Connectez-vous S'inscrire

Le magazine de l'innovation hospitalière
Actu

L'Académie Nationale de Chirurgie se penche sur les nouveaux enjeux des formations techniques des opérateurs


Rédigé par Rédaction le Mercredi 21 Juin 2023 à 09:38 | Lu 1466 fois


Les bouleversements technologiques débutés à la fin du siècle dernier sont à l’origine de la complexité de la situation actuelle et font peser le double risque d'insuffisance et de blocages. Insuffisance des contenus des formations (hétérogénéité), de la place de la technologie dans la formation (abandon aux fabricants) et de la sélection des experts formateurs (auto-désignation). Blocages financiers nécessitant le regroupement des moyens techniques et humains (risque d’archipellisation), organisationnels conduisant à proposer des stages renouvelables de plusieurs jours (difficultés d’emploi du temps) et de labellisation universitaire (évolution technologique trop rapide). Réflexions et propositions de l'Académie Nationale de Chirurgie, qui a fait le point avec des experts sur les nouveaux enjeux des formations techniques des opérateurs.



Quelle formation pratique pour quels opérateurs avec comme corollaire les questions de la sélection des opérateurs et du suivi de leur apprentissage

Tout d’abord pourquoi l’Académie s’intéresse-t-elle tant à la formation pratique des opérateurs? La raison d’être de l’Académie est la transmission de l’excellence de la chirurgie française et la formation pratique en fait largement partie. Nous n’avons pas retrouvé d’étude importante sur cette question depuis celle coordonnée par Jean Gosset en 1973 qui releva des lacunes sans y apporter de solution bien concrète.

Ensuite la place éminente que doit conserver l’anatomie dans la formation pratique des opérateurs mérite un clin d’œil historique. L’installation de l’Académie en 1993 aux Cordeliers dans ce théâtre d’anatomie Jean Cruveilhier où nous sommes aujourd’hui et le projet de déménagement de l’Académie au théâtre d’anatomie St Côme où elle fut fondée au XVIII° siècle, illustrent bien le fait que le contact avec la réalité du corps humain par les dissections et les démonstrations opératoires fut, pour l’essentiel, à l’origine de la démarche scientifique chirurgicale.

Enfin la question actuelle de la formation pratique des opérateurs est soulevée par le bouleversement des procédures opératoires depuis une trentaine d’années en raison du développement des technologies et des progrès des différentes formes de l’intelligence artificielle. Une course à l’innovation a favorisé l’apparition de procédures dites “interventionnelles” réalisées par des praticiens non chirurgiens entrainant une hyperspécialisation de fait. Cette diversification des procédures opératoires, que les opérateurs soient issus des filières chirurgicales dites “traditionnelles” ou qu’ils soient issus des filières médicales dites “interventionnelles”, implique de reconsidérer leurs différentes formations en les harmonisant et en les adaptant aux renouvellements technologiques continuels pour répondre aux besoins des patients et à la nécessaire modernisation du système de santé.

Standardiser les procédures de formation des opérateurs dans les écoles de chirurgie a pour objet de les harmoniser à l’échelle de la France. Il convient alors de distinguer les procédures élémentaires héritées du passé et les procédures complexes impliquant la maitrise des technologies coûteuses récentes. La formation aux procédures élémentaires est accessible aux écoles de chirurgie traditionnelles de chaque CHU. Par contre la maitrise des technologies coûteuses récentes ne parait accessible, pour des raisons économiques et organisationnelles évidentes, qu’à quelques écoles de chirurgie inter-régionales, voire nationales, fonctionnant à plein temps avec des formateurs experts extérieurs, en offrant des stages validant. La simulation apporte des perspectives très innovantes aussi bien dans les acquisitions technologiques des procédures modernes que dans les acquisitions des procédures traditionnelles. Mais la réalité du compagnonnage reste fondamentale par la relation concrète qu’il suppose avec les enseignants et l’équipe soignante, à l’image du colloque singulier avec les patients. La formation pratique des opérateurs doit ainsi conserver l’humanité du métier de chirurgien.

Harmoniser les procédures de formation pratique des opérateurs implique également d’harmoniser leurs labellisations qui sont indispensables. Harmoniser les labellisations soulève la question du mode de sélection des formateurs : experts universitaires, experts hospitaliers publics et privés, techniciens mandatés par les fabricants. L’évaluation des résultats obtenus par ces formations pratiques, qu’elles soient initiales au cours des études médicales ou qu’elles soient secondaires au cours de la vie professionnelle nécessite notamment un catalogue opératoire individuel de la formation et de son suivi, véritable livret imprimé ou électronique, le fameux “log book” fondé sur les registres de chaque spécialité. Cette évaluation pourrait également faciliter la sélection des futurs opérateurs avant toute labellisation. Elle relève des universitaires ayant la responsabilité des maquettes et seuls à même de délivrer la labellisation opératoire, qu’elle soit chirurgicale “traditionnelle” ou qu’elle soit “interventionnelle”, labellisation donnant alors accès à la certification ordinale et à la validation assurantielle.

L’importance vitale de la qualité de la formation pratique des opérateurs pour le maintien de l’excellence de la chirurgie française n’est plus à démontrer. Qu’il soit issu des filières médicales dites “interventionnelles” ou qu’il soit issu des filières chirurgicales dites “traditionnelles”, l’opérateur est incontournable par son engagement. Il est celui qui décide, celui qui fait, celui qui est reconnu en cas de succès et celui qui est mis en cause en cas d’échec.

