De nombreux établissements de santé sont confrontés à des tensions sur leurs ressources humaines. Or, cela n’est pas le cas du CHPC…
Céline Diascorn : Nous sommes en effet chanceux car, avec 2 300 agents physiquement présents, nos effectifs sont aujourd’hui complets. Mais cette situation est loin d’être due au hasard : nous avons durement travaillé pour y parvenir, menant, depuis mon arrivée en mai 2020, un ambitieux plan d’attractivité, déployé durant la même temporalité qu’un plan de fidélisation tout aussi ambitieux. Il nous semblait en effet délicat de concentrer uniquement notre attention sur le recrutement de nouveaux agents, en ne considérant pas ceux déjà en postes.
Commençons par le volet Attractivité. Comment avez-vous procédé ?
Nous avons, en premier lieu, travaillé sur notre marque employeur, en communiquant activement sur les réseaux sociaux et dans la presse. Des ambassadeurs métiers, sélectionnés sur la base du volontariat, ont pu évoquer leur quotidien au sein du CHPC, avec un impact notamment positif auprès des IBODE et des manipulateurs en électroradiologie médicale, que nous avions auparavant du mal à attirer. Nous avons aussi beaucoup communiqué autour de notre projet d’établissement et de nos investissements dans des technologies de pointe. L’acquisition de deux nouveaux accélérateurs de particules de dernière génération pour développer une filière de stéréotaxie, s’est d’ailleurs traduite par un intérêt important de candidats tant dans la filière médicale que paramédicale ! Nous n’avons toutefois pas oublié les professionnels du soin plus intéressés par la dimension humaine du métier, en mettant aussi en avant les projets à forte valeur humaine, comme l’ouverture d’une unité de soins palliatifs, ou le développement des activités de soins de support.
Vous avez également repensé l’accueil des étudiants, qui sont les recrues de demain, avec notamment des stages à la carte…
Nous avons ici travaillé avec les instituts de formation pour adapter le terrain de stage des étudiants de dernière année. Concrètement, nos agents sont toute l’année prioritaires sur les demandes de mobilité interne, sauf au mois d’avril pour permettre aux étudiants de se positionner sur des emplois précis dans un secteur qui les intéresse. Nous avons également repensé leur accueil, pour qu’ils se sentent attendus – disponibilité effective des équipements dont ils ont besoin, identification d’un mentor, temps dédié à l’accueil des stagiaires inclus dans la maquette fonctionnelle du service, enquête de satisfaction automatiquement déclenchée à l’issue de trois semaines de présence et, le cas échéant, proposition rapide d’une nouvelle affectation en cas de difficulté dans l’exercice professionnel, etc. Nous avons aussi développé des filières d’apprentissage dans tous les métiers, et proposons de nombreux contrats d’alternance en partenariat avec les écoles et les CFA.
Quid des recrues d’« après-demain » ?
Elles ne sont pas en reste. Nous nous sommes mobilisés, y compris avec nos partenaires institutionnels, pour proposer massivement des parcours de découverte des métiers de la fonction publique aux collégiens et lycéens. Plusieurs parcours sont en cours de construction, dans le respect, bien sûr, de la sécurité et de la confidentialité des patients, et de la sensibilité des plus jeunes. Il ne s’agit aucunement de vendre du rêve ou de tromper sur la réalité de l’hôpital, mais d’être objectif. C’est un environnement qui peut certes être exigeant, mais qui a aussi beaucoup à offrir.
Céline Diascorn : Nous sommes en effet chanceux car, avec 2 300 agents physiquement présents, nos effectifs sont aujourd’hui complets. Mais cette situation est loin d’être due au hasard : nous avons durement travaillé pour y parvenir, menant, depuis mon arrivée en mai 2020, un ambitieux plan d’attractivité, déployé durant la même temporalité qu’un plan de fidélisation tout aussi ambitieux. Il nous semblait en effet délicat de concentrer uniquement notre attention sur le recrutement de nouveaux agents, en ne considérant pas ceux déjà en postes.
Commençons par le volet Attractivité. Comment avez-vous procédé ?
