Pourriez-vous, pour commencer, nous présenter la Direction des services numériques (DSN) de l’AP-HP ?
Raphaël Beaufret : Rassemblée sur un site unique – en l’occurrence le Campus Picpus, dans le 12ème arrondissement de Paris, adossé à l’Hôpital Rothschild et qui accueille également plusieurs écoles et structures de formation –, la DSN regroupe environ 500 professionnels assurant le pilotage des nombreux services numériques utilisés au sein de l’institution. Elle coordonne également les actions des groupes hospitaliers dans ce domaine, en lien direct avec les quelque 400 agents opérant dans les filières numériques locales des six groupes hospitalo-universitaires de l’AP-HP.
Pourriez-vous évoquer rapidement votre parcours ?
Raphaël Beaufret : J’ai travaillé en 2014 comme conseiller technique à la direction générale de l’AP-HP, avant de rejoindre sa direction des systèmes d’information de 2015 à 2019. J’ai ensuite rejoint la Délégation ministérielle au numérique en santé (DSN), en tant que directeur de projets, puis de co-responsable, aux côtés d’Hela Ghariani. J’ai alors eu l’occasion de contribuer aux politiques de développement et de régulation du numérique en santé, dans les différents secteurs : ville, hôpital et médico-social, avec des projets particulièrement structurants comme Mon Espace Santé, le carnet de santé électronique citoyen, ou encore le programme Ségur Numérique, pour fluidifier le partage des données de santé pour le soin.
Pierre Blondé : Je suis, pour ma part, le directeur adjoint de la DSN de l’AP-HP depuis juin 2018, ayant rejoint l’institution en 2015 après avoir, notamment, exercé à la direction des systèmes d’information de l’Agence régionale de santé d’Île-de-France. Je côtoie néanmoins l’univers du numérique depuis déjà de nombreuses années, ayant opéré au sein de différents secteurs, les assurances, la banque, l’industrie, etc., avant de plonger dans le monde passionnant de la santé.
Avec 38 hôpitaux, l’AP-HP est le plus grand CHU d’Europe. Comment une telle institution engage-t-elle sa transformation numérique ?
Raphaël Beaufret : Il y a, d’abord, une conviction partagée, celle que le numérique peut être une opportunité précieuse pour à la fois améliorer l’exercice professionnel et la santé des citoyens. L’AP-HP fédère une communauté de volontés engagées à travailler ensemble pour relever collégialement les défis du numérique : il est crucial d’associer étroitement les professionnels et les patients à ces transformations. L’AP-HP dispose aujourd’hui de centaines de services numériques, qui vont des logiciels pour visualiser et échanger les données de santé du patient, aux outils de gestion, en passant par divers outils très spécialisés, ainsi que certains services produits pour le niveau national. Pour se transformer, il faut se focaliser et identifier les transformations qui apporteront le plus de valeur métier et qui ont le plus de chances de réussir, à la fois sur l’applicatif, et sur le volet des infrastructures et socles de données sous-jacents.
Pierre Blondé : La notion de convergence est ici primordiale. La crise Covid a initié un important phénomène d’accélération autour du numérique, qui fait aujourd’hui l’objet de nombreuses attentes. Mais celles-ci doivent converger vers une solution partagée sur le principe d’une unique application pour un même usage métier, et c’est là une difficulté de taille car il faut non seulement acculturer les utilisateurs à cette nécessité, mais aussi rechercher le consensus. La DSN y travaille activement, en se concentrant en premier lieu sur le système d’information clinique. La réduction, à terme, des nombreux applicatifs métiers en doublon est essentielle pour mieux servir les utilisateurs, à la fois en termes de confort d’usage que de sécurité.
Vous évoquiez les travaux autour du SI clinique. Pourriez-vous nous en parler ?
Raphaël Beaufret : L’AP-HP dispose aujourd’hui d’un dossier patient informatisé (DPI) unique pour 38 hôpitaux ; ne reste que l’Hôpital européen Georges Pompidou, où la convergence est encore en cours, par étapes. Les chiffres sont éloquents, avec pas moins de 35 000 utilisateurs quotidiens et près de 20 000 connexions simultanées. C’est d’ailleurs là un défi technologique inédit, qui vient s’ajouter aux défis organisationnels soulevés par la mise en œuvre du DPI unique. Et le chantier est loin d’être terminé. Par exemple, nous travaillons avec l’éditeur pour améliorer l’ergonomie globale de la solution, passer sur des technologies d’infrastructures plus adaptées, mais aussi mettre en œuvre une capacité à visualiser et importer les données pertinentes de Mon Espace Santé.
