« La crise sanitaire n’a fait qu’exacerber et à mis en lumière les constats faits ces dernières années sur l’évolution du système hospitalier français. » Tel est le premier constat des directeurs généraux des établissements MCO (Médecine, chirurgie, obstétrique) et des présidents de CME (Commission médicale d’établissement) de la FEHAP (Fédération des Établissements Hospitaliers et d’Aide à la Personne privés solidaires). Soucieux de participer aux débats sur la réorganisation de notre système de santé, la conférence des directeurs généraux des établissements MCO et des Présidents de CME de la FEHAP vient de publier un rapport contenant leurs propositions pour une refonte du système de santé. Présenté sous forme d’entretien croisé entre le Dr. Amélie Lansiaux, présidente de la conférence nationale des présidents de CME-FEHAP et Jacques Léglise, président de la conférence des directeur généraux d’établissements MCO de la FEHAP, l’ouvrage est divisé en sept parties qui reviennent chacun sur un point précis de leurs propositions, allant de la revalorisation salariale aux financements et investissements en passant par la territorialisation, la simplification…
Revaloriser les salaires
« Elle [la crise, NDLR] remet en question les politiques brutales de réduction des lits pratiquées aveuglément ces dernières années, ainsi que les politiques de réduction des investissements hospitaliers, constate ainsi Jacques Léglise.Elle braque les projecteurs sur les salaires de nos soignants, parmi les plus bas d’Europe. » Afin de compenser cela, la conférence demande une revalorisation des salaires des soignants pour « ramener le salaire des infirmières généralistes et spécialisées au minimum à la moyenne européenne », « revaloriser les salaires moyens des médecins » et « réévaluer le salaire des autres salariés de l’hôpital, dont les salaires ont également décroché depuis 10 ans ». Pour financer cette revalorisation, la FEHAP propose de passer par l’exonération, pour les établissements hospitaliers, des taxes sur les salaires, le transport et la valeur ajoutée.
Décloisonner les secteurs, impliquer les élus locaux
Alors qu’au cours de la crise sanitaire, les hôpitaux publics ont largement été mis en avant, force est de constater que tous les établissements, quel que soit leur statut ont pris part à la « bataille ». Ainsi, pour Jacques Léglise : « les hôpitaux publics étaient insuffisants pour faire face à l’afflux de patients ». « Dans l’Est, les hôpitaux privés non lucratifs et commerciaux sont restés pendant plusieurs semaines vides alors que les hôpitaux publics s’engorgeaient. Lorsque la pandémie est arrivée en Ile de France, la leçon avait été comprise : les ESPICS ont été mis en 1ère ligne quasi-immédiatement. Puis les cliniques commerciales ont très rapidement suivi », raconte Amélie Lansiaux qui propose donc de « remettre en cause un système cloisonné en trois secteurs » en passant notamment par l’encouragement et la permission « d’exercices professionnels mixtes », la production de « chartes de modération des salaires » ou l’organisation de la complémentarité des acteurs via notamment une plus grande implication des élus locaux. Ce dernier point est d’ailleurs développé dans l’un des chapitres de ce rapport qui demande une plus grande responsabilisation des élus locaux dans le pilotage des organisations sanitaires.
Gouvernance et circuits courts
« Une des clés de la capacité des hôpitaux de tout statut à révolutionner leurs organisations pour faire face à la crise a été la réduction drastique des lignes hiérarchiques et le dialogue étroit et quotidien entre les équipes médicales, les équipes infirmières, les équipes logistiques et les équipes de gestionnaires », ajoute Amélie Lansiaux. Partagé par tous les établissements et les professionnels de santé, la gouvernance est au centre de plusieurs débats sur l’organisation de notre système. « Les organisations dotées d’une ligne hiérarchique courte permettent une gouvernance agile. À l’inverse, il a fallu la réinventer dans les hôpitaux Publics, tendant pour leur part vers des organisations de plus en plus massifiées et centralisées, avec les Groupements Hospitaliers de Territoires », ajoute Jacques Léglise qui demande donc la mise en place de « circuits courts de décision », l’association « des praticiens aux orientations stratégiques », plus de souplesse pour les CME ainsi que l’instauration d’une « gouvernance avec un triple objectif », basée sur « l’humanisme des prises en charge, l’excellence médicale et soignante et le respect des équilibres de gestion ».
Allègement du cadre règlementaire
Dans la même veine, l’ouvrage de la conférence de la FEHAP demande aussi une simplification administrative dans l’exercice des tutelles mais aussi sur les règles de facturation, le recouvrement et les règles d’autorisation d’activités comme d’équipements. Sur ce dernier point les présidents de conférences insistent sur la nécessité d’un allégement du régime des autorisation afin d’éviter « d’être sous équipé en IRM et scanners notamment ».
Prévention, tous concernés
Misant en premier lieu sur un système hospitalo-centré, la France est aussi pointée du doigt par les professionnels qui constatent une grande différence avec le système allemand, par exemple : « En France, tout misait sur la capacité de soigner par le système hospitalier et en Allemagne, l’accent était mis sur le dépistage et l’isolement des cas contagieux en amont du soin », constate Amélie Lansiaux. La présidente de la conférence nationale des présidents de CME-FEHAP propose donc de « développer un système de santé dans les territoires », « d’encourager une prise en charge au plus près du domicile », de « recentrer l’hôpital public ou privé sur le recours et la spécialisation » et de « poursuivre des expérimentations de financement au parcours ».
Nouveau financement
Au-delà des problèmes soulevés dans les établissements de santé et en médecine de ville, cette crise a aussi montré les limites de l’industrie biomédicale. Pour Amélie Lansiaux : « Cette crise a montré qu’un bon système de santé repose également sur une bonne industrie biomédicale au sens large, indépendante, réactive et inventive, connectée avec les besoins et les qualifications des hôpitaux. » Pour remédier à cela, les directeurs généraux des établissements MCO et les présidents de CME indique qu’il faut « trouver de nouvelles solutions de financement comme un mécanisme de subventions régionales pour compléterles fonds propres des établissements, réparties entre tous les acteurs et conditionnées par l’atteinte d’objectifs contractuels issus du Projet Régional de Santé ». En plus de cela, la FEHAP propose de « privilégier un financement mixte » basé sur un principe de forfait pour les urgences, les soins critiques et les activités de recours. Les maladies chroniques pourraient, elles, être financées « surune base populationnelle » tandis que le reste resterait sur un principe de tarification à l’activité. En outre, les conférences demandent une suppression de « la règle prix volume au sein de l’ONDAM ».