Quatre ans après leur mise en place, où en sont les IPA aujourd’hui ?
Pascale Chaize : Ce métier est en effet très récent, puisque le premier décret relatif à l’exercice d’IPA est paru le 18 juillet 2018. Cette même année, la Société Française d'Hygiène Hospitalière avait élaboré le référentiel métier des hygiénistes, qui concerne les médecins, les pharmaciens et les infirmiers travaillant à la prévention des infections associées aux soins. Nous avons décrit notre projet et sélectionné, dans ce référentiel métier, les savoirs-agir en situation qui pourraient être menés par des IPA en PCI au sein des établissements de santé. Depuis 2019, la SF2H travaille activement à la création de ce statut qui permettrait aux infirmières et infirmiers qui le souhaitent de monter en compétences, pour atteindre un niveau Bac+5. Il s’agit donc d’une réelle démarche de reconnaissance statutaire, qui valoriserait leur fonction et renforcerait, par là même, l’attractivité de notre discipline.
Quelles seraient les missions de ces IPA en prévention et contrôle de l’infection ?
Elles seraient, sans surprise, plus étendues que celles des IDE hygiénistes actuels. Naturellement, le champ couvert pourrait différer en fonction du lieu d’exercice : CHU, établissements sanitaires plus petits ou Équipes Mobiles d’Hygiène intervenant dans le secteur médico-social. Les actes dérogatoires proposés à l’autorisation dans le projet IPA en PCI ne sont pas des actes techniques, mais plutôt des actes dits intermédiaires tels que la prescription de dépistages microbiologiques et l’interprétation de leurs résultats, l’élaboration d’un diagnostic sur le processus organisationnel des soins et les comportements des professionnels en collaboration avec le service de soins, l’accompagnement du changement des pratiques, la prescription et la levée des précautions complémentaires – les isolements – ou encore le suivi de l’antibiothérapie. Cette dernière tâche est particulièrement importante, car elle implique la possibilité de réévaluer l’antibiothérapie à 48 heures et 72 heures. Certains de ces actes sont déjà effectués par des infirmiers hygiénistes expérimentés, la pratique avancée désigne donc ici une expertise infirmière se situant entre collaboration et autonomie.
Où exerceraient ces IPA ?
Ce poste sera utile à l'hôpital comme dans le secteur médico-social. J'ai moi-même exercé pendant longtemps au sein d’équipes opérationnelles d'hygiène (EOH) de CHU, avant d’intégrer, il y a 2 ans, une équipe mobile d’hygiène (EMH) intervenant principalement dans des EHPAD. J’ai pu constater les besoins de ce secteur : les petites structures ne disposent pas toujours d’un praticien hygiéniste, et encore moins à 100 %. Faire monter en compétence l’infirmière ou l’infirmier hygiéniste, lui permettre d’intervenir sur des actes intermédiaires représenterait donc une opportunité nouvelle pour ces établissements. D’autant que, si le médecin n'est pas disponible, les IPA en prévention et contrôle de l’infection pourraient conseiller les décideurs au moment des crises épidémiques, particulièrement dans des structures médico-sociales.
Le 21 décembre dernier, la députée du Gard Annie Chapelier a déposé une proposition de loi conseillant la création d’un statut d’IPA en prévention et contrôle de l’infection…
En novembre 2021, une visioconférence avec Annie Chapelier nous avait permis de lui présenter notre projet. La députée l’a, depuis, intégré à sa proposition de loi afin de notamment « lutter contre les risques émergents et l’antibiorésistance ». Il est vrai que l'antibiorésistance a malheureusement tendance à s’accroître, le travail sur ce point est donc essentiel. Dans le projet présenté le 7 janvier à l’Assemblée Nationale, Annie Chapelier demande ainsi « l’élargissement des champs d’exercer » pour permettre notamment aux nouvelles spécialités de pratiques avancées « d’exercer dans les champs prioritaires de la prévention et de l’éducation à la santé ».
Cette vision est-elle conforme à vos attentes ?