Pierre Blondé : La satisfaction des utilisateurs représente ici un point essentiel. La mise en œuvre du DPI convergé a déjà fait l’objet de treize enquêtes de satisfaction, avec désormais plus de 70 % des professionnels de santé satisfaits ou très satisfaits lors de la dernière consultation, soit quatre points de plus par rapport à la précédente. Nous semblons donc avancer dans la bonne direction. Nous renforçons progressivement nos infrastructures et leur résilience, afin de réussir à atteindre un taux de disponibilité des applications de 99,9 %. À cet effet, nous avons regroupé une grande partie de nos infrastructures, historiquement disséminées dans des salles sur chacun des sites hospitaliers. Nous les exploitons désormais sur un datacenter principal, loué à un professionnel du secteur, un datacenter secondaire en expansion, géré par la Mairie de Paris, ainsi qu’un datacenter sans applications de production, localisé dans un des hôpitaux. En parallèle, nous explorons l’intérêt et les défis d’une transition vers le cloud de certaines de nos applications, en étudiant les conditions dans lesquelles nous pouvons rester maîtres de nos choix futurs, en étudiant les conditions de réversibilité et notre rapport de force avec nos fournisseurs (taille, droit applicable, alternatives, etc.).
Raphaël Beaufret : Rassemblée sur un site unique – en l’occurrence le Campus Picpus, dans le 12ème arrondissement de Paris, adossé à l’Hôpital Rothschild et qui accueille également plusieurs écoles et structures de formation –, la DSN regroupe environ 500 professionnels assurant le pilotage des nombreux services numériques utilisés au sein de l’institution. Elle coordonne également les actions des groupes hospitaliers dans ce domaine, en lien direct avec les quelque 400 agents opérant dans les filières numériques locales des six groupes hospitalo-universitaires de l’AP-HP.
Pourriez-vous évoquer rapidement votre parcours ?
Raphaël Beaufret : J’ai travaillé en 2014 comme conseiller technique à la direction générale de l’AP-HP, avant de rejoindre sa direction des systèmes d’information de 2015 à 2019. J’ai ensuite rejoint la Délégation ministérielle au numérique en santé (DSN), en tant que directeur de projets, puis de co-responsable, aux côtés d’Hela Ghariani. J’ai alors eu l’occasion de contribuer aux politiques de développement et de régulation du numérique en santé, dans les différents secteurs : ville, hôpital et médico-social, avec des projets particulièrement structurants comme Mon Espace Santé, le carnet de santé électronique citoyen, ou encore le programme Ségur Numérique, pour fluidifier le partage des données de santé pour le soin.
Pierre Blondé : Je suis, pour ma part, le directeur adjoint de la DSN de l’AP-HP depuis juin 2018, ayant rejoint l’institution en 2015 après avoir, notamment, exercé à la direction des systèmes d’information de l’Agence régionale de santé d’Île-de-France. Je côtoie néanmoins l’univers du numérique depuis déjà de nombreuses années, ayant opéré au sein de différents secteurs, les assurances, la banque, l’industrie, etc., avant de plonger dans le monde passionnant de la santé.
Avec 38 hôpitaux, l’AP-HP est le plus grand CHU d’Europe. Comment une telle institution engage-t-elle sa transformation numérique ?
Raphaël Beaufret : Il y a, d’abord, une conviction partagée, celle que le numérique peut être une opportunité précieuse pour à la fois améliorer l’exercice professionnel et la santé des citoyens. L’AP-HP fédère une communauté de volontés engagées à travailler ensemble pour relever collégialement les défis du numérique : il est crucial d’associer étroitement les professionnels et les patients à ces transformations. L’AP-HP dispose aujourd’hui de centaines de services numériques, qui vont des logiciels pour visualiser et échanger les données de santé du patient, aux outils de gestion, en passant par divers outils très spécialisés, ainsi que certains services produits pour le niveau national. Pour se transformer, il faut se focaliser et identifier les transformations qui apporteront le plus de valeur métier et qui ont le plus de chances de réussir, à la fois sur l’applicatif, et sur le volet des infrastructures et socles de données sous-jacents.
