Si, à sa création, la DNS était opérée par un binôme, ce format a été maintenu avec la nomination récente de David Sainati à vos côtés. Pourquoi avoir souhaité poursuivre ce fonctionnement ?
Hela Ghariani : Car nous y sommes particulièrement attachés ! Au quotidien, cela nous permet de partager nos visions et donc d’enrichir nos points de vue respectifs, pour affiner notre compréhension des enjeux et des attentes de l'écosystème. Basé sur le principe de l’échange, ce mode de gouvernance permanent est aussi plus ouvert, et répond dès lors mieux aux besoins des acteurs du numérique en santé.
Au sein de la DNS, vos parcours ainsi que les dossiers que vous avez suivis sont sensiblement différents. Vous êtes-vous réservé des domaines particuliers ?
David Sainati : Ces différences dans nos parcours, mais aussi en matière d’expériences ultérieures, sont une réelle force puisqu’elles favorisent notre complémentarité : nous pouvons ainsi nous adresser à tous les publics. Cela dit, bien que nous ayons des tropismes différents, nourris de nos propres travaux au sein de la DNS, et que chacun de nous sera naturellement plus en pointe sur un dossier qu’il aura suivi les années précédentes, nous ne nous sommes pas réservé de domaines particuliers. Nous intervenons ensemble, en binôme, sur l'ensemble des thématiques. Là encore, l’échange est primordial pour synchroniser nos voix, afin que chacun puisse répondre à toutes les questions sur tous les sujets.
Ces dernières années, l’un des chantiers majeurs de la DNS avait trait au lancement de Mon Espace Santé. Où en sommes-nous ?
Hela Ghariani : Je commencerai par rappeler que Mon Espace Santé a été lancé en collaboration avec l’Assurance maladie. Deux années de travaux ont été nécessaires, y compris pour tester le service durant les six derniers mois avant son lancement. Ce semestre d’essai a été essentiel car il a permis de recueillir des retours de terrain, de la part de professionnels de santé comme de patients, et pouvoir ainsi apporter des améliorations. Ouvert au 1er janvier 2022 à tous les usagers qui ne s'y étaient pas opposés, Mon Espace Santé est aujourd’hui disponible pour 98 % des assurés sociaux en France. Tous les mois, plus de 15 millions de documents médicaux y sont déposés, des ordonnances, des résultats d'examens de biologie, des lettres de liaison en sortie d’hospitalisation, etc. Pas moins de 10 millions d’assurés ont aujourd’hui activé leur compte, soit environ 15 % de la population globale. Certains usagers alimentent d’ailleurs eux-mêmes leur Espace Santé, preuve, s’il en est, qu’une partie de la population s’est véritablement approprié l’outil. Il faut dire que celui-ci simplifie considérablement le quotidien des patients, avec des documents de santé désormais accessibles depuis leur poche.
Et du côté des professionnels de santé ?
Hela Ghariani : Ils ne sont pas en reste : tous les mois, 10 000 professionnels de santé vont consulter les dossiers de près de 100 000 patients. Et ces chiffres devraient encore augmenter avec la vague 2 sur Ségur du numérique en santé : celle-ci, qui est aujourd’hui en cours de lancement, vise notamment à améliorer l’accès des professionnels aux données de santé. Nous travaillons ici avec les éditeurs pour intégrer systématiquement un accès au DMP à partir des logiciels métiers, afin qu’il ne soit plus nécessaire de se rendre systématiquement sur le site dmp.fr. Le référentiel DMP, publié début novembre, va dans ce sens et sera suivi d’autres chantiers propres à la vague 2 du Ségur.
Justement, où en sommes-nous sur le champ du Ségur numérique ?
Hela Ghariani : S’inspirant des méthodes de travail développées durant la crise Covid, en particulier avec le déploiement du SI-DEP, le Ségur du numérique en santé s’articule autour de plusieurs phases et outils pour améliorer le partage des données de santé. C’est d’ailleurs dans cet objectif que s’inscrit notamment Mon Espace Santé. La vague 1 du Ségur a donné lieu à de nombreux travaux avec les représentants des professionnels de santé, les acteurs publics, et bien sûr les éditeurs, qui ont beaucoup œuvré pour faire évoluer leurs logiciels et les mettre en conformité avec les nouvelles exigences techniques. Nous nous sommes ici principalement concentrés sur les échanges sécurisés d’informations, et cette première vague s’est finalisée en septembre dernier. À cette date, 99 % des commandes de logiciels ont été validées par les clients finaux. C'est grâce à ces changements, à cette dynamique collective, que l’on observe un taux d'alimentation aussi élevé pour Mon Espace Santé. Pour autant, et bien que des signaux d’ébullition positifs soient clairement visibles, nous poursuivons nos échanges avec les professionnels de santé afin que chacun puisse s’approprier ces outils au mieux. Et nous nous préparons à lancer la vague 2 du Ségur, qui entend compléter le socle de la vague 1 et généraliser le partage fluide et sécurisé des données de santé.
