Comment en êtes-vous venue à vous intéresser à la notion d’empowermentcollectif et comment celle-ci s’est-elle matérialisée dans vos travaux ?
Marie-Georges Fayn : Dans l’exercice de mon métier de communicante en santé pour les établissements hospitaliers, j’interviens auprès de tous les acteurs de la chaîne des soins et bien sûr auprès des patients, à qui la plupart des messages sont adressés. En 20 ans d’exercice, j’ai assisté à la montée en puissance des usagers et de leurs représentants ; le malade est passé d’un statut de bénéficiaire de soins, soumis à la parole médicale, à une reconnaissance en tant qu’acteur de sa santé – co-décideur de son traitement. L’identité du patient est désormais plurielle. Sa parole est tout à la fois celle d’un citoyen, d’un consommateur, d’un membre de communautés et d’un participant influent de la société de l’information.Au niveau collectif, j’ai vu s’affirmer le consumérisme de santé. Ce mouvementde défense, de revendication et de proposition est porté par les milliers d’associations qui représentent les personnes malades et handicapées et leurs proches. Ces organisations sont fondées sur l’entraide et la solidarité entre patients. En lutte contre les exclusions, elles sensibilisent l’opinion publique aux conséquences sociales et professionnelles des pathologies. Elles plaident pour une totale transparence de la qualité, de la sécurité, de la recherche, des tarifs. Au départ, elles se sont constituées en contre-pouvoir. Résistantes et revendicatrices, elles sont désormais associées à la définition des orientations de santé. En tant que professionnelle de la communication, il est donc normal que je reste attentive aux comportements de ce public. Et puis comme vous le savez bien, le sujet est complexe mais passionnant. C’est un milieu attachant alors quand je me suis lancée dans un doctorat, je n’ai finalement fait que poursuivre le sillon que j’avais tracé. J’ai choisi d’approfondir mes connaissances sur cette dynamique fascinante qui transforme une vulnérabilité individuelle en une force collective.
Comment avez-vous procédé ? Quels enseignements en avez-vous tirés ?
Je me suis immergée tous les week-ends durant plus d’un an sur un forum en ligne de patients souffrant de la thyroïde « Vivre sans thyroïde ». Avec leurs autorisations, j’ai suivi les conversations de 21 des plus actifs d’entre eux. J’ai appris le fonctionnement du groupe, ses pratiques, la manière dont il remplit ses missions. J’ai compris comment il construit son réseau, tire parti de l’intelligence collective de ses membres pour augmenter son savoir et ses ressources et constituer un capital communautaire. À travers son activité j’ai déterminé les différentes dimensions de l’empowermentcollectif, communautaire, collaboratif– productif et sociétal. Ce palier correspond à la participation de la communauté à la transformation du système de santé.Le forum est un milieu très sensible aux fluctuations du monde extérieur, à l’évolution de la législation, de l’environnement et du progrès scientifique. En cas de crise sanitaire, il fonctionne comme une vigie. Sa réactivité et ses réponses le positionnent clairement comme un maillon incontournable dans la chaîne des soins, comme un véritable opérateur de santé. Tels sont les enseignements que j’ai pu tirer de cette étude empirique et qui sont au cœur de ma thèse.
Quels sont à votre sens les principaux enjeux adressés par ce concept et de quelles approches se nourrit-il ?
