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Covid-19 : paroles d’hygiénistes hospitaliers


Rédigé par Rédaction le Mardi 28 Juillet 2020 à 13:51 | Lu 2358 fois


Pour le Docteur Thierry Lavigne, responsable médical de l’Équipe Opérationnelle d’Hygiène Hospitalière des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, « cette crise a montré l’importance de la prise en compte du risque infectieux ». Rencontre.



Thierry Lavigne, responsable médical de l'équipe opérationnelle d'hygiène des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg. ©DR
Thierry Lavigne, responsable médical de l'équipe opérationnelle d'hygiène des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg. ©DR
Le CHRU de Strasbourg a rapidement été au centre de la zone épidémique. Avez-vous néanmoins pu vous préparer ? 
Thierry Lavigne : Participant au réseau régional Risque Épidémique et Biologique (REB), notre service avait relancé le maintien des compétences en matière de prise en charge de patients de type REB au travers de formations habillage et déshabillage. Une réunion de notre comité de pilotage avait été organisée en début d’année. Nous avions entendu parler du Covid-19 et lu la première fiche alerte du COREB. Nous n’avions certes pas prévu une telle brutalité dans la vague épidémique, mais le travail effectué en amont a largement permis de mettre en place les mesures adéquates au sein de l’établissement. Nous avons rapidement transformé un groupe de travail réuni pour préparer une extension forte de l’épidémie, en cellule de crise afin de réorganiser l’hôpital, mais aussi informer et former les équipes. Les quinze premiers jours ont été particulièrement stressants. Plusieurs services et cadres de santé étaient en difficulté. Il n’était pas rare qu’ils contactent les équipes d’hygiène à toute heure du jour ou de la nuit pour avoir des conseils, ou pour nous demander de débloquer des stocks d’Équipements de Protection Individuels (EPI).

Ces équipements ont été en tension partout en France. Comment avez-vous géré la pénurie ? 
Il a fallu constamment s’adapter et surtout expliquer que la réduction de certaines allocations d’équipements était liée à l’évolution de nos connaissances sur le virus et non à la pénurie. Pour le reste, quand les EPI étaient nécessaires et que nous allions en manquer, nous avons dû chercher des alternatives. Par exemple, pour les sur-blouses, nous avons testé des équipements en plastique prédécoupé, mais avons aussi investi dans des sur-blouses en tissu. Nous avons également fait laver en blanchisserie des équipements à usage unique pour pouvoir les réutiliser... À chaque fois, il a fallu expliquer la démarche aux équipes et faire preuve de transparence. 

Allez-vous continuer à utiliser les équipements textiles acquis au plus fort de la crise ? 
Le CHU a acheté 37 000 blouses en tissu. Nous allons donc certainement les réutiliser, mais dans certains cas et sous certaines conditions. Chaque type de produit bénéficie d’avantages comme d’inconvénients. Le travail des équipes d’hygiène sera donc d’organiser l’usage et la distribution de ces équipements, suivant les contextes et les besoins de chacun. 

Justement, comment appréhendez-vous le « retour à la normale » ? 
C’est en fin de compte le deuxième volet de la gestion de crise. Après la vague, il faut réorganiser l’hôpital, reprendre les activités, en y incluant le risque d’un retour du virus. Notre service est très sollicité dans cette étape primordiale, qui concerne autant la réorganisation du circuit des patients que celle des flux au sein des services. En tout état de cause, cette crise a montré l’importance de la prise en compte du risque infectieux, à l’hôpital comme dans la société. Beaucoup ont aussi redécouvert la nécessité d’avoir le temps de décontaminer et de nettoyer. Même si le message ne restera pas indéfiniment gravé dans les esprits, j’espère qu’il sera présent pendant de nombreuses années. 



