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Le magazine de l'innovation hospitalière
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Penser l’hôpital pour mieux faire face aux crises


Rédigé par Aurélie Pasquelin le Mercredi 23 Juin 2021 à 09:48 | Lu 1104 fois


En mettant à mal les modèles sanitaires traditionnels, la pandémie a favorisé une réflexion transversale qui, aujourd’hui plus que jamais, dépasse les seuls murs de l’hôpital. Mais ce dernier n’en reste pas moins le pivot d’une organisation territoriale en réseau. Il doit à ce titre être dès le départ pensé pour être le plus résilient possible et pouvoir ainsi faire rapidement face aux situations de crise. Se saisissant de cet enjeu d’avenir, le CHU de Guadeloupe a mis à profit la construction du futur hôpital pour concevoir une structure agile, capable de s’adapter à plusieurs scénarios possibles.



Incendie, cyclone, épidémie… Ces dernières années ont assurément été mouvementées pour le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Guadeloupe, dont le bâtiment principal a fêté ses 40 ans en 2020. La dernière crise en date, celle du Covid-19, a d’autant plus mis l’établissement en peine que ses capacités avaient été réduites suite à l’incendie historique du 28 novembre 2017, passant de 600 à 480 lits, dont 22 lits de réanimation pour 450 000 habitants. Manque de lits et donc d’espaces individuels pour isoler les patients, de régimes de pression dans les chambres, de prises d’air pour armer de nouveaux lits de réanimations… l’épidémie de 2020 est venue couronner une situation déjà difficile. Mais les équipes du CHU n’ont pas reculé, s’organisant de manière à affecter 30 % de la capacité de l’établissement aux patients Covid+.

« La seconde vague épidémique a été particulièrement brutale et intense, nous obligeant à transformer trois puis quatre services pour accueillir ces patients », a raconté le Docteur Bruno Jarrige, vice-président de la Commission Médicale d’Établissement (CME) du CHU et directeur médical de la crise Covid, lors d’une conférence organisée par l’agence Architecturestudio le 4 février dernier. Les photos relayées à cette époque par la presse, et montrant des lits de réanimations installés dans le self, ont particulièrement marqué le grand public et montré à tous la nécessité de disposer d’un établissement plus facilement adaptable aux situations de crise.

Un nouveau bâtiment prévu pour 2023

Lancée en 2016, la construction d’un nouveau bâtiment pour le CHU semble donc être devenue aujourd’hui un impératif vital. Surtout que ce futur CHU, installé en bordure de Pointe-à-Pitre, a dès le départ été pensé pour répondre aux situations de crise. Il intègre ainsi naturellement les normes parasismiques en vigueur dans la région, tout en se distinguant par sa structure : six bâtiments répartis autours d’un axe principal. Totalement ouverte mais possédant un toit – nécessaire au vu du climat tropical – cette « rue Caraïbe », qui joue le rôle d’un accueil central, est également un moyen « de limiter les consommations énergétiques dues à la climatisation », indique Marie-Caroline Piot, architecte associée d’Architecturestudio, l’agence en charge du projet.

Un projet co-construit…

« Dès les phases d’avant-projet, nous avons étroitement travaillé avec les équipes médicales du CHU pour connaître leurs attentes », ajoute Laurent-Marc Fischer, architecte urbaniste associé au cabinet. Saluée par la communauté soignante, dont le Dr Bruno Jarrige, cette approche collaborative a favorisé les échanges pour co-construire et faire évoluer un projet tenant compte du budget, de l’actualité et des besoins de chaque métier. Différents paramètres, comme la présence d’air médical, la multiplication des prises électriques ou la transparence de certaines parois ont ainsi été pensés pour pouvoir facilement aménager les salles en fonction de la situation sanitaire sur l’île.

… pour un hôpital agile

Pensé pour s’adapter rapidement à plusieurs situations, ce bâtiment fait écho au concept d’architecture agile qui tend à se démocratiser dans de nombreux secteurs, dont la santé. Basée sur le dialogue avec les utilisateurs finaux et leur implication dans la conception-même du projet, mais articulée également autour de la notion d’adaptabilité des lieux, cette nouvelle approche rejoint plusieurs démarches déjà engagées dans le monde du design ou du management. Dans le secteur de la santé, elle s’inscrit également dans une vision futuriste, à mi-chemin entre hôpital durable et hôpital magnétique, qui vise à concevoir un hôpital promoteur de santé au sens large, c’est-à-dire à la fois de qualité et de sécurité des soins, d’attractivité professionnelle et de qualité de vie au travail. Et n’est-ce pas justement là l’ambition de l’hôpital de demain, qui se veut lieu d’échanges autour des soins et de la prévention ?

- Le CHU de Guadeloupe a créé le site internet https://chu-guadeloupe.info dédié à ce nouvel établissement. On peut notamment y voir une vidéo de présentation du projet ainsi que son avancement.

Article publié dans le numéro de mai d'Hospitalia à consulter ici
 

Le bâtiment hospitalier dans l’imaginaire collectif

De l’hospice à l’hôpital moderne, les bâtiments hospitaliers ont sans cesse évolué au cours de leur histoire, et plus particulièrement depuis le siècle dernier. « Dans l’imaginaire collectif, les établissements de la première partie du XXème siècle pourraient être qualifiés “d’ateliers des médecins”, où les services de soins étaient leur “territoire” », explique Matthieu Sibe, Maître de conférences en Sciences de gestion à l’Institut de Santé Publique, d’Épidémiologie et de Développement de l’Université de Bordeaux, et membre-expert du Haut Conseil de la Santé Publique et de l’Observatoire National Qualité de Vie au Travail des professionnels en santé. Pour lui, ces « ateliers de médecins » ont ensuite été remplacés par un modèle d’hôpital dit d’« usine à soins », lançant une « ère des ingénieurs » inscrite dans une logique industrielle et productive, pour optimiser les flux et standardiser les pratiques. Sur le plan architectural, les exemples les plus marquants de cette période sont certainement les tripodes comme celui de l’hôpital Pellegrin du CHU de Bordeaux, construit dans les années 1970. Aujourd’hui, les formes se simplifient et sont peut-être à mettre en lien avec une nouvelle approche lancée dans les années 2000, celle de « l’ère des “patrons gestionnaires” », basée sur une organisation polaire, le suivi d’indicateurs et une logique de rentabilité.
 






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