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Le magazine de l'innovation hospitalière
Imagerie

Une révolution technologique permanente


Rédigé par Joëlle Hayek le Mercredi 15 Mai 2024 à 17:38 | Lu 1660 fois


Né en 1946 à Tunis, le Docteur René Bokobza est médecin radiologue depuis 1977. Vouant une véritable passion à un métier qui lui permet de conjuguer les techniques les plus pointues avec le contact humain de la pratique médicale, il évoque, pour Hospitalia, les grandes avancées de l’imagerie médicale auxquelles il a eu « la chance » d’assister, mais aussi celles qui émergent aujourd’hui et ses effets sur une discipline en évolution perpétuelle.



« Diplômé en 1977, j’exerce en tant que radiologue libéral et ai eu la chance, au cours des quarante dernières années, d’assister à des révolutions que je n’aurais jamais imaginées au départ », note le Dr René Bokobza, médecin radiologue en région parisienne. La spécialité est en effet celle ayant le plus bénéficié des progrès technologiques, particulièrement depuis l’essor de l’informatique au tournant des années 1970, qui a elle-même permis de reconstituer, en deux ou trois dimensions, les images acquises en coupe anatomique. « Je me souviens, par exemple, de l’arrivée de l’échographie ultrasonore qui, si elle a vu le jour au cours des années 1950, a véritablement trouvé sa place dans la pratique obstétricale durant les années 1970 avec la naissance de la première sonde échographique. Les gynécologues-obstétriciens ont ainsi pu disposer d’une technologie indolore pour pouvoir observer, en toute sécurité, les contours et les organes du bébé. C’est aujourd’hui devenu une pratique courante, par ailleurs indispensable pour suivre la bonne évolution d’une grossesse. Mais à l’époque, c’était quelque chose de totalement inouï ! », raconte-t-il. 

Le tournant de la décennie 1970-1980

Les années 1970 ont aussi été celles de l’arrivée du scanner, fruit d’un mariage heureux entre la tomographie et la numérisation informatique – ses inventeurs, l’ingénieur anglais Godfrey Newbold Hounsfield et le mathématicien sud-africain Allan McLeod Cormack, ont d’ailleurs reçu, en 1979, le prix Nobel de médecine pour cette découverte. Durant cette même décennie émerge aussi l’imagerie par résonance magnétique, ou IRM. Basée sur le phénomène de résonance magnétique nucléaire, elle utilise des champs magnétiques produits par de puissants aimants pour révéler les détails anatomiques des tissus mous. « Avec l’IRM, nul besoin d’irradier le patient ! C’est là une différence majeure avec le scanner, qui impose un suivi dosimétrique précis. L’IRM est donc, à mon sens, la reine des techniques, d’autant qu’elle a continué à évoluer », sourit-il en évoquant l’arrivée de l’IRM fonctionnelle dans les années 1990. 

Cette nouvelle modalité, qui « repose sur le niveau d’oxygénation du sang, permet de ‘voir le cerveau travailler’ », explique le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). « Lorsque j’ai commencé à exercer, l’imagerie cérébrale était une pratique très envahissante, par ailleurs non dénuée de risques, alors qu’elle permettait seulement de voir les contours du cerveau, et peut-être un peu d’artériographie. Avec l’IRM fonctionnelle, nous pouvons non seulement observer tous les détails du cerveau, mais aussi la manière dont il se comporte, en temps réel, face à des stimuli visuels, auditifs ou sensitifs. C’est absolument miraculeux », réagit le Dr Bokobza. Le scanner et l’échographie conservent, bien sûr, leurs indications, mais l’IRM, qui est indolore et sans danger, « est vraiment la technique à mon sens vouée à s’imposer, particulièrement avec l’intelligence artificielle qui s’y greffe. Elle va tout envahir ! », poursuit-il.

Une nouvelle ère ouverte par l’intelligence artificielle

Dans le monde de la santé, l’intelligence artificielle a effectivement trouvé ses premières applications au sein de l’imagerie médicale. En tirant parti des algorithmes d’apprentissage automatique, les systèmes d’IA peuvent analyser des images avec rapidité et précision, contribuant ainsi à l’identification de maladies à un stade précoce, qu’il peut être difficile de détecter par des méthodes traditionnelles. « Les microcalcifications, par exemple, peuvent être difficiles à voir dans une mammographie de dépistage ‘classique’. Il faut souvent sortir la loupe, ce qui est long et fastidieux, mais aussi potentiellement source d’erreurs. L’IA, pour sa part, les détecte sans ne quasiment jamais se tromper ! L’examen est ainsi plus rapide et plus sûr. En ce qui me concerne, je ne peux plus m’en passer », souligne René Bokobza. Pour autant, insiste-t-il, la technique ne remplace pas le radiologue. « L’IA porte mal son nom, car il ne s’agit somme toute pas d’une intelligence au sens humain du terme. L’algorithme se contente de comparer les images soumises avec les informations colligées dans une base de données, à la recherche de similarités. C’est un système apprenant : plus il a digéré d’images, plus sa précision s’améliore. Mais ce n’est pas un système qui réfléchit », poursuit-il. 

