Dans quel contexte le projet « Repas à l’Hôpital » a-t-il vu le jour ?
Frédéric Descrozaille : Tout est né d’une rencontre avec Éric Lepêcheur et Laurent Grandin, respectivement présidents du réseau des professionnels de la gestion directe Restau’Co et de l’Interprofession Fruits et Légumes Interfel. Nous échangions autour des enjeux relatifs à la restauration collective en santé, particulièrement en ce qui concerne la qualité des repas – lesquels obtiennent régulièrement le score de satisfaction le plus bas, à en croire l’enquête e-Satis réalisée par la Haute Autorité de Santé auprès des patients hospitalisés. Est-ce parce que les frais de restauration sont souvent réduits à leur portion congrue ? Pourtant, mal manger à l’hôpital n’est pas une fatalité ! Il est certainement possible de faire mieux, sans pour autant que cela ne coûte plus cher.
Comment cela ?
Frédéric Descrozaille : D’après mes interlocuteurs, les surcoûts générés par une montée en gamme dès l’achat, une meilleure préparation et un service repensé seraient compensés par la baisse du gaspillage des denrées, une utilisation moindre des compléments nutritionnels, voire un meilleur suivi médical. C’est justement ce retour sur investissement que propose d’évaluer l’expérimentation « Repas à l’hôpital ».
Frédéric Descrozaille : Tout est né d’une rencontre avec Éric Lepêcheur et Laurent Grandin, respectivement présidents du réseau des professionnels de la gestion directe Restau’Co et de l’Interprofession Fruits et Légumes Interfel. Nous échangions autour des enjeux relatifs à la restauration collective en santé, particulièrement en ce qui concerne la qualité des repas – lesquels obtiennent régulièrement le score de satisfaction le plus bas, à en croire l’enquête e-Satis réalisée par la Haute Autorité de Santé auprès des patients hospitalisés. Est-ce parce que les frais de restauration sont souvent réduits à leur portion congrue ? Pourtant, mal manger à l’hôpital n’est pas une fatalité ! Il est certainement possible de faire mieux, sans pour autant que cela ne coûte plus cher.
Comment cela ?
Frédéric Descrozaille : D’après mes interlocuteurs, les surcoûts générés par une montée en gamme dès l’achat, une meilleure préparation et un service repensé seraient compensés par la baisse du gaspillage des denrées, une utilisation moindre des compléments nutritionnels, voire un meilleur suivi médical. C’est justement ce retour sur investissement que propose d’évaluer l’expérimentation « Repas à l’hôpital ».
Didier Girard : Le projet fait donc écho à une forte attente de la part du terrain. Depuis longtemps, en effet, les professionnels de la restauration hospitalière s’accordent sur la nécessité de faire évoluer l’expérience du repas à l’hôpital. Le Conseil National de l’Alimentation, dans son Avis n° 78, consacré à l’alimentation en milieu hospitalier(1), proposait d’ailleurs un certain nombre de pistes, dont une réorganisation interne et une réévaluation des denrées. Encore faut-il que les bénéfices attendus soient vérifiables via des données et des indicateurs rigoureux.
Pourquoi avoir souhaité porter ce dossier auprès des tutelles ?
Frédéric Descrozaille : Seule une volonté politique pouvait faire bouger les lignes. Je me suis donc rapproché de Pierre-André Imbert, le conseiller social du Président de la République, puis de Marc Bouche, adjoint au responsable du programme PHARE(2) auprès de la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS). Celui-ci s’est alors engagé à trouver les lignes budgétaires nécessaires afin que les établissements pilotes puissent disposer d’une certaine marge de manœuvre.
Didier Girard : Le projet « Repas à l’hôpital » est aujourd’hui soutenu par trois administrations : le Ministère de la Santé et des Solidarités, le Ministère de la Transition Écologique et de l’Environnement et le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. Il se situe dans le prolongement de la Loi EGALim , qui impose aux restaurants collectifs d’intégrer, à compter du 1er janvier 2022, 50% de produits durables vertueux dont au minimum 20% de produits issus de l’agriculture biologique.
Pourquoi avoir souhaité porter ce dossier auprès des tutelles ?
Frédéric Descrozaille : Seule une volonté politique pouvait faire bouger les lignes. Je me suis donc rapproché de Pierre-André Imbert, le conseiller social du Président de la République, puis de Marc Bouche, adjoint au responsable du programme PHARE(2) auprès de la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS). Celui-ci s’est alors engagé à trouver les lignes budgétaires nécessaires afin que les établissements pilotes puissent disposer d’une certaine marge de manœuvre.
Didier Girard : Le projet « Repas à l’hôpital » est aujourd’hui soutenu par trois administrations : le Ministère de la Santé et des Solidarités, le Ministère de la Transition Écologique et de l’Environnement et le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. Il se situe dans le prolongement de la Loi EGALim , qui impose aux restaurants collectifs d’intégrer, à compter du 1er janvier 2022, 50% de produits durables vertueux dont au minimum 20% de produits issus de l’agriculture biologique.