Nous sommes à une période charnière où l’on doit encore définir les missions exactes que se verraient confier les IPA en prévention et contrôle de l’infection. Les avis se multiplient, c’est un point positif. Le 5 janvier dernier, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a ainsi publié un rapport intitulé « Trajectoires pour de nouveaux partages de compétences entre professionnels de santé », qui soutient l’élargissement des IPA. En parallèle, notre projet est également soutenu par plusieurs publications, dont le rapport Pittet publié l’an dernier. Plus récemment, la stratégie nationale 2022-2025 de prévention et de contrôle de l’antibiorésistance, ainsi que les programmes de prévention et de contrôle des infections dans les établissements de santé et médico-sociaux, vont eux aussi dans ce sens. Les actions sont ralenties pour le premier semestre 2022, en partie à cause des élections présidentielles, mais nous continuons d’avancer sur le dossier.
Vous êtes ici en contact avec plusieurs autres organismes, dont l’Ordre National des infirmiers. Pourquoi ?
Comme pour tout projet structurant, il est important de mobiliser à large échelle, de pouvoir compter sur plusieurs soutiens. Nous devons tous aller dans le même sens, pour ne pas brouiller les pistes et parler d’une seule et même voix. Le message n’en sera que plus fort. Par ailleurs, force est de constater que si des réticences se font sentir, les pouvoirs publics ne mettront pas autant d’énergie à traiter notre dossier... Il est donc essentiel que le monde de la santé partage la même vision pour porter un message clair.
Êtes-vous confiante quant à la création de ce statut ?
Oui bien sûr ! Nous sommes conscients que les pouvoirs publics doivent aujourd’hui traiter de nombreux dossiers concernant la santé, mais nous aimerions tout de même que la création de ce statut se fasse au plus vite. Comme je l’évoquais, depuis que je travaille dans les EHPAD, je vois bien la nécessité de mieux impliquer les petits établissements, et plus largement le secteur médico-social, dans la prévention des infections associées aux soins. Les infirmières et infirmiers en pratique avancée pourront leur venir en appui. En tant que vice-présidente de la SF2H, je suis ici convaincue que l’hygiène hospitalière, qui a été grandement mise en avant durant la crise sanitaire, doit rester au centre des préoccupations.
Article publié dans l'édition de mai 2022 d'Hospitalia à lire ici.
Pascale Chaize : Ce métier est en effet très récent, puisque le premier décret relatif à l’exercice d’IPA est paru le 18 juillet 2018. Cette même année, la Société Française d'Hygiène Hospitalière avait élaboré le référentiel métier des hygiénistes, qui concerne les médecins, les pharmaciens et les infirmiers travaillant à la prévention des infections associées aux soins. Nous avons décrit notre projet et sélectionné, dans ce référentiel métier, les savoirs-agir en situation qui pourraient être menés par des IPA en PCI au sein des établissements de santé. Depuis 2019, la SF2H travaille activement à la création de ce statut qui permettrait aux infirmières et infirmiers qui le souhaitent de monter en compétences, pour atteindre un niveau Bac+5. Il s’agit donc d’une réelle démarche de reconnaissance statutaire, qui valoriserait leur fonction et renforcerait, par là même, l’attractivité de notre discipline.
Quelles seraient les missions de ces IPA en prévention et contrôle de l’infection ?
Elles seraient, sans surprise, plus étendues que celles des IDE hygiénistes actuels. Naturellement, le champ couvert pourrait différer en fonction du lieu d’exercice : CHU, établissements sanitaires plus petits ou Équipes Mobiles d’Hygiène intervenant dans le secteur médico-social. Les actes dérogatoires proposés à l’autorisation dans le projet IPA en PCI ne sont pas des actes techniques, mais plutôt des actes dits intermédiaires tels que la prescription de dépistages microbiologiques et l’interprétation de leurs résultats, l’élaboration d’un diagnostic sur le processus organisationnel des soins et les comportements des professionnels en collaboration avec le service de soins, l’accompagnement du changement des pratiques, la prescription et la levée des précautions complémentaires – les isolements – ou encore le suivi de l’antibiothérapie. Cette dernière tâche est particulièrement importante, car elle implique la possibilité de réévaluer l’antibiothérapie à 48 heures et 72 heures. Certains de ces actes sont déjà effectués par des infirmiers hygiénistes expérimentés, la pratique avancée désigne donc ici une expertise infirmière se situant entre collaboration et autonomie.
