Comment en êtes-vous venu à vous intéresser à l’innovation numérique en santé ?
Pr Antoine Tesnière : Après des études de médecine et une spécialisation en anesthésie-réanimation, je me suis orienté vers un parcours universitaire pour, notamment, me consacrer à la recherche et l’innovation. J’ai alors pu travailler sur les approches innovantes en santé, animé par la volonté d’améliorer les connaissances, les organisations et les outils au bénéfice des patients, des étudiants et du système dans son ensemble. C’est de cette logique qu’est issu PariSanté Campus, qui entend faciliter les synergies et la pluridisciplinarité car celle-ci est un catalyseur d’innovation. Pour la première fois en France, l’écosystème des innovateurs académiques, institutionnels et privés est rassemblé au sein d’un lieu dédié, à la dimension inédite et portant une double ambition nationale et internationale. La création de PariSanté Campus s’inscrit in fine en cohérence avec mon parcours tout en représentant un changement d’échelle, et c’est la raison pour laquelle j’ai accepté d’en prendre la direction.
Pourriez-vous revenir sur cette création ?
Voulu par le président de la République, qui a annoncé son lancement le 4 décembre 2020, PariSanté Campus est construit autour de cinq opérateurs publics, l’INSERM, INRIA, l’université Paris Sciences et Lettres, l’Agence du numérique en santé et le Health Data Hub, avec la volonté de fédérer autour d’eux tous les talents œuvrant au développement de la santé numérique. Il porte pour cela quatre ambitions fortes. En premier lieu, PariSanté Campus cherche à favoriser des travaux poussés autour des données, car elles-mêmes nourrissent la transformation numérique de la santé, et à encourager l’acquisition de nouvelles compétences dans un environnement technique très mouvant. À plus long terme, il aspire aussi à bâtir un écosystème favorisant pour créer de la valeur économique, et à s’imposer comme un interlocuteur de premier plan pour réfléchir à l’impact transformationnel des technologies numériques, en matière d’accès aux soins, de qualité des prises en charge et d’organisation des systèmes de santé.
PariSanté Campus a été officiellement inauguré le 14 décembre 2021. Quels jalons ont depuis marqué son histoire ?
Ils ont été nombreux et témoignent, d’ailleurs, de la vitalité de l’écosystème et de sa forte trajectoire de croissance. À titre d’exemple, plus de 250 événements ont été accueillis ou organisés par PariSanté Campus au cours de sa première année d’existence, et autant durant les six mois suivants pour, à chaque fois, mettre les expertises et les compétences en réseau et accélérer ainsi l’engagement dans des projets communs. S’il faut citer certains événements particulièrement marquants, je m’attarderai notamment sur la première promotion de start-ups qui, en mars 2022, a réuni 60 start-ups dans le cadre du programme d’accélérateur d’entreprises, suivie en mars 2023 par une nouvelle promotion de 20 start-ups. J’évoquerai également les nombreux travaux menés en 2022 autour de la souveraineté industrielle, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne. Sans oublier l’organisation des rencontres « Campus Live ! », pour faire rayonner l’écosystème du numérique en santé. Après deux premières éditions, en 2022 et 2023, nous préparons désormais le troisième opus qui se tiendra le 11 juin 2024.
Pr Antoine Tesnière : Après des études de médecine et une spécialisation en anesthésie-réanimation, je me suis orienté vers un parcours universitaire pour, notamment, me consacrer à la recherche et l’innovation. J’ai alors pu travailler sur les approches innovantes en santé, animé par la volonté d’améliorer les connaissances, les organisations et les outils au bénéfice des patients, des étudiants et du système dans son ensemble. C’est de cette logique qu’est issu PariSanté Campus, qui entend faciliter les synergies et la pluridisciplinarité car celle-ci est un catalyseur d’innovation. Pour la première fois en France, l’écosystème des innovateurs académiques, institutionnels et privés est rassemblé au sein d’un lieu dédié, à la dimension inédite et portant une double ambition nationale et internationale. La création de PariSanté Campus s’inscrit in fine en cohérence avec mon parcours tout en représentant un changement d’échelle, et c’est la raison pour laquelle j’ai accepté d’en prendre la direction.