 

Olivia Keita-Perse, cheffe du service épidémiologie et hygiène hospitalière du Centre Hospitalier Princesse Grace de Monaco. ©DR
Olivia Keita-Perse, cheffe du service épidémiologie et hygiène hospitalière du Centre Hospitalier Princesse Grace de Monaco. ©DR

À Monaco, pas de vague mais un stress latent

Peu touchée par rapport à d’autres régions, la côte d’Azur a néanmoins connu quelques cas sur son territoire. « Étant proches de la frontière italienne, nous avons eu peur d’une contamination massive dès la fin du mois de février », se rappelle le Dr Olivia Keita-Perse, chef du service épidémiologie et hygiène hospitalière au Centre Hospitalier Princesse Grace de Monaco. Mobilisées comme partout en Europe, ses équipes ont participé activement à la restructuration de l’établissement, et ont même été consultées par le gouvernement de la principauté pour mettre en place les protocoles liés au confinement. « Nous avons été particulièrement écoutés ces dernières semaines », confie le médecin qui espère que cette situation va perdurer. « Alors que d’habitude nous passons beaucoup de temps à modifier les pratiques, nous avons été ces derniers mois dans l’action opérationnelle, apportant notre appui aux différents services », continue-t-elle. Réorganisation de l’hôpital, approvisionnement en Équipements Individuels de Protection (EPI), formation des personnels, … les missions des hygiénistes ont en effet revêtu un aspect central dans la gestion de la crise. À Monaco, comme dans d’autres établissements, un suivi des soignants a même été mis en place. « Le personnel était particulièrement stressé, ajoute Olivia Keita-Perse. Nous attendions tous une vague qui n’arrivait pas ». Pour se préparer, les équipes pouvaient s’appuyer sur les retours de leurs homologues exerçant dans les régions les plus touchées. « Nous avons pu travailler main dans la main », se félicite l’ancienne présidente du conseil scientifique de la SF2H qui espère pouvoir aujourd’hui poursuivre sur cette voie : « Que ce soit auprès des services de l’hôpital ou au sein des instances publiques, la collaboration a primé. Les hygiénistes, comme d’autres, vont aujourd’hui pouvoir capitaliser sur cette transversalité pour se faire entendre ».



 

Ludwig-Serge Aho-Glélé, responsable du service d'épidémiologie et d'hygiène hospitalière du CHU Dijon-Bourgogne. ©DR
Ludwig-Serge Aho-Glélé, responsable du service d'épidémiologie et d'hygiène hospitalière du CHU Dijon-Bourgogne. ©DR

Au CHU Dijon-Bourgogne, « notre rôle est aussi de rationaliser l’usage des mesures barrières »

Moins touchée que les régions les plus à l’Est du pays, la Côte-d’Or n’en a pas moins subi la crise sanitaire. Au CHU Dijon-Bourgogne, les équipes ont néanmoins bénéficié d’un temps plus long pour se préparer à la crise et son afflux de patients. « Nous nous préparions depuis le mois de février », raconte le Dr Ludwig-Serge Aho-Glélé,responsable du Service d'épidémiologie et d'hygiène hospitalières de l’établissement. Au cœur du dispositif de prévention, les hygiénistes du CHU ont multiplié les conseils et les recommandations auprès des équipes soignantes. « Dans l’urgence des premiers jours, les recommandations nationales et internationales n’étaient pas graduées,se rappelle le praticien. L’un de nos premiers travaux a donc été de trier les informations et d’expliquer aux équipes ce qui était primordial et ce qui ne l’était pas. Nous avons, par exemple, rapidement abandonné le port de la charlotte pour nous concentrer davantage sur les solutions hydro-alcooliques et les masques ». Ces deux produits essentiels dans la lutte contre le Covid-19 étaient pourtant en tension dans de nombreux établissements. « Les pénuries ont coïncidé avec les modifications des recommandations liées à l’évolution des connaissances sur le virus,poursuit le médecin hygiéniste. Cette période a été particulièrement compliquée, nous avons dû faire face à la défiance de certains. Mais notre rôle est aussi de rationaliser les mesures barrières afin que les équipes restent en sécurité, sans pour autant se surprotéger ». Face à cela, les hygiénistes ont dû faire preuve d’une grande pédagogie mais, comme le rappelle le praticien : « Prioriser et expliquer sont déjà les principales missions de notre spécialité »


 

Article publié sur le numéro de juin d'Hospitalia à consulter ici : https://www.hospitalia.fr/Hospitalia-49-Special-Covid-19-MERCI-_a2230.html







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