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Valenciennes s’attaque au Covid long


Rédigé par Joëlle Hayek le Vendredi 10 Décembre 2021 à 14:55 | Lu 1521 fois


Au printemps dernier, le Centre Hospitalier de Valenciennes et ses correspondants libéraux au sein de la Communauté Professionnelle Territoriale de Santé (CPTS) du Grand Valenciennes se sont mobilisés ensemble autour de la prise en charge du Covid long, imaginant et structurant un parcours coordonné autour de quatre filiales principales. Retour sur une initiative novatrice, qui fait la part belle aux synergies entre ville et hôpital.



« Les premiers Covid longs ont commencé à être observés après la première vague du printemps 2020. Nous ne comprenions alors pas pourquoi certains patients avaient des symptômes persistants mais, en France comme ailleurs dans le monde, il devenait de plus en plus clair qu’il fallait réagir », explique le Docteur Jacques Franzoni, médecin généraliste à Raismes, dans les Hauts-de-France, et président de la Communauté Professionnelle Territoriale de Santé (CPTS) du Grand Valenciennes. Une réflexion est donc lancée avec les équipes médicales du Centre Hospitalier de Valenciennes, l’établissement de référence et de recours du territoire, pour évoquer les réponses possibles. Entre temps, le tableau clinique dressé par plusieurs études révèle l’impressionnante diversité des symptômes pouvant être associés à un Covid long. Les pistes se précisent néanmoins progressivement, d’autant qu’en février 2021, la Haute Autorité de Santé publie de premières recommandations relatives à leur diagnostic et prise en charge chez l’adulte.
 

Un parcours articulé autour de quatre grands axes

« Un Covid long se définit par la persistance de symptômes au-delà de quatre semaines après une infection au Covid-19. La première difficulté est donc justement de les rattacher à cette infection, alors même que les Covid longs sont plutôt observés chez des personnes jeunes, qui avaient développé une forme bénigne de la maladie et n’étaient donc pas passées par le maillage hospitalier », note le Docteur Xavier Kyndt, chef du Pôle Santé Publique au CH de Valenciennes, par ailleurs également responsable du plateau technique des consultations. Certains symptômes, comme l’anosmie – la perte de l’odorat – et l’agnosie – la perte de goût – orientent d’emblée vers un diagnostic Covid, et donc vers une prise en charge par la filière ORL.

Pour identifier les autres filières à mobiliser une fois le diagnostic différentiel établi, les équipes du CH de Valenciennes se rapprochent des quelques autres établissements français qui commencent, eux aussi, à travailler sur les Covid longs. « Nous avons rapidement distingué un deuxième axe : l’asthénie, cette fatigue intense dont font état de nombreux malades, et surtout la dyspnée, la fatigue à l’effort », poursuit-il. Les symptômes neuropsychiatriques retiennent également leur attention. « Certains étaient déjà observés dans notre file active de malades : anxiété, dépression, stress post-traumatique… Il peut également y avoir des troubles inexpliqués de la mémoire ou de l’attention. Cela peut parfois être lié à l’asthénie, mais une potentielle origine pathologique doit d’abord être éliminée », souligne le Docteur Éric Thomazeau, chef du Pôle Psychiatrie. Autant de constats qui poussent les équipes du CH à imaginer un parcours patient coordonné et articulé autour de quatre axes majeurs.
 

Une synergie parfaite entre l’hôpital et la ville

« Une porte d’entrée unique nous semblait nécessaire, autant pour les patients que pour nos confrères libéraux, qui étaient quelque peu démunis face à ces malades parfois en errance thérapeutique. Ils avaient donc besoin de pouvoir rapidement solliciter un avis spécialisé », détaille le Docteur Benjamin Dervaux, médecin du sport au CH de Valenciennes et coordonnateur des activités SSR. Pour donner corps à cette synergie nécessaire entre les médecins libéraux d’une part, « acteurs principaux et référents des parcours patients », comme les qualifie Xavier Kyndt, et les spécialistes hospitaliers de l’autre, la CPTS du Grand Valenciennes élabore, sous l’égide de Jacques Franzoni, une fiche technique pour évaluer les besoins des patients en ville et faciliter leur orientation à l’hôpital.

« Tout commence donc en ville, où les patients sont dépistés à l’aide de cette grille qui nous permet de démêler les différents symptômes. Nous sollicitons ensuite l’hôpital via un canal dédié, renseignons un court questionnaire – une dizaine de questions – puis les événements s’enchaînent naturellement, avec une convocation rapide pour le patient », décrit le président de la CPTS. Le médecin libéral à l’origine de la demande est maintenu dans la boucle, avec la transmission systématique d’un courrier de synthèse restituant les actes et interventions effectués par les spécialistes hospitaliers. « Notre organisation intègre à ce titre une Infirmière Diplômée d’État (IDE) coordinatrice, dont la mission est justement de vérifier la complétude de chaque parcours, et de s’assurer que des réponses ont bien été apportées au médecin traitant », insiste le Dr Kyndt. La coordination des parcours en tant que tels est pour sa part sous la responsabilité de Benjamin Dervaux, qui peut donc pour cela s’appuyer sur différentes consultations mobilisant plusieurs spécialistes.
 

