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Le secteur PNL tire les leçons de la crise sanitaire


Rédigé par Joëlle Hayek le Mercredi 16 Décembre 2020 à 09:41 | Lu 767 fois


Après l’épisode épidémique aigu du printemps dernier, et alors que le SARS-CoV-2 semble de nouveau en embuscade, Antoine Perrin, Directeur Général de la Fédération des Établissements Hospitaliers d’Aide à la Personne (FEHAP), revient sur la gestion de la crise sanitaire et ses premiers enseignements. Rencontre.



Antoine Perrin, directeur général de la FEHAP. ©DR
Antoine Perrin, directeur général de la FEHAP. ©DR
Comment le secteur ESPIC a-t-il fait face à la crise du Covid-19 ? 
Antoine Perrin : Je commencerai par évoquer le rôle de la FEHAP, qui s’est fortement mobilisée durant cet épisode exceptionnel pour maintenir un lien permanent avec les autorités nationales et régionales. Bien que nos équipes étaient en télétravail, le comité de direction se réunissait tous les matins en visioconférence, de même que les différentes directions fonctionnelles. Les commissions thématiques – MCO, SSR, grand âge…) ont elle aussi continué de fonctionner. Une attention particulière a été portée aux actions de communication et d’appui, aussi bien à destination de nos salariés que de nos adhérents : un fil d’infos faisait le point sur l’actualité trois fois par semaine, tandis qu’une boîte aux lettres permettait de recueillir et de répondre aux interrogations, inquiétudes et attentes. Mais, pour ce qui était de la gestion de l’épidémie en tant que telle notre position était on ne peut plus claire : en période de crise, il n’y a qu’un seul capitaine, un seul donneur d’ordre, l’État.

Les adhérents de la FEHAP se sont quant à eux engagés de manière franche et massive.
Et nous les en saluons ! Nous n’avons pour notre part pas hésité à interpeler les autorités lorsque la situation l’exigeait. Par exemple, au tout début de l’épidémie dans le Grand Est, et alors que les hôpitaux publics commençaient à être débordés, nous avons signalé à l’Agence Régionale de Santé (ARS) que les lits dans les établissements ESPIC étaient vides. La situation a vite été corrigée, et a servi de leçon pour les autres régions. Les ARS ont d’ailleurs globalement bien joué leur rôle, permettant aux dynamiques régionales de se mettre en œuvre dans une grande lisibilité et avec responsabilité. Ainsi, en Île-de-France, lorsqu’il a fallu doubler les lits de réanimation en trois jours, les procédures habituelles en termes d’autorisations, d’appels à projets ou de visites de conformité ont été suspendues ; les acteurs sanitaires, tous secteurs confondus, ont donc pu relever le défi. Il faut tirer des enseignements de cette souplesse.

Justement, quelles leçons tirer de cet épisode sanitaire, en particulier sur le plan de l’organisation des soins ?
La crise a souligné deux points majeurs. D’abord, les acteurs sanitaires ne s’arrêtent pas aux établissements MCO. Les EHPAD, le SSR, le HAD, ont été les grands oubliés du début de l’épidémie, ainsi que l’a montré la politique de distribution des masques – ce qui a certainement contribué à la dispersion du virus. Ensuite et surtout, bien que l’hôpital public soit le fer de lance de notre système de santé, il ne peut assurément pas tout gérer seul.La pandémie a bien montré que nous avons tous besoin les uns des autres, et qu’il est donc temps de mettre un terme à de vaines guerres de clocher décorrélées de la réalité. Le secteur public et le privé non lucratif (PNL) doivent à l’avenir mieux se coordonner au sein des territoires. Après tout, ils ont tous deux une mission de service public. Ce dernier point a d’ailleurs été souligné par le Conseil d’État, qui a demandé l’élargissement de la reprise de la dette hospitalière au secteur ESPIC. De la même manière, les salariés des établissements PNL – à l’exception notable des médecins – ont obtenu une revalorisation salariale équivalente à celle de leurs homologues du public. Pour confirmer cette tendance, nous demanderons donc, dans le prochain PLFSS, à réintégrer l’échelle tarifaire publique dont nous avions été décrochés il y a deux ans. 