Pourriez-vous revenir sur cette création ?
Voulu par le président de la République, qui a annoncé son lancement le 4 décembre 2020, PariSanté Campus est construit autour de cinq opérateurs publics, l’INSERM, INRIA, l’université Paris Sciences et Lettres, l’Agence du numérique en santé et le Health Data Hub, avec la volonté de fédérer autour d’eux tous les talents œuvrant au développement de la santé numérique. Il porte pour cela quatre ambitions fortes. En premier lieu, PariSanté Campus cherche à favoriser des travaux poussés autour des données, car elles-mêmes nourrissent la transformation numérique de la santé, et à encourager l’acquisition de nouvelles compétences dans un environnement technique très mouvant. À plus long terme, il aspire aussi à bâtir un écosystème favorisant pour créer de la valeur économique, et à s’imposer comme un interlocuteur de premier plan pour réfléchir à l’impact transformationnel des technologies numériques, en matière d’accès aux soins, de qualité des prises en charge et d’organisation des systèmes de santé.
PariSanté Campus a été officiellement inauguré le 14 décembre 2021. Quels jalons ont depuis marqué son histoire ?
Ils ont été nombreux et témoignent, d’ailleurs, de la vitalité de l’écosystème et de sa forte trajectoire de croissance. À titre d’exemple, plus de 250 événements ont été accueillis ou organisés par PariSanté Campus au cours de sa première année d’existence, et autant durant les six mois suivants pour, à chaque fois, mettre les expertises et les compétences en réseau et accélérer ainsi l’engagement dans des projets communs. S’il faut citer certains événements particulièrement marquants, je m’attarderai notamment sur la première promotion de start-ups qui, en mars 2022, a réuni 60 start-ups dans le cadre du programme d’accélérateur d’entreprises, suivie en mars 2023 par une nouvelle promotion de 20 start-ups. J’évoquerai également les nombreux travaux menés en 2022 autour de la souveraineté industrielle, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne. Sans oublier l’organisation des rencontres « Campus Live ! », pour faire rayonner l’écosystème du numérique en santé. Après deux premières éditions, en 2022 et 2023, nous préparons désormais le troisième opus qui se tiendra le 11 juin 2024.
Après deux ans et demi d’existence de PariSanté Campus, quels constats avez-vous pu poser en termes d’accompagnement de l’innovation ?
Ce premier site, qui s’étend actuellement sur 20 000 m2, a déjà permis de montrer la pertinence du concept d’écosystème innovant. Il a également mis en lumière l’excellence des acteurs français de la recherche et de l’entrepreneuriat, la grande qualité de leurs réflexions et leur volonté de travailler ensemble. Nous le mesurons par les nombreuses productions scientifiques, l’évolution remarquable des entreprises accompagnées et la multiplication des projets communs, qui sont autant de marqueurs de valeur pour PariSanté Campus. Nous confirmons en outre tous les jours le soutien fort apporté par l’État au développement de l’innovation en santé, et nous nous inscrivons d’ailleurs dans cette volonté qui entend répondre efficacement aux besoins de l’écosystème et aux attentes de la population. Nous observons, enfin, le très fort intérêt suscité par les dynamiques françaises sur le plan international : nos start-ups rayonnent à l’étranger, et de nombreux acteurs internationaux cherchent à s’implanter dans notre pays. Pour autant, nous avons également identifié certains points de vigilance sur lesquels nous concentrons prioritairement nos efforts pour assurer un développement efficient de la filière santé numérique.
Pourriez-vous les détailler ?
Développer des outils numériques destinés au monde de la santé impose en premier lieu de comprendre l’environnement dans lequel l’on souhaite opérer, et qui est un domaine fortement régulé. La question du financement de l’innovation représente un deuxième enjeu : les dispositifs de financement actuels portent essentiellement sur l’amorçage et les premières phases de développement, mais il faut aussi pouvoir assurer le passage à l’échelle, synonyme de réussite entrepreneuriale. L’arrivée des technologies d’intelligence artificielle met pour sa part une nouvelle pression sur les entreprises, car leur capacité à l’intégrer sera déterminante pour leur développement. La cybersécurité, enfin, impose une vigilance de tous les instants, pour protéger les données de santé – qui sont aujourd’hui parmi les plus attaquées – et adresser les enjeux de leur propriété intellectuelle. Ce sont autant de champs sur lesquels nous formons, sensibilisons et accompagnons l’écosystème, en mettant en œuvre des programmes dédiés, en favorisant l’interdisciplinarité et le développement de partenariats nationaux et internationaux, et en encourageant les interactions avec les organismes de règlementation.
