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Le magazine de l'innovation hospitalière
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GHT et Convergence des SIH : où en sommes-nous ?


Rédigé par Admin le Mercredi 21 Mars 2018 à 10:27 | Lu 3916 fois


Créés par la Loi de modernisation de notre système de santé, les 135 Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT) sont notamment engagés dans la mutualisation de leurs fonctions informatiques. Comprenant « des applications identiques pour chacun des domaines fonctionnels », cette convergence des Systèmes d’Information Hospitaliers (SIH) doit être atteinte au 1er janvier 2021. Un Schéma Directeur des Systèmes d’Information (SDSI) fixant sa trajectoire pour chaque GHT doit donc, dans un premier temps, être élaboré au 1er janvier 2018.



« Les GHT émergent comme un nouveau socle, un nouveau mode de coopération entre établissements d’un même territoire. […] Or au cours des dernières années, les différents établissements ont développé leurs systèmes d’information en toute autonomie. Non seulement ils n’ont pas tous fait les mêmes choix de process ou de logiciels, mais ils ne sont pas tous arrivés au même degré de maturité. Le défi numérique des GHT consiste dès lors à faire converger des patrimoines informatiques très disparates vers un même niveau de qualité et de performance, tout en garantissant un espace de communication médicale fluide et sécurisée. Nous avons 5 ans pour réussir », rappelle Michel Gagneux, directeur de l’Agence des Systèmes d’Information Partagés de santé (ASIP Santé), dans un édito publié sur le site de l’Agence le 6 septembre dernier1.
 
Le premier chantier consiste donc à établir un schéma directeur, qui « détermine les choix d’architecture, d’organisation et d’articulation du futur système d’information des GHT », poursuit-il, avant d’identifier deux priorités qui « méritent d’être rapidement concrétisées ». D’une part, la création d’un dossier patient unique, afin que chaque professionnel de santé puisse accéder, sans erreur, aux bonnes données pour le bon patient ; les établissements doivent alors « converger vers un identifiant patient normalisé ». Et d’autre part, la mise en œuvre d’un annuaire unique des professionnels de santé, recensant les ressources et les modalités d’exercice ; c’est, estime-t-il, « la condition pour pouvoir décrire et rationaliser les ressources malgré les différences de pratiques et de langage […] entre les spécialités ».
 
La convergence des systèmes d’information représente “une occasion unique de réfléchir à de nouveaux usages ”
 
La convergence des systèmes d’information représente enfin « une occasion unique de réfléchir à de nouveaux usages », note Michel Gagneux. L’élaboration d’un schéma directeur pour chaque GHT « ouvre [dès] à présent la porte » d’une réflexion propre à chaque territoire, sur les innovations technologiques et leurs applications et impacts en termes d’usage.  Et le directeur de l’ASIP Santé d’insister : « c’est le moment de tirer l’offre de santé vers le haut ». Le ton est posé. 
 

Un premier état des lieux dans l’Atlas des SIH 2017

Au vu des enjeux, la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS) et l’Agence Technique de l’Information sur l’Hospitalisation (ATIH) ont mis à profit la réalisation de l’Atlas des SIH 2017 pour effectuer un premier état des lieux de cette convergence informatique dans les GHT2. Dévoilé le 17 mai dernier à l’occasion de la Paris Healthcare Week, le document a sondé l’état d’avancement des différents chantiers, à partir des informations fournies par un échantillon de GHT répondants. L’Atlas a défini plusieurs indicateurs de suivi, qu’un total de 83 GHT, soit 61% des groupements créés, ont renseigné à des degrés de complétude divers. Ces indicateurs recouvrent, notamment, la réalisation d’un état des lieux des SIH composant le groupement, la définition d’une stratégie de convergence, la rédaction d’un schéma directeur des systèmes d’information, la mise en place d’une direction des systèmes d’information (DSI) commune, ou encore la convergence des processus SI, principalement sur le champ de la sécurité.

