La Journée annuelle de l’eau le 22 mars a permis de rappeler que plus deux milliards de personnes n’ont pas accès à l’eau potable [1]. Cette crise de l’eau n’épargne pas les pays développés [2], exposés au risque de sécheresse ou aux conséquences sociales de la gestion de l’eau [3]. Les missions de soins et de prévention qui incombent aux établissements de santé en font des témoins directs de ces évolutions importantes qui se cumulent avec d’autres enjeux environnementaux : pollution atmosphérique, risque épidémique (zoonose), qualité de l’alimentation humaine ou animale (antibiorésistance…). [4]
Les atteintes à l’environnement impliquent des conséquences immédiates pour les hôpitaux, notamment sur les modalités de prise en charge (via les conditions d’hébergement et de restauration des patients), les différentes séquences de soins (via la prise en compte de l’environnement du patient dans la phase de diagnostic) et les conditions de travail des professionnels (sobriété énergétique, fortes chaleurs, plan de déplacement, production alimentaire...).
Le grand paradoxe des établissements de santé (et médico-sociaux) est qu’ils sont à la fois les premiers impactés par les bouleversements environnementaux et leurs conséquences sur la santé des populations et eux-mêmes une source avérée d’externalités négatives sur l’environnement (gaz à effet de serre [5], consommation d’eau et d’énergie, sources radioactives, déchets d’activités de soins à risques infectieux - Dasri). Réduire ces émissions ou activités suppose une forte mobilisation de l’ensemble des professionnels, des patients et des autorités locales et nationales. Cet alignement des priorités entre les échelons collectifs et individuels, nationaux et locaux n’est nullement intuitif. Le pilotage de la transition écologique des établissements de santé pourrait être facilité par la mise en œuvre d’une politique nationale claire et structurée (comme il en existe par exemple en Angleterre avec le Delivering a net zero NHS), à condition qu’elle soit incitative et ouverte, sans produire de nouveaux flots de normes ou de recommandations élaborées à distance des réalités locales. En parallèle, il sera toujours pleinement pertinent de poursuivre l’incitation aux initiatives portées par les acteurs locaux dont l’engagement permet d’inventer au quotidien de nouvelles approches/stratégies, bottom-up, indispensables pour faire évoluer les problématiques en local. Les initiatives locales ont en outre l’intérêt de favo- riser l’initiative individuelle ou collective, de permettre l’apparition d’idées originales pouvant être ensuite diffusées et de privilégier les approches pragmatiques adaptées aux différents contextes et aux variables dans lesquels les hôpitaux agissent.
Les atteintes à l’environnement impliquent des conséquences immédiates pour les hôpitaux, notamment sur les modalités de prise en charge (via les conditions d’hébergement et de restauration des patients), les différentes séquences de soins (via la prise en compte de l’environnement du patient dans la phase de diagnostic) et les conditions de travail des professionnels (sobriété énergétique, fortes chaleurs, plan de déplacement, production alimentaire...).
Le grand paradoxe des établissements de santé (et médico-sociaux) est qu’ils sont à la fois les premiers impactés par les bouleversements environnementaux et leurs conséquences sur la santé des populations et eux-mêmes une source avérée d’externalités négatives sur l’environnement (gaz à effet de serre [5], consommation d’eau et d’énergie, sources radioactives, déchets d’activités de soins à risques infectieux - Dasri). Réduire ces émissions ou activités suppose une forte mobilisation de l’ensemble des professionnels, des patients et des autorités locales et nationales. Cet alignement des priorités entre les échelons collectifs et individuels, nationaux et locaux n’est nullement intuitif. Le pilotage de la transition écologique des établissements de santé pourrait être facilité par la mise en œuvre d’une politique nationale claire et structurée (comme il en existe par exemple en Angleterre avec le Delivering a net zero NHS), à condition qu’elle soit incitative et ouverte, sans produire de nouveaux flots de normes ou de recommandations élaborées à distance des réalités locales. En parallèle, il sera toujours pleinement pertinent de poursuivre l’incitation aux initiatives portées par les acteurs locaux dont l’engagement permet d’inventer au quotidien de nouvelles approches/stratégies, bottom-up, indispensables pour faire évoluer les problématiques en local. Les initiatives locales ont en outre l’intérêt de favo- riser l’initiative individuelle ou collective, de permettre l’apparition d’idées originales pouvant être ensuite diffusées et de privilégier les approches pragmatiques adaptées aux différents contextes et aux variables dans lesquels les hôpitaux agissent.