Pierre Blondé : La notion de convergence est ici primordiale. La crise Covid a initié un important phénomène d’accélération autour du numérique, qui fait aujourd’hui l’objet de nombreuses attentes. Mais celles-ci doivent converger vers une solution partagée sur le principe d’une unique application pour un même usage métier, et c’est là une difficulté de taille car il faut non seulement acculturer les utilisateurs à cette nécessité, mais aussi rechercher le consensus. La DSN y travaille activement, en se concentrant en premier lieu sur le système d’information clinique. La réduction, à terme, des nombreux applicatifs métiers en doublon est essentielle pour mieux servir les utilisateurs, à la fois en termes de confort d’usage que de sécurité.
Vous évoquiez les travaux autour du SI clinique. Pourriez-vous nous en parler ?
Raphaël Beaufret : L’AP-HP dispose aujourd’hui d’un dossier patient informatisé (DPI) unique pour 38 hôpitaux ; ne reste que l’Hôpital européen Georges Pompidou, où la convergence est encore en cours, par étapes. Les chiffres sont éloquents, avec pas moins de 35 000 utilisateurs quotidiens et près de 20 000 connexions simultanées. C’est d’ailleurs là un défi technologique inédit, qui vient s’ajouter aux défis organisationnels soulevés par la mise en œuvre du DPI unique. Et le chantier est loin d’être terminé. Par exemple, nous travaillons avec l’éditeur pour améliorer l’ergonomie globale de la solution, passer sur des technologies d’infrastructures plus adaptées, mais aussi mettre en œuvre une capacité à visualiser et importer les données pertinentes de Mon Espace Santé.
Pierre Blondé : La satisfaction des utilisateurs représente ici un point essentiel. La mise en œuvre du DPI convergé a déjà fait l’objet de treize enquêtes de satisfaction, avec désormais plus de 70 % des professionnels de santé satisfaits ou très satisfaits lors de la dernière consultation, soit quatre points de plus par rapport à la précédente. Nous semblons donc avancer dans la bonne direction. Nous renforçons progressivement nos infrastructures et leur résilience, afin de réussir à atteindre un taux de disponibilité des applications de 99,9 %. À cet effet, nous avons regroupé une grande partie de nos infrastructures, historiquement disséminées dans des salles sur chacun des sites hospitaliers. Nous les exploitons désormais sur un datacenter principal, loué à un professionnel du secteur, un datacenter secondaire en expansion, géré par la Mairie de Paris, ainsi qu’un datacenter sans applications de production, localisé dans un des hôpitaux. En parallèle, nous explorons l’intérêt et les défis d’une transition vers le cloud de certaines de nos applications, en étudiant les conditions dans lesquelles nous pouvons rester maîtres de nos choix futurs, en étudiant les conditions de réversibilité et notre rapport de force avec nos fournisseurs (taille, droit applicable, alternatives, etc.).
Cet engagement fort sur la qualité de service est d’ailleurs un axe fort de votre stratégie numérique…
Raphaël Beaufret : Il a en effet été mis en œuvre sous l’impulsion du Directeur général de l’AP-HP, Nicolas Revel, dans le cadre du plan d’action « 30 leviers pour agir ensemble » qui vise, notamment, à fidéliser les professionnels en poste à l’AP-HP. La qualité du service apporté aux usagers est ici primordiale, et la DSN s’engage à cet égard tout autant sur le taux de disponibilité des solutions numériques, que sur le volet support aux utilisateurs. Nous avons défini des engagements de service en matière de délais de résolution des incidents et de fourniture de service (obtenir un équipement, un accès, etc.), ce qui est classique, mais nouveau pour nous. Nous menons, là aussi, des enquêtes de satisfaction régulières, avec des résultats qui continuent de progresser.
Pierre Blondé : La qualité de service s’inscrit donc dans une démarche d’amélioration continue structurée et objectivée.Ainsi, 74 % des utilisateurs se déclaraient satisfaits lors de la dernière enquête annuelle, soit 14 points de plus par rapport à l’année précédente, qui avait elle-même totalisé 12 points de plus par rapport à celle d’avant. Autre réalisation, et non des moindres, nous avons créé un numéro d’appel unique pour joindre le support. Opérationnel 24h/24 et 7 jours sur 7, il permet de joindre un des techniciens support, localisés sur le campus Picpus. Il reçoit près de 300 000 appels par an. 60 % des sollicitations aboutissent d’ailleurs à une résolution directe du problème à distance, les 40 % restantes étant prises en charge par les agents intervenant sur site, avec des référents bien connus des services cliniques.
