Dans quel contexte s’inscrit la création du CHU d’Orléans ?
Olivier Boyer : Il s’agit, principalement, de répondre aux enjeux de démographie médico-soignante spécifiques à la région Centre-Val de Loire où, rappelons-le, la densité médicale est la plus basse de France métropolitaine. Non seulement notre région ne forme pas suffisamment de médecins, mais ceux-ci ne sont en outre pas suffisamment nombreux à s’y implanter, sauf peut-être autour du territoire de Tours. Cette situation est d’autant plus problématique qu’elle se reflète dans les indicateurs de morbi-mortalité, avec une aggravation désormais perceptible et vouée à s’accélérer, eu égard au vieillissement de la population. La transformation de notre CHR en CHU est donc une décision unanimement saluée.
Pour lui donner corps, vous vous êtes mis en ordre de marche au lendemain de cette annonce…
Jean Castex a en effet mandaté une mission d’appui hospitalo-universitaire, composée du Pr Michel Mondain, doyen honoraire de la Faculté de médecine de Montpellier-Nîmes, du Pr Pascal Roblot, doyen honoraire de la Faculté de médecine de Poitiers, et de Daniel Moisnard, ancien directeur général des Hospices Civils de Lyon, qui nous ont accompagnés pour la construction du projet hospitalo-universitaire, bâti en alliance avec l’Université de Tours autour des trois volets des soins, de l'enseignement et de la recherche. Plusieurs mois de travaux ont ici été nécessaires et la signature, le 12 octobre 2023, de la convention-cadre hospitalo-universitaire est venue acter la naissance officielle du CHU d’Orléans. Nous avons néanmoins mis ce temps à profit pour avancer sur d’autres chantiers.
Par exemple ?
Nous avons ainsi procédé aux premiers recrutements de Professeurs des universités - Praticiens hospitaliers (PU-PH), sachant que nous disposions déjà de deux postes, en cardiologie et en médecine intensive et réanimation. Une dizaine de nominations supplémentaires est attendue ces prochains mois, et nous comptons atteindre 25 postes en 2025. Plus d’une centaine de médecins exerçant dans notre établissement se sont en outre mobilisés pour la construction de la maquette de formation des deux premières années de médecine, et nous avons posé les bases de nos activités de recherche avec la création d’une direction dédiée, désormais en cours de structuration.
Pourriez-vous évoquer plus en détail les grandes lignes de votre projet hospitalo-universitaire ?
Celui-ci repose sur quatre axes, qui vont constituer la marque du CHU d’Orléans : (1) Immunité, inflammation, infection et sénescence, (2) Vasculaire, (3) Neurosciences, et (4) Soins critiques. S’y ajoute un cinquième axe d’excellence, l’enseignement de la chirurgie mini-invasive, un domaine dans lequel nos équipes sont fortement investies, notamment en chirurgie digestive, urologique, thoracique, ORL, gynécologique et pédiatrique[[1]]url:applewebdata://B0BAA026-A653-4CA8-BC81-F1A353EC63B6#_ftn1 . Ce projet hospitalo-universitaire identifie les priorités à 5 ans, c’est-à-dire les activités sur lesquelles s’effectueront en premier lieu les recrutements et les investissements, pour ne pas atomiser nos moyens ni disperser nos équipes. Mais nous entendons, à terme, y inscrire tous les services et toutes les spécialités du CHU, de manière à créer un champion régional opérant en complémentarité avec Tours. La signature de la convention-cadre hospitalo-universitaire avec l’Université de Tours constitue ici une étape majeure, et il est à parier que celle-ci continuera de veiller sur le berceau du CHU d’Orléans pendant de longues années encore – du moins le temps de disposer de 70 à 80 postes de PU-PH et pouvoir ainsi couvrir nous-mêmes l’ensemble du spectre de formation.
Vous évoquiez la complémentarité avec Tours. Pourriez-vous nous en dire plus ?