Vous en appelez à une plus grande souplesse administrative. Que préconisez-vous ici ?
Il esten effet nécessaire de laisser plus de marge de manœuvre aux établissements de santé, pour qu’ils puissent relever les enjeux qui sont les leurs en fonction des contextes locaux.Pourquoi ne pas inverser le paradigme, en remplaçant les contrôles a prioripar une relation contractuelle établie sur le principe de la confiance et évaluée par des contrôles a posteriori ? Plutôt que des négociations en amont sur ce qu’un établissement a le droit de faire, donnons-lui une responsabilité sur une thématique et une population donnée au sein d’un territoire, puis jugeons-le sur des résultats qualitatifs et quantitatifs. De la même manière, redonnons de la latitude à la gouvernance hospitalière : le principe d’une organisation normalisée, égalitariste, qui s’appliquerait à tous, a semble-t-il atteint ses limites. Pourquoi ne pas s’inspirer ici du secteur PNL ? Aucun décret n’encadre par exemple la mise en œuvre d’une Commission Médicale d’Établissement. Mais les directions connaissent bien l’importance du dialogue avec la communauté médicale et savent qu’elles doivent impérativement l’organiser. Chaque établissement peut néanmoins en choisir la forme et les modalités. D’ailleurs, il est toujours possible de vérifier a posteriori si la communauté médicale a bien été écoutée et si elle se retrouve dans le projet d’établissement.

Ces pistes – simplification administrative, gouvernance – ont été évoquées lors du Ségur de la Santé. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur ces consultations ?
Nous sommes globalement satisfaits du Ségur mais ce beau projet, tout comme d’ailleurs « Ma Santé 2022 », fait une fois de plus l’impasse sur la prévention et le rôle essentiel qu’y jouent les acteurs du domicile. Le suivi sanitaire et social effectué par les SSIAD permet d’éviter bien des hospitalisations d’urgence. Ces acteurs ne sont ni considérés, ni rémunérés à hauteur de leur contribution, même s’ils ont fini par obtenir la « prime Covid ». D’où un certain paradoxe : alors qu’ils ont été plébiscités par le grand public durant la crise sanitaire, ces métiers n’ont jamais rencontré autant de désintérêt de la part des jeunes générations. Ces difficultés se retrouvent également dans le secteur du handicap et du grand âge. Sur ce dernier point, des évolutions sont attendues dans le cadre de la future loi Grand Âge et Autonomie.

Le mot de la fin ?
L’actualité de ces prochains mois sera particulièrement chargée pour la FEHAP. Outre la situation sanitaire, dont nous suivons l’évolution de près, nous sommes également très attentifs aux prochaines échéances du calendrier législatif : Projet de Loi des Finances et PLFSS, Loi Grand Âge et Autonomie, Loi « 3D » (décentralisation, différenciation, déconcentration)… Cette dernière est source d’inquiétudes pour nos adhérents : les départements demandent en effet un élargissement de leurs missions sur le secteur médico-social, alors qu’ils disposent de moyens très inégaux. L’actuel dialogue tripartite entre l’ARS, le département et la structure médico-sociale est certes peu lisible et gagnerait à évoluer. Mais pourquoi ne pas plutôt s’inspirer du modèle fédéral allemand, en maintenant la planification à l’échelon régional, charge ensuite aux collectivités territoriales d’appliquer ces décisions en proximité ? Sur un autre registre, la FEHAP prépare son 45ème congrès, qui se tiendra les 25 et 26 novembre prochains. Cette nouvelle édition, qui s’articulera autour du thème de la prévention, fera entre autres le point sur les enseignements de la crise sanitaire.



Article publié sur le numéro de septembre d'Hospitalia à consulter ici
 






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