Pourriez-vous également évoquer vos principales priorités ?
Raphaël Beaufret : Nous disposons d’un schéma directeur des SI ambitieux pour la période 2021-2025. Nous l’avons pour la première fois décliné en priorités annuelles, très opérationnelles, suivies régulièrement. Il s’agit par exemple de travaux concrets sur le plan de l’expérience du patient (portail patient Mon AP-HP, etc.), la résorption de la vétusté des plus de 70 000 postes de travail ou encore l’industrialisation de l’accès à notre entrepôt de données de santé pour les équipes de recherche, ainsi que pour la production d’indicateurs de pilotage. Sans oublier, bien sûr, un important volet cybersécurité, année olympique oblige.
Sur ce volet, nous avons d’ailleurs multiplié ici les actions pour sensibiliser les utilisateurs aux bonnes pratiques de sécurité informatique, renforcer nos défenses techniques et améliorer nos compétences en matière de gestion de crise cyber. Nous avons par exemple organisé au 2ème trimestre sept exercices majeurs, impliquant plus de 1 500 personnes – soit un exercice pour chacun des six groupes hospitalo-universitaires, et un septième à l’échelle de l’institution, qui a duré une semaine entière, 4ème édition d’une série multi-annuelle que nous appelons désormais traditionnellement « Cryptex ». Ces entraînements nous ont permis de mieux conscientiser les effets d’une crise cyber, d’être innovants sur les processus et outils pour y faire face et de progresser collectivement car, nous le savons bien, le risque zéro n’existe pas.
Pierre Blondé : Une autre priorité pour 2024, concerne la poursuite de la modernisation des réseaux et infrastructures, qui est elle-même étroitement liée à nos engagements en matière de performance. Nous travaillons à la fois sur le dernier kilomètre, avec le câblage dans les services, que sur nos autoroutes réseau, dont les débits vont désormais atteindre 100Gb/s, ainsi que sur la supervision du réseau. D’autres défis sont en préparation, comme la migration de l’ensemble de notre téléphonie sur l’IP et l’optimisation de la topologie du réseau entre nos hôpitaux et nos datacenters.
Pourriez-vous nous présenter plus en détail deux réalisations notables ?
Raphaël Beaufret : Je retiendrais pour ma part un projet se situant à la croisée des enjeux de cybersécurité et de qualité de service : en août 2022, lorsque le Groupe hospitalier sud-francilien avait subi une cyberattaque, puis en décembre 2022, lorsque cela avait été le cas du CH de Versailles, la DSN de l’AP-HP avait offert son appui, en mettant notamment à leur disposition des postes de travail « propres » pour assurer la continuité de certaines activités. Face au succès de l’opération, nous avons développé une offre spécifique à la demande de l’ARS Île-de-France, à destination de tous les établissements franciliens qui se feraient attaquer : nous disposons aujourd’hui d’un stock tournant de postes de travail immédiatement utilisables, livrables sous 2 heures. Le dispositif a été testé avec succès avant les JO 2024, et n’a heureusement pas encore dû être déclenché par l’ARS.
Pierre Blondé : En ce qui me concerne, j’insisterais particulièrement sur les importants efforts consentis en matière de recrutement, avec une centaine de postes ouverts chaque année dans notre filière, notamment des chefs de projets, des chargés d’infrastructures techniques et, dans une moindre mesure, des data scientists. Nous avons, pour cela, noué des partenariats avec plusieurs écoles, mais aussi restructuré nos processus de recrutement et revu les grilles salariales pour réduire le gap avec le secteur privé. Nous communiquons également beaucoup, par exemple sur la plateforme Welcome to the jungle, sur les atouts du secteur public hospitalier, et plus particulièrement de l’AP-HP, où les projets ont du sens, sont techniquement passionnants et sont majoritairement gérés en interne. Nous sommes en effet conscients que la santé numérique de demain sera construite grâce aux talents nous rejoignant aujourd’hui. C’est un défi collectif de faire venir les talents du numérique dans la santé. En parallèle, il faut former au numérique les professionnels de santé, en formation initiale et continue. L’implantation de la DSN au campus Picpus, qui accueille également une IFSI-IFAS, nous permet en outre de participer à l’acculturation numérique des futurs professionnels de santé, pour pouvoir relever collectivement les défis qui seront les nôtres.