Avez-vous, par ailleurs, identifié de bonnes pratiques pour soutenir l’appropriation de l’innovation numérique par les professionnels de santé ?
La question de l’acceptabilité de l’innovation par les professionnels du soin ne doit en effet pas être éludée, car c’est à travers elle qu’une innovation se transformera en usage. Nous observons d’ailleurs aujourd’hui un foisonnement d’innovations en santé, mais rares sont celles qui parviennent à véritablement s’imposer au sein des pratiques. C’est pourquoi il nous paraît primordial que les innovateurs identifient, en préambule, les problématiques adressées et le mode de financement qu’ils comptent mobiliser, afin que l’innovation puisse à la fois trouver son ancrage sur le terrain et son modèle économique. Mais trois autres points doivent également être traités en bout de chaîne : l’impact pour le domaine concerné, l’évaluation du bénéfice réel, et les modalités de déploiement effectif. À ce socle s’ajoutent les questions éthiques et les choix sociétaux associés, les enjeux de souveraineté, particulièrement sur le plan des données de santé, la dimension durable de l’innovation qui doit, idéalement, être neutre voire bénéfique sur le plan écologique, et enfin son mode de diffusion auprès des professionnels de santé et des patients.
Ce premier site, qui s’étend actuellement sur 20 000 m2, a déjà permis de montrer la pertinence du concept d’écosystème innovant. Il a également mis en lumière l’excellence des acteurs français de la recherche et de l’entrepreneuriat, la grande qualité de leurs réflexions et leur volonté de travailler ensemble. Nous le mesurons par les nombreuses productions scientifiques, l’évolution remarquable des entreprises accompagnées et la multiplication des projets communs, qui sont autant de marqueurs de valeur pour PariSanté Campus. Nous confirmons en outre tous les jours le soutien fort apporté par l’État au développement de l’innovation en santé, et nous nous inscrivons d’ailleurs dans cette volonté qui entend répondre efficacement aux besoins de l’écosystème et aux attentes de la population. Nous observons, enfin, le très fort intérêt suscité par les dynamiques françaises sur le plan international : nos start-ups rayonnent à l’étranger, et de nombreux acteurs internationaux cherchent à s’implanter dans notre pays. Pour autant, nous avons également identifié certains points de vigilance sur lesquels nous concentrons prioritairement nos efforts pour assurer un développement efficient de la filière santé numérique.
Pourriez-vous les détailler ?
Développer des outils numériques destinés au monde de la santé impose en premier lieu de comprendre l’environnement dans lequel l’on souhaite opérer, et qui est un domaine fortement régulé. La question du financement de l’innovation représente un deuxième enjeu : les dispositifs de financement actuels portent essentiellement sur l’amorçage et les premières phases de développement, mais il faut aussi pouvoir assurer le passage à l’échelle, synonyme de réussite entrepreneuriale. L’arrivée des technologies d’intelligence artificielle met pour sa part une nouvelle pression sur les entreprises, car leur capacité à l’intégrer sera déterminante pour leur développement. La cybersécurité, enfin, impose une vigilance de tous les instants, pour protéger les données de santé – qui sont aujourd’hui parmi les plus attaquées – et adresser les enjeux de leur propriété intellectuelle. Ce sont autant de champs sur lesquels nous formons, sensibilisons et accompagnons l’écosystème, en mettant en œuvre des programmes dédiés, en favorisant l’interdisciplinarité et le développement de partenariats nationaux et internationaux, et en encourageant les interactions avec les organismes de règlementation.
Avez-vous, par ailleurs, identifié de bonnes pratiques pour soutenir l’appropriation de l’innovation numérique par les professionnels de santé ?