Nous avons, en premier lieu, travaillé sur notre marque employeur, en communiquant activement sur les réseaux sociaux et dans la presse. Des ambassadeurs métiers, sélectionnés sur la base du volontariat, ont pu évoquer leur quotidien au sein du CHPC, avec un impact notamment positif auprès des IBODE et des manipulateurs en électroradiologie médicale, que nous avions auparavant du mal à attirer. Nous avons aussi beaucoup communiqué autour de notre projet d’établissement et de nos investissements dans des technologies de pointe. L’acquisition de deux nouveaux accélérateurs de particules de dernière génération pour développer une filière de stéréotaxie, s’est d’ailleurs traduite par un intérêt important de candidats tant dans la filière médicale que paramédicale ! Nous n’avons toutefois pas oublié les professionnels du soin plus intéressés par la dimension humaine du métier, en mettant aussi en avant les projets à forte valeur humaine, comme l’ouverture d’une unité de soins palliatifs, ou le développement des activités de soins de support.
Vous avez également repensé l’accueil des étudiants, qui sont les recrues de demain, avec notamment des stages à la carte…
Nous avons ici travaillé avec les instituts de formation pour adapter le terrain de stage des étudiants de dernière année. Concrètement, nos agents sont toute l’année prioritaires sur les demandes de mobilité interne, sauf au mois d’avril pour permettre aux étudiants de se positionner sur des emplois précis dans un secteur qui les intéresse. Nous avons également repensé leur accueil, pour qu’ils se sentent attendus – disponibilité effective des équipements dont ils ont besoin, identification d’un mentor, temps dédié à l’accueil des stagiaires inclus dans la maquette fonctionnelle du service, enquête de satisfaction automatiquement déclenchée à l’issue de trois semaines de présence et, le cas échéant, proposition rapide d’une nouvelle affectation en cas de difficulté dans l’exercice professionnel, etc. Nous avons aussi développé des filières d’apprentissage dans tous les métiers, et proposons de nombreux contrats d’alternance en partenariat avec les écoles et les CFA.
Quid des recrues d’« après-demain » ?
Elles ne sont pas en reste. Nous nous sommes mobilisés, y compris avec nos partenaires institutionnels, pour proposer massivement des parcours de découverte des métiers de la fonction publique aux collégiens et lycéens. Plusieurs parcours sont en cours de construction, dans le respect, bien sûr, de la sécurité et de la confidentialité des patients, et de la sensibilité des plus jeunes. Il ne s’agit aucunement de vendre du rêve ou de tromper sur la réalité de l’hôpital, mais d’être objectif. C’est un environnement qui peut certes être exigeant, mais qui a aussi beaucoup à offrir.
Évoquons à présent le volet Fidélisation. Quelles actions avez-vous menées sur ce champ ?
Nous avons ici commencé par un plan de déprécarisation. À mon arrivée, plus de 37 % des agents étaient contractuels, et il existait de nombreuses aberrations statutaires. Nous avons donc négocié un accord local sur 5 ans avec les partenaires sociaux, déployé dès octobre 2020 et qui, par la suite, a pu bénéficier des financements Ségur. En moins de trois ans, nous avons pu déprécariser plus de 475 professionnels, et comptons dépasser les 600 à la fin de l’accord quinquennal. Nous nous sommes, aussi, dotés d’un système robuste de gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP), pour mieux anticiper les départs des compétences critiques et répondre efficacement aux demandes de mobilité des agents. Nous avons mis en place, en parallèle, une politique proactive de gestion de l’absentéisme spontané : les premières 48h, les agents en poste peuvent effectuer un remplacement sur la base du volontariat, et être rémunérés en heures supplémentaires. Puis, nous faisons appel à un pool de remplaçants, construit par compétences et inscrit dans une volonté de pérennisation de l’emploi.
D’autres exemples ?
Il est difficile de tous les citer ! Nous pouvons aussi évoquer les efforts menés en matière de télétravail, qui concerne désormais 30 % de nos métiers et que nous souhaitons étendre aux soignants. Je citerais aussi la mise en œuvre d’une prime d’engagement collectif, dite « C’HOP la prime » – nos agents ont beaucoup d’humour. Il s’agit, concrètement, de présenter des projets autour de 4 axes prioritaires : amélioration de l’expérience patient, amélioration de l’expérience agent, amélioration de la frugalité de l’hôpital et engagement comme ambassadeur du CHPC. Déposés sur une plateforme dédiée, ceux-ci sont ensuite étudiés par un comité paritaire. Lorsqu’un projet est éligible, ses créateurs obtiennent une prime de 400 € chacun. Idem quand il est mis en œuvre. Et, lorsqu’il est évalué, les personnes ayant réalisé le bilan, qu’il soit positif ou négatif, obtiennent aussi une prime de 400 €. Ce système, qu’au départ beaucoup avaient jugé « trop beau pour être vrai », rencontre aujourd’hui un réel succès. Plus de 60 projets ont déjà été retenus et financés, et plus d’une dizaine sont déposés tous les mois ! Chacun a ainsi pu prendre conscience qu’il lui est possible de participer à l’amélioration de l’établissement, en agissant par exemple sur les petits irritants du quotidien.
