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Biologie

SNBH : « Il est nécessaire d’imaginer d’autres modes d’exercice de la biologie médicale »


Rédigé par Joëlle Hayek le Lundi 7 Octobre 2024 à 18:07 | Lu 1887 fois


À quelques semaines de l’ouverture des 7èmes Journées Francophones de Biologie Médicale (JFBM), qui se tiendront cette année du 9 au 11 octobre au Centre des congrès de l’Aube (Troyes), Hospitalia a rencontré le Docteur Raphaël Bérenger, pharmacien biologiste au Centre Hospitalier de Falaise et président du Syndicat national des biologistes hospitaliers (SNBH), pour découvrir les temps forts de ce rendez-vous annuel majeur et faire le point sur l’actualité de la spécialité.



Quelles sont, pour commencer, les thématiques sur lesquelles vous travaillez aujourd’hui ?

Dr Raphaël Bérenger : Ces derniers mois, notre syndicat s’est surtout mobilisé pour les élections professionnelles au CNG dans la discipline Biologie médicale, qui se sont tenues à la mi-juin. Malgré une participation globalement en baisse, toutes spécialités confondues, le SNBH s’en est plutôt bien sorti, obtenant 5 postes sur 6 pour le collège des praticiens hospitaliers, et 2 postes sur 6 pour le collège des hospitalo-universitaires, où nous déposions une liste pour la première fois. C’est donc une belle victoire, qui récompense aussi bien nos actions pour la défense de la profession, que celles menées pour promouvoir sa dimension scientifique. 

Autre sujet d’intérêt, et non des moindres : l’évolution du système de suivi épidémiologique de pathologies priorisées SIDEP vers LABOé-SI.

Le projet est en soi intéressant, puisque nous pourrons ainsi disposer d’un véritable entrepôt national de données de biologie pour mieux anticiper de nouvelles crises sanitaires. Mais les investissements nécessaires n’ont pas été prévus dans les plans de financement des hôpitaux, alors même que les éditeurs transmettent des devis à plusieurs dizaines de millions d’euros pour déployer et maintenir le nouveau système. C’est un premier point bloquant. Par ailleurs, le temps passé par les biologistes et leurs équipes à la gestion quotidienne de LABOé-SI n’a pas non plus été pris en compte. C’est pourquoi un simple financement des éditeurs dans le cadre de la vague 2 Ségur nous semble insuffisant, car il ne permettra pas de compenser la forte implication attendue de la part des biologistes. En accord avec nos confrères libéraux, nous avons donc demandé la mise en place d’un forfait numérique, en ville comme à l’hôpital et au même titre que les autres professions de santé, afin de reconnaître le travail réalisé et à réaliser pour réussir cette transition numérique. 

Une telle reconnaissance aura certainement un impact positif sur l’attractivité de la spécialité. Quelles autres pistes permettraient de relever le défi démographique ?

Le nombre de biologistes médicaux en exercice est en baisse constante depuis plus de dix ans, ce qui nous impose, bien sûr, de continuer à promouvoir cette spécialité passionnante et prometteuse auprès des jeunes générations, afin d’inverser la tendance. Mais il est également nécessaire d’imaginer d’autres modes d’exercice de la biologie médicale, particulièrement en environnement hospitalier. L’exercice partagé, notamment, peut être un levier intéressant pour pouvoir combiner biologie de proximité et accès à un plateau technique de pointe. Les CHU, par exemple, sont relativement préservés des difficultés de recrutement car ils permettent justement de se frotter à l’innovation clinique et technologique. Ouvrir cette possibilité aux hôpitaux non universitaires pourrait donc renforcer leur attractivité, d’autant que le contexte s’y prête désormais avec la constitution de laboratoires multisites.

Vous évoquez l’innovation technologique. Comment se positionnent les biologistes médicaux par rapport aux technologies d’intelligence artificielle (IA) ?

Il y a une certaine inquiétude, bien sûr, comme pour toute nouvelle technologie. Mais aussi une volonté de s’approprier l’IA et tout ce qu’elle a à offrir, pour en faire un outil au service de l’exercice professionnel. Ce sera d’ailleurs le thème de la conférence inaugurale lors des prochaines JFBM, avec l’idée d’adresser les craintes éventuelles et surtout de mettre en lumière le potentiel énorme de cette technologie, à la fois sur le champ diagnostic, avec une interprétation plus fine des résultats, que pronostic – notamment en ce qui concerne l’évolution d’une maladie en lien avec les marqueurs biologiques. On parle beaucoup aujourd’hui de médecine « 6P », c’est-à-dire d’une médecine personnalisée, préventive, prédictive, participative, des parcours et des preuves. Je suis convaincu que la biologie médicale aura ici un rôle majeur à jouer. Mais il nous faut, pour cela, avoir su nous saisir des avancées de la technologie pour ouvrir de nouvelles perspectives. La question des données produites à l’extérieur de notre champ direct doit également être adressée. 

Qu’entendez-vous par là ?

