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Le virage numérique s’accélère et s’élargit


Rédigé par Joëlle Hayek le Mardi 21 Mars 2023 à 15:20 | Lu 321 fois


Après plusieurs avancées majeures en 2022, le virage numérique de notre système de santé se poursuit et s’accélère, soutenu par les investissements inédits alloués par les pouvoirs publics. Une nouvelle feuille de route pour la période 2023-2027 est aujourd’hui mise en concertation autour de trois objectifs prioritaires : faciliter l’accès aux soins, développer la prévention et améliorer la qualité des prises en charge. Explications.



Lancée en avril 2019 par la ministre alors chargée de la santé, Agnès Buzyn, la feuille de route « Ma Santé 2022 » a initié une formidable dynamique collective qui a permis à la France de rattraper sensiblement son retard en matière de santé numérique. Après trois années de travail acharné, les cinq premières orientations* de la feuille de route 2019-2022 sont désormais toutes réalisées ou en passe de l’être. Des projets « serpents de mer », pour reprendre le terme utilisé par les pouvoirs publics eux-mêmes, sont devenus réalité, à l’instar de l’Identité Nationale de Santé (INS) ou de la mue très attendue du Dossier Médical Partagé (DMP). De nouveaux services structurants ont également vu le jour, dont le plus emblématique est sans conteste Mon Espace Santé (MES), lancé comme prévu en janvier 2022 – ce qui est déjà suffisamment rare pour être souligné – et qui s’est rapidement imposé comme « l’incarnation de l’État plateforme ». En décembre 2022, 98 % des citoyens disposaient déjà d’un compte MES, et plus de 30 millions de documents y avaient été déposés.

La mobilisation a donc été totale, embarquant tous les acteurs de l’écosystème, établissements sanitaires et médico-sociaux, institutionnels, industriels, patients, pour « construire une e-santé humaniste, éthique et interopérable », selon la vision développée par Dominique Pon et Laura Létourneau. Il faut dire que cette course à vitesse grand V était soutenue par des investissements historiques et inédits, les 2 milliards d’euros alloués dans le cadre du Ségur Numérique pour favoriser un partage fluide et sécurisé des données de santé – eux-mêmes couplés à des leviers volontaristes et innovants, à savoir un système de financements directs aux industriels et de financements à l’usage pour les professionnels de santé –, et les 670 millions d’euros de la stratégie d’accélération Santé Numérique, plus particulièrement destinés à soutenir l’innovation et qui ont, à ce jour, permis de financer plus de 60 projets.

Une suite qui s’écrit déjà

Et l’étape suivante est d’ores et déjà lancée. Si la première vague du Ségur Numérique s’est pour l’essentiel concentrée sur l’alimentation du DMP, l’usage des Messageries Sécurisées de Santé (MSSanté) et le déploiement des référentiels socles que sont l’INS et le portail Pro Santé Connect, la vague 2, désormais en cours de conception, entend faciliter la consultation du DMP par les praticiens et intégrer de manière fluide les informations reçues par MSSanté dans leurs logiciels métiers. Les textes règlementaires qui donneront le coup d’envoi des financements de cette nouvelle vague devraient être publiés autour du 15 juin 2023.

Surtout, la feuille de route 2023-2027 a été mise en concertation en ligne jusqu’au 14 mars 2023 pour « imaginer la suite ensemble, en poursuivant nos efforts de façon pragmatique et itérative [et] mettre le numérique au service de la santé, dans un cadre humain, souverain et durable », comme le souligne l’Agence du Numérique en Santé. Car ce seront là les trois valeurs cardinales dans lesquelles elle s’enracinera. Le numérique en santé entend en effet être « massivement inclusif et solidaire », favoriser des choix technologiques « qui nous laisseront maîtres de notre destin dans la durée », et tenir compte des « immenses défis environnementaux de la planète » à travers la triple évaluation clinique, économique et écologique des dispositifs retenus. En matière d’orientations stratégiques, et maintenant que les fondations essentielles existent, l’objectif est désormais de consolider ces acquis auprès des citoyens et des professionnels de santé, tout en travaillant sur de nouveaux axes afin de véritablement mettre le numérique au service de la santé et des populations.