Raphaël Beaufret : Il a en effet été mis en œuvre sous l’impulsion du Directeur général de l’AP-HP, Nicolas Revel, dans le cadre du plan d’action « 30 leviers pour agir ensemble » qui vise, notamment, à fidéliser les professionnels en poste à l’AP-HP. La qualité du service apporté aux usagers est ici primordiale, et la DSN s’engage à cet égard tout autant sur le taux de disponibilité des solutions numériques, que sur le volet support aux utilisateurs. Nous avons défini des engagements de service en matière de délais de résolution des incidents et de fourniture de service (obtenir un équipement, un accès, etc.), ce qui est classique, mais nouveau pour nous. Nous menons, là aussi, des enquêtes de satisfaction régulières, avec des résultats qui continuent de progresser.
Pierre Blondé : La qualité de service s’inscrit donc dans une démarche d’amélioration continue structurée et objectivée.Ainsi, 74 % des utilisateurs se déclaraient satisfaits lors de la dernière enquête annuelle, soit 14 points de plus par rapport à l’année précédente, qui avait elle-même totalisé 12 points de plus par rapport à celle d’avant. Autre réalisation, et non des moindres, nous avons créé un numéro d’appel unique pour joindre le support. Opérationnel 24h/24 et 7 jours sur 7, il permet de joindre un des techniciens support, localisés sur le campus Picpus. Il reçoit près de 300 000 appels par an. 60 % des sollicitations aboutissent d’ailleurs à une résolution directe du problème à distance, les 40 % restantes étant prises en charge par les agents intervenant sur site, avec des référents bien connus des services cliniques.
Pourriez-vous également évoquer vos principales priorités ?
Raphaël Beaufret : Nous disposons d’un schéma directeur des SI ambitieux pour la période 2021-2025. Nous l’avons pour la première fois décliné en priorités annuelles, très opérationnelles, suivies régulièrement. Il s’agit par exemple de travaux concrets sur le plan de l’expérience du patient (portail patient Mon AP-HP, etc.), la résorption de la vétusté des plus de 70 000 postes de travail ou encore l’industrialisation de l’accès à notre entrepôt de données de santé pour les équipes de recherche, ainsi que pour la production d’indicateurs de pilotage. Sans oublier, bien sûr, un important volet cybersécurité, année olympique oblige.
Sur ce volet, nous avons d’ailleurs multiplié ici les actions pour sensibiliser les utilisateurs aux bonnes pratiques de sécurité informatique, renforcer nos défenses techniques et améliorer nos compétences en matière de gestion de crise cyber. Nous avons par exemple organisé au 2ème trimestre sept exercices majeurs, impliquant plus de 1 500 personnes – soit un exercice pour chacun des six groupes hospitalo-universitaires, et un septième à l’échelle de l’institution, qui a duré une semaine entière, 4ème édition d’une série multi-annuelle que nous appelons désormais traditionnellement « Cryptex ». Ces entraînements nous ont permis de mieux conscientiser les effets d’une crise cyber, d’être innovants sur les processus et outils pour y faire face et de progresser collectivement car, nous le savons bien, le risque zéro n’existe pas.
Pierre Blondé : Une autre priorité pour 2024, concerne la poursuite de la modernisation des réseaux et infrastructures, qui est elle-même étroitement liée à nos engagements en matière de performance. Nous travaillons à la fois sur le dernier kilomètre, avec le câblage dans les services, que sur nos autoroutes réseau, dont les débits vont désormais atteindre 100Gb/s, ainsi que sur la supervision du réseau. D’autres défis sont en préparation, comme la migration de l’ensemble de notre téléphonie sur l’IP et l’optimisation de la topologie du réseau entre nos hôpitaux et nos datacenters.
Pourriez-vous nous présenter plus en détail deux réalisations notables ?
Raphaël Beaufret : Je retiendrais pour ma part un projet se situant à la croisée des enjeux de cybersécurité et de qualité de service : en août 2022, lorsque le Groupe hospitalier sud-francilien avait subi une cyberattaque, puis en décembre 2022, lorsque cela avait été le cas du CH de Versailles, la DSN de l’AP-HP avait offert son appui, en mettant notamment à leur disposition des postes de travail « propres » pour assurer la continuité de certaines activités. Face au succès de l’opération, nous avons développé une offre spécifique à la demande de l’ARS Île-de-France, à destination de tous les établissements franciliens qui se feraient attaquer : nous disposons aujourd’hui d’un stock tournant de postes de travail immédiatement utilisables, livrables sous 2 heures. Le dispositif a été testé avec succès avant les JO 2024, et n’a heureusement pas encore dû être déclenché par l’ARS.