Pensé au niveau collectif, l’empowerment se rapproche du rapport de force entre une communauté et les autorités sanitaires, sociales, économiques, politiques. Quand il se manifeste de manière moins clivante, il ouvre sur une alliance pour la co-construction de projets et l’instauration de relations horizontales. Il peut aussi caractériser la capacité d’une association à créer ses propres ressources. Ainsi, l’AFM-Téléthon qui, outre la publication et la mise à disposition de la communauté scientifique internationale des premières cartes du génome humain en 1992, a créé deux laboratoires, Généthon pour la thérapie génique et I Stem pour la recherche cellulaire – ainsi qu’une unité de bioproduction de thérapie génique et cellulaire, Yposkesi. Enfin, au niveau sociétal, il inspire des propositions de réforme. Par exemple l’affaire du Lévothyrox® a inspiré quatre requêtes fondamentales à l’association « Vivre sans thyroïde » : le droit de connaître la vérité, la demande que la parole scientifique ne soit plus considérée comme la seule source de légitimité, la volonté de participer aux décisions des instances et le refus du monopole accordé à un laboratoire pharmaceutique pour une molécule fabriquée par d’autres entreprises. À titre individuel l’empowermentse rapproche de l’éducation thérapeutique, des soins centrés sur la personne et ses aptitudes (Patient Centered Care) ou de la décision médicale partagée, respectueuse des préférences du patient (Shared Decision Making). Ces notions relèvent d’un empowermentresponsabilisant.
Vous proposez de contribuer à ces réflexions à travers le site « selfpower-community ». Pouvez-vous nous en parler ?
J’ai créé ce site car l’empowermentindividuel et collectif se déploie dans un grand nombre d’activités. Pas seulement en santé.On retrouve ce concept dans des secteurs très variés comme l’éducation populaire numérique, le développement durable, le féminisme, le tourisme participatif… À chaque fois, c’est le même scénario : un citoyen rencontre un obstacle ou décide de se saisir d’une question de société, il réunit un groupe et ensemble ils se soutiennent, dépassent les difficultés, créent des solutions alternatives et se mobilisent pour rendre le monde plus juste, plus équitable et pour faire que les règles soient citoyennement négociées. Pour rendre compte de la richesse de ce modèle de participation directe, j’ai créé une plateforme, à la fois fil d’actualité et média-support d’une recherche dédiée à l’empowerment sous toutes ses formes. Les personnes qui s’y connectent pourront découvrir une sélection d’articles sur l’empowermenten tant que placement financier, en tant que vecteur de développement local, en tant que levier de résistance contre les GAFAM (Google Amazon, Facebook, Apple, Microsoft)… Les internautes ont aussi la possibilité de suivre et de participer à mes travaux de recherche – en application justement des principes d’empowerment !
Quels enseignements tirez-vous, aujourd’hui, de la crise sanitaire du Covid-19 et comment pensez-vous les intégrer à vos travaux ?
En cette période de doute, de tensions sociales, il est important de souligner l’apport des espaces de réflexion et d’action collectives citoyennes.Alors que la Covid-19 a accéléré le repli sur soi, la sortie de la crise peut être l’occasion de réinventer des modèles de concertation et de participation directes en s’inspirant des dynamiques d’empowermentcollectif.Ne serait-ce que pour assurer une meilleure prévention. Ainsi, une étude anglaise* a montré que les personnes qui pensent collectif adoptent plus facilement les gestes barrières, que les discours qui mettent l’accent sur l’empowerment collectif et sur le « nous ensemble » préparent mieux l’opinion publique à accepter les directives.Et enfin qu’un état d’esprit collectif pourrait bien faire la différence lors des futures crises de santé publique…
Pouvez-vous nous donner quelques exemples d’empowermentcollectif réussi ?
Je pense notamment à l’AFM-Téléthon, déjà citée plus haut, et à sa contribution exemplaire au progrès scientifique, matérialisée par sa capacité à créer une unité de production de biomédicaments – soit les molécules les plus complexes à fabriquer – et à en conserver la gouvernance. Mais aussi aux Living labsde la Fédération Française des Diabétiques, ces laboratoires d’un nouveau style où le malade est présent du début à la fin des processus de création, de fabrication et de diffusion des innovations. Sans oublier les facultés de médecine qui ont recruté des patients enseignants (Lyon Est, Montpellier, Sorbonne Université, Paris XII et Paris XIII…) : intégré au corps professoral, le patient devient l’éducateur du médecin et je trouve la démarche très forte. Dans ce cas, ce sont les doyens qui favorisent l’empowermentdu patient et sa reconnaissance par les futurs médecins. J’évoquerai pour finir un décret qui doit paraître et pour lequel les associations de patients se sont battues. Grâce à cette avancée législative, les malades qui se sont vus refuser des soins par les médecins pourront saisirune commission de conciliation pour d’éventuelles sanctions contre ces professionnels. Les associations de patients réclamaient la publication de décret depuis des années, en application de la loi HPST, dite Bachelot, du 21 juillet 2009. Il s’agit d’un exemple d’empowerment au niveau sociétal avec transformation des règles au profit des patients.
