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De nouvelles dynamiques pour un hôpital plus vert


Rédigé par Aurélie Pasquelin le Lundi 8 Juillet 2024 à 11:59 | Lu 738 fois


Né il y a plus de quinze ans, le Comité pour le développement durable en santé (C2DS) œuvre pour une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux dans les établissements de soins, fédérant à ce jour près de 900 structures sanitaires et médico-sociales de toutes tailles et de tous secteurs. Le point avec sa directrice, Véronique Molières.



La thématique du développement durable semble prendre une place croissante dans le monde de la santé. Partagez-vous ce constat ?

Véronique Molières : Des initiatives existaient déjà sur le terrain, en France comme à l’international, d’autant que cela faisait plusieurs années que l’ONU et l’OMS incitaient les professionnels de santé à prendre en compte des enjeux du développement durable. Mais le sujet ne semblant pas intéresser les pouvoirs publics, il n’y avait pas de dynamique collective. Les choses ont changé avec la crise Covid. Tous ont pris conscience de la fragilité de notre planète et de l’interconnexion entre ses différents écosystèmes, avec des zoonoses qui viennent nous exposer à des pandémies. Le C2DS a d’ailleurs vu le nombre de ses adhérents fortement augmenter : en trois ans, nous sommes passés de 500 établissements à un peu moins de 900 ! Et ces adhésions sont totalement volontaires, preuve, s’il en est, de l’intérêt nouveau suscité par ces thématiques. Elles témoignent également de la volonté d’implication des établissements de santé, et de leur souhait de rejoindre une communauté déjà engagée sur le sujet pour apprendre, échanger, partager et avancer individuellement, mais aussi de façon collective.

Avez-vous, depuis, observé d’autres évolutions ?

À partir de 2023, le développement durable en santé est effectivement peu à peu devenu une aspiration nationale : la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) a lancé une mission pour la transition écologique du système de santé, le ministère des Solidarités et de la Santé a signé une convention de planification écologique en santé, la Haute autorité de santé a publié une feuille de route Santé-environnement… Cette tendance peut aussi s’observer au niveau régional, avec la construction de plans de santé quinquennaux intégrant des objectifs en lien avec le développement durable. Un dessein national commence donc à transparaître au travers de toutes ces actions, et cela est extrêmement positif ! La santé est, semble-t-il, entrée dans une nouvelle ère à la faveur de la volonté de l'État, qui a d’ailleurs initié une dynamique similaire dans d’autres secteurs d’activité, notamment illustrée par le plan France Nation Verte – véritable bannière de mobilisation collective pour la transition écologique, avec l'obligation pour tous les secteurs, y compris celui de la santé, de s’engager dans une démarche de décarbonation.

Comment se positionne ici le C2DS ? 

Nous nous réjouissons, naturellement, de cette impulsion politique qui a manqué pendant des années. D’autant plus dans un secteur aussi règlementé que la santé, car les établissements ont besoin de ce cadre officiel pour avancer sur le sujet. Pour autant, nous restons vigilants car cette dynamique ne peut se résumer à la seule réduction de l’empreinte carbone. Celle-ci est évidemment importante, mais elle ne doit pas être traitée de manière isolée. Le développement durable ne s’arrête pas à la décarbonation, et c’est pourquoi le C2DS travaille activement sur quatre empreintes : carbone, chimique, hydrique et sociale.  

Vous parlez d’ailleurs d’exposome en ce qui concerne l’empreinte chimique. Pourriez-vous nous l’expliquer ?

Comme vous le savez, les pollutions aux pesticides, aux métaux lourds, ou encore aux perturbateurs endocriniens sont absorbées par notre corps tout au long de notre vie, par la respiration, l’alimentation, le toucher. L’exposome désigne justement l’accumulation de ces expositions environnementales, dont les effets sur notre organisme sont encore peu étudiés. La question se pose toutefois dans l’augmentation des cancers, ou la baisse du nombre de spermatozoïdes chez l’homme, par exemple. Cet impact sur notre santé peut être réduit en limitant l’empreinte chimique dans les différents secteurs d’activité humaine, y compris celui de la santé. Plusieurs initiatives sont d’ailleurs déjà menées en ce sens, comme l’utilisation de procédés vapeur pour nettoyer les sols dans les zones de passage, ou la réduction des perturbateurs endocriniens dans les maternités. 