Pierre Blondé : En ce qui me concerne, j’insisterais particulièrement sur les importants efforts consentis en matière de recrutement, avec une centaine de postes ouverts chaque année dans notre filière, notamment des chefs de projets, des chargés d’infrastructures techniques et, dans une moindre mesure, des data scientists. Nous avons, pour cela, noué des partenariats avec plusieurs écoles, mais aussi restructuré nos processus de recrutement et revu les grilles salariales pour réduire le gap avec le secteur privé. Nous communiquons également beaucoup, par exemple sur la plateforme Welcome to the jungle, sur les atouts du secteur public hospitalier, et plus particulièrement de l’AP-HP, où les projets ont du sens, sont techniquement passionnants et sont majoritairement gérés en interne. Nous sommes en effet conscients que la santé numérique de demain sera construite grâce aux talents nous rejoignant aujourd’hui. C’est un défi collectif de faire venir les talents du numérique dans la santé. En parallèle, il faut former au numérique les professionnels de santé, en formation initiale et continue. L’implantation de la DSN au campus Picpus, qui accueille également une IFSI-IFAS, nous permet en outre de participer à l’acculturation numérique des futurs professionnels de santé, pour pouvoir relever collectivement les défis qui seront les nôtres.
Un mot sur vos travaux autour de l’innovation numérique, particulièrement l’intelligence artificielle ?
Pierre Blondé : L’IA est un enjeu autour duquel il y a de nombreuses attentes. Il nous est donc difficile de passer à côté ! Avec nos collègues des directions métier, nous avons mis en place un processus formalisé, pour mener des expérimentations et accompagner le passage à l’échelle. Ainsi, plusieurs dizaines de solutions IA sont aujourd’hui implémentées dans les PACS (système d’archivage de l’imagerie) locaux, par exemple pour aider à la détection des fractures. Travaillant en lien étroit avec les chercheurs et les cliniciens, nous cherchons aujourd’hui à identifier celles qui sont les plus pertinentes, après évaluation médico-économique, avant de réfléchir à leur urbanisation au sein de l’environnement technique existant. Ces travaux nécessiteront une grande transparence sur les algorithmes utilisés, notamment pour pouvoir expliquer simplement aux patients concernés ce dont il retourne.
Raphaël Beaufret : Nous sommes également acteurs de la conception des outils de demain, grâce à la réutilisation des données secondaires, et aux expertises de l’AP-HP sur le traitement des données de santé. Notre Entrepôt de données de santé (EDS) – le premier créé par un établissement de santé français et le plus grand en Europe – participe pleinement à l’entraînement des algorithmes développés par nos chercheurs et partenaires. En 2023, le projet ACCES AP-HP a d’ailleurs été désigné parmi les lauréats de la première vague de l’appel à projets « Entrepôts de données de santé hospitaliers », obtenant un financement public d’environ 10 millions d’euros pour développer des services sécurisés, industrialisés et ouverts, bénéficiant à la recherche appliquée en santé. Ainsi, récemment, nos chercheurs ont mis au point un algorithme permettant d’automatiser la pseudonymisation des comptes rendus médicaux, qui a depuis été publié en open source pour bénéficier à tous, avec déjà des réutilisations par de multiples entreprises du secteur.
Avez-vous identifié des freins ou des leviers particuliers pour accélérer la dynamique autour des innovations numériques ?
Raphaël Beaufret : Le frein majeur est sans surprise financier. Si la mesure est en cours de fiabilisation avec une méthode nationale, les budgets numériques correspondent environ à 2 % des ressources des établissements. C’est en décalage complet avec ce qui se passe dans certains hôpitaux à l’étranger et dans d’autres secteurs de l’activité, alors même que le périmètre des activités et métiers digitalisés n’arrête pas d’augmenter, sans parler des volumes de données au sein de chaque service. Les subventions issues des programmes publics (CaRE, HOPEN 2, etc.) ne financent qu’une part marginale du numérique. Le coût doit donc être pris en charge par les hôpitaux eux-mêmes, qui doivent faire des choix d’investissement difficiles entre numérique, biomédical et bâtimentaire – ces deux derniers secteurs impliquant désormais quasi-systématiquement une part numérique pour réussir, parfois encore occultée. Les budgets de fonctionnement, dont la part augmente avec les nouveaux modèles financiers imposés par les entreprises du numérique, sont également sous tension.
