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Maintien de l'autonomie des personnes âgées : le retard Français


Rédigé par Admin le Jeudi 31 Janvier 2019 à 11:05 | Lu 1937 fois


Enjeu de taille, la préservation de l’autonomie des personnes âgées pâtit, en France, d’un véritable manque de culture de la réadaptation et d’une absence de cohérence avec la mise en œuvre des politiques de prévention des risques professionnels.
PAR ANAÏS GUILBAUD



Dès 2003, les résultats de l’étude « Vieillissement et restrictions d’activité : l’enjeu de la compensation des problèmes fonctionnels »* réalisée par Emmanuelle Cambois et Jean-Marie Robine soulignaient qu’« à problème fonctionnel équivalent », toutes les personnes ne développent pas les mêmes restrictions d'activité. De plus, « la résidence en institutions, plutôt qu’à domicile, s’accompagne d’un risque plus important de déclarer des restrictions sévères » dans la réalisation d’activités du quotidien chez les personnes âgées. Pour Fabrice Nouvel, président de l’Association Française des Ergothérapeutes en Gériatrie (AFEG), ce constat peut en partie s'expliquer par le manque d'activation motrice et la sur-assistance dont les personnes âgées peuvent faire l'objet en EHPAD ou au cours d'une hospitalisation.

Pour étayer ses propos, le président de l’AFEG rappelle qu’il n’est pas rare en établissement, d’emmener les patients à la salle à manger en fauteuil roulant, alors même que ces derniers sont en capacité de marcher. Un véritable « manque de bon sens » à ses yeux, puisque « le fait de sur-assister une personne peut être source de dépendance accrue ». Olivier Guérin, chef du pôle de gérontologie du CHU de Nice et président de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie (SFGG), nous le rappelle également : « le dogme de tout gériatre repose sur la notion d’aider à faire et non de faire à la place de la personne » et suppose donc de s’adapter aux capacités résiduelles de chacun.
 

Retard culturel

« Il y a une croyance forte chez les soignants que le fait de s’adapter aux capacités de chaque patient demande une charge de travail supplémentaire comparativement à la répétition d’une routine » explique Fabrice Nouvel. Pourtant, « l’individualisation de la prise en charge pourrait leur éviter des tâches ». Car le manque de temps, de formation, et de moyens humains font partie, à raison, des principales explications invoquées dans l’absence de personnalisation de l’approche. « Il y a une forme d’ambivalence dans notre société. Malgré l’enjeu qu’ils représentent et les compétences qu’ils requièrent, les métiers du grand âge souffrent d’une véritable absence de considération », souligne Olivier Guérin.

Pour le gériatre, le problème est d’ailleurs plus profond et s’inscrit dans le manque de culture de la réadaptation de la médecine française. « La vision soignante de notre pays est trop majoritairement curative or le vieillissement de la population s’inscrit dans un paradigme différent. Il est désormais essentiel de promouvoir une médecine fonctionnelle, de ne plus essayer de soigner la vieillesse comme une pathologie mais d’accompagner au mieux les personnes dans cette étape de leur vie. En cela, la France a un énorme retard. » Un retard qui se traduit par le nombre de professionnels dédiés à la réadaptation. Ainsi notre pays compte 16 ergothérapeutes pour 100 000 habitants contre 98 en Belgique et 162 au Danemark.

Maintien de l’autonomie versus prévention des risques

Enfin, la France paye le prix d’une absence historique de convergence entre les politiques de prévention de la perte d’autonomie d’une part, et celles liées à la prévention des risques professionnels d’autre part, les deux étant menées par des organismes différents. « La prévention des TMS est encore trop souvent pratiquée comme une discipline ergonomique oubliant que les matériels et techniques employés auront un impact sur l'évolution des capacités restantes des patients », rappelle ainsi Fabrice Nouvel.

Tout en reconnaissant que le maintien de l’autonomie des personnes âgées va dans le sens de la prévention des risques professionnels, Carole Gayet, pilote de la thématique Aide à la personne au sein de l’INRS, explique cette incohérence française par le manque de perméabilité entre les milieux. « D’un côté, les soignants ne voyaient que l’intérêt du patient, de l’autre, les préventeurs avaient une méconnaissance de la culture du soin. Malgré des intentions louables des deux côtés, chacun avait du mal à s’ouvrir à l’autre ». Néanmoins, selon elle, le changement culturel est désormais en bonne voie. « C’est un travail long à mettre en place mais il ne faut pas louper le coche. Nous savons qu’il existe des initiatives efficaces permettant l’articulation des enjeux, mais il reste à les généraliser », poursuit-elle.

Maintien de l'autonomie des personnes âgées : le retard Français

Nouvelles approches

Carole Gayet a ainsi eu la révélation en découvrant la formation « Devenir référent prévention TMS en secteur santé » élaborée par le Groupe Hospitalier Paris Saint-Joseph (GHPSJ). Depuis, elle agit au sein de l’INRS pour le déploiement d'une politique de prévention des TMS centrée sur le soin. Ce changement de paradigme, validé par l’organisme en 2018, repose sur l’emploi d’aides techniques adaptées aux capacités des patients en temps réel. De quoi permettre de soulager le soignant de tout port de charge, tout en préservant le déplacement naturel humain.

Pour le Professeur Guérin, l’innovation technologique pourrait également représenter un levier d’amélioration non négligeable. Ainsi, le CHU de Nice va tester l’usage d’exosquelettes pour l’aide à la toilette. « Beaucoup d’expérimentations ont lieu mais il est encore difficile d’en avoir une vision globale. Il faudra encore attendre un recensement des initiatives et la mise en place d’indicateurs d’évaluation pour y parvenir », explique-t-il. Par ailleurs, il n’oublie pas de souligner la nécessité de connaître individuellement les patients et d’encadrer l’usage de ces équipements pour éviter un quelconque effet délétère.

Là-dessus, Fabrice Nouvel rejoint le gériatre. Afin de garantir une homogénéité des pratiques et la sécurisation des soins, la formation et la fourniture d’équipements adaptés ne suffisent pas. La coordination et le partage de l’information au sein des équipes représentent également un enjeu de taille. Pour le CHU de Nîmes, au sein duquel il exerce, la continuité des soins est passée par la mise en place de pictogrammes d’autonomie permettant à tout professionnel de savoir en un coup d’œil ce que la personne est en capacité de faire ou non. « Dans notre service, nous utilisons surtout des aides techniques dites d'activation motrice, permettant aux patients de réaliser seuls leurs transferts, ce qui a pour effet d'avoir très fortement réduit les arrêts de travail liés aux manutentions et dans le même temps d'entretenir ou d'améliorer l'autonomie des patients » conclut-il.

*Publiés dans Études et Résultats, n°261, septembre 2003, DREES

 






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