Pourriez-vous, pour commencer, nous présenter la direction des services numériques du CHU de Nantes ?
Thaïs Ringot : La DSN du CHU de Nantes fédère environ 160 personnes, dont une trentaine de prestataires positionnés au sein de notre direction, qui est elle-même divisée en plusieurs départements. L’un, dédié aux infrastructures, gère toutes les couches basses du système d'information, telles que les data centers, sur le volet projet comme exploitation. Le département applicatif est pour sa part en charge de tous les logiciels métiers, qu’il s’agisse des projets de mise en œuvre ou du maintien aux conditions opérationnelles. Le département Interopérabilité s’occupe quant à lui de la construction et du maintien en conditions opérationnelles de toutes les liaisons et communications entre logiciels. La DSN du CHU de Nantes est également dotée d’un département Achats-Finances et d’un département Centre de services, couvrant les actions d’installation et de gestion des équipements, mais aussi du maintien des liens avec les utilisateurs. Depuis plusieurs années, nous disposons aussi, à la DSN, d’un département Recherche, Innovation, Data, qui centre ses travaux sur de l’accompagnement du volet IT des projets de recherche et de l'innovation, en lien étroit avec la Direction de la recherche et de l'innovation du CHU.
Qu’en est-il de la sécurité des systèmes d’information ?
Le responsable à la sécurité des systèmes d’information, qui est également délégué à la protection des données (RSSI-DPO), est directement placé sous la responsabilité du chef de pôle Investissement, Logistique et Nouvel hôpital, dont dépend aussi la DSN. Le RSSI-DPO n’est donc pas rattaché à ma direction, mais il travaille bien sûr étroitement avec les équipes de la DSN, et notamment les trois ingénieurs Cybersécurité de notre équipe.
Le CHU de Nantes fait partie du groupement hospitalier de territoire du 44 (GHT 44). Intervenez-vous aussi dans ce cadre ?
Oui, bien que notre DSN intervienne principalement sur le périmètre du CHU, elle a également un rôle territorial notamment dans le cadre de ce GHT, qui regroupe 13 établissements d’activités diverses, y compris sur le champ de la santé mentale. Nos actions portent ici sur la coordination de la convergence des systèmes d'information, mais nous apportons aussi notre expertise sur des sujets spécifiques, car notre taille critique nous offre une certaine maîtrise des enjeux numériques. Je pense particulièrement aux questions autour de l’interopérabilité, des infrastructures, des achats, de la sécurité… Les trois ingénieurs Cybersécurité que j’évoquais plus haut ont par exemple des missions d'appui, de conseil et d'analyse auprès des autres membres du GHT. Néanmoins, chaque établissement reste assez autonome. Si j’occupe également la fonction de DSI du GHT, c’est essentiellement pour piloter la stratégie collective, et non les ressources locales. Il n’y a pas d’équipe informatique commune, ni même de liens hiérarchiques entre les différentes structures. Nous interagissons véritablement dans une optique de collaboration.
Quelles sont les principales orientations du CHU de Nantes en matière de santé numérique ?
En tant que DSN, je participe aux réunions de direction, ainsi qu’aux commissions stratégiques des systèmes d'information, à l’échelle du CHU comme du GHT. Je travaille ainsi sur les feuilles de route numériques des deux entités. Celle du CHU est axée sur différentes thématiques, et intègre un volet important portant sur la lutte contre l’obsolescence, enjeu ô combien primordial pour s’assurer du bon fonctionnement des infrastructures informatiques. S’y ajoute toute une série de projets relatifs à la modernisation du système d'information pour répondre, notamment, aux demandes des professionnels de santé dans l’accès à des outils plus performants. Je peux par exemple évoquer ici la numérisation en cours des laboratoires d’anatomopathologie, la mise en place de la préadmission en ligne, ou encore l’installation de bornes d'accueil et d'orientation pour les patients.