Toute l’activité sanitaire est concernée et mérite une vision systémique
Ces variables environnementales qui viennent orienter et conditionner les activités hospitalières sont pour partie anciennes, mais en évolution rapide (et en regard d’attentes sociétales de plus en plus sensibles). Les professionnels de santé eux-mêmes affichent une motivation croissante pour la question de l’environnement. Il en découle une série de questions sur les moyens dont disposent les établissements pour répondre aux enjeux environnementaux et leurs conséquences sanitaires et sociales.
La question des moyens mobilisés par les établissements en faveur de leur transition écologique demeure difficile à définir (hétérogénéité des normes, des acteurs, des incitations, des modalités de décompte) et le risque de déperdition des énergies et des moyens dans ce domaine est élevé. Afin d’accompagner cette transition, le Gouvernement a mobilisé sur la période 2021-2024, 10 millions d’euros pour assurer chaque année le fonctionnement d’un réseau de 150 conseillers en transition écologique et d’une quinzaine de coordinateurs régionaux. Cette mise en mouvement est une première étape importante mais elle ne suffira pas à créer des liens durables entre les partenaires (services extérieurs de l’État, collectivités territoriales, acteurs libéraux, associations, hôpitaux), à modifier certains dispositifs juridiques favorables au recyclage [6] ou à rattraper le retard en matière d’investissement durable (compatible avec des cibles de consommation d’énergie atteignables). Une mobilisation effective des effecteurs de santé est indispensable. Certains établissements s’y sont engagés depuis longtemps, de manière spontanée, dans une approche qui se coordonne progressivement à l’initiative de quelques-uns, alors que toute l’activité sanitaire est concernée et mérite une vision systémique.
La question des moyens mobilisés par les établissements en faveur de leur transition écologique demeure difficile à définir (hétérogénéité des normes, des acteurs, des incitations, des modalités de décompte) et le risque de déperdition des énergies et des moyens dans ce domaine est élevé. Afin d’accompagner cette transition, le Gouvernement a mobilisé sur la période 2021-2024, 10 millions d’euros pour assurer chaque année le fonctionnement d’un réseau de 150 conseillers en transition écologique et d’une quinzaine de coordinateurs régionaux. Cette mise en mouvement est une première étape importante mais elle ne suffira pas à créer des liens durables entre les partenaires (services extérieurs de l’État, collectivités territoriales, acteurs libéraux, associations, hôpitaux), à modifier certains dispositifs juridiques favorables au recyclage [6] ou à rattraper le retard en matière d’investissement durable (compatible avec des cibles de consommation d’énergie atteignables). Une mobilisation effective des effecteurs de santé est indispensable. Certains établissements s’y sont engagés depuis longtemps, de manière spontanée, dans une approche qui se coordonne progressivement à l’initiative de quelques-uns, alors que toute l’activité sanitaire est concernée et mérite une vision systémique.
C’est dans cet esprit que les CHU ont pris l’initiative d’engager une démarche nationale, proposée initialement par la CNDG et le club des DGA de CHU, et reprise désormais par les trois Conférences nationales sous la forme d’une task force Transition écologique. Ainsi, les 32 CHRU tendent à construire un pacte d’engagement permettant d’avancer de manière homogène [7], avec en perspective la possibilité de partager les objectifs, les indicateurs et les réalisations, à l’échelle au moins des GHT dont ils sont les établissements supports.