De la théorie à la réalisation pratique au cours de la formation initiale

Par le Pr Olivier Farges, Chirurgie Viscérale et Digestive, Hôpital Beaujon

Cette séance consacrée à la formation pratique des opérateurs, ne peut éluder la question de ce qui est attendu d’un « opérateur ». La réponse des enseignants et de leurs tutelles est assez consensuelle et dépasse le simple cadre de la formation technique. Cet intérêt pour la formation initiale des opérateurs s’inscrit dans un contexte singulier, motivé par une conjonction d’évènements (réformes, contraintes, innovations, évolutions sociétales, ...) qui sont d’avantage externes plutôt qu’internes à la discipline chirurgicale. Le cursus universitaire de la formation des « opérateurs », est validée au travers d’un « Diplôme d’Etudes » et cette dénomination, plutôt que « Certificat de Compétences », est en soi ambigüe en ce qu’elle souligne d’avantage l’aspect théorique de la formation plutôt que la préparation à l’exercice d’un métier. Par ailleurs : les études médicales actuelles formatent les étudiant.e.s à la pratique de spécialités médicales, mais ne les préparent pas à l’exercice de spécialités chirurgicales et les études chirurgicales ne tracent toujours pas les compétences qui devraient être acquises, techniques et autres.

Réflexions sur la formation pratique et la sélection des futurs opérateurs

Par Jean-Pierre Henry, Président de STAN Institute, experte en formation au travail en équipe dans les milieux à risques (aviation, chirurgie, ferroviaire, etc.), Nancy

Nous proposons trois étapes, sous forme de rétroplanning, dans l’optimisation des processus de sélection et de formation des futurs opérateurs. Nous suggérons premièrement de définir le périmètre des compétences requises pour la pratique sécurisée de la discipline. On distinguera pour cela les compétences techniques (réalisation des gestes) des compétences non techniques (prise de décision, communication, etc.). Dans un second temps, nous suggérons d’élaborer un cursus de formation permettant le développement de ces habiletés. La simulation est un outil utile dans l’optimisation des processus d’acquisition de savoir-faire. Qui dit formation dit évaluation, à définir avec des critères tant de sécurité que de performance. L’ultime étape est celle de la mise en place de critères de sélection. Une approche peut pour cela être celle d’une évaluation de la capacité du candidat à développer dans un temps approprié les compétences requises (courbe d’apprentissage raisonnable).

Cachirmex un exemple de formation pratique et de sélection des opérateurs civils et militaires en situation de catastrophe

Par le Dr Paul Balandraud, Chirurgie Viscérale et Digestive, Hôpital d'Instruction des Armées (HIA), Toulon

Le soutien chirurgical des forces armées en opérations est assuré par des antennes chirurgicales, constituées de matériels robustes et mobiles, et d’équipes médicochirurgicales normées. Les personnels sont sélectionnés et formés afin qu’elles puissent prendre en charge des blessés dans des conditions de guerre et de catastrophe. Cette formation spécifique est organisée par l’Ecole du Val de Grâce. Elle fait appel au cours avancé de chirurgie des missions extérieures (CACHIRMEX). Ce cours est constitué de plusieurs modules de formation pratique, durant chacun trois jours, et ayant chacun un focus particulier (blessures des membres, blessures du tronc, de l’extrémité cervicocéphalique, situations multivictimes...). Les ateliers pratiques durent chacun une journée et sont tous supervisés par des professeurs agrégés de la chaire de chirurgie appliqué aux armées. Ils utilisent des sujets anatomiques préparés ou perfusés, ou, pour les situations multivictimes, des jeux de rôle. Tous les chirurgiens militaires, d’active ou de réserve, doivent avoir validé l’ensemble des modules avant de pouvoir être déployés sur un théâtre d’opérations. Les chirurgiens seniors sont invités à valider un module tous les ans au titre du développement professionnel continu.

Après la formation ? Le maintien des compétences !

Par le Dr Philippe CABARROT, Anesthésiste Réanimateur, Toulouse

Face à l’inquiétante variabilité des pratiques et au nombre considérable d’erreurs médicales recensées, les patients et associations ainsi que les pouvoirs politiques expriment la demande explicite et légitime d’une exigence qualité/sécurité pour les soins dispensés et d’une garantie de maintien des compétences pour les professionnels. C’est l’objectif de la certification périodique - instituée réglementairement ou en voie de l’être dans la plupart des pays développés, et qui est maintenant obligatoire en France depuis le 1er janvier 2023. Cet exposé présente les principaux modèles existants ainsi que leurs limites. Nous décrivons surtout le modèle français maintenant à l’œuvre et insistons sur les facteurs de succès de ce dispositif En effet, il s’agit davantage d’un changement de culture et de valeurs professionnelles que d’une simple modification légale. Les professionnels sont prêts à s’engager, sous réserve qu’il s’agisse de programmes de terrain, conçus par des pairs, adaptés aux spécificités et problématiques de leur discipline et qui apportent des améliorations concrètes. Il reste donc aux représentations professionnelles à construire de tels programmes (ou référentiels) qui concourront au maintien des compétences et à l’amélioration des pratiques. L’accréditation des médecins et équipes médicales pourrait faire partie de ces programmes.






Nouveau commentaire :
Facebook Twitter