Quid de l’empreinte hydrique ? 

Celle-ci désigne le volume total d’eau utilisée pour un produit ou un service. Or la question des pénuries d’eau est déjà très présente. Elle est, bien sûr, plus marquée dans certains secteurs, mais elle n’en reste pas moins une problématique globale, qui impose une mobilisation à grande échelle. Cette dernière est déjà assez forte, peut-être parce que le problème est plus palpable : de nombreuses régions sont confrontées à des pénuries d’eau, particulièrement durant l’été. Pour rappel, en 2023, pas moins de 130 communes avaient été privées d’eau pendant plusieurs jours. Les établissements de santé implantés dans ces territoires en ont eux aussi pâti. Le secteur doit donc continuer de se mobiliser pour réduire sa consommation d’eau, mais aussi son impact sur les ressources hydriques. 

Le CD2S travaille également sur l’empreinte sociale. Pourquoi est-il à votre sens important de la rattacher au développement durable ? 

Construire des hôpitaux bas carbone est un engagement formidable. Mais si tous les efforts sont concentrés sur la décarbonation, sans prendre en compte l’humain, ces établissements ne seront pas attractifs pour les soignants, et ne trouveront personne pour les faire fonctionner. L’empreinte sociale est donc absolument majeure, essentielle même. Chacune de ces quatre empreintes est d’ailleurs fondamentale, et doit être considérée comme telle par les acteurs de la santé. Le développement durable est une démarche nécessairement systémique.

De quelle manière le C2DS entend-il relever ce défi ?

Nous agissons à différents niveaux en portant notamment une vision, celle d’un système de santé plus juste et plus durable, pour des soins raisonnés. La santé est aujourd’hui mise au défi de la sobriété et de la résilience. Face au vieillissement de la population et à la dégradation de l’environnement, les établissements de soins seront en première ligne pour faire face aux enjeux à venir. Ils doivent, pour cela, apprendre à fonctionner autrement, sur la gestion thermique, les consommations énergétiques, le recours aux substances chimiques… Plusieurs années seront nécessaires pour mener ces changements à bien et permettre l’avènement d’un système de santé qui prendra véritablement en compte toutes les composantes environnementales, tout en étant durable, attractif et accessible à tous. 

Portez-vous des actions spécifiques pour contribuer à la naissance de ce système ?

Le C2DS a notamment constitué un réseau articulé autour de huit clubs thématiques – communication, médecins, qualité, maternité, pharmaciens, biodiversité, bâtiments, ressources humaines –, auxquels viendront prochainement s’ajouter deux clubs supplémentaires, sur l’hygiène et la dialyse. Chaque mois, ils se réunissent pour partager des idées et des initiatives vertueuses, invitant régulièrement des professionnels de santé à venir présenter leur expérience. De ces rencontres émergent des pistes qui peuvent ensuite être travaillées de manière collective. Sondage, rapport, plaidoyer, rencontre avec les agences publiques… différentes formes d’expression sont ici possibles pour amener au changement.

Supposons qu’un établissement de santé veuille lancer une démarche de développement durable. Par quelles étapes commencer ?

En règle générale, ce type de démarche est plutôt initié par un individu – soignant, médecin, ASH… – qui y est engagé à titre personnel et souhaite transposer cela dans sa vie professionnelle. Cette motivation se transmet progressivement entre collègues, puis entre services, jusqu’à essaimer dans tout l’hôpital et atteindre la direction qui nomme, alors, un référent en responsabilité sociétale et environnementale (RSE) – un enjeu qui fait d’ailleurs désormais partie intégrante de la certification HAS. Toujours est-il que cette nomination représente le point d’entrée dans une démarche structurée : le référent RSE crée une commission dédiée et réunit un réseau d’ambassadeurs pour « porter la bonne parole » à tous les étages de l’établissement. Des mesures – préalable indispensable à l’inscription dans une démarche d’amélioration continue – sont alors effectuées, par exemple un Bilan des émissions de gaz à effet de serre (BEGES) ou un audit sur les déchets. Ces données permettent ensuite de construire un plan d’action, qui à son terme donnera lieu à de nouvelles mesures pour en évaluer l’efficacité.