La question de l’acceptabilité de l’innovation par les professionnels du soin ne doit en effet pas être éludée, car c’est à travers elle qu’une innovation se transformera en usage. Nous observons d’ailleurs aujourd’hui un foisonnement d’innovations en santé, mais rares sont celles qui parviennent à véritablement s’imposer au sein des pratiques. C’est pourquoi il nous paraît primordial que les innovateurs identifient, en préambule, les problématiques adressées et le mode de financement qu’ils comptent mobiliser, afin que l’innovation puisse à la fois trouver son ancrage sur le terrain et son modèle économique. Mais trois autres points doivent également être traités en bout de chaîne : l’impact pour le domaine concerné, l’évaluation du bénéfice réel, et les modalités de déploiement effectif. À ce socle s’ajoutent les questions éthiques et les choix sociétaux associés, les enjeux de souveraineté, particulièrement sur le plan des données de santé, la dimension durable de l’innovation qui doit, idéalement, être neutre voire bénéfique sur le plan écologique, et enfin son mode de diffusion auprès des professionnels de santé et des patients.
À cet égard, les dynamiques mises en œuvre dans d’autres pays peuvent être instructives. Quels enseignements en tirer ?
Nous observons en effet avec attention ce qui se fait ailleurs, et nous en nourrissons de différentes manières. En premier lieu, nous essayons de répliquer les initiatives perçues comme opportunes, en les adaptant au modèle français. Ainsi, le dispositif allemand DiGA, qui offre un accès anticipé au remboursement pour les applications numériques ayant fait leurs preuves, a inspiré la création du programme PECAN, permettant la prise en charge dérogatoire, par l’Assurance maladie, des solutions de télésurveillance suffisamment matures. Nous nous inscrivons, ensuite, dans une logique de coordination européenne pour non seulement relever des enjeux communs – je pense notamment ici à la souveraineté industrielle – mais aussi accélérer la construction de l’Europe de la santé, comme l’illustre la constitution en cours de l’Espace européen des données de santé. Nous explorons, enfin, le fonctionnement des autres grands marchés de l’innovation en santé, particulièrement en Amérique du Nord, afin d’identifier les leviers qui feront de la France un leader de la santé numérique, conformément à la mission qui nous a été confiée par le président de la République.
Justement, comment PariSanté Campus contribue-t-il au développement international de l’innovation numérique française ?
Nous portons des actions multiples car nous fédérons des acteurs multiples : nous travaillons avec des institutions pour trouver des réponses communes à des enjeux partagés, nous participons à des consortiums internationaux de recherche et nous nouons plusieurs partenariats pour accompagner les entreprises françaises à l’export. Ces travaux sont prioritairement menés avec un premier cercle au sein de l’Union européenne, mais nous sommes également présents ailleurs dans le monde. Notamment, nous collaborons avec l’agence Business France pour accompagner le développement international des entreprises et de leurs exportations, mais aussi accueillir des investisseurs internationaux. À cet égard, PariSanté Campus entend se positionner comme la porte d’entrée européenne de l’innovation en santé.
Évoquons à présent votre vision de la santé du futur. Quelles seraient à votre sens les innovations les plus « disruptives » ?
Je m’arrêterai d’abord sur le constat, unanimement partagé, de la formidable accélération que connaît aujourd’hui l’innovation en santé. Les progrès technologiques, l’évolution des connaissances, ont été plus nombreux en vingt ans, qu’au cours des 2 000 dernières années. Nous pouvons faire le même parallèle pour nous projeter dans la santé du futur, dont la dynamique sera tout aussi exponentielle. L’innovation est par définition plurielle. Mais certaines avancées nous feront, à mon sens, véritablement changer de dimension. Sur le plan de l’innovation numérique, une partie de son accélération a été jusqu’à maintenant déterminée par la loi de Moore, qui prédit la vitesse d’évolution de la capacité des microprocesseurs. La prochaine ère technologique, encore plus puissante, sera celle de l’informatique quantique, qui accélèrera sensiblement nos capacités d’analyse des données. Voici pour le contexte général, dont les perspectives sont en soi enthousiasmantes. Mais d’autres éléments permettent aussi de se projeter dans la santé du futur.