En mai dernier, vous avez également lancé la nouvelle feuille de route du numérique en santé pour la période 2023-2027. Pourriez-vous nous en parler ?
David Sainati : Comme pour l’opus précédent, la feuille de route du numérique en santé reste primordiale au sein de la DNS puisqu’elle représente, en fin de compte, la raison d’être de la délégation. Le programme 2023-2027 s’articule plus particulièrement autour de quatre grands axes : la prévention, la prise en charge, l'accès à la santé et le déploiement d’un cadre propice pour relever ces enjeux. Là où la première feuille de route était plus technique et ambitionnait de poser le socle de la transition numérique en insistant sur le positionnement de l'État plateforme, la nouvelle version insiste davantage sur la valeur ajoutée du numérique appliqué à la santé. Elle s'intègre définitivement dans la dynamique de « mettre le numérique au service de la santé ».
Hela Ghariani : La feuille de route 2019-2022 a fait du numérique en santé, un sujet de politique publique à part entière, mettant en lumière la transversalité de cette thématique qui concerne somme toute des publics variés, acteurs économiques comme acteurs du soin – dont les patients. Son objectif était, et reste toujours, de construire ensemble une vision partagée du numérique en santé, afin de ne pas subir des usages que nous n’aurions pas choisis. Aujourd’hui, nous disposons d’une Identité nationale de santé (INS), d’un carnet numérique pour l'ensemble des citoyens, d’un système de partage technique des données, de messageries sécurisées… Le socle est désormais en place. Il nous faut, maintenant, faire vivre ces outils au quotidien pour qu’ils apportent des impacts substantiels et positifs, et contribuent humblement aux défis de nos systèmes de santé. C’est dans cette ambition que s’inscrit la nouvelle feuille de route du numérique en santé, une fois de plus issue d’une large concertation avec l’ensemble des acteurs du monde de la santé.
Cette feuille de route 2023-2027 intègre en outre tout un volet autour de la cybersécurité…
Hela Ghariani : La cybersécurité est en effet au cœur de l'axe 4, celui relatif au développement d’un cadre propice. Des financements substantiels ont été obtenus pour l'année prochaine, avec un doublement des budgets dédiés à cet enjeu au sein des établissements de santé. L’année 2023 aura été primordiale en la matière, car nous avons pu mener plusieurs travaux diagnostiques : des audits, des concertations, des auditions… Nous avons maintenant une vision claire et partagée des actions à mener pour renforcer la résilience de nos établissements de santé face à la menace cyber. Un nouveau programme d’action, dit CaRE pour Cyber accélération et résilience des établissements, sera ainsi mis en œuvre autour de plusieurs axes. Et parce que l'on n'est jamais mieux préparé que si l'on s'est déjà mis en situation, la première étape de ce plan portera sur la réalisation d’exercices de crise, couplés à la mise à jour des infrastructures techniques. Pour aller plus loin, le programme CaRE prévoit également le financement d’audits et de plans de remédiation, le déploiement massif d’antivirus et de meilleurs moyens d’identification électroniques, des plans de sauvegarde, etc. Ce sont autant de mesures qui nous permettront de mettre à niveau et de pérenniser la cyber-résilience des établissements de santé.
Quid de la formation à la cybersécurité ?
David Sainati : Il s’agit évidemment d’un enjeu crucial, qui n’est toutefois pas encore adressé en formation initiale et très peu en formation continue. C’est pourquoi un budget inédit de 119 millions d’euros est désormais alloué à la formation au numérique en santé, y compris sur le volet de la cybersécurité. L’objectif étant de former 500 000 apprenants en 5 ans, soit quasiment tous les étudiants qui sortiront d’une formation sanitaire et médico-sociale durant ce laps de temps. Bien entendu, cela se fera par étape : douze premières professions auront 28 heures de cours obligatoires dès la rentrée universitaire prochaine. Les spécialités concernées seront progressivement étendues, de manière à couvrir la totalité des formations sanitaires et médico-sociales d’ici 2027. Mais, vous l’aurez compris, ce programme ne concerne pas uniquement la formation initiale : des évolutions sont également prévues sur le champ de la formation continue. Nous travaillons ici notamment avec l’ANDPC et l’ANFH, pour qu’elles puissent enrichir leurs catalogues. Nous pourrons ainsi initier une dynamique collective et espérer une modification des pratiques, pour renforcer la confiance des utilisateurs et continuer à développer les usages en santé numérique.