Où exerceraient ces IPA ?
Ce poste sera utile à l'hôpital comme dans le secteur médico-social. J'ai moi-même exercé pendant longtemps au sein d’équipes opérationnelles d'hygiène (EOH) de CHU, avant d’intégrer, il y a 2 ans, une équipe mobile d’hygiène (EMH) intervenant principalement dans des EHPAD. J’ai pu constater les besoins de ce secteur : les petites structures ne disposent pas toujours d’un praticien hygiéniste, et encore moins à 100 %. Faire monter en compétence l’infirmière ou l’infirmier hygiéniste, lui permettre d’intervenir sur des actes intermédiaires représenterait donc une opportunité nouvelle pour ces établissements. D’autant que, si le médecin n'est pas disponible, les IPA en prévention et contrôle de l’infection pourraient conseiller les décideurs au moment des crises épidémiques, particulièrement dans des structures médico-sociales.
Le 21 décembre dernier, la députée du Gard Annie Chapelier a déposé une proposition de loi conseillant la création d’un statut d’IPA en prévention et contrôle de l’infection…
En novembre 2021, une visioconférence avec Annie Chapelier nous avait permis de lui présenter notre projet. La députée l’a, depuis, intégré à sa proposition de loi afin de notamment « lutter contre les risques émergents et l’antibiorésistance ». Il est vrai que l'antibiorésistance a malheureusement tendance à s’accroître, le travail sur ce point est donc essentiel. Dans le projet présenté le 7 janvier à l’Assemblée Nationale, Annie Chapelier demande ainsi « l’élargissement des champs d’exercer » pour permettre notamment aux nouvelles spécialités de pratiques avancées « d’exercer dans les champs prioritaires de la prévention et de l’éducation à la santé ».
Cette vision est-elle conforme à vos attentes ?
Nous sommes à une période charnière où l’on doit encore définir les missions exactes que se verraient confier les IPA en prévention et contrôle de l’infection. Les avis se multiplient, c’est un point positif. Le 5 janvier dernier, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a ainsi publié un rapport intitulé « Trajectoires pour de nouveaux partages de compétences entre professionnels de santé », qui soutient l’élargissement des IPA. En parallèle, notre projet est également soutenu par plusieurs publications, dont le rapport Pittet publié l’an dernier. Plus récemment, la stratégie nationale 2022-2025 de prévention et de contrôle de l’antibiorésistance, ainsi que les programmes de prévention et de contrôle des infections dans les établissements de santé et médico-sociaux, vont eux aussi dans ce sens. Les actions sont ralenties pour le premier semestre 2022, en partie à cause des élections présidentielles, mais nous continuons d’avancer sur le dossier.
Vous êtes ici en contact avec plusieurs autres organismes, dont l’Ordre National des infirmiers. Pourquoi ?
Comme pour tout projet structurant, il est important de mobiliser à large échelle, de pouvoir compter sur plusieurs soutiens. Nous devons tous aller dans le même sens, pour ne pas brouiller les pistes et parler d’une seule et même voix. Le message n’en sera que plus fort. Par ailleurs, force est de constater que si des réticences se font sentir, les pouvoirs publics ne mettront pas autant d’énergie à traiter notre dossier... Il est donc essentiel que le monde de la santé partage la même vision pour porter un message clair.
Êtes-vous confiante quant à la création de ce statut ?
Oui bien sûr ! Nous sommes conscients que les pouvoirs publics doivent aujourd’hui traiter de nombreux dossiers concernant la santé, mais nous aimerions tout de même que la création de ce statut se fasse au plus vite. Comme je l’évoquais, depuis que je travaille dans les EHPAD, je vois bien la nécessité de mieux impliquer les petits établissements, et plus largement le secteur médico-social, dans la prévention des infections associées aux soins. Les infirmières et infirmiers en pratique avancée pourront leur venir en appui. En tant que vice-présidente de la SF2H, je suis ici convaincue que l’hygiène hospitalière, qui a été grandement mise en avant durant la crise sanitaire, doit rester au centre des préoccupations.
Article publié dans l'édition de mai 2022 d'Hospitalia à lire ici.