Le numérique, c’est aussi des femmes et des hommes. Je suis frappé du nombre de personnes qui pensent qu’un service numérique peut se maintenir dans de bonnes conditions de sécurité et d’évolutivité, avec un demi-poste de responsable d’application. S’il y a évidemment des enjeux de performance dans notre activité, dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques, cela appelle à une réflexion nouvelle sur les trajectoires multi-annuelles en termes de ressources, et surtout à une meilleure évaluation, à priori et a posteriori, des gains offerts par les innovations numériques et de leur redistribution pour perpétuer d’autres transformations. Un modèle économique clair sur la réutilisation secondaire des données, associant tarification publique et auprès de certains utilisateurs, pourrait y contribuer. C’est une perspective ouverte dans le règlement relatif à l’Espace européen des données de santé, qu’il faudra confirmer.
Pierre Blondé : Outre ces enjeux financiers, le levier principal est à mon sens d’ordre pédagogique, pour accompagner l’acquisition d’une culture de l’innovation, mais aussi permettre une compréhension plus fine des projets et aboutir à un alignement des visions entre les différentes parties prenantes. L’expression des besoins, leur validation, la recherche du consensus, tout ceci impose d’associer dès le départ les professionnels de santé et les représentants des patients, pour qu’ils soient véritablement acteurs d’une dynamique dont ils seront, in fine, les premiers bénéficiaires. Le numérique est à leur service, et ne doit pas s’auto-entretenir en se créant son propre rôle. Les DSN ont ici un rôle un jouer, mais il nous faut également disposer des ressources humaines nécessaires pour mener ce travail de dialogue et de formalisation à bien – ces fameux « talents » qu’il est impératif d’attirer dans le monde de la santé.
Pour finir, comment imaginez-vous l’hôpital de demain ?
Raphaël Beaufret : Celui-ci devra faire face à une réalité intangible, le vieillissement de la population. La gestion de cette vague impose de développer de nouvelles modalités à l’extérieur des murs de l’hôpital, comme la télésurveillance pour suivre les malades chroniques à domicile et le suivi de files actives. Cela nécessite d’accélérer les travaux autour de l’interopérabilité technique et sémantique afin de faire remonter, notamment dans les DPI hospitaliers, les informations recueillies par ces dispositifs connectés. On n’imagine pas les professionnels devoir utiliser de plus en plus d’outils chaque jour, et recopier à la main les données d’un outil à l’autre. Les éditeurs ont du pain sur la planche, et les pouvoirs publics doivent les pousser davantage dans ce domaine (transparence, condition d’accès au marché, etc.), outre ce que l’on peut exiger dans nos marchés publics au niveau hospitalier. Pour réussir dans le temps, ils doivent se considérer autant comme des convoyeurs que des visualiseurs de la donnée.
> Article paru dans Hospitalia #66, édition de septembre 2024, à lire ici
Pierre Blondé : L’IA est un enjeu autour duquel il y a de nombreuses attentes. Il nous est donc difficile de passer à côté ! Avec nos collègues des directions métier, nous avons mis en place un processus formalisé, pour mener des expérimentations et accompagner le passage à l’échelle. Ainsi, plusieurs dizaines de solutions IA sont aujourd’hui implémentées dans les PACS (système d’archivage de l’imagerie) locaux, par exemple pour aider à la détection des fractures. Travaillant en lien étroit avec les chercheurs et les cliniciens, nous cherchons aujourd’hui à identifier celles qui sont les plus pertinentes, après évaluation médico-économique, avant de réfléchir à leur urbanisation au sein de l’environnement technique existant. Ces travaux nécessiteront une grande transparence sur les algorithmes utilisés, notamment pour pouvoir expliquer simplement aux patients concernés ce dont il retourne.
Raphaël Beaufret : Nous sommes également acteurs de la conception des outils de demain, grâce à la réutilisation des données secondaires, et aux expertises de l’AP-HP sur le traitement des données de santé. Notre Entrepôt de données de santé (EDS) – le premier créé par un établissement de santé français et le plus grand en Europe – participe pleinement à l’entraînement des algorithmes développés par nos chercheurs et partenaires. En 2023, le projet ACCES AP-HP a d’ailleurs été désigné parmi les lauréats de la première vague de l’appel à projets « Entrepôts de données de santé hospitaliers », obtenant un financement public d’environ 10 millions d’euros pour développer des services sécurisés, industrialisés et ouverts, bénéficiant à la recherche appliquée en santé. Ainsi, récemment, nos chercheurs ont mis au point un algorithme permettant d’automatiser la pseudonymisation des comptes rendus médicaux, qui a depuis été publié en open source pour bénéficier à tous, avec déjà des réutilisations par de multiples entreprises du secteur.