Quels sont aujourd’hui les freins à la généralisation de ces démarches ? Quels leviers activer pour les accompagner ?
Les principaux freins sont les crispations sur les anciennes pratiques, la peur d’innover, le refus d’expérimenter des solutions alternatives, l’habitude de se contenter d’un discours, l’incapacité à penser et à construire le pouvoir en commun, les réticences pour ouvrir des négociations citoyennes… Quant aux leviers, je retiendrai l’humilité et l’esprit d’ouverture. Le premier pas consiste à reconnaître que personne ne maîtrise toutes les dimensions d’un problème, ni toutes ses conséquences, tout particulièrement dans les secteurs complexes du sanitaire et du médico-social.Par exemple, au niveau local, les nouvelles organisations de soins doivent être préparées dans la concertation. Chaque fois que des transformations ont lieu, en particulier à l’échelle locale, il faudrait prendre l’habitude de convier les citoyens et en premier lieu, ceux qui seront le plus affectés par les décisions et accepter de penser les problèmes et les alternatives avec eux.
Au niveau individuel, pour que le patient participe effectivement aux prises de décision concernant sa santé, il faut aussi qu’en interne les équipes soient soutenues avec notamment des accès à l’information, à de réelles marges de manœuvre et qu’elles bénéficient de formations au coaching, au processus d'apprentissage mutuel, à l’animation de communautés, à la co-conception d’outils numériques de suivi…
Quant aux services de soins spécialisés, ils pourraient prendre l’habitude de suivre régulièrement, une heure par semaine, les échanges sur les forums des communautés de patients concernés par leur activité afin de repérer les signaux faibles, avant-coureurs de grondements plus puissants, identifiables par le nombre de fils ouverts sur le même sujet et par l’importance des réactions. Ils pourraient aussi entrer en contact avec les modérateurs de ces forums, échanger sur les difficultés rencontrées par certains patients, les consulter sur les grands projets…
Quelles seront vos prochaines étapes ?
Je me concentre actuellement sur la rédaction d’un nouvel article scientifique [deux ont déjà été publiés**, NDLR]. Cette fois-ci, une publication internationale est envisagée. J’aimerais aussi lancer un appel aux professionnels et aux communautés de patients qui liront cet article pour qu’ils renseignent mon enquête en ligne. Leurs contributions sont précieuses et feront avancer la recherche sur l’empowerment. Enfin, j’espère pouvoir aussi développer des projets de formation et de rencontres avec VALLOREM, le laboratoire Val de Loire Recherche en Management (EA 6296)de Tours-Orléans auquel je suis associée.
Pour participer à l’enquête en ligne :
https://selfpower-community.com/prenez-part-a-une-recherche-sur-lempowerment-collectif/
Article publié sur le numéro de septembre d'Hospitalia à consulter ici.