Comment l’expérimentation a-t-elle été préparée ?
Frédéric Descrozaille : Le projet « Repas à l’Hôpital » propose un réel changement de paradigme, dans le sens où il replace le patient au centre de toutes les attentions. Or il faut, pour cela, repenser le chaînage entre les différents acteurs de la fonction restauration, afin que ceux-ci sortent du traditionnel fonctionnement en silos. Un comité de pilotage associant les partenaires professionnels (Restau’Co, Interfel) et institutionnels (DGOS, CNA), mais aussi des représentants des médecins des hôpitaux, des diététiciens-nutritionnistes, des responsables culinaires et des ingénieurs hospitaliers en restauration, s’est donc attelé au cadrage de l’expérimentation et à la sélection des établissements pilotes.
Didier Girard : Nous avons souhaité mettre en perspective les recommandations du CNA. Depuis 30 ans, par souci d’efficience des coûts, la restauration hospitalière a souvent privilégié la technique et les process au détriment de l’écoute et de la relation humaine. Aujourd’hui que les plans de maîtrise sanitaire (PMS) intègrent l’HACCP et que les nouvelles techniques, comme la cuisson basse température, sont maîtrisées, l’alimentation à l’hôpital doit pouvoir mieux participer à l’hospitalité du patient et du résident. Ceux-ci doivent non seulement retrouver le plaisir de manger – quand ils le peuvent –, mais aussi être considérés comme des citoyens responsables de leurs choix alimentaires et de leurs modalités de consommation.
Comment avez-vous procédé ?
Didier Girard : Un appel à candidatures a été lancé auprès des établissements volontaires souhaitant, dans le cadre d’un projet de service global, construire une nouvelle offre alimentaire à la fois centrée sur le patient et intégrant une dimension économique, sociétale et environnementale. Entre juillet et septembre 2018, nous avons reçu une quarantaine de candidatures, que j’ai analysées avec Karine Marchalant directrice de l’Institut Supérieur de l’Alimentation (ISA). Pour cela, nous avons établi une grille de critères stricts : nombre de repas par jour, coût de l’unité d’œuvre et part de l’achat alimentaire, motivation, attentes et atouts de l’équipe projet, politique alimentaire et nutritionnelle, stratégie hôtelière, politique d’achats, actions de lutte contre le gaspillage alimentaire, modalité des prises de commandes, …
Frédéric Descrozaille : Trois établissements, de tailles différentes, ont été sélectionnés : le CH de Paray-le-Monial, en Bourgogne Franche-Comté, qui dispose de 385 lits et produit 1 800 couverts/jour, le CH de Douai, dans les Hauts-de-France, soit 918 lits et 2 120 couverts/jour, et l’AP-HP Groupe 5 (Paris-Centre), qui totalise 3 556 lits. L’étude porte ici sur l’unité culinaire de l’hôpital Cochin et ses 7 000 repas produits quotidiennement. L’expérimentation a également retenu deux établissements dits de référence car particulièrement avancés sur les champs étudiés : le CH de Firminy, en Auvergne-Rhône-Alpes, et le CH de Valenciennes, dans les Hauts-de-France.
Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Didier Girard : Les diagnostics terrain des trois établissements seront terminés fin mai. Ils permettront de disposer d’une photographie de l’existant et d’analyser la faisabilité des projets dans un cadre pluridisciplinaire, grâce à l’outil de conduite de projet que nous avons mis au point pour en définir le périmètre. Il s’agira par exemple d’évaluer les cycles de menus et d’identifier les produits pouvant bénéficier d’un achat vertueux, de réfléchir à des nouvelles offres alimentaires de courts séjours – sous forme de carte fixe, ou à travers la création d’un restaurant pour patients actifs –, d’adapter les menus du soir aux personnes âgées en diminuant les composantes et en conservant le même apport énergétique, ou de repenser les organisations et de retrouver la valeur hédoniste et la convivialité du repas. Les plans d’actions en tant que tels définis avec les professionnels seront mis en place à partir de septembre, puis réévalués entre avril et mai 2020. La synthèse des résultats par établissement devrait pour sa part être disponible dès juin 2020. Il s’agira ensuite de capitaliser sur l’expérimentation, en formalisant ces plans d’actions et en créant des outils permettant la duplication.
Frédéric Descrozaille : Nous faisons en effet le pari que le retour sur investissement sera au rendez-vous en achetant mieux, voire un peu plus cher, et en s’organisant autrement. Reste à identifier la nature de ces économies globales avec les établissements pilotes, y compris en termes de durées moyennes de séjour : un repas de qualité participe en effet au rétablissement des patients. C’est d’ailleurs là un enjeu que le projet « Repas à l’Hôpital » réaffirme clairement avec son slogan « Mangez mieux, guérissez plus vite » !