> Article paru dans Hospitalia #63, édition de décembre 2023, à lire ici
Hela Ghariani : Car nous y sommes particulièrement attachés ! Au quotidien, cela nous permet de partager nos visions et donc d’enrichir nos points de vue respectifs, pour affiner notre compréhension des enjeux et des attentes de l'écosystème. Basé sur le principe de l’échange, ce mode de gouvernance permanent est aussi plus ouvert, et répond dès lors mieux aux besoins des acteurs du numérique en santé.
Au sein de la DNS, vos parcours ainsi que les dossiers que vous avez suivis sont sensiblement différents. Vous êtes-vous réservé des domaines particuliers ?
David Sainati : Ces différences dans nos parcours, mais aussi en matière d’expériences ultérieures, sont une réelle force puisqu’elles favorisent notre complémentarité : nous pouvons ainsi nous adresser à tous les publics. Cela dit, bien que nous ayons des tropismes différents, nourris de nos propres travaux au sein de la DNS, et que chacun de nous sera naturellement plus en pointe sur un dossier qu’il aura suivi les années précédentes, nous ne nous sommes pas réservé de domaines particuliers. Nous intervenons ensemble, en binôme, sur l'ensemble des thématiques. Là encore, l’échange est primordial pour synchroniser nos voix, afin que chacun puisse répondre à toutes les questions sur tous les sujets.
Ces dernières années, l’un des chantiers majeurs de la DNS avait trait au lancement de Mon Espace Santé. Où en sommes-nous ?
Hela Ghariani : Je commencerai par rappeler que Mon Espace Santé a été lancé en collaboration avec l’Assurance maladie. Deux années de travaux ont été nécessaires, y compris pour tester le service durant les six derniers mois avant son lancement. Ce semestre d’essai a été essentiel car il a permis de recueillir des retours de terrain, de la part de professionnels de santé comme de patients, et pouvoir ainsi apporter des améliorations. Ouvert au 1er janvier 2022 à tous les usagers qui ne s'y étaient pas opposés, Mon Espace Santé est aujourd’hui disponible pour 98 % des assurés sociaux en France. Tous les mois, plus de 15 millions de documents médicaux y sont déposés, des ordonnances, des résultats d'examens de biologie, des lettres de liaison en sortie d’hospitalisation, etc. Pas moins de 10 millions d’assurés ont aujourd’hui activé leur compte, soit environ 15 % de la population globale. Certains usagers alimentent d’ailleurs eux-mêmes leur Espace Santé, preuve, s’il en est, qu’une partie de la population s’est véritablement approprié l’outil. Il faut dire que celui-ci simplifie considérablement le quotidien des patients, avec des documents de santé désormais accessibles depuis leur poche.
Et du côté des professionnels de santé ?
Hela Ghariani : Ils ne sont pas en reste : tous les mois, 10 000 professionnels de santé vont consulter les dossiers de près de 100 000 patients. Et ces chiffres devraient encore augmenter avec la vague 2 sur Ségur du numérique en santé : celle-ci, qui est aujourd’hui en cours de lancement, vise notamment à améliorer l’accès des professionnels aux données de santé. Nous travaillons ici avec les éditeurs pour intégrer systématiquement un accès au DMP à partir des logiciels métiers, afin qu’il ne soit plus nécessaire de se rendre systématiquement sur le site dmp.fr. Le référentiel DMP, publié début novembre, va dans ce sens et sera suivi d’autres chantiers propres à la vague 2 du Ségur.
Justement, où en sommes-nous sur le champ du Ségur numérique ?
Hela Ghariani : S’inspirant des méthodes de travail développées durant la crise Covid, en particulier avec le déploiement du SI-DEP, le Ségur du numérique en santé s’articule autour de plusieurs phases et outils pour améliorer le partage des données de santé. C’est d’ailleurs dans cet objectif que s’inscrit notamment Mon Espace Santé. La vague 1 du Ségur a donné lieu à de nombreux travaux avec les représentants des professionnels de santé, les acteurs publics, et bien sûr les éditeurs, qui ont beaucoup œuvré pour faire évoluer leurs logiciels et les mettre en conformité avec les nouvelles exigences techniques. Nous nous sommes ici principalement concentrés sur les échanges sécurisés d’informations, et cette première vague s’est finalisée en septembre dernier. À cette date, 99 % des commandes de logiciels ont été validées par les clients finaux. C'est grâce à ces changements, à cette dynamique collective, que l’on observe un taux d'alimentation aussi élevé pour Mon Espace Santé. Pour autant, et bien que des signaux d’ébullition positifs soient clairement visibles, nous poursuivons nos échanges avec les professionnels de santé afin que chacun puisse s’approprier ces outils au mieux. Et nous nous préparons à lancer la vague 2 du Ségur, qui entend compléter le socle de la vague 1 et généraliser le partage fluide et sécurisé des données de santé.