Marie-Georges Fayn : Dans l’exercice de mon métier de communicante en santé pour les établissements hospitaliers, j’interviens auprès de tous les acteurs de la chaîne des soins et bien sûr auprès des patients, à qui la plupart des messages sont adressés. En 20 ans d’exercice, j’ai assisté à la montée en puissance des usagers et de leurs représentants ; le malade est passé d’un statut de bénéficiaire de soins, soumis à la parole médicale, à une reconnaissance en tant qu’acteur de sa santé – co-décideur de son traitement. L’identité du patient est désormais plurielle. Sa parole est tout à la fois celle d’un citoyen, d’un consommateur, d’un membre de communautés et d’un participant influent de la société de l’information.Au niveau collectif, j’ai vu s’affirmer le consumérisme de santé. Ce mouvementde défense, de revendication et de proposition est porté par les milliers d’associations qui représentent les personnes malades et handicapées et leurs proches. Ces organisations sont fondées sur l’entraide et la solidarité entre patients. En lutte contre les exclusions, elles sensibilisent l’opinion publique aux conséquences sociales et professionnelles des pathologies. Elles plaident pour une totale transparence de la qualité, de la sécurité, de la recherche, des tarifs. Au départ, elles se sont constituées en contre-pouvoir. Résistantes et revendicatrices, elles sont désormais associées à la définition des orientations de santé. En tant que professionnelle de la communication, il est donc normal que je reste attentive aux comportements de ce public. Et puis comme vous le savez bien, le sujet est complexe mais passionnant. C’est un milieu attachant alors quand je me suis lancée dans un doctorat, je n’ai finalement fait que poursuivre le sillon que j’avais tracé. J’ai choisi d’approfondir mes connaissances sur cette dynamique fascinante qui transforme une vulnérabilité individuelle en une force collective.
Comment avez-vous procédé ? Quels enseignements en avez-vous tirés ?
Je me suis immergée tous les week-ends durant plus d’un an sur un forum en ligne de patients souffrant de la thyroïde « Vivre sans thyroïde ». Avec leurs autorisations, j’ai suivi les conversations de 21 des plus actifs d’entre eux. J’ai appris le fonctionnement du groupe, ses pratiques, la manière dont il remplit ses missions. J’ai compris comment il construit son réseau, tire parti de l’intelligence collective de ses membres pour augmenter son savoir et ses ressources et constituer un capital communautaire. À travers son activité j’ai déterminé les différentes dimensions de l’empowermentcollectif, communautaire, collaboratif– productif et sociétal. Ce palier correspond à la participation de la communauté à la transformation du système de santé.Le forum est un milieu très sensible aux fluctuations du monde extérieur, à l’évolution de la législation, de l’environnement et du progrès scientifique. En cas de crise sanitaire, il fonctionne comme une vigie. Sa réactivité et ses réponses le positionnent clairement comme un maillon incontournable dans la chaîne des soins, comme un véritable opérateur de santé. Tels sont les enseignements que j’ai pu tirer de cette étude empirique et qui sont au cœur de ma thèse.
Quels sont à votre sens les principaux enjeux adressés par ce concept et de quelles approches se nourrit-il ?
Pensé au niveau collectif, l’empowerment se rapproche du rapport de force entre une communauté et les autorités sanitaires, sociales, économiques, politiques. Quand il se manifeste de manière moins clivante, il ouvre sur une alliance pour la co-construction de projets et l’instauration de relations horizontales. Il peut aussi caractériser la capacité d’une association à créer ses propres ressources. Ainsi, l’AFM-Téléthon qui, outre la publication et la mise à disposition de la communauté scientifique internationale des premières cartes du génome humain en 1992, a créé deux laboratoires, Généthon pour la thérapie génique et I Stem pour la recherche cellulaire – ainsi qu’une unité de bioproduction de thérapie génique et cellulaire, Yposkesi. Enfin, au niveau sociétal, il inspire des propositions de réforme. Par exemple l’affaire du Lévothyrox® a inspiré quatre requêtes fondamentales à l’association « Vivre sans thyroïde » : le droit de connaître la vérité, la demande que la parole scientifique ne soit plus considérée comme la seule source de légitimité, la volonté de participer aux décisions des instances et le refus du monopole accordé à un laboratoire pharmaceutique pour une molécule fabriquée par d’autres entreprises. À titre individuel l’empowermentse rapproche de l’éducation thérapeutique, des soins centrés sur la personne et ses aptitudes (Patient Centered Care) ou de la décision médicale partagée, respectueuse des préférences du patient (Shared Decision Making). Ces notions relèvent d’un empowermentresponsabilisant.