Qu’en est-il du nouvel hôpital de l’île de Nantes, qui doit ouvrir ses portes en 2027 ? Ce projet d’ampleur s’inscrit-il dans votre feuille de route actuelle ?
Il s’agit même de l’une des briques majeures de cette feuille de route, et elle représente d’ailleurs une charge de travail importante pour nos équipes. La construction d’un nouveau bâtiment comporte forcément un volet numérique, pour notamment créer toute l'infrastructure réseau – réseaux fibre optique, Wifi, GSM, téléphonie… Et nous sommes ici confrontés à des enjeux forts en matière de modernisation, pour installer des technologies de pointe. Dans plusieurs domaines, nous nous apprêtons donc à faire de réels bonds technologiques.
Pourriez-vous nous donner quelques exemples ?
Prenons la téléphonie. La technologie aujourd’hui utilisée est ancienne ; nous allons donc passer sur une téléphonie IP, reliée à Internet, mais aussi remplacer tout notre système DECT par des smartphones. L’impact sera particulièrement positif pour les professionnels de santé, qui bénéficieront ainsi d’équipements favorisant l’utilisation des outils métiers en mobilité, jusqu’au lit du patient.
Quels sont les autres projets prévus dans le cadre du nouvel hôpital ?
La feuille de route comporte aussi tout un volet applicatif avec, en premier lieu, l’adaptation des logiciels métiers aux nouvelles organisations. Par exemple, l’hôpital actuel compte plusieurs blocs opératoires indépendants, tandis que le nouvel hôpital sera doté d’un immense et unique plateau, comportant 57 salles opératoires. Les processus organisationnels sont donc amenés à évoluer, en matière de gestion logistique, gestion du stock, modalités de constitution des chariots de blocs, etc. Les différents métiers concernés ont donc ici des attentes fortes, pour bénéficier d’une solution informatique qui facilitera « l’industrialisation » de ces différentes tâches.
Ces nouveaux outils seront-ils disponibles dès l’installation dans le nouveau bâtiment ?
Pour certains oui, mais nous essayons de limiter cette simultanéité entre deux « gros » changements – nouveaux locaux et nouveaux outils – et d’équiper les professionnels en amont, afin qu’ils puissent s’habituer aux nouveaux systèmes. Mais cela n’est pas toujours possible. Typiquement, le passage du système DECT au smartphone se fera forcément en mode « Big Bang » lors de l'ouverture du nouvel hôpital, car l’on ne pourrait pas changer notre téléphonie avant le déménagement prévu dans deux ans et demi.
Vous évoquiez plus haut le département Recherche, Innovation, Data de la DSN. Pourriez-vous nous en parler plus en détail ?
Une partie de son travail est de soutenir le volet IT de l’innovation numérique, en travaillant avec la Direction de la recherche et de l'innovation du CHU, mais aussi, parfois, avec des start-up sur du co-développement d'outils. Par exemple, nous nous penchons actuellement sur l’IA générative, pour évaluer son intérêt dans les pratiques, identifier son périmètre, ses délais de mise en œuvre… Notre ambition est bien ici d’innover, y compris en allant vers « l’inconnu ». Et, bien que la majorité des activités de la DSN ne relève pas du champ de l’innovation, cette réflexion n’en est pas moins cruciale pour véritablement porter l’innovation au cœur de notre établissement.
Arrêtons-nous à présent sur vos projets e-santé à destination des patients. Pourriez-vous en citer quelques-uns ?
Ce volet tient particulièrement à cœur de Philippe El Saïr, le directeur général du CHU, et il recouvre plusieurs chantiers, notamment en lien avec le parcours administratif : alimentation de Mon espace santé, communication avec les patients via la messagerie sécurisée de santé citoyenne, prise de rendez-vous en ligne, préadmission en ligne, mise en place de serveurs vocaux interactifs pour la téléphonie… Et puis, il y a aussi tout un volet sur la télémédecine, que l’on continue à exploiter avec de la téléexpertise, de la télésurveillance ou de la téléconsultation, utilisée notamment avec les EHPAD du territoire.