Avancement et pilotage de projets de convergence : des travaux bien engagés

Ainsi, en ce qui concerne l’état des lieux des SIH selon différents axes de diagnostic (applications informatiques, socle technique et fonctionnel, marchés en cours, ressources humaines), sur les 67 GHT répondants, 90% s’y étaient déjà engagés et près de 40% avaient même mené le chantier à terme. La validation de la stratégie de convergence du SI à l’échelle du GHT, préalable indispensable à la définition du SDSI, a mobilisé 56 répondants. 60% étaient en cours d’élaboration de leur trajectoire de convergence, et plus de 10% l’avaient finalisé et validée en comité stratégique. « L’avancement de cette étape est donc bien engagé pour la majorité des répondants », ont noté les auteurs de l’Atlas. La validation du SDSI a pour sa part été renseignée par 52 groupements. Un peu plus de la moitié ont déclaré ne pas avoir initié leur SDSI, contre 48% qui avaient engagé les travaux. 8% les avaient pour leur part finalisé.
 
« Il va falloir accélérer les travaux pour avoir quelque chose au 1er janvier 2018 », avait alors averti Caroline Le Gloan, adjointe au chef du bureau des systèmes d'information des acteurs de l'offre de soins de la DGOS qui présentait les principaux résultats de l'Atlas à la Paris Healthcare Week. Elle a cependant rappelé, à juste titre, que la stratégie de convergence devait être élaborée en lien avec le projet médical partagé du GHT. Celui-ci devait être livré au plus tard en juillet 2017. « Il n'est donc pas trop étonnant d'être à ces niveaux d'avancement, mais il faudra accélérer au second semestre, une fois le projet médical partagé défini », avait-elle alors souligné. Gageons que, depuis le mois de mai, les GHT ont avancé sur ce chantier précis, dont la finalisation est attendue ces prochaines semaines.

Quid des ressources humaines et de la sécurité ?

Quant à la création d’une DSI commune pour les établissements parties au GHT, plus de la moitié des 65 GHT répondants ont déclaré avoir lancé des travaux en ce sens. Ils sont même 14% à l’avoir mis en place de façon effective – « une bonne nouvelle » pour une première année, avait estimé Caroline Le Gloan. Le corollaire de cette DSI commune, à savoir la mise en œuvre d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences pour ses personnels, n’a été engagé que par un quart des 57 GHT répondants. Il s’agit là d’un point de vigilance pour la DGOS, dont la représentante a insisté sur la nécessité de « continuer les efforts pour améliorer la gestion des ressources humaines ».
 
Enfin, en ce qui concerne la convergence des processus SI, sur les 54 GHT répondants, 70% n’avaient pas entamé de travaux sur la convergence de leur politique de sécurité des systèmes d’information (PSSI), contre près de 10% qui l’avaient déjà mis en place. Par ailleurs, la très large majorité des 53 GHT (66%) n’avaient pas non plus désigné de Responsable de la sécurité des systèmes d’information (RSSI). Seuls 15% ont déclaré avoir achevé cette étape. La nomination d’un Correspondant Informatique et Liberté (CIL) a, pour finir, été engagée par 20% des 49 GHT répondants.
 
Notons que dans le cadre du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), dont les dispositions entreront en application le 25 mai 2018, le poste de CIL devrait évoluer vers celui de DPO (« Data Privacy Officer »), fonction qui deviendra obligatoire pour les établissements de santé́ publics. 

Un appui opérationnel par l’ASIP Santé et l’ANAP

Nous venons de le voir, l’atteinte de cette convergence informatique nécessite d’agir sur plusieurs fronts. Mais les GHT sont loin d’être livrés à eux-mêmes pour la mettre en œuvre dans les délais impartis. Ainsi deux agences nationales, l’ANAP3 et l’ASIP Santé, proposent ensemble un dispositif d’appui opérationnel sur les systèmes d’information, dans le cadre, plus large, du dispositif d’accompagnement national piloté par la DGOS.

L’ANAP et l’ASIP Santé proposent ensemble un dispositif  d’appui opérationnel sur les systèmes d’information, dans le cadre du dispositif d’accompagnement national piloté par la DGOS

Cet appui opérationnel prévoit l’animation de comités régionaux, co-organisés deux fois par an par chaque Agence Régionale de Santé (ARS) et l’ASIP Santé, et réunissant les directeurs de systèmes d’information de GHT. Leur objectif ? Permettre aux groupements d’une même région d’échanger sur le suivi de la convergence, de partager les bonnes pratiques et de travailler sur les difficultés rencontrées. « La synthèse de ces comités régionaux permettra d’ajuster progressivement les besoins d’appui au plus près des enjeux sur le terrain », précise l’ASIP Santé. En complément, l’installation d’un réseau de pairs, animé par l’ANAP, vise à faciliter la diffusion des bonnes pratiques sur l’ensemble des territoires, en favorisant la proximité entre professionnels.
 