Nous observons en effet avec attention ce qui se fait ailleurs, et nous en nourrissons de différentes manières. En premier lieu, nous essayons de répliquer les initiatives perçues comme opportunes, en les adaptant au modèle français. Ainsi, le dispositif allemand DiGA, qui offre un accès anticipé au remboursement pour les applications numériques ayant fait leurs preuves, a inspiré la création du programme PECAN, permettant la prise en charge dérogatoire, par l’Assurance maladie, des solutions de télésurveillance suffisamment matures. Nous nous inscrivons, ensuite, dans une logique de coordination européenne pour non seulement relever des enjeux communs – je pense notamment ici à la souveraineté industrielle – mais aussi accélérer la construction de l’Europe de la santé, comme l’illustre la constitution en cours de l’Espace européen des données de santé. Nous explorons, enfin, le fonctionnement des autres grands marchés de l’innovation en santé, particulièrement en Amérique du Nord, afin d’identifier les leviers qui feront de la France un leader de la santé numérique, conformément à la mission qui nous a été confiée par le président de la République.
Justement, comment PariSanté Campus contribue-t-il au développement international de l’innovation numérique française ?
Nous portons des actions multiples car nous fédérons des acteurs multiples : nous travaillons avec des institutions pour trouver des réponses communes à des enjeux partagés, nous participons à des consortiums internationaux de recherche et nous nouons plusieurs partenariats pour accompagner les entreprises françaises à l’export. Ces travaux sont prioritairement menés avec un premier cercle au sein de l’Union européenne, mais nous sommes également présents ailleurs dans le monde. Notamment, nous collaborons avec l’agence Business France pour accompagner le développement international des entreprises et de leurs exportations, mais aussi accueillir des investisseurs internationaux. À cet égard, PariSanté Campus entend se positionner comme la porte d’entrée européenne de l’innovation en santé.
Évoquons à présent votre vision de la santé du futur. Quelles seraient à votre sens les innovations les plus « disruptives » ?
Je m’arrêterai d’abord sur le constat, unanimement partagé, de la formidable accélération que connaît aujourd’hui l’innovation en santé. Les progrès technologiques, l’évolution des connaissances, ont été plus nombreux en vingt ans, qu’au cours des 2 000 dernières années. Nous pouvons faire le même parallèle pour nous projeter dans la santé du futur, dont la dynamique sera tout aussi exponentielle. L’innovation est par définition plurielle. Mais certaines avancées nous feront, à mon sens, véritablement changer de dimension. Sur le plan de l’innovation numérique, une partie de son accélération a été jusqu’à maintenant déterminée par la loi de Moore, qui prédit la vitesse d’évolution de la capacité des microprocesseurs. La prochaine ère technologique, encore plus puissante, sera celle de l’informatique quantique, qui accélèrera sensiblement nos capacités d’analyse des données. Voici pour le contexte général, dont les perspectives sont en soi enthousiasmantes. Mais d’autres éléments permettent aussi de se projeter dans la santé du futur.
Lesquels ?
Particulièrement l’intelligence artificielle, qui y occupera une place de choix. Nous voyons déjà se multiplier les applications d’analyse des images, des bases de données et, plus récemment, des données textuelles avec l’IA générative, et cette tendance est vouée à s’accélérer, par exemple sur le champ de l’analyse des émotions et des technologies robotiques. Ces outils amèneront des progrès importants pour personnaliser et fiabiliser les prises en charge, développer des approches plus préventives et pouvoir mieux prédire la survenue d’événements, contribuant ainsi à l’avènement d’une médecine plus performante. Ce sera le cas aussi de la génomique, de l’Internet des objets avec des dispositifs toujours plus portables, précis et connectés, et de la médecine à distance pour mieux prendre en charge les maladies chroniques. Pour autant, toutes ces avancées amènent dans leur sillage de nouveaux enjeux éthiques et de nouvelles craintes, qu’il nous faut comprendre et adresser, en soulignant notamment les bénéfices escomptés pour l’individu et la collectivité.