Nous sommes en effet totalement alignés, et cela est notamment perceptible sur le plan de l’enseignement et de la recherche. Nous avons ainsi créé une subdivision d’internat unique, afin de pouvoir former davantage d’étudiants en médecine et mieux les répartir dans la région – ce qui permettra de favoriser leur installation dans les territoires en souffrance et améliorerait l’accès aux soins pour la population. Nous avons en outre constitué une Délégation de la recherche clinique et de l’innovation commune, pour intensifier les activités de recherche médicale et scientifique, et contribuer par-là même au dynamisme économique et industriel de notre région. Ce sont autant d’actions qui entendent améliorer l’attractivité de notre territoire auprès des médecins et des soignants. L’alliance des deux CHU est donc une chance pour la région et doit permettre d’accélérer le processus de rattrapage dans lequel nous nous sommes lancés tant pour la formation que pour la recherche.
Ces prochains mois et années s’annoncent donc chargés.
Un CHU ne se constitue pas du jour au lendemain… Je remercie très chaleureusement la mission d’appui pour son aide précieuse durant la période d’amorçage, mais aussi l’Agence régionale de santé et le cabinet du Premier ministre pour leur soutien, qui nous ont permis de passer avec succès cette étape charnière. Il nous faut désormais poursuivre cette dynamique, en continuant de construire pas à pas la formation médicale dispensée par l’Université d’Orléans, en renforçant nos activités de recherche et en consolidant nos filières de soins de premier recours et de soins spécialisés. En tout état de cause, l’avenir s’annonce prometteur pour notre établissement, qui avait été fortement éprouvé par l’épidémie Covid – laquelle avait fragilisé un peu plus des équipes déjà fragiles. La naissance du CHU d’Orléans s’impose déjà comme un facteur d’attractivité et suscite un réel enthousiasme.
Olivier Boyer : Il s’agit, principalement, de répondre aux enjeux de démographie médico-soignante spécifiques à la région Centre-Val de Loire où, rappelons-le, la densité médicale est la plus basse de France métropolitaine. Non seulement notre région ne forme pas suffisamment de médecins, mais ceux-ci ne sont en outre pas suffisamment nombreux à s’y implanter, sauf peut-être autour du territoire de Tours. Cette situation est d’autant plus problématique qu’elle se reflète dans les indicateurs de morbi-mortalité, avec une aggravation désormais perceptible et vouée à s’accélérer, eu égard au vieillissement de la population. La transformation de notre CHR en CHU est donc une décision unanimement saluée.
Pour lui donner corps, vous vous êtes mis en ordre de marche au lendemain de cette annonce…
Jean Castex a en effet mandaté une mission d’appui hospitalo-universitaire, composée du Pr Michel Mondain, doyen honoraire de la Faculté de médecine de Montpellier-Nîmes, du Pr Pascal Roblot, doyen honoraire de la Faculté de médecine de Poitiers, et de Daniel Moisnard, ancien directeur général des Hospices Civils de Lyon, qui nous ont accompagnés pour la construction du projet hospitalo-universitaire, bâti en alliance avec l’Université de Tours autour des trois volets des soins, de l'enseignement et de la recherche. Plusieurs mois de travaux ont ici été nécessaires et la signature, le 12 octobre 2023, de la convention-cadre hospitalo-universitaire est venue acter la naissance officielle du CHU d’Orléans. Nous avons néanmoins mis ce temps à profit pour avancer sur d’autres chantiers.
Par exemple ?
Nous avons ainsi procédé aux premiers recrutements de Professeurs des universités - Praticiens hospitaliers (PU-PH), sachant que nous disposions déjà de deux postes, en cardiologie et en médecine intensive et réanimation. Une dizaine de nominations supplémentaires est attendue ces prochains mois, et nous comptons atteindre 25 postes en 2025. Plus d’une centaine de médecins exerçant dans notre établissement se sont en outre mobilisés pour la construction de la maquette de formation des deux premières années de médecine, et nous avons posé les bases de nos activités de recherche avec la création d’une direction dédiée, désormais en cours de structuration.
Pourriez-vous évoquer plus en détail les grandes lignes de votre projet hospitalo-universitaire ?