La course contre la montre pour rendre les organisations hospitalières durables plaide pour :
La transition écologique constitue un chantier particulièrement stratégique au sein des établissements et de leurs territoires de responsabilité car :
Vis-à-vis des patients et des territoires, la dynamique de la transformation écologique doit tendre à :
Donner la possibilité aux établissements de santé d’engager des mesures concrètes en faveur d’un développement raisonné et durable passe donc, entre autres, par le dimensionnement des ressources dont ils peuvent disposer. Mais ce n’est pas le seul levier pour lequel l’action des pouvoirs publics peut être déterminante.
Deux axes majeurs contribueront à la faisabilité des transformations :
La course contre la montre pour rendre les organisations hospitalières durables plaide pour :
- créer une culture commune qui intègre l’immédiateté des évolutions environnementales et surtout qui engage les communautés hospitalières sur des actions innovantes, transformantes et permettant l’atteinte du juste besoin [8]
- atteindre une unité de mobilisation méthodologique hospitalière, organisée dans les CHU entre le soin, la recherche et l’enseignement. Les conseillers en transition écologique sont un des leviers de cette transformation. L’accès des établissements publics de santé aux crédits du plan de relance, dans sa valence énergétique, en est un autre
- diffuser dans les territoires (notamment au sein des GHT) les modes opératoires les plus lisibles, efficaces et signifiants pour les équipes constitue une étape importante pour investir dans des choix.
La transition écologique constitue un chantier particulièrement stratégique au sein des établissements et de leurs territoires de responsabilité car :
- elle doit permettre de fédérer les équipes, souvent en demande pour ce type de projet. Cette thématique dépasse les enjeux catégoriels et constitue un espace de réflexion très transversal [9]
- elle constitue un levier d’attractivité très clair sur un marché de l’emploi en tension
- elle implique une instruction commune et pluri-professionnelle des expertises hospitalières (techniques, médicales, juridiques...), assurant dès lors un niveau théorique de robustesse et d’efficacité des propositions mises en œuvre
- elle témoigne de l’engagement des établissements dans la protection des personnels de santé, eux-mêmes directement concernés par l’écoconception des soins.
Vis-à-vis des patients et des territoires, la dynamique de la transformation écologique doit tendre à :
- une transformation effective de nos établissements en limitant les atteintes à l’environnement et favorisant la capacité de détection des atteintes à la santé d’origine environnementale
- une transformation signifiante pour les élus et les patients, et donc adossée à un discours de preuve à même de justifier les efforts mis en œuvre
- passer d’une logique curative à une logique préventive permettant de limiter la production de soins « lourds », souvent fortement consommateurs de ressources, en anticipant la demande de soins [10]
- faire exemple et faire école, pour contribuer à la mobilisation des populations concernées.
Donner la possibilité aux établissements de santé d’engager des mesures concrètes en faveur d’un développement raisonné et durable passe donc, entre autres, par le dimensionnement des ressources dont ils peuvent disposer. Mais ce n’est pas le seul levier pour lequel l’action des pouvoirs publics peut être déterminante.
Deux axes majeurs contribueront à la faisabilité des transformations :
- simplifier la réglementation extrêmement abondante qui pèse sur les établissements, parfois en se contre-disant, et peut empêcher des évolutions souhaitables dans les pratiques, les techniques mises en œuvre, les organisations de travail
- ajuster les règles d’achat public afin de faciliter le recours aux circuits courts, aux productions locales ou nationales limitant la consommation de ressources rares et les besoins de transport. Cet aspect est d’une importance croissante pour l’ensemble des professionnels de santé comme pour les usagers.
Notes
[1] 400 000 personnes en France selon la fondation Abbé-Pierre.
[2] Un grand nombre de captages d’eau potable sont soumis à des pollutions diffuses.
