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Kathy Malas, membre du Conseil de l'innovation du Québec : « Innover, c'est se demander, au quotidien : est-ce que je réponds aux besoins des personnes que je dessers ? »


Rédigé par Aurélie Pasquelin le Lundi 18 Novembre 2024 à 14:20 | Lu 221 fois


Membre du Conseil de l'innovation du Québec, Kathy Malas est directrice de la recherche, de l’innovation et de l’apprentissage au CISSSMO (Centre intégré de santé et services sociaux de la Montérégie-Ouest), et professeure associée à HEC Montréal. Cette passionnée a aussi à son actif le codéveloppement de plusieurs innovations organisationnelles, et accompagne des projets de santé depuis déjà de nombreuses années. Rencontre.



Pourriez-vous, pour commencer, revenir sur votre parcours ?

Kathy Malas : Orthophoniste de formation, j'ai commencé ma carrière comme clinicienne en 2007 au CHU Sainte-Justine de Montréal. En 2014, l’établissement a fait un pas important en créant une équipe dédiée à l’innovation, chargée d’accompagner les projets hospitaliers. Cette même année, je suis devenue la gestionnaire de la plateforme de l’innovation et des unités d’innovations en maladies chroniques aiguës. Les thématiques adressées m’ont rapidement intéressée. J’ai aussi découvert le management de l’IA, ce qui m’a amené à occuper, à partir de 2018, le poste d’adjointe au Président-Directeur général du Centre hospitalier universitaire de Montréal (CHUM), en charge du pôle Innovation, Intelligence artificielle et Projets. Après cinq années passionnantes, j’ai décidé de relever un nouveau défi en devenant la directrice de la recherche, de l’innovation et de l’apprentissage du CISSSMO, le Centre intégré de santé et services sociaux de la Montérégie-Ouest, qui dessert un territoire de plus de 500 000 habitants.

Quelles sont les missions de ce poste ? 

Le fil rouge entre ses trois composantes – recherche, innovation et apprentissage –, c'est le savoir. Je suis profondément convaincue que les connaissances et le savoir permettent de s'améliorer constamment, pour apporter une offre de santé en adéquation avec les besoins de la population. Mon mandat se concentre donc surtout sur l’évolution des services de recherche et le soutien à la recherche appliquée. La Montérégie-Ouest est une région périurbaine et rurale ne possédant pas de centre très spécialisé. Pour autant, nous disposons d’une gamme complète de services, qui couvre toutes les phases de la vie – de la vie in utero au décès. Nous devons donc soutenir une recherche très participative, qui va favoriser l’innovation au bénéfice des pratiques et du quotidien des professionnels.

Comment définiriez-vous l’innovation ?

Innover, c'est se demander, au quotidien : est-ce que je réponds aux besoins des personnes que je dessers ? L'innovation désigne donc, pour moi, toute amélioration dans la pratique et la technologie qui a pour but de générer des impacts positifs. Mais pour que ces impacts soient réels, il faut bien sûr que l’innovation soit véritablement utilisée. 

Justement, comment intégrer l'innovation dans les pratiques courantes ?

Une stratégie d'innovation se base sur trois piliers : l’accompagnement des équipes, la mise en place d’un cycle de l’innovation à l’échelle de la structure, et la création d’un écosystème d'innovation ouverte. En ce qui concerne le premier point, l’accompagnement, la présence d’une équipe dédiée à l’innovation est importante, même si cette équipe n’est pas très étoffée. Au CISSSMO, nous sommes seulement quatre. Mais nous n’opérons pas seuls, puisque nous sommes en lien avec toutes les directions. Nous possédons néanmoins l’expérience et les connaissances nécessaires en méthodologies de l’innovation. 

Par exemple ?