Cette technologie, dont les applications s’étendent de manière exponentielle, est donc vouée à venir de plus en plus en appui au radiologue, pour l’assister dans son exercice quotidien. « Mais tout faire faire par la machine relève encore de la science-fiction. Et même si cela devient un jour possible, est-ce réellement souhaitable ? », s’interroge le Dr Bokobza en évoquant la télémédecine qui, si elle a de nombreux avantages et constitue un bon remède pour faire face à la désertification médicale, « enlève déjà quelque chose d’essentiel au patient : le dialogue avec le médecin qui, souvent, dépasse la pathologie pour laquelle il consulte. La consultation en présentiel est, aussi, une forme de psychothérapie inconsciente pour le patient, qui ne se livre pas de la même manière lors d’une téléconsultation. Quels que soient les progrès qui surviendront, ce temps d’échange, cette écoute bienveillante qui fonde notre humanité, ne pourront jamais être délégués à la machine ».

Le facteur humain, principal défi de l’imagerie médicale

Toujours est-il que l’IA, estime-t-il, vient « à point nommé » pour réduire les délais d’attente des examens d’imagerie médicale, d’autant que la spécialité connaît d’importantes pénuries. « La technologie permet de prendre plus de patients en charge mais, comme je le disais plus haut, elle ne peut pas tout faire. Il faut plus de médecins », insiste-t-il. Il est toutefois quelque peu inquiet car, malgré l’ouverture du numerus clausus – dont les effets ne seront visibles que dans cinq à dix ans –, les jeunes générations semblent moins enclines à se diriger vers l’imagerie médicale, peut-être par crainte de voir le métier disparaître avec le développement de l’IA. « Un travail pédagogique est nécessaire pour mieux informer sur la complémentarité entre intelligence humaine et intelligence artificielle », préconise le radiologue, en rappelant qu’il est difficile, sinon impossible, de prendre correctement les patients en charge sans imagerie médicale. Le champ d’exploration de la discipline a effectivement « explosé » : elle a envahi toutes les spécialités médicales, la neuropsychiatrie ne peut plus se passer de l’IRM, l’imagerie cardiaque a révolutionné la pratique de la cardiologie, le suivi obstétrical ne se conçoit plus sans échographies… Mais cette évolution n’est pas sans effets sur l’organisation de la profession. « Il n’y a plus, aujourd’hui, de radiologue véritablement généraliste. L’imagerie médicale est une discipline de surspécialistes, ce qui aggrave le déficit démographique et rend les avancées de l’IA encore plus précieuses », indique René Bokobza.

Des perspectives toujours plus enthousiasmantes

Et les progrès se poursuivent, permettant d’imaginer toujours plus d’applications. « Vous connaissez la radiologie interventionnelle, une méthode mini-invasive qui s’impose, dans certaines indications, comme une alternative au traitement chirurgical conventionnel, avec des résultats déjà bluffants. Nous assistons désormais au développement d’une autre technique novatrice, celle de ‘l’avatar’, qui est également à cheval entre l’imagerie médicale et la chirurgie », raconte-t-il en décrivant une méthode aujourd’hui portée par un spin-off de l’Institut Pasteur et de l’Institut Curie. « Il s’agit, concrètement, de créer un avatar 3D du corps du patient. Grâce à la réalité virtuelle, les chirurgiens peuvent agir avec cet avatar pour bien comprendre l’anatomie spécifique de chacun. Ils se ‘promènent’ à l’intérieur du corps, un peu comme dans un jeu vidéo, pour préparer finement l’intervention. La réalité augmentée permet ensuite de guider leurs gestes pendant la chirurgie », explique-t-il. Des expérimentations sont déjà en cours dans des hôpitaux nord-américains et européens pour tester cette technologie de rupture, qui a d’ailleurs été lauréate de l’accélérateur de l’EIC, l’European Innovation Council, le programme d’innovation phare de l’Europe. « J’ai certes assisté à des avancées majeures en quarante ans, mais les décennies à venir seront sans doute encore plus exaltantes. L’imagerie médicale continuera de faire des bonds considérables, c’est vraiment très enthousiasmant ! », conclut-il.

> Article paru dans Hospitalia #65, édition de mai 2024, à lire ici 
 

Quo Vadis ? Quand la science sert la quête des origines

Du Big Bang à nos jours, l’information de ce qui s’est passé a été conservée intacte malgré d’innombrables transformations. Sa redécouverte n’a été rendue possible qu’avec l'avènement du cerveau humain, seul organe capable d'interroger l'univers. « De la grotte de Lascaux à Picasso, du premier silex à la navette spatiale, des druides et des chamans à Bergson, tout est issu du cerveau humain. Il est la seule source de tous les épisodes de l’histoire de l’humanité, depuis son apparition il y a environ 300 000 ans. Ce que je trouve captivant, c’est que plus le cerveau humain permet d’avancées scientifiques, plus celles-ci sont mises à profit pour repousser les limites de notre connaissance du passé », explique René Bokobza. Se penchant sur ce désir irrépressible qu’a l’humanité d’essayer de comprendre d’où elle vient et vers où elle va, il a publié Quo Vadis ? (Où vas-tu humanité ?), un voyage intellectuel éclairant qui entend inciter le lecteur à repenser sa place dans l’histoire de l’univers. Un changement de perspective pour donner du sens au monde dans lequel nous vivons.

> BOKOBZA, René, « Quo Vadis ? », Édition Les Impliqués, essai 244 pages, 28 euros.
Plus d’informations sur https://www.renebokobza.fr






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