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À Toulouse, la professionnalisation des logisticiens démontre ses bénéfices


Rédigé par Joëlle Hayek le Mercredi 25 Octobre 2023 à 11:11 | Lu 1072 fois


Engagé depuis plus de quatre ans dans la professionnalisation de ses agents logisticiens hospitaliers, le CHU de Toulouse a pu à la fois gagner en performance et en qualité de vie au travail. Frédéric Perret, responsable de sa filière logistique, nous présente cette initiative remarquable, par ailleurs récemment distinguée par France Qualité, l’association de référence des professionnels de la qualité, de la maîtrise des risques et des approches d’amélioration continue.



Frédéric Perret (2e à droite) lors de la remise des prix France Qualité (crédits photos : CHU de Toulouse - France Qualité)
Frédéric Perret (2e à droite) lors de la remise des prix France Qualité (crédits photos : CHU de Toulouse - France Qualité)
Pourriez-vous, pour commencer, nous présenter la filière logistique du CHU de Toulouse ?

Frédéric Perret : Employant 330 agents, celle-ci assure l’acheminement de l’ensemble des marchandises nécessaires au bon fonctionnement des sept sites principaux du CHU : les médicaments et dispositifs médicaux, le matériel stérile des blocs opératoires, les produits sanguins et échantillons de biologie, la restauration, le linge, les archives, le courrier, le mobilier, etc. Pendant longtemps, chaque site avait sa propre organisation logistique, ce qui se traduisait par des disparités de pratiques et, par conséquent, une qualité de service hétérogène. En 2018, nous avons donc initié une réflexion avec nos équipes afin d’identifier les meilleures pratiques de chaque métier, tous sites confondus, dans le but d’harmoniser ces « bonnes pratiques » sur l’ensemble des sites. Cette vision transverse « métiers » fut également l’occasion de favoriser la montée en compétences des agents logistiques, pour professionnaliser une filière indispensable au bon fonctionnement des hôpitaux, et pourtant relativement méconnue.

Les premières actions ont été initiées dès 2019…

Nous avons dès le départ souhaité nous inscrire dans une démarche structurée et avons, à cet égard, retenu le référentiel ISO 9001 relatif au management de la qualité, que nous avons mis en œuvre selon le principe de la marche en avant : d’abord les transports intersites, puis les livraisons des derniers mètres, et enfin la gestion des stocks en double-bac. Les processus ayant été clarifiés, nous avons alors pu déployer un logiciel de gestion et de traçabilité des flux logistiques, qui nous permet aujourd’hui de piloter nos activités et de continuer de gagner en performance.

Pourriez-vous évoquer plus en détail le volet Professionnalisation de la filière ?

Cet enjeu est au cœur de notre approche car il va de pair avec l’harmonisation des processus logistiques. Nous nous sommes ici appuyés sur nos meilleurs agents, dont les compétences ont été précieuses pour identifier et formaliser les bonnes pratiques. Ce sont également eux qui, en tant que référents-formateurs, ont été chargés de leur diffusion auprès des agents en poste, mais aussi des nouveaux arrivants sur le modèle du tutorat. En trois ans, nous avons atteint notre objectif de 100 % d’agents formés grâce à nos 41 référents-formateurs. Dans la continuité de cette démarche, nous avons également mis l’accent sur la promotion professionnelle, avec 80 % des nouveaux cadres désormais issus du terrain. En tout état de cause, l’adhésion au projet a été immédiate car nous avons justement été attentifs à écouter, associer et valoriser les équipes. Et les résultats sont au rendez-vous, à la fois en termes d’efficacité des organisations que de qualité de vie au travail. Entre 2019 et 2023, les réclamations et fiches de déclaration d’événements indésirables ont ainsi chuté de 40 %, et le taux de service est désormais à plus de 99 % sur les produits les plus sensibles, tels que les produits sanguins et de chimiothérapie, aujourd’hui livrés en moins d’une heure sur l’ensemble des sites. Les accidents de travail ont quant à eux été réduits de 50 %, et le taux d’absentéisme a baissé de 30 % sur certains secteurs.

Ces résultats probants ont mené France Qualité à vous attribuer le Prix des Bonnes Pratiques dans la catégorie Services Publics/Associations.

Nous avons souhaité postuler à ce concours pour améliorer la visibilité de notre filière et de ses métiers de l’ombre, auprès de notre direction et, à terme, des pouvoirs publics. La reconnaissance de nos actions par l’association nationale France Qualité est un premier pas en ce sens, car elle vient souligner la valeur de nos organisations, et surtout celle des femmes et des hommes qui les portent. Ce prix est, pour nous, l’occasion d’entretenir une dynamique positive, mais aussi d’initier, peut-être, une réflexion sur la manière dont nous pourrions récompenser ceux qui s’y sont engagés. Une évolution règlementaire pour mieux valoriser ces métiers serait ici souhaitable, et nous sommes nombreux, dans le monde de la logistique hospitalière, à œuvrer en ce sens. 

Avez-vous observé d’autres initiatives remarquables mises en œuvre par vos pairs ?

Celles-ci ne manquent pas dans les établissements de santé français et peuvent être répliquées ailleurs. C’est notamment le cas des actions menées à Toulouse, la réplicabilité faisant d’ailleurs partie des prérequis considérés par France Qualité pour l’attribution de ses prix. Si elle a, sans conteste, des bénéfices certains en termes d’attractivité et de fidélisation des agents, rappelons que la professionnalisation de la filière logistique est, d’abord et surtout, un gage de performance économique. Je suis ici convaincu que l’internalisation est la seule voie qui permettra de maintenir et de continuer à challenger cette performance, en particulier lorsque, comme à Toulouse, les organisations s’appuient sur la richesse des équipes et osent leur faire confiance.

Justement, avez-vous d’autres projets pour continuer à renforcer la performance de vos organisations ?

Nous nous concentrons aujourd’hui sur les unités ne bénéficiant pas encore d’une gestion des stocks en double-bac, en particulier les 20 % où sa mise en œuvre serait pertinente. Mais cela nécessite de la main-d’œuvre supplémentaire, dont nous ne disposons pas. Nous comptons donc tester un mode de fonctionnement hybride pour justement exploiter au mieux les ressources disponibles et demeurer raisonnables sur leur engagement. Les agents logistiques seraient ainsi en charge de la structuration des processus en collaboration avec le cadre de santé et le préparateur en pharmacie – agencement de la réserve, calcul des dotations, etc. – dans les services de soins concernés, où le rangement des produits continuerait d’être opéré par les soignants. Mais cet accompagnement n’en serait pas moins source de bénéfices, en améliorant la visibilité sur l’état des stocks et en accélérant le processus de commande. Sur un autre registre – mais ces deux axes sont somme toute complémentaires –, nous cherchons à renforcer la valeur ajoutée humaine dans les organisations logistiques. 

Qu’entendez-vous par là ?

Il nous faut, en d’autres termes, continuer à automatiser les tâches qui peuvent l’être afin de libérer du temps logisticien, et par conséquent pouvoir libérer du temps soignant. Une réflexion est donc en cours pour potentiellement acquérir des robots coursiers pouvant assurer les livraisons du dernier mètre à la place de nos équipes, de manière à pouvoir détacher les agents logistiques sur des tâches où leurs compétences seront mieux valorisées. Ils pourront ainsi se recentrer sur l’accompagnement des soignants, dans les services sans double-bac comme évoqué plus haut, ou pour par exemple mieux structurer la gestion des produits hors-stocks. Vous le voyez, les pistes sont nombreuses !

> Article publié dans l'édition de septembre d'Hospitalia à lire ici.
 






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