Une évaluation initiale pluridisciplinaire

Plus concrètement, tout patient convoqué à l’hôpital suite à la demande de son médecin de ville commence par une évaluation initiale pluridisciplinaire, associant notamment un médecin rééducateur – en l’occurrence le Dr Dervaux – et un psychologue. « Les patients peuvent ainsi évoquer, mieux appréhender et se réapproprier leurs symptômes, ce qui leur permet de mettre les choses en perspective, de savoir qu’ils ne sont pas seuls, qu’ils vont pouvoir bénéficier de relais et d’un suivi personnalisé. Ils sont dès lors mieux armés pour faire face à la suite des événements », explique Éric Thomazeau. Quelques tests sont ensuite réalisés par des IDE pour justement construire le parcours le mieux adapté. Ils visent notamment à mieux caractériser la dyspnée – « test d’effort, soit une marche de six minutes, test de relevé de chaise, mesure de la saturation en oxygène et électrocardiogramme », détaille le Dr Dervaux – mais aussi l’agnosie, à travers « des tests olfactifs très simples, pour identifier les points problématiques, leurs modes de survenue et leurs conséquences sur la qualité de vie du patient », poursuit-il. Ces premiers enseignements permettent ensuite de mieux orienter les malades.
 

Quatre parcours principaux

En cas d’anosmie et/ou d’agnosie persistante(s), le patient est pris en charge par la filière ORL pour réaliser un bilan plus poussé et mettre en œuvre, le cas échéant, un training olfactif standardisé. Pour la dyspnée et l’asthénie, « nous mobilisons la filière de pneumologie, qui évalue les limitations fonctionnelles à l’effort et cherche à identifier d’éventuelles séquelles pulmonaires, d’autant qu’ont été rapportés plusieurs cas d’atteintes interstitielles liées à des Covid peu symptomatiques chez des sujets jeunes. Sont alors proposés un reconditionnement musculaire, une prise en charge pneumologique, voire une orientation en cardiologie s’il y a également des douleurs thoraciques », décrit le Dr Kyndt.

En ce qui concerne les symptômes psycho-neurologiques inexpliqués, les équipes hospitalières commencent par infirmer ou confirmer la présence d’une pathologie sous-jacente, par exemple un accident vasculaire cérébral ou une maladie inflammatoire des nerfs, qui seront alors pris en charge par la filière de neurologie. « Si le diagnostic oriente vers une origine cognitive, nous cherchons à comprendre la survenue des symptômes et à les pondérer avec les autres troubles évoqués par le patient pour les considérer de manière globale – puisqu’ils ont tous un impact sur sa qualité de vie. Par exemple, des troubles anxieux peuvent être pénalisants lorsque l’on a également des difficultés à respirer, et inversement. Il nous faut écouter le patient, le rassurer et lui proposer le suivi le plus adapté, en ville par son médecin traitant ou en centre médico-psychologique », complète le Dr Thomazeau.
 

Une réflexion qui pourrait s’élargir

« D’après les dernières estimations, 20 % des patients auraient des symptômes persistants un mois après une infection au SARS-CoV-2, et 10 % en souffriraient encore six mois après l’infection. Mais il nous est difficile, aujourd’hui, d’évaluer le nombre exact de patients que nous prendrons en charge. Si l’on s’en réfère aux chiffres remontés par les autres centres consacrés aux Covid longs en France, dix nouveaux patients y sont en moyenne accueillis toutes les semaines », note Xavier Kyndt. Jacques Franzoni abonde : « Ce que l’on sait à ce jour, c’est qu’il ne s’agit pas de patients ayant à l’origine développé une forme grave de la maladie. Ils sont donc longtemps restés invisibles, mais sont chaque jour plus nombreux à savoir qu’une prise en charge spécifique est désormais proposée par le CH de Valenciennes. La file active adressée à l’établissement devrait donc progressivement augmenter ».

Une évolution dont tous pourraient tirer parti, comme l’indique Éric Thomazeau : « Nous pourrions potentiellement repérer d’autres symptômes qui ne sont pas, jusque-là, reliés au Covid. Le virus a certes désormais un tropisme repéré, mais il s’agit in fine d’une pathologie récente, que nous continuons de découvrir ». Et Benjamin Dervaux de conclure : « Cette réflexion prospective ira toujours de pair avec des organisations agiles, afin de répondre rapidement aux problématiques qui se poseront – en lien, naturellement, avec nos confrères en ville. Nous travaillions déjà en bonne entente, mais la dynamique s’est accélérée ces derniers mois avec des synergies désormais bien réelles, dont les premiers bénéficiaires sont les patients eux-mêmes ».

Article publié dans l'édition de septembre 2021 d'Hospitalia à lire ici.
 






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