[3] Perte d’activité du fait des phénomènes d’hypoxie et d’anoxie, migrations climatiques internationales, contestation des réserves d’eau à ciel ouvert destinées à l’agriculture, etc.
[4] Depuis 2006, l’Union européenne a interdit l’utilisation d’antibiotiques pour favoriser la croissance des animaux.
[5] « Avec près de 8 % des émissions de gaz à effet de serre de la France, le secteur de la santé fait face à une double contrainte carbone : il doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre et chercher des substituts aux ressources énergétiques fossiles dont la disponibilité s’amenuise. De plus, il doit en même temps gérer les conséquences de la dégradation des écosystèmes et des crises climatiques sur la santé des populations », rapport du Shift Project,
« Décarboner la santé pour soigner durablement », 25/11/2021 - Mise à jour du 18 avril 2023
[6] Comme le retraitement des dispositifs médicaux à usage unique, aussi appelé reprocessing, interdit en France
[7] Et justement systémique en couvrant les sujets relevant de la recherche (académique et clinique en santé environnementale), du soin (via les innovations possibles) et de l’enseignement (en sensibilisant et formant les professionnels au dépistage et à la détection des atteintes environnementales à la santé).
[8] Parmi les six mesures mises en application à court terme, les HCL ont choisi d’accélérer et de renforcer
le déploiement des outils de régulation et de revisiter les référentiels pour viser « le juste besoin » des consommations énergétiques, tout en répondant à une exigence de sécurité continue pour la prise en charge des patients.
[9] Certains établissements y associent des enjeux de valorisation collective (prime d’engagement collectif).
[10] La question des dotations populationnelles pourrait ainsi embarquer des indicateurs permettant de focaliser sur des actions de prévention menées à l’égard des patients « à risque », connus des établissements de santé, plus construites pouvant réduire le recours à des soins conventionnels souvent invasifs et consommateurs
de moyens (DMI, énergies, consommables, blocs opératoires et stérilisations, etc.).
[2] Un grand nombre de captages d’eau potable sont soumis à des pollutions diffuses.
[3] Perte d’activité du fait des phénomènes d’hypoxie et d’anoxie, migrations climatiques internationales, contestation des réserves d’eau à ciel ouvert destinées à l’agriculture, etc.
[4] Depuis 2006, l’Union européenne a interdit l’utilisation d’antibiotiques pour favoriser la croissance des animaux.
[5] « Avec près de 8 % des émissions de gaz à effet de serre de la France, le secteur de la santé fait face à une double contrainte carbone : il doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre et chercher des substituts aux ressources énergétiques fossiles dont la disponibilité s’amenuise. De plus, il doit en même temps gérer les conséquences de la dégradation des écosystèmes et des crises climatiques sur la santé des populations », rapport du Shift Project,
« Décarboner la santé pour soigner durablement », 25/11/2021 - Mise à jour du 18 avril 2023
[6] Comme le retraitement des dispositifs médicaux à usage unique, aussi appelé reprocessing, interdit en France
[7] Et justement systémique en couvrant les sujets relevant de la recherche (académique et clinique en santé environnementale), du soin (via les innovations possibles) et de l’enseignement (en sensibilisant et formant les professionnels au dépistage et à la détection des atteintes environnementales à la santé).
[8] Parmi les six mesures mises en application à court terme, les HCL ont choisi d’accélérer et de renforcer
le déploiement des outils de régulation et de revisiter les référentiels pour viser « le juste besoin » des consommations énergétiques, tout en répondant à une exigence de sécurité continue pour la prise en charge des patients.
[9] Certains établissements y associent des enjeux de valorisation collective (prime d’engagement collectif).
[10] La question des dotations populationnelles pourrait ainsi embarquer des indicateurs permettant de focaliser sur des actions de prévention menées à l’égard des patients « à risque », connus des établissements de santé, plus construites pouvant réduire le recours à des soins conventionnels souvent invasifs et consommateurs
de moyens (DMI, énergies, consommables, blocs opératoires et stérilisations, etc.).