Celui-ci repose sur quatre axes, qui vont constituer la marque du CHU d’Orléans : (1) Immunité, inflammation, infection et sénescence, (2) Vasculaire, (3) Neurosciences, et (4) Soins critiques. S’y ajoute un cinquième axe d’excellence, l’enseignement de la chirurgie mini-invasive, un domaine dans lequel nos équipes sont fortement investies, notamment en chirurgie digestive, urologique, thoracique, ORL, gynécologique et pédiatrique[[1]]url:applewebdata://B0BAA026-A653-4CA8-BC81-F1A353EC63B6#_ftn1 . Ce projet hospitalo-universitaire identifie les priorités à 5 ans, c’est-à-dire les activités sur lesquelles s’effectueront en premier lieu les recrutements et les investissements, pour ne pas atomiser nos moyens ni disperser nos équipes. Mais nous entendons, à terme, y inscrire tous les services et toutes les spécialités du CHU, de manière à créer un champion régional opérant en complémentarité avec Tours. La signature de la convention-cadre hospitalo-universitaire avec l’Université de Tours constitue ici une étape majeure, et il est à parier que celle-ci continuera de veiller sur le berceau du CHU d’Orléans pendant de longues années encore – du moins le temps de disposer de 70 à 80 postes de PU-PH et pouvoir ainsi couvrir nous-mêmes l’ensemble du spectre de formation.
Vous évoquiez la complémentarité avec Tours. Pourriez-vous nous en dire plus ?
Nous sommes en effet totalement alignés, et cela est notamment perceptible sur le plan de l’enseignement et de la recherche. Nous avons ainsi créé une subdivision d’internat unique, afin de pouvoir former davantage d’étudiants en médecine et mieux les répartir dans la région – ce qui permettra de favoriser leur installation dans les territoires en souffrance et améliorerait l’accès aux soins pour la population. Nous avons en outre constitué une Délégation de la recherche clinique et de l’innovation commune, pour intensifier les activités de recherche médicale et scientifique, et contribuer par-là même au dynamisme économique et industriel de notre région. Ce sont autant d’actions qui entendent améliorer l’attractivité de notre territoire auprès des médecins et des soignants. L’alliance des deux CHU est donc une chance pour la région et doit permettre d’accélérer le processus de rattrapage dans lequel nous nous sommes lancés tant pour la formation que pour la recherche.
Ces prochains mois et années s’annoncent donc chargés.
Un CHU ne se constitue pas du jour au lendemain… Je remercie très chaleureusement la mission d’appui pour son aide précieuse durant la période d’amorçage, mais aussi l’Agence régionale de santé et le cabinet du Premier ministre pour leur soutien, qui nous ont permis de passer avec succès cette étape charnière. Il nous faut désormais poursuivre cette dynamique, en continuant de construire pas à pas la formation médicale dispensée par l’Université d’Orléans, en renforçant nos activités de recherche et en consolidant nos filières de soins de premier recours et de soins spécialisés. En tout état de cause, l’avenir s’annonce prometteur pour notre établissement, qui avait été fortement éprouvé par l’épidémie Covid – laquelle avait fragilisé un peu plus des équipes déjà fragiles. La naissance du CHU d’Orléans s’impose déjà comme un facteur d’attractivité et suscite un réel enthousiasme.
[[1]]url:applewebdata://B0BAA026-A653-4CA8-BC81-F1A353EC63B6#_ftnref1 En 10 ans, les équipes chirurgicales du CHU d’Orléans ont ainsi réalisé 4 000 opérations robotisées, ont participé à plus de 40 publications scientifiques internationales, et accueilli plus de 100 équipes chirurgicales venant de toute l'Europe pour des observations de cas.
Le point de vue du Pr Guillaume Béraud, PU-PH de maladies infectieuses au Pôle médecine à fortes consultations.
Comment la création du CHU d’Orléans a-t-elle été accueillie par la communauté médicale ?
Pr Guillaume Béraud : Avec un grand enthousiasme ! Les médecins s’y sont fortement impliqués, y compris les profils non universitaires. J’en ai d’ailleurs été très agréablement surpris. Cette mobilisation collective est d’autant plus respectable que la construction du CHU représente une charge de travail non négligeable : il s’agit en effet d’un chantier complexe, d’une part parce que nos effectifs sont contraints, et de l’autre car nous partons d’une page blanche. Mais cette envie collective d’être acteurs du futur CHU d’Orléans a été véritablement fédératrice, et est venue compenser notre nombre restreint.
Quel impact cette création a-t-elle sur vos propres activités de PU-PH ?