Nous sommes très attentifs à la bonne définition des besoins. Correctement définir les irritants et les ambitions des usagers est primordial pour bien démarrer un projet d’innovation. Nous accompagnons les porteurs de projets dans cette étape, mais aussi dans toutes les suivantes : l’idéation, le dessin, le prototype, le test, la mesure de l’impact… Toutes sont importantes, mais un prérequis l’est également : celui d’accepter le droit à l’erreur. Une équipe ayant un projet d’innovation doit pouvoir le tester ; il lui faut donc pouvoir dégager du temps pour cela, et ne pas avoir peur de l’échec. Si l’essai n’est pas concluant, il y a toujours au moins une leçon à en tirer. 

Vous évoquiez trois piliers. Quid des deux autres ?

La structure ou l’institution concernée doit mettre en place un cycle de l'innovation comprenant toutes les étapes que je viens de citer. La présence d’une équipe dédiée à l’innovation aide donc ici aussi grandement, et doit s’accompagner d’un travail sur le droit à l’erreur et la mesure de l’impact. Il n’y a pas toujours de culture de la mesure, mais ce champ est important pour évaluer l’impact, et donc la pertinence d’une innovation. Quant au dernier pilier, concernant la mise en place d’un écosystème d'innovation ouverte, c’est un point auquel je crois beaucoup. Je pense qu'aujourd'hui plus que jamais, les problématiques du monde de la santé sont de plus en plus complexes et que cette tendance se poursuivra. Nous ne pouvons pas trouver toutes les solutions en interne. Il nous faut donc nous ouvrir vers l’extérieur, et initier des collaborations hors les murs avec des maisons d'enseignement, des organismes communautaires ou d'autres partenaires du réseau de la santé. 

En matière d’innovations, quelle est la place du numérique et de l’IA ?

Ce sont aujourd’hui des moyens. Nous suivons encore quelques projets qui n’intègrent pas d’outils numériques, qui sont des innovations purement sociales, comme le développement récent d’un programme utilisant les arts du cirque et la musique pour travailler des habiletés sociales chez les jeunes présentant des troubles de santé mentale. C’est un projet dont l’impact a été mesuré, qui fonctionne et ne mobilise aucune technologie. Cela est néanmoins devenu assez rare, car le numérique est désormais présent dans de nombreux projets. La force de ce moyen, c'est qu’il nous permet de desservir des patients dans des déserts territoriaux. Car ici aussi, nous sommes confrontés à la désertification médicale. 

Comment pallier cette problématique ? 

Cela me semble impossible sans technologie. La France, comme le Québec, ont la chance d’accueillir de nombreuses entreprises offrant des solutions de santé virtuelle. Nous venons, par exemple, de déployer une unité hospitalière de soins virtuels, où des infirmiers de l’Hôpital général juif de Montréal desservent, à distance, des patients de Montérégie-Ouest. Une telle organisation ne peut être mise en place sans outils numériques. L’IA aussi peut apporter une aide précieuse, notamment dans l'optimisation des ressources, comme la gestion des rendez-vous ou de la documentation clinique. L’IA générative, avec sa reconnaissance vocale, est indéniablement un atout pour les professionnels de la santé. Lors de ma pratique clinique, je rêvais de disposer d’une telle technologie pour l’édition de mes comptes-rendus, et c’est aujourd’hui devenu une réalité. Cela étant dit, ce sont loin d’être les seules applications de l’IA : elle peut aussi aider dans le diagnostic, et appuyer la mise en place d’un traitement personnalisé. Elle offre la possibilité de faire gagner du temps aux cliniciens, et cela est d’autant plus important dans le contexte actuel de pénurie de ressources. La technologie, et de manière plus large l’innovation, doivent viser à améliorer la santé des patients, mais aussi à faire gagner du temps à nos soignants pour qu’ils puissent eux-mêmes exercer dans un environnement optimal. 

> Pour en savoir plus : Kathy Malas a participé à une conférence TEDx en partenariat avec HEC Montréal. Intitulée « Innover pour de l’impact : la force du terrain », elle est disponible sur YouTube.

> Article paru dans Hospitalia #66, édition de septembre 2024, 
à lire ici 
 






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