Quelle tendance observez-vous quant à l'utilisation effective de ces outils ?
En matière de e-santé, les usages s’accroissent depuis la crise sanitaire, également favorisés par les politiques volontaristes mises en place par l’État. Néanmoins, je pense que l’utilisation des outils informatiques, au sens large, est dépendante de la maturité des établissements, des pôles et des services. Nous en sommes témoins au quotidien, la dynamique est différente suivant les équipes. Cette variabilité est fonction des volontés individuelles, mais aussi de l’appétence des personnes, tous âges confondus. À Nantes, nous avons la chance d’avoir des professionnels de santé très matures en matière d’usages numériques. C'est une grande force, et aussi un moteur pour la DSN qui doit pouvoir suivre en termes de moyens financiers et humains.
Les professionnels de santé sont donc plutôt réceptifs aux outils numériques…
Globalement oui, avec des solutions qu’ils identifient rapidement comme pouvant leur faire gagner du temps. Pour autant, il reste plusieurs points à améliorer pour accroître l’adhésion, notamment en ce qui concerne l’ergonomie des outils disponibles. Écrans peu lisibles, multiplication des clics pour une action relativement simple… Il arrive que des soignants soient frustrés et déçus par des systèmes qu’ils ont du mal à s’approprier. Tous, au quotidien, utilisent leur smartphone, et sont habitués à des outils faciles d’approche. Ils sont donc souvent perturbés par des outils métiers plus complexes à prendre en main.
Quel peut être ici votre champ d’action en tant que DSN ?
Bien que deux développeurs soient présents au sein de notre équipe, ils travaillent peu sur ces sujets, se concentrant plutôt sur l’innovation. En matière de santé numérique et de logiciels métiers, la stratégie du CHU de Nantes a toujours été de s’orienter davantage vers des outils du marché, plutôt que de développer ses propres solutions. Dans ce cas de figure, c’est donc aux éditeurs d’agir pour améliorer l’ergonomie de leur offre. Nous travaillons d’ailleurs étroitement avec eux au sein de groupes d’utilisateurs, pour porter ce sujet, remonter les problématiques rencontrées et être forces de proposition.
Quel avenir imaginez-vous pour l'hôpital ? Pensez-vous que le numérique y occupera une place toujours plus importante ?
Nous avons beaucoup à apprendre et à exploiter des outils numériques. À l'hôpital public notamment, nous sommes en retard sur l'exploitation complète des solutions à notre disposition. Je pense qu'il pourrait y avoir beaucoup plus d'aide à la prise de décision, d’interopérabilité pour limiter la recopie d'un logiciel à l'autre, de systèmes d'alerte pour éviter aux professionnels d'avoir à regarder plusieurs fois les mêmes résultats de biologie… Les applications du numérique sont nombreuses, et on peut imaginer autant de gains de temps possibles. Mais je sais qu’il y a aussi des limites au numérique. Nous le voyons déjà sur certains projets. Prenez par exemple l'installation des bornes d’accueil, qui va permettre aux patients d’être plus autonomes dans leur arrivée à l’hôpital. Il faudra néanmoins toujours quelqu'un pour accompagner ceux qui ne seront pas à l'aise avec le numérique, qui ne parlent pas français, qui n’auront pas pu faire leur préadmission en ligne… À l’instar de ces bornes, les systèmes numériques ne remplacent pas totalement l’humain, mais ils peuvent aider les professionnels de l’hôpital en réduisant le temps consacré à certaines tâches, dont sur le plan administratif.
Les métiers du numérique à l’hôpital font actuellement face à des enjeux d’attractivité forts. Comment œuvrez-vous pour attirer et fidéliser des compétences aujourd’hui très demandées ?