En mai dernier, vous avez également lancé la nouvelle feuille de route du numérique en santé pour la période 2023-2027. Pourriez-vous nous en parler ?
David Sainati : Comme pour l’opus précédent, la feuille de route du numérique en santé reste primordiale au sein de la DNS puisqu’elle représente, en fin de compte, la raison d’être de la délégation. Le programme 2023-2027 s’articule plus particulièrement autour de quatre grands axes : la prévention, la prise en charge, l'accès à la santé et le déploiement d’un cadre propice pour relever ces enjeux. Là où la première feuille de route était plus technique et ambitionnait de poser le socle de la transition numérique en insistant sur le positionnement de l'État plateforme, la nouvelle version insiste davantage sur la valeur ajoutée du numérique appliqué à la santé. Elle s'intègre définitivement dans la dynamique de « mettre le numérique au service de la santé ».
Hela Ghariani : La feuille de route 2019-2022 a fait du numérique en santé, un sujet de politique publique à part entière, mettant en lumière la transversalité de cette thématique qui concerne somme toute des publics variés, acteurs économiques comme acteurs du soin – dont les patients. Son objectif était, et reste toujours, de construire ensemble une vision partagée du numérique en santé, afin de ne pas subir des usages que nous n’aurions pas choisis. Aujourd’hui, nous disposons d’une Identité nationale de santé (INS), d’un carnet numérique pour l'ensemble des citoyens, d’un système de partage technique des données, de messageries sécurisées… Le socle est désormais en place. Il nous faut, maintenant, faire vivre ces outils au quotidien pour qu’ils apportent des impacts substantiels et positifs, et contribuent humblement aux défis de nos systèmes de santé. C’est dans cette ambition que s’inscrit la nouvelle feuille de route du numérique en santé, une fois de plus issue d’une large concertation avec l’ensemble des acteurs du monde de la santé.
Cette feuille de route 2023-2027 intègre en outre tout un volet autour de la cybersécurité…
Hela Ghariani : La cybersécurité est en effet au cœur de l'axe 4, celui relatif au développement d’un cadre propice. Des financements substantiels ont été obtenus pour l'année prochaine, avec un doublement des budgets dédiés à cet enjeu au sein des établissements de santé. L’année 2023 aura été primordiale en la matière, car nous avons pu mener plusieurs travaux diagnostiques : des audits, des concertations, des auditions… Nous avons maintenant une vision claire et partagée des actions à mener pour renforcer la résilience de nos établissements de santé face à la menace cyber. Un nouveau programme d’action, dit CaRE pour Cyber accélération et résilience des établissements, sera ainsi mis en œuvre autour de plusieurs axes. Et parce que l'on n'est jamais mieux préparé que si l'on s'est déjà mis en situation, la première étape de ce plan portera sur la réalisation d’exercices de crise, couplés à la mise à jour des infrastructures techniques. Pour aller plus loin, le programme CaRE prévoit également le financement d’audits et de plans de remédiation, le déploiement massif d’antivirus et de meilleurs moyens d’identification électroniques, des plans de sauvegarde, etc. Ce sont autant de mesures qui nous permettront de mettre à niveau et de pérenniser la cyber-résilience des établissements de santé.
Quid de la formation à la cybersécurité ?
David Sainati : Il s’agit évidemment d’un enjeu crucial, qui n’est toutefois pas encore adressé en formation initiale et très peu en formation continue. C’est pourquoi un budget inédit de 119 millions d’euros est désormais alloué à la formation au numérique en santé, y compris sur le volet de la cybersécurité. L’objectif étant de former 500 000 apprenants en 5 ans, soit quasiment tous les étudiants qui sortiront d’une formation sanitaire et médico-sociale durant ce laps de temps. Bien entendu, cela se fera par étape : douze premières professions auront 28 heures de cours obligatoires dès la rentrée universitaire prochaine. Les spécialités concernées seront progressivement étendues, de manière à couvrir la totalité des formations sanitaires et médico-sociales d’ici 2027. Mais, vous l’aurez compris, ce programme ne concerne pas uniquement la formation initiale : des évolutions sont également prévues sur le champ de la formation continue. Nous travaillons ici notamment avec l’ANDPC et l’ANFH, pour qu’elles puissent enrichir leurs catalogues. Nous pourrons ainsi initier une dynamique collective et espérer une modification des pratiques, pour renforcer la confiance des utilisateurs et continuer à développer les usages en santé numérique.
> Article paru dans Hospitalia #63, édition de décembre 2023, à lire ici