1 - Publié en juillet 2017. À lire sur www.cna-alimentation.fr
2 - « Performance Hospitalière pour des Achats Responsables ».
Frédéric Descrozaille : Le projet « Repas à l’Hôpital » propose un réel changement de paradigme, dans le sens où il replace le patient au centre de toutes les attentions. Or il faut, pour cela, repenser le chaînage entre les différents acteurs de la fonction restauration, afin que ceux-ci sortent du traditionnel fonctionnement en silos. Un comité de pilotage associant les partenaires professionnels (Restau’Co, Interfel) et institutionnels (DGOS, CNA), mais aussi des représentants des médecins des hôpitaux, des diététiciens-nutritionnistes, des responsables culinaires et des ingénieurs hospitaliers en restauration, s’est donc attelé au cadrage de l’expérimentation et à la sélection des établissements pilotes.
Didier Girard : Nous avons souhaité mettre en perspective les recommandations du CNA. Depuis 30 ans, par souci d’efficience des coûts, la restauration hospitalière a souvent privilégié la technique et les process au détriment de l’écoute et de la relation humaine. Aujourd’hui que les plans de maîtrise sanitaire (PMS) intègrent l’HACCP et que les nouvelles techniques, comme la cuisson basse température, sont maîtrisées, l’alimentation à l’hôpital doit pouvoir mieux participer à l’hospitalité du patient et du résident. Ceux-ci doivent non seulement retrouver le plaisir de manger – quand ils le peuvent –, mais aussi être considérés comme des citoyens responsables de leurs choix alimentaires et de leurs modalités de consommation.
Comment avez-vous procédé ?
Didier Girard : Un appel à candidatures a été lancé auprès des établissements volontaires souhaitant, dans le cadre d’un projet de service global, construire une nouvelle offre alimentaire à la fois centrée sur le patient et intégrant une dimension économique, sociétale et environnementale. Entre juillet et septembre 2018, nous avons reçu une quarantaine de candidatures, que j’ai analysées avec Karine Marchalant directrice de l’Institut Supérieur de l’Alimentation (ISA). Pour cela, nous avons établi une grille de critères stricts : nombre de repas par jour, coût de l’unité d’œuvre et part de l’achat alimentaire, motivation, attentes et atouts de l’équipe projet, politique alimentaire et nutritionnelle, stratégie hôtelière, politique d’achats, actions de lutte contre le gaspillage alimentaire, modalité des prises de commandes, …
Frédéric Descrozaille : Trois établissements, de tailles différentes, ont été sélectionnés : le CH de Paray-le-Monial, en Bourgogne Franche-Comté, qui dispose de 385 lits et produit 1 800 couverts/jour, le CH de Douai, dans les Hauts-de-France, soit 918 lits et 2 120 couverts/jour, et l’AP-HP Groupe 5 (Paris-Centre), qui totalise 3 556 lits. L’étude porte ici sur l’unité culinaire de l’hôpital Cochin et ses 7 000 repas produits quotidiennement. L’expérimentation a également retenu deux établissements dits de référence car particulièrement avancés sur les champs étudiés : le CH de Firminy, en Auvergne-Rhône-Alpes, et le CH de Valenciennes, dans les Hauts-de-France.
Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Didier Girard : Les diagnostics terrain des trois établissements seront terminés fin mai. Ils permettront de disposer d’une photographie de l’existant et d’analyser la faisabilité des projets dans un cadre pluridisciplinaire, grâce à l’outil de conduite de projet que nous avons mis au point pour en définir le périmètre. Il s’agira par exemple d’évaluer les cycles de menus et d’identifier les produits pouvant bénéficier d’un achat vertueux, de réfléchir à des nouvelles offres alimentaires de courts séjours – sous forme de carte fixe, ou à travers la création d’un restaurant pour patients actifs –, d’adapter les menus du soir aux personnes âgées en diminuant les composantes et en conservant le même apport énergétique, ou de repenser les organisations et de retrouver la valeur hédoniste et la convivialité du repas. Les plans d’actions en tant que tels définis avec les professionnels seront mis en place à partir de septembre, puis réévalués entre avril et mai 2020. La synthèse des résultats par établissement devrait pour sa part être disponible dès juin 2020. Il s’agira ensuite de capitaliser sur l’expérimentation, en formalisant ces plans d’actions et en créant des outils permettant la duplication.
Frédéric Descrozaille : Nous faisons en effet le pari que le retour sur investissement sera au rendez-vous en achetant mieux, voire un peu plus cher, et en s’organisant autrement. Reste à identifier la nature de ces économies globales avec les établissements pilotes, y compris en termes de durées moyennes de séjour : un repas de qualité participe en effet au rétablissement des patients. C’est d’ailleurs là un enjeu que le projet « Repas à l’Hôpital » réaffirme clairement avec son slogan « Mangez mieux, guérissez plus vite » !
1 - Publié en juillet 2017. À lire sur www.cna-alimentation.fr
2 - « Performance Hospitalière pour des Achats Responsables ».