Vous proposez de contribuer à ces réflexions à travers le site « selfpower-community ». Pouvez-vous nous en parler ?
J’ai créé ce site car l’empowermentindividuel et collectif se déploie dans un grand nombre d’activités. Pas seulement en santé.On retrouve ce concept dans des secteurs très variés comme l’éducation populaire numérique, le développement durable, le féminisme, le tourisme participatif… À chaque fois, c’est le même scénario : un citoyen rencontre un obstacle ou décide de se saisir d’une question de société, il réunit un groupe et ensemble ils se soutiennent, dépassent les difficultés, créent des solutions alternatives et se mobilisent pour rendre le monde plus juste, plus équitable et pour faire que les règles soient citoyennement négociées. Pour rendre compte de la richesse de ce modèle de participation directe, j’ai créé une plateforme, à la fois fil d’actualité et média-support d’une recherche dédiée à l’empowerment sous toutes ses formes. Les personnes qui s’y connectent pourront découvrir une sélection d’articles sur l’empowermenten tant que placement financier, en tant que vecteur de développement local, en tant que levier de résistance contre les GAFAM (Google Amazon, Facebook, Apple, Microsoft)… Les internautes ont aussi la possibilité de suivre et de participer à mes travaux de recherche – en application justement des principes d’empowerment !
Quels enseignements tirez-vous, aujourd’hui, de la crise sanitaire du Covid-19 et comment pensez-vous les intégrer à vos travaux ?
En cette période de doute, de tensions sociales, il est important de souligner l’apport des espaces de réflexion et d’action collectives citoyennes.Alors que la Covid-19 a accéléré le repli sur soi, la sortie de la crise peut être l’occasion de réinventer des modèles de concertation et de participation directes en s’inspirant des dynamiques d’empowermentcollectif.Ne serait-ce que pour assurer une meilleure prévention. Ainsi, une étude anglaise* a montré que les personnes qui pensent collectif adoptent plus facilement les gestes barrières, que les discours qui mettent l’accent sur l’empowerment collectif et sur le « nous ensemble » préparent mieux l’opinion publique à accepter les directives.Et enfin qu’un état d’esprit collectif pourrait bien faire la différence lors des futures crises de santé publique…
Pouvez-vous nous donner quelques exemples d’empowermentcollectif réussi ?
Je pense notamment à l’AFM-Téléthon, déjà citée plus haut, et à sa contribution exemplaire au progrès scientifique, matérialisée par sa capacité à créer une unité de production de biomédicaments – soit les molécules les plus complexes à fabriquer – et à en conserver la gouvernance. Mais aussi aux Living labsde la Fédération Française des Diabétiques, ces laboratoires d’un nouveau style où le malade est présent du début à la fin des processus de création, de fabrication et de diffusion des innovations. Sans oublier les facultés de médecine qui ont recruté des patients enseignants (Lyon Est, Montpellier, Sorbonne Université, Paris XII et Paris XIII…) : intégré au corps professoral, le patient devient l’éducateur du médecin et je trouve la démarche très forte. Dans ce cas, ce sont les doyens qui favorisent l’empowermentdu patient et sa reconnaissance par les futurs médecins. J’évoquerai pour finir un décret qui doit paraître et pour lequel les associations de patients se sont battues. Grâce à cette avancée législative, les malades qui se sont vus refuser des soins par les médecins pourront saisirune commission de conciliation pour d’éventuelles sanctions contre ces professionnels. Les associations de patients réclamaient la publication de décret depuis des années, en application de la loi HPST, dite Bachelot, du 21 juillet 2009. Il s’agit d’un exemple d’empowerment au niveau sociétal avec transformation des règles au profit des patients.
Quels sont aujourd’hui les freins à la généralisation de ces démarches ? Quels leviers activer pour les accompagner ?