Nous avons ici commencé par un plan de déprécarisation. À mon arrivée, plus de 37 % des agents étaient contractuels, et il existait de nombreuses aberrations statutaires. Nous avons donc négocié un accord local sur 5 ans avec les partenaires sociaux, déployé dès octobre 2020 et qui, par la suite, a pu bénéficier des financements Ségur. En moins de trois ans, nous avons pu déprécariser plus de 475 professionnels, et comptons dépasser les 600 à la fin de l’accord quinquennal. Nous nous sommes, aussi, dotés d’un système robuste de gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP), pour mieux anticiper les départs des compétences critiques et répondre efficacement aux demandes de mobilité des agents. Nous avons mis en place, en parallèle, une politique proactive de gestion de l’absentéisme spontané : les premières 48h, les agents en poste peuvent effectuer un remplacement sur la base du volontariat, et être rémunérés en heures supplémentaires. Puis, nous faisons appel à un pool de remplaçants, construit par compétences et inscrit dans une volonté de pérennisation de l’emploi.
D’autres exemples ?
Il est difficile de tous les citer ! Nous pouvons aussi évoquer les efforts menés en matière de télétravail, qui concerne désormais 30 % de nos métiers et que nous souhaitons étendre aux soignants. Je citerais aussi la mise en œuvre d’une prime d’engagement collectif, dite « C’HOP la prime » – nos agents ont beaucoup d’humour. Il s’agit, concrètement, de présenter des projets autour de 4 axes prioritaires : amélioration de l’expérience patient, amélioration de l’expérience agent, amélioration de la frugalité de l’hôpital et engagement comme ambassadeur du CHPC. Déposés sur une plateforme dédiée, ceux-ci sont ensuite étudiés par un comité paritaire. Lorsqu’un projet est éligible, ses créateurs obtiennent une prime de 400 € chacun. Idem quand il est mis en œuvre. Et, lorsqu’il est évalué, les personnes ayant réalisé le bilan, qu’il soit positif ou négatif, obtiennent aussi une prime de 400 €. Ce système, qu’au départ beaucoup avaient jugé « trop beau pour être vrai », rencontre aujourd’hui un réel succès. Plus de 60 projets ont déjà été retenus et financés, et plus d’une dizaine sont déposés tous les mois ! Chacun a ainsi pu prendre conscience qu’il lui est possible de participer à l’amélioration de l’établissement, en agissant par exemple sur les petits irritants du quotidien.
Quels sont vos projets à court et moyen terme ?
Nous travaillons actuellement sur trois axes, en lien étroit avec les partenaires sociaux. D’abord, les 32 heures en service de soins, pour pouvoir redonner du temps aux soignants et leur permettre de se consacrer à d’autres activités à forte valeur ajoutée. Ensuite, la création d’un planning à la carte, pour proposer une multitude de possibilités de travail. Chaque agent pourra ainsi choisir les modalités qui l’intéressent, journées de 7h30 ou de 12h, travail de jour, travail de nuit, etc. Ce système est en cours de test dans deux services pilotes, et nous recherchons aujourd’hui un outil spécialisé pour pouvoir le généraliser. Enfin, l’amélioration du travail de nuit, par une politique fondée sur l’institutionnalisation des méthodes de récupération active, mais aussi par la refonte des organisations à l’aune du bien-être du patient et de la vigilance du soignant. Nous menons ici un long travail de conviction pour faire évoluer certaines habitudes bien établies mais non justifiées médicalement.
Vous évoquiez les partenaires sociaux. Quelles sont vos relations ?
Nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur des partenaires sociaux viscéralement attachés à ce que l’hôpital puisse continuer à offrir une grande diversité de soins de qualité à la population, tout en garantissant une qualité de vie et des conditions de travail satisfaisantes pour les agents. Nos échanges sont donc toujours très constructifs, car nous partageons les mêmes valeurs. Sortir des sentiers battus ne les effraie pas, et c’est là une autre aubaine. Nous le constatons tous les jours, comme récemment encore lors de nos travaux sur la seconde partie de carrière. Nous avons développé plusieurs passerelles pour éviter de mettre un agent public en précarité à la suite d’une inaptitude, et finançons de nombreuses formations pour que chacun puisse se retrouver au sein d’un nouveau poste à forte valeur ajoutée. Dans cette optique, nous réfléchissons à proposer aux aides-soignants en reconversion professionnelle de passer un CAP ou un BEP d’électricien, qui est un métier sous tension. C’est peut-être une initiative inhabituelle, mais pourquoi s’interdire de la considérer ?
Le mot de la fin ?
À mon arrivée au sein du CHPC, j’ai immédiatement perçu le grand potentiel de cet établissement, et l’envie générale de le mettre en avant. C’est ce que nous nous sommes donc attachés à faire, en nous autorisant le droit à l’expérimentation et à l’erreur, et en acceptant aussi les adaptations. La standardisation est bien sûr parfois possible mais, à l’hôpital peut-être plus qu’ailleurs, rien ne peut être dupliqué exactement. Il faut souvent du cousu main, en fonction des organisations et des besoins locaux. Pour résumer, il faut s’autoriser à rêver, savoir prendre toutes les bonnes idées sans se laisser influencer par certains biais, et ne pas hésiter à les mettre à la taille si la situation l’exige.
> Article paru dans Hospitalia #65, édition de mai 2024, à lire ici
Nous travaillons actuellement sur trois axes, en lien étroit avec les partenaires sociaux. D’abord, les 32 heures en service de soins, pour pouvoir redonner du temps aux soignants et leur permettre de se consacrer à d’autres activités à forte valeur ajoutée. Ensuite, la création d’un planning à la carte, pour proposer une multitude de possibilités de travail. Chaque agent pourra ainsi choisir les modalités qui l’intéressent, journées de 7h30 ou de 12h, travail de jour, travail de nuit, etc. Ce système est en cours de test dans deux services pilotes, et nous recherchons aujourd’hui un outil spécialisé pour pouvoir le généraliser. Enfin, l’amélioration du travail de nuit, par une politique fondée sur l’institutionnalisation des méthodes de récupération active, mais aussi par la refonte des organisations à l’aune du bien-être du patient et de la vigilance du soignant. Nous menons ici un long travail de conviction pour faire évoluer certaines habitudes bien établies mais non justifiées médicalement.
Vous évoquiez les partenaires sociaux. Quelles sont vos relations ?
Nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur des partenaires sociaux viscéralement attachés à ce que l’hôpital puisse continuer à offrir une grande diversité de soins de qualité à la population, tout en garantissant une qualité de vie et des conditions de travail satisfaisantes pour les agents. Nos échanges sont donc toujours très constructifs, car nous partageons les mêmes valeurs. Sortir des sentiers battus ne les effraie pas, et c’est là une autre aubaine. Nous le constatons tous les jours, comme récemment encore lors de nos travaux sur la seconde partie de carrière. Nous avons développé plusieurs passerelles pour éviter de mettre un agent public en précarité à la suite d’une inaptitude, et finançons de nombreuses formations pour que chacun puisse se retrouver au sein d’un nouveau poste à forte valeur ajoutée. Dans cette optique, nous réfléchissons à proposer aux aides-soignants en reconversion professionnelle de passer un CAP ou un BEP d’électricien, qui est un métier sous tension. C’est peut-être une initiative inhabituelle, mais pourquoi s’interdire de la considérer ?
Le mot de la fin ?
À mon arrivée au sein du CHPC, j’ai immédiatement perçu le grand potentiel de cet établissement, et l’envie générale de le mettre en avant. C’est ce que nous nous sommes donc attachés à faire, en nous autorisant le droit à l’expérimentation et à l’erreur, et en acceptant aussi les adaptations. La standardisation est bien sûr parfois possible mais, à l’hôpital peut-être plus qu’ailleurs, rien ne peut être dupliqué exactement. Il faut souvent du cousu main, en fonction des organisations et des besoins locaux. Pour résumer, il faut s’autoriser à rêver, savoir prendre toutes les bonnes idées sans se laisser influencer par certains biais, et ne pas hésiter à les mettre à la taille si la situation l’exige.
> Article paru dans Hospitalia #65, édition de mai 2024, à lire ici