Pourriez-vous nous donner ici quelques exemples ?

De nombreuses actions sont possibles, en fonction des priorités fixées par l’établissement. D’ailleurs, nous constatons souvent que lors de leurs premiers travaux, ces commissions se rendent compte que plusieurs initiatives étaient déjà menées au sein des services de soins. L’information ne s’était toutefois pas diffusée, soit parce qu’elle n’avait pas fait l’objet d’une communication spécifique, soit parce que ces projets étaient considérés par les équipes comme des actions de bon sens, sans être estampillés « développement durable ». C’est pourquoi la création de commissions dédiées est importante : elle permet de structurer des initiatives éparpillées autour d’une méthodologie de démarche qualité, applicable à une large variété de sujets : la gestion et la valorisation des déchets, la réduction des DASRI, le gaspillage alimentaire et médicamenteux, la mobilité verte, le covoiturage, l'accès cyclable, les achats… Chaque établissement choisira de se concentrer sur telle ou telle thématique, en fonction de ses besoins et de son histoire. 

Existe-t-il des outils pour accompagner ces démarches ? 

Oui, et ils sont nombreux ! Je citerai notamment le module « Mon observatoire du développement durable » (MODD), porté par l’Agence nationale d’appui à la performance (ANAP) et pour lequel le C2DS apporte son concours. Nous invitons tous les établissements, sanitaires comme médico-sociaux, à l’utiliser, car il liste un certain nombre de critères et permet de couvrir plusieurs thématiques. Ce recueil permet à chaque établissement d’établir sa propre feuille de route du développement durable. Il existe aussi plusieurs outils spécialisés, auxquels s’intéressent d’ailleurs les clubs métiers du C2DS. Des échanges ont régulièrement lieu, au sein de chaque club ou dans le cadre des séminaires organisés par le Comité pour le développement durable en santé, pour évoquer leurs modalités d’utilisation et venir ainsi en appui aux acteurs sur le terrain.

Le mot de la fin ? 

Il est urgent que le développement durable soit mieux financé à l’hôpital ! Le C2DS milite depuis déjà plusieurs années pour son intégration dans les dispositifs d’incitation financière à la qualité (IFAQ). Aujourd’hui, un établissement « vert », et un établissement qui n’aura pris aucune action en ce sens, sont financés de la même manière par la Sécurité sociale. Or le développement durable nécessite un engagement fort et collectif, qui à notre sens justifie l’allocation d’un financement supplémentaire pour les établissements vertueux. De la même manière, un salarié engagé sur ces questions, et qui s’implique dans les commissions RSE, souvent en dehors de son temps de travail, doit pouvoir être mieux rémunéré. 

> Plus d’informations sur le site du C2DS

> Article paru dans Hospitalia #65, édition de mai 2024, 
à lire ici 
 

De nouvelles dynamiques pour un hôpital plus vert
Un « écoscore » pour les dispositifs médicaux

Le C2DS et le Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (Snitem) ont annoncé, en décembre dernier, le lancement d’un « écoscore » dédié aux dispositifs médicaux. « L’objectif est de développer un outil simple et efficace basé sur des indicateurs et scoring d’achat, sur la décarbonation, la santé environnementale et la qualité de vie au travail, à destination des acheteurs », avait alors indiqué le Comité. Réunissant fabricants et acheteurs, ce dispositif devrait entrer en application dès le début de l’été 2024. « Piloté par l’AFNOR, ce premier outil sera ouvert à tous et gratuit, son financement étant conjointement assuré par le C2DS et le Snitem », précise Véronique Molières, directrice du Comité, en notant que ces travaux matérialisent la volonté du C2DS de se pencher sur les achats, « principale source des émissions de gaz à effet de serre » au sein des établissements de santé.






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