Avez-vous identifié des freins ou des leviers particuliers pour accélérer la dynamique autour des innovations numériques ?
Raphaël Beaufret : Le frein majeur est sans surprise financier. Si la mesure est en cours de fiabilisation avec une méthode nationale, les budgets numériques correspondent environ à 2 % des ressources des établissements. C’est en décalage complet avec ce qui se passe dans certains hôpitaux à l’étranger et dans d’autres secteurs de l’activité, alors même que le périmètre des activités et métiers digitalisés n’arrête pas d’augmenter, sans parler des volumes de données au sein de chaque service. Les subventions issues des programmes publics (CaRE, HOPEN 2, etc.) ne financent qu’une part marginale du numérique. Le coût doit donc être pris en charge par les hôpitaux eux-mêmes, qui doivent faire des choix d’investissement difficiles entre numérique, biomédical et bâtimentaire – ces deux derniers secteurs impliquant désormais quasi-systématiquement une part numérique pour réussir, parfois encore occultée. Les budgets de fonctionnement, dont la part augmente avec les nouveaux modèles financiers imposés par les entreprises du numérique, sont également sous tension.
Le numérique, c’est aussi des femmes et des hommes. Je suis frappé du nombre de personnes qui pensent qu’un service numérique peut se maintenir dans de bonnes conditions de sécurité et d’évolutivité, avec un demi-poste de responsable d’application. S’il y a évidemment des enjeux de performance dans notre activité, dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques, cela appelle à une réflexion nouvelle sur les trajectoires multi-annuelles en termes de ressources, et surtout à une meilleure évaluation, à priori et a posteriori, des gains offerts par les innovations numériques et de leur redistribution pour perpétuer d’autres transformations. Un modèle économique clair sur la réutilisation secondaire des données, associant tarification publique et auprès de certains utilisateurs, pourrait y contribuer. C’est une perspective ouverte dans le règlement relatif à l’Espace européen des données de santé, qu’il faudra confirmer.
Pierre Blondé : Outre ces enjeux financiers, le levier principal est à mon sens d’ordre pédagogique, pour accompagner l’acquisition d’une culture de l’innovation, mais aussi permettre une compréhension plus fine des projets et aboutir à un alignement des visions entre les différentes parties prenantes. L’expression des besoins, leur validation, la recherche du consensus, tout ceci impose d’associer dès le départ les professionnels de santé et les représentants des patients, pour qu’ils soient véritablement acteurs d’une dynamique dont ils seront, in fine, les premiers bénéficiaires. Le numérique est à leur service, et ne doit pas s’auto-entretenir en se créant son propre rôle. Les DSN ont ici un rôle un jouer, mais il nous faut également disposer des ressources humaines nécessaires pour mener ce travail de dialogue et de formalisation à bien – ces fameux « talents » qu’il est impératif d’attirer dans le monde de la santé.
Pour finir, comment imaginez-vous l’hôpital de demain ?
Raphaël Beaufret : Celui-ci devra faire face à une réalité intangible, le vieillissement de la population. La gestion de cette vague impose de développer de nouvelles modalités à l’extérieur des murs de l’hôpital, comme la télésurveillance pour suivre les malades chroniques à domicile et le suivi de files actives. Cela nécessite d’accélérer les travaux autour de l’interopérabilité technique et sémantique afin de faire remonter, notamment dans les DPI hospitaliers, les informations recueillies par ces dispositifs connectés. On n’imagine pas les professionnels devoir utiliser de plus en plus d’outils chaque jour, et recopier à la main les données d’un outil à l’autre. Les éditeurs ont du pain sur la planche, et les pouvoirs publics doivent les pousser davantage dans ce domaine (transparence, condition d’accès au marché, etc.), outre ce que l’on peut exiger dans nos marchés publics au niveau hospitalier. Pour réussir dans le temps, ils doivent se considérer autant comme des convoyeurs que des visualiseurs de la donnée.
> Article paru dans Hospitalia #66, édition de septembre 2024, à lire ici