Sur le plan de l’enseignement, là où auparavant, je développais mes cours en fonction de mes envies propres, ou sur la base d’un plan déjà structuré, la donne a changé. Tout est à construire, il nous faut créer les diplômes et donc élaborer les maquettes de formation de A à Z, puis les faire valider par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Ce travail préparatoire est beaucoup plus long, mais il représente aussi une opportunité unique pour donner corps à nos ambitions, et construire la Faculté de médecine de nos rêves. C’est une expérience que peu de PU-PH ont l’occasion de vivre…
Et sur le plan de la recherche ?
Là aussi, l’échelle a changé. J’ai toujours fait de la recherche, et je suis rodé à ses exigences. Mais je menais jusque-là ces activités de manière relativement autonome. Elles s’inscrivent désormais dans un cadre plus large, avec plusieurs équipes et autant de collaborations, ce que nous commençons tout juste à appréhender. Par exemple, nous avons récemment constitué un laboratoire de recherche en santé (le LI²RSO, Laboratoire Interdisciplinaire pour l'Innovation et la Recherche en Santé d’Orléans), ce qui amène de nouvelles interrogations et impose de développer de nouvelles compétences, en particulier sur le plan managérial : quelle organisation retenir ? quels postes prévoir et comment les financer ? C’est une fois de plus un travail très prenant, mais aussi très stimulant.
Le mot de la fin ?
Nous vivons une période historique, et l’écrivons au fur et à mesure que nous avançons. C’est une occasion unique, dont nous apprécions la singularité. Nous savons aussi que nous n’avons pas le droit à l’erreur, en particulier pour nos étudiants. La pression est donc conséquente, mais nous étions dès le départ conscients que la tâche ne sera pas facile. Et nous mettons tout en œuvre pour relever le défi !
> Article paru dans Hospitalia #63, édition de décembre 2023, à lire ici
Comment la création du CHU d’Orléans a-t-elle été accueillie par la communauté médicale ?
Pr Guillaume Béraud : Avec un grand enthousiasme ! Les médecins s’y sont fortement impliqués, y compris les profils non universitaires. J’en ai d’ailleurs été très agréablement surpris. Cette mobilisation collective est d’autant plus respectable que la construction du CHU représente une charge de travail non négligeable : il s’agit en effet d’un chantier complexe, d’une part parce que nos effectifs sont contraints, et de l’autre car nous partons d’une page blanche. Mais cette envie collective d’être acteurs du futur CHU d’Orléans a été véritablement fédératrice, et est venue compenser notre nombre restreint.
Quel impact cette création a-t-elle sur vos propres activités de PU-PH ?
Sur le plan de l’enseignement, là où auparavant, je développais mes cours en fonction de mes envies propres, ou sur la base d’un plan déjà structuré, la donne a changé. Tout est à construire, il nous faut créer les diplômes et donc élaborer les maquettes de formation de A à Z, puis les faire valider par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Ce travail préparatoire est beaucoup plus long, mais il représente aussi une opportunité unique pour donner corps à nos ambitions, et construire la Faculté de médecine de nos rêves. C’est une expérience que peu de PU-PH ont l’occasion de vivre…
Et sur le plan de la recherche ?
Là aussi, l’échelle a changé. J’ai toujours fait de la recherche, et je suis rodé à ses exigences. Mais je menais jusque-là ces activités de manière relativement autonome. Elles s’inscrivent désormais dans un cadre plus large, avec plusieurs équipes et autant de collaborations, ce que nous commençons tout juste à appréhender. Par exemple, nous avons récemment constitué un laboratoire de recherche en santé (le LI²RSO, Laboratoire Interdisciplinaire pour l'Innovation et la Recherche en Santé d’Orléans), ce qui amène de nouvelles interrogations et impose de développer de nouvelles compétences, en particulier sur le plan managérial : quelle organisation retenir ? quels postes prévoir et comment les financer ? C’est une fois de plus un travail très prenant, mais aussi très stimulant.
Le mot de la fin ?
Nous vivons une période historique, et l’écrivons au fur et à mesure que nous avançons. C’est une occasion unique, dont nous apprécions la singularité. Nous savons aussi que nous n’avons pas le droit à l’erreur, en particulier pour nos étudiants. La pression est donc conséquente, mais nous étions dès le départ conscients que la tâche ne sera pas facile. Et nous mettons tout en œuvre pour relever le défi !
> Article paru dans Hospitalia #63, édition de décembre 2023, à lire ici