L’IA est ici un exemple éloquent…
Nous sommes en effet aujourd’hui parvenus à dépasser la question fantasmatique du remplacement du médecin par la technologie. Celle-ci offre certes un niveau de performance intéressant, mais cette performance s’accroît lorsque l’intelligence artificielle est utilisée en complémentarité avec l’intelligence humaine. Nous l’observons déjà dans les applications d’IA en imagerie médicale, et cette complémentarité entre l’intelligence artificielle et le médecin doit continuer d’être valorisée. Ce qui ne veut pas dire que l’IA ne doit pas être régulée. Ses promesses sont nombreuses, mais elle n’est pas exempte de risques. L’Union européenne s’est saisie de cet enjeu en adoptant le concept structurant de garantie humaine et en votant l’IA Act, qui définit les catégories d’utilisation, les risques associés et les possibilités de déploiement.
Cette première mondiale est-elle, à votre sens, propice à l’innovation ?
Il n’est ici aucunement question de freiner l’innovation, mais plutôt d’éviter de se faire dépasser par la technologie. L’adoption de cette législation communautaire est d’autant plus nécessaire que nous observons, ailleurs dans le monde, des positionnements différents par rapport à l’IA et à l’utilisation des données personnelles de santé. Ces choix ne tiennent pas uniquement à la compréhension de la technologie, ils relèvent d’enjeux culturels et sociétaux profonds. Il est donc primordial que l’Union européenne se saisisse du sujet pour que le développement de l’intelligence artificielle et des stratégies d’exploitation des données puisse servir le bien commun, et s’inscrire dans le cadre de nos choix sociétaux. Reste aujourd’hui à définir une gouvernance mondiale de l’IA, qui fait déjà l’objet de réflexions.
Quels autres défis relever pour que l’innovation numérique en santé continue de se développer et de s’accélérer ?
Je retiendrai trois enjeux à court et moyen terme, sur lesquels nous cherchons bien sûr à agir dans le cadre de PariSanté Campus. D’abord, la diffusion d’une culture du numérique en santé, car nous ne parviendrons à véritablement transformer notre système de santé qu’une fois que toutes ses composantes auront pleinement intégré que le numérique est en lui-même un élément transformant, ayant la capacité inhérente d’améliorer chaque paramètre de la santé. Ensuite, le développement d’infrastructures pour l’exploitation des données de santé, mais aussi une meilleure appropriation des outils d’intelligence artificielle, pour éviter de créer une médecine à deux vitesses avec, d’un côté, une pratique médicale mobilisant les dernières avancées de la technologie, et de l’autre une pratique encore artisanale. Et enfin, la volonté de susciter et de nourrir le débat sociétal autour de la santé numérique, en adressant les craintes éventuelles et en sensibilisant aux bénéfices offerts par la valorisation des données de santé.
Et à plus long terme ?
Il nous faut renforcer encore notre capacité à accompagner l’écosystème pour qu’il puisse plus rapidement intégrer les innovations proposées. Il est donc à la fois nécessaire de continuer à fluidifier la chaîne de développement pour accélérer la mise à disposition des applications innovantes, mais aussi de revoir les modalités de formation des utilisateurs car leur prise en main impose des formations régulières. L’intégration de l’innovation est encore trop souvent perçue comme une charge ou une complexité, alors même qu’elle est source de gains importants, en matière de performance organisationnelle, de simplification des pratiques ou encore de qualité des soins. Il nous faut, in fine, répliquer le même processus d’acculturation observé lors de la mise en place de nombreuses innovations, par exemple lors de la généralisation du dossier patient informatisé, qui était alors lui aussi une innovation numérique.
> Article paru dans Hospitalia #65, édition de mai 2024, à lire ici
Particulièrement l’intelligence artificielle, qui y occupera une place de choix. Nous voyons déjà se multiplier les applications d’analyse des images, des bases de données et, plus récemment, des données textuelles avec l’IA générative, et cette tendance est vouée à s’accélérer, par exemple sur le champ de l’analyse des émotions et des technologies robotiques. Ces outils amèneront des progrès importants pour personnaliser et fiabiliser les prises en charge, développer des approches plus préventives et pouvoir mieux prédire la survenue d’événements, contribuant ainsi à l’avènement d’une médecine plus performante. Ce sera le cas aussi de la génomique, de l’Internet des objets avec des dispositifs toujours plus portables, précis et connectés, et de la médecine à distance pour mieux prendre en charge les maladies chroniques. Pour autant, toutes ces avancées amènent dans leur sillage de nouveaux enjeux éthiques et de nouvelles craintes, qu’il nous faut comprendre et adresser, en soulignant notamment les bénéfices escomptés pour l’individu et la collectivité.