De nouveaux objectifs prioritaires

Plus concrètement, la future feuille de route ambitionne de développer la prévention et de rendre chacun acteur de sa santé, ce qui nécessite donc « d’avoir la main sur ses données personnelles de santé » et notamment de les récupérer « systématiquement » à la sortie d’un épisode de soin. Elle cherche également à dégager du temps pour tous les professionnels de santé, condition sine qua none pour améliorer la prise en charge des personnes grâce au numérique – « si l’on veut que le numérique améliore la santé des Français, il faut d’abord simplifier la vie des professionnels ! ». Il convient donc de faciliter le passage d’un outil à l’autre, d’accélérer l’accès aux données pertinentes et de renforcer la lisibilité de l’offre de services émergents. Troisième grand axe, un accès amélioré à la santé pour les personnes et les professionnels qui les orientent « afin d’apporter des réponses concrètes aux tensions dans les territoires ». Il s’agira, notamment, d’accélérer le développement de la télésanté, de poursuivre les efforts sur les programmes Services d’Accès aux Soins et SI-SAMU et de déployer l’application e-carte Vitale.

La création d’un cadre propice pour le développement des usages et de l’innovation numérique en santé est également en ligne de mire avec quelques pistes déjà identifiées : une vigilance cyber « décuplée avec des moyens à la hauteur des enjeux », mais aussi la nécessité de co-construire des « règles claires, ciblées secteur par secteur et pragmatiques sur les enjeux d’interopérabilité, de sécurité et d’éthique » et de développer « une stratégie ambitieuse sur la réutilisation des données au service de la recherche, de l’innovation et du pilotage ». La mise en place de ces actions ne sera pas sans impacts sur les finances de notre système de santé. Mais la question des ressources allouées au virage numérique est plus que jamais centrale et impose un changement de paradigme. « Le numérique, avec toutes ses promesses, a un coût, et il n’est pas envisageable d’en avoir les bénéfices sans consacrer les investissements et ressources pérennes nécessaires. À l’hôpital, […] la part consacrée au numérique doit progresser pour atteindre au moins 2 % du budget », insiste avec justesse le projet de feuille de route.
 

La France, nouvelle locomotive européenne

Observée de près par les autres pays européens, la stratégie française en matière d’accélération de la santé numérique est déjà citée en exemple et vient nourrir les initiatives communautaires en la matière. La feuille de route et la doctrine du numérique en santé nationales ont d’ailleurs dès le départ intégré cette dimension, notamment au sein du cadre de référence de la e-santé. Et la France est elle-même partie prenante de plusieurs initiatives portées par l’Union européenne, à l’instar du réseau de confiance européen MaSanté@UE, ou MyHealth@EU, qui entend connecter les États membres via leurs points de contact nationaux pour la e-santé et favoriser ainsi une interopérabilité européenne des données de santé, du programme X-eHealth, qui vise à développer les bases d’un format d’échange transfrontalier de dossier de santé électronique exploitable, interopérable et sécurisé, ou encore de la création de l’espace européen TEHDaS pour développer l’utilisation des données de santé secondaires au profit notamment de la recherche.

Autant d’actions structurantes venant appuyer le projet de règlement pour l’espace européen des données de santé, ou EHDS pour European Health Data Space, présenté en mai 2022 et qui cherche à encadrer l’utilisation des données de santé au sein de l’Union. En juillet, le consortium mené par notre Health Data Hub national a remporté l’appel à candidatures de la Commission européenne sur la construction d’un EHDS préfigurateur, une version test qui portera sur cinq premiers cas d’usage dont la surveillance de la résistance antimicrobienne et l’étude des parcours de soins. L’objectif étant « de démontrer la faisabilité et l’impact potentiel de l’exploitation des données de santé pour la santé publique, la recherche, l’innovation et l’amélioration du système de soins de santé », note le Health Data Hub sur son site. L’optimisme est donc de mise, en France comme en Europe, où la santé numérique se concrétise chaque jour un peu plus.

*Pour rappel, les cinq objectifs de la feuille de route 2019-2022 sont : (1) Renforcer la gouvernance du numérique en santé, (2) Intensifier l’éthique, la sécurité et l’interopérabilité des systèmes d’information en santé, (3) Accélérer le déploiement des services numériques socles, (4) Déployer au niveau national des plateformes numériques en santé, (5) Soutenir l’innovation, évaluer et favoriser l’engagement des acteurs.

Article publié dans l'édition de février 2023 d'Hospitalia à lire ici.
 






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