Par exemple, les tests aujourd’hui réalisés dans les pharmacies échappent complètement au versant biologique, et ne sont pas intégrés dans Mon Espace Santé. Ce qui est dommage car, comme nous avons pu l’observer durant la crise Covid, les pharmacies d’officine disposent d’un excellent maillage territorial et sont en mesure de remonter des données biologiques pour consolider le parcours d’un patient. Mais cette possibilité est encore largement sous-exploitée. Prenez l’exemple d’un patient arrivant aux urgences avec les signes d’un épisode infectieux. Si l’on peut savoir qu’il a bénéficié, par exemple la veille, d’un test rapide d’orientation diagnostique d’angine en pharmacie, et que le prélèvement était positif, sa prise en charge sera accélérée et l’on évitera les examens redondants. Vous le voyez, l’intérêt est bien réel, pour patient comme pour la collectivité.

Arrêtons-nous à présent sur les prochaines Journées Francophones de Biologie médicale (JFBM), qui se tiendront du 9 au 11 octobre à Troyes. Quels en seront les temps forts ?

La conférence inaugurale sur l’intelligence artificielle, bien sûr, qui cherchera à identifier la place de ces technologies au sein de notre système de santé et accueillera notamment le Dr François Braun, ancien ministre de la Santé et de la Prévention. Se succèderont ensuite une trentaine d’ateliers, avec un programme associant des sessions « pour les nuls » – une formule dont le succès ne se dément pas ! –, des ateliers de pratiques quotidiennes ou plus spécialisées, et des ateliers plus transversaux, par exemple autour des enjeux managériaux, de la décarbonation, la télémédecine, les stratégies territoriales ou encore les biothérapies.

Justement, en parlant de décarbonation : l’adaptation aux défis environnementaux représente aujourd’hui un point de vigilance majeur. Comment l’adressez-vous ?

Organisée pour la première fois cette année, la conférence de clôture se penchera justement sur le sujet brûlant du changement climatique et de son impact sur nos métiers à travers le concept de One Health, ou Une seule santé – lequel promeut une approche intégrée, systémique et unifiée de la santé publique, animale et environnementale, aux échelles locales, nationales et planétaire. Cette 7ème édition des JFBM sera en outre un événement encore plus respectueux de l’environnement, avec le lancement d’une application mobile dédiée aux journées 2024. Cela étant dit, les enjeux RSE mobilisent désormais toutes les spécialités hospitalières. En biologie, par exemple, les filières de reconditionnement et de recyclage des automates en fin de vie sont de plus en plus mobilisées. Mais des progrès restent à faire sur les consommations d’eau car, comme vous le savez, l’eau est le réactif le plus important du laboratoire et est présente dans la plupart de ses processus. Un travail conjoint est ici nécessaire avec les fournisseurs pour réfléchir à des alternatives plus durables.

Le mot de la fin ?

Cette prochaine édition des JFBM s’annonce une fois de plus comme particulièrement prometteuse, et suscite d’ailleurs déjà un grand intérêt de la part de nos confrères et partenaires, industriels comme sociétés savantes ! Nous ne l’avons pas encore évoqué, mais l’organisation des prochains Symposiums internationaux « Alain Feuillu », consacrés à la biologie d’urgence et aux gaz du sang, a été confiée au SNBH à l’issue de la 9ème édition, qui s’était tenue à Saint-Malo en juin dernier. Les JFBM continueront donc de se tenir chaque année, complétées, tous les trois ans, par ce symposium qui nous permettra de mieux nous saisir des enjeux de la biologie délocalisée – car, rappelons-le, celle-ci est en France sous la responsabilité du biologiste hospitalier, garant de la conformité et de la bonne utilisation des équipements.

JFBM 2024 : le programme en un coup d’œil 

• Sessions plénières : (1) L’intelligence artificielle, de son impact dans notre société à celui en médecine… Faut-il en avoir peur ? (2) One Health et enjeux environnementaux, quel impact sur notre métier ?
• Ateliers Biochimie (avec le CNBH) : Prolactine - Suivi biologique du sportif - Troponine - Immuno-monitoring des biothérapies - Actualités sur le complément
• Ateliers Biologie clinique (avec le SNBC) : Intoxications au protoxyde d’azote - Erreurs au laboratoire
• Ateliers Microbiologie (avec le ColBVH) : Infections fongiques invasives - Mucormycoses - Examens parasitologiques des selles - Antibiogramme pour les nuls - Hépatite E - Encéphalites virales - Maladie de Lyme - Helicobacter coli
• Ateliers Hématologie (avec le CHH) : Diagnostic des LMMC - Anticoagulants circulants de type lupiques - Nouveaux traitements anti-hémophiliques et tests d’hémostase - Pièges en hémostase - Chute de plaquettes - Diagnostic biologique de la TIH - Leucémies lymphoïdes chroniques et syndromes lymphoprolifératifs - Génotypes RHD fœtaux 
 • Ateliers SNBH : Gestion d’une situation conflictuelle au laboratoire - Stratégie territoriale en biologie médicale - Décarbonation - Vague 2 du Ségur numérique en biologie
• Ateliers transversaux : Actualités NABM et pertinence des actes (Les Biomeds) – Réforme du 3ème cycle (FNSIP BM)– Intelligence artificielle (IFCC) – Télémédecine (SNMB CHU) – Éthique et secret professionnel (FIFBCML) – Nouvelles drogues de synthèse (SFTA)

> Plus d’informations sur https://jfbm.fr   et sur https://snbh.org

> Article paru dans Hospitalia #66, édition de septembre 2024, à lire ici 
 
SNBH : « Il est nécessaire d’imaginer d’autres modes d’exercice de la biologie médicale »






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