrêtons-nous un instant sur les enjeux liés au management. Comment les abordez-vous ?
La gestion des équipes et la valorisation de nos collaborateurs sont un défi quotidien, que nous évoquerons naturellement au cours d’un atelier spécifique. Ce champ mobilise aussi beaucoup notre association, qui travaille notamment à faire connaître notre métier auprès des étudiants et futurs ingénieurs. Beaucoup ne savent même pas qu’il existe un corps d’ingénieurs hospitaliers ! Cette méconnaissance se répercute sur nos capacités de recrutement, alors même que notre métier est passionnant : la grande technicité de l’univers hospitalier offre de nombreuses opportunités, qui elles-mêmes couvrent tous les volets de l’ingénierie.
Un mot, pour finir, sur l’actualité de la profession, qui a récemment connu une évolution statutaire ?
Le 30 janvier dernier, un décret a en effet modifié le statut des ingénieurs hospitaliers, en l’alignant notamment avec celui des ingénieurs territoriaux et des ingénieurs d’État. Il s’agit donc d’une avancée majeure, que nous appelions de nos vœux depuis déjà dix ans. Pour autant, nous demeurons attentifs à sa mise en œuvre au sein des établissements de santé, particulièrement en ce qui concerne les potentielles marges d’interprétation. Nous mettrons d’ailleurs à profit notre prochain congrès pour capitaliser sur les premiers retours d’expérience, et espérons vivement que l’esprit de la loi sera préservé !
> Informations, inscriptions et programme détaillé
> Article paru dans Hospitalia #65, édition de mai 2024, à lire ici