L’IA est ici un exemple éloquent…
Nous sommes en effet aujourd’hui parvenus à dépasser la question fantasmatique du remplacement du médecin par la technologie. Celle-ci offre certes un niveau de performance intéressant, mais cette performance s’accroît lorsque l’intelligence artificielle est utilisée en complémentarité avec l’intelligence humaine. Nous l’observons déjà dans les applications d’IA en imagerie médicale, et cette complémentarité entre l’intelligence artificielle et le médecin doit continuer d’être valorisée. Ce qui ne veut pas dire que l’IA ne doit pas être régulée. Ses promesses sont nombreuses, mais elle n’est pas exempte de risques. L’Union européenne s’est saisie de cet enjeu en adoptant le concept structurant de garantie humaine et en votant l’IA Act, qui définit les catégories d’utilisation, les risques associés et les possibilités de déploiement.
Cette première mondiale est-elle, à votre sens, propice à l’innovation ?
Il n’est ici aucunement question de freiner l’innovation, mais plutôt d’éviter de se faire dépasser par la technologie. L’adoption de cette législation communautaire est d’autant plus nécessaire que nous observons, ailleurs dans le monde, des positionnements différents par rapport à l’IA et à l’utilisation des données personnelles de santé. Ces choix ne tiennent pas uniquement à la compréhension de la technologie, ils relèvent d’enjeux culturels et sociétaux profonds. Il est donc primordial que l’Union européenne se saisisse du sujet pour que le développement de l’intelligence artificielle et des stratégies d’exploitation des données puisse servir le bien commun, et s’inscrire dans le cadre de nos choix sociétaux. Reste aujourd’hui à définir une gouvernance mondiale de l’IA, qui fait déjà l’objet de réflexions.
Quels autres défis relever pour que l’innovation numérique en santé continue de se développer et de s’accélérer ?
Je retiendrai trois enjeux à court et moyen terme, sur lesquels nous cherchons bien sûr à agir dans le cadre de PariSanté Campus. D’abord, la diffusion d’une culture du numérique en santé, car nous ne parviendrons à véritablement transformer notre système de santé qu’une fois que toutes ses composantes auront pleinement intégré que le numérique est en lui-même un élément transformant, ayant la capacité inhérente d’améliorer chaque paramètre de la santé. Ensuite, le développement d’infrastructures pour l’exploitation des données de santé, mais aussi une meilleure appropriation des outils d’intelligence artificielle, pour éviter de créer une médecine à deux vitesses avec, d’un côté, une pratique médicale mobilisant les dernières avancées de la technologie, et de l’autre une pratique encore artisanale. Et enfin, la volonté de susciter et de nourrir le débat sociétal autour de la santé numérique, en adressant les craintes éventuelles et en sensibilisant aux bénéfices offerts par la valorisation des données de santé.
Et à plus long terme ?
Il nous faut renforcer encore notre capacité à accompagner l’écosystème pour qu’il puisse plus rapidement intégrer les innovations proposées. Il est donc à la fois nécessaire de continuer à fluidifier la chaîne de développement pour accélérer la mise à disposition des applications innovantes, mais aussi de revoir les modalités de formation des utilisateurs car leur prise en main impose des formations régulières. L’intégration de l’innovation est encore trop souvent perçue comme une charge ou une complexité, alors même qu’elle est source de gains importants, en matière de performance organisationnelle, de simplification des pratiques ou encore de qualité des soins. Il nous faut, in fine, répliquer le même processus d’acculturation observé lors de la mise en place de nombreuses innovations, par exemple lors de la généralisation du dossier patient informatisé, qui était alors lui aussi une innovation numérique.
> Article paru dans Hospitalia #65, édition de mai 2024, à lire ici