Les acteurs peuvent par ailleurs consulter la documentation disponible et solliciter l’appui des agences nationales au moyen d’un guichet unique, www.si-ght.fr, opérationnel depuis le mois de mars dernier. Ce centre de ressources propose une large collection de publications utiles pour aborder les problématiques de la convergence des systèmes d’information. L’accès libre aux documents est guidé par différents critères de recherche. Les professionnels peuvent également soumettre leurs questions et exposer leurs difficultés éventuelles via un formulaire dématérialisé. Ces éléments seront traités, selon leur nature, par l’ASIP Santé, l’ANAP, et le collège des Experts constitué en partenariat avec le Fédération Hospitalière de France (FHF). « Les questions les plus structurantes feront l’objet de groupes de travail thématiques, ayant comme objectif d’enrichir les connaissances et d’apporter des solutions », notent les agences nationales dans un communiqué.
 

Un appel à projets de 25 millions d’euros

Enfin, le 10 octobre dernier, Cécile Courrèges, directrice générale de l’offre de soins, a annoncé le lancement prochain d’un appel à projets doté de 25 millions d’euros, sur 16 thématiques concernant les GHT. Une instruction4 publiée le 6 novembre a apporté plus de précisions quant à la répartition de l'enveloppe entre les régions, les thématiques éligibles, les montants forfaitaires pour chacune de ces thématiques, le calendrier de mise en œuvre et les modalités de gestion par les ARS. « Deux axes sont identifiés […] : la mise en œuvre des projets médicaux et projets de soins partagés approuvés par les ARS [et] la convergence des systèmes d'information hospitaliers », détaille le document. Sont notamment éligibles l’approfondissement du schéma directeur du système d’information du GHT (thématique n°13), la mise en place d’une équipe commune chargée des systèmes d’information du GHT (thématique n°14) et la mise en place d’un socle technologique commun (thématique n°16).
 
“Derrière le vocabulaire technique et les salles de serveurs, le défi numérique des GHT révèle d’abord un enjeu politique et managérial” 
 
Cet appel à projets est basé sur un financement au résultat, avec le versement de 20% de l'enveloppe au départ et les 80% restants au résultat. « Chaque ARS dispose d'une enveloppe globale disponible jusqu'à fin 2018, calculée en fonction du volume d'activité des établissements publics de santé parties aux différents GHT […], de l'activité de recherche des CHU, des effectifs médicaux des établissements parties aux GHT dans chaque subdivision universitaire », précise le texte. Les Agences Régionales de Santé sont ainsi chargées d’instruire les candidatures reçues et de sélectionner les projets qui seront accompagnés, d'en assurer le suivi et de valider le paiement des tranches supplémentaires.
 
La mobilisation semble donc de mise pour faciliter l’atteinte de la convergence informatique à l’échelle des GHT. Mais les enjeux sont loin d’être seulement techniques, ainsi que le souligne fort à propos Michel Gagneux : « La clé du succès de ce chantier numérique n’est pas technologique. Les GHT bâtiront un système d’information performant s’ils sont en capacité de reconstituer une communauté de santé fédérée autour d’un projet de santé auquel chacun croit. Il n’y a jamais d’urgence à choisir un logiciel, une application ou tout autre outil numérique. L’urgence ici est de trouver une communauté de pensée et une vision partagée par les différents acteurs de territoire : quelle analyse de l’état de l’offre ? Quels sont les besoins immédiats des professionnels ? Quelles sont les priorités médicales sur le territoire ? Derrière le vocabulaire technique et les salles de serveurs, le défi numérique des GHT révèle d’abord un enjeu politique et managérial ».
 
1 - https://www.blogasipsante.fr/fiches-thematiques/ght-accelerateur-nouveaux-usages-numeriques
2 - http://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dgos_atlas_sih_2017.pdf
3 - Agence Nationale d’Appui à la Performance des établissements de santé et médico-sociaux.
4 - Instruction n°DGOS/GHT/2017/310 du 6 novembre 2017 relative à l’appel à projets pour la mise en œuvre des projets médico-soignants partagés des groupements hospitaliers de territoire.
À consulter sur : http://circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/2017/11/cir_42737.pdf

Par Joëlle Hayek. Article publiée dans le numéro 39 d'Hospitalia, magazine à consulter en intégralité ici.
 






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