Les principaux freins sont les crispations sur les anciennes pratiques, la peur d’innover, le refus d’expérimenter des solutions alternatives, l’habitude de se contenter d’un discours, l’incapacité à penser et à construire le pouvoir en commun, les réticences pour ouvrir des négociations citoyennes… Quant aux leviers, je retiendrai l’humilité et l’esprit d’ouverture. Le premier pas consiste à reconnaître que personne ne maîtrise toutes les dimensions d’un problème, ni toutes ses conséquences, tout particulièrement dans les secteurs complexes du sanitaire et du médico-social.Par exemple, au niveau local, les nouvelles organisations de soins doivent être préparées dans la concertation. Chaque fois que des transformations ont lieu, en particulier à l’échelle locale, il faudrait prendre l’habitude de convier les citoyens et en premier lieu, ceux qui seront le plus affectés par les décisions et accepter de penser les problèmes et les alternatives avec eux.
Au niveau individuel, pour que le patient participe effectivement aux prises de décision concernant sa santé, il faut aussi qu’en interne les équipes soient soutenues avec notamment des accès à l’information, à de réelles marges de manœuvre et qu’elles bénéficient de formations au coaching, au processus d'apprentissage mutuel, à l’animation de communautés, à la co-conception d’outils numériques de suivi…
Quant aux services de soins spécialisés, ils pourraient prendre l’habitude de suivre régulièrement, une heure par semaine, les échanges sur les forums des communautés de patients concernés par leur activité afin de repérer les signaux faibles, avant-coureurs de grondements plus puissants, identifiables par le nombre de fils ouverts sur le même sujet et par l’importance des réactions. Ils pourraient aussi entrer en contact avec les modérateurs de ces forums, échanger sur les difficultés rencontrées par certains patients, les consulter sur les grands projets…
Quelles seront vos prochaines étapes ?
Je me concentre actuellement sur la rédaction d’un nouvel article scientifique [deux ont déjà été publiés**, NDLR]. Cette fois-ci, une publication internationale est envisagée. J’aimerais aussi lancer un appel aux professionnels et aux communautés de patients qui liront cet article pour qu’ils renseignent mon enquête en ligne. Leurs contributions sont précieuses et feront avancer la recherche sur l’empowerment. Enfin, j’espère pouvoir aussi développer des projets de formation et de rencontres avec VALLOREM, le laboratoire Val de Loire Recherche en Management (EA 6296)de Tours-Orléans auquel je suis associée.
Pour participer à l’enquête en ligne :
https://selfpower-community.com/prenez-part-a-une-recherche-sur-lempowerment-collectif/
Article publié sur le numéro de septembre d'Hospitalia à consulter ici.
*Mikey Biddlestone, Ricky Green, Karen M. Douglas. Cultural orientation, power, belief in conspiracy theories, and intentions to reduce the spread of COVID‐19. British Journal of Social Psychology, 2020; DOI: 10.1111/bjso.12397.
**(1) Fayn M.G., des Garets V. et Rivière A. (2019), Vers une compréhension approfondie de l’empowerment du consommateur : clarification conceptuelle et enrichissement théorique, Revue Française de Gestion, 45(278), p.121-145 (HCERES A / FNEGE 2 / CNRS 3).
(2) Fayn M.G, des Garets V. et Rivière A. (2017), Mieux comprendre le processus d’empowerment du patient, revue Recherches en Sciences de Gestion – Management Sciences – Ciencias de Gestión, N°119, p.55-73, (HCERES B / FNEGE 3 / CNRS 4).
**(1) Fayn M.G., des Garets V. et Rivière A. (2019), Vers une compréhension approfondie de l’empowerment du consommateur : clarification conceptuelle et enrichissement théorique, Revue Française de Gestion, 45(278), p.121-145 (HCERES A / FNEGE 2 / CNRS 3).
(2) Fayn M.G, des Garets V. et Rivière A. (2017), Mieux comprendre le processus d’empowerment du patient, revue Recherches en Sciences de Gestion – Management Sciences – Ciencias de Gestión, N°119, p.55-73, (HCERES B / FNEGE 3 / CNRS 4).