Pour ce qui est du recrutement, nous sommes en lien avec la direction des ressources humaines et faisons régulièrement appel à des cabinets de chasseurs de têtes, qui participent aussi à mieux faire connaître nos métiers hospitaliers dans le secteur du numérique. Depuis que nous avons opté pour cette approche, nous avons divisé par deux le temps de vacance de poste. Avec la DRH, nous avons aussi des échanges réguliers sur la grille salariale pour essayer de coller aux réalités du marché du travail, tout en restant dans le cadre de la fonction publique hospitalière. Et puis, pour fidéliser nos collaborateurs, mon responsable adjoint Charles-André Boissac et moi-même, avons à cœur d'animer, d’impliquer, de communiquer et de soutenir l’équipe. Nous nous sommes également rapprochés de nos maîtrises d'ouvrage pour tenter de limiter la pression directe sur nos professionnels. Car, en cas de dysfonctionnement d’un outil, le stress, et parfois même l’agressivité, peuvent être compliqués à gérer et détériorent les conditions de travail de nos professionnels.
À l’avenir, quelle place occuperont, selon vous, les DSN au sein des établissements de santé ?
Je ne crois pas à une grande révolution, mais les DSN prendront sûrement plus de place. Ce phénomène est déjà en train de se produire. Au quotidien, les DSN sont de plus en plus incontournables dans l’ensemble des discussions. Au CHU de Nantes, nous avons la chance d’avoir une Direction générale très à l’écoute, qui a pris conscience du caractère indispensable du numérique et nous accompagne dans tous nos projets.
> Article paru dans Hospitalia #67, édition de décembre 2024, à lire ici
Thaïs Ringot : La DSN du CHU de Nantes fédère environ 160 personnes, dont une trentaine de prestataires positionnés au sein de notre direction, qui est elle-même divisée en plusieurs départements. L’un, dédié aux infrastructures, gère toutes les couches basses du système d'information, telles que les data centers, sur le volet projet comme exploitation. Le département applicatif est pour sa part en charge de tous les logiciels métiers, qu’il s’agisse des projets de mise en œuvre ou du maintien aux conditions opérationnelles. Le département Interopérabilité s’occupe quant à lui de la construction et du maintien en conditions opérationnelles de toutes les liaisons et communications entre logiciels. La DSN du CHU de Nantes est également dotée d’un département Achats-Finances et d’un département Centre de services, couvrant les actions d’installation et de gestion des équipements, mais aussi du maintien des liens avec les utilisateurs. Depuis plusieurs années, nous disposons aussi, à la DSN, d’un département Recherche, Innovation, Data, qui centre ses travaux sur de l’accompagnement du volet IT des projets de recherche et de l'innovation, en lien étroit avec la Direction de la recherche et de l'innovation du CHU.
Qu’en est-il de la sécurité des systèmes d’information ?
Le responsable à la sécurité des systèmes d’information, qui est également délégué à la protection des données (RSSI-DPO), est directement placé sous la responsabilité du chef de pôle Investissement, Logistique et Nouvel hôpital, dont dépend aussi la DSN. Le RSSI-DPO n’est donc pas rattaché à ma direction, mais il travaille bien sûr étroitement avec les équipes de la DSN, et notamment les trois ingénieurs Cybersécurité de notre équipe.
Le CHU de Nantes fait partie du groupement hospitalier de territoire du 44 (GHT 44). Intervenez-vous aussi dans ce cadre ?
Oui, bien que notre DSN intervienne principalement sur le périmètre du CHU, elle a également un rôle territorial notamment dans le cadre de ce GHT, qui regroupe 13 établissements d’activités diverses, y compris sur le champ de la santé mentale. Nos actions portent ici sur la coordination de la convergence des systèmes d'information, mais nous apportons aussi notre expertise sur des sujets spécifiques, car notre taille critique nous offre une certaine maîtrise des enjeux numériques. Je pense particulièrement aux questions autour de l’interopérabilité, des infrastructures, des achats, de la sécurité… Les trois ingénieurs Cybersécurité que j’évoquais plus haut ont par exemple des missions d'appui, de conseil et d'analyse auprès des autres membres du GHT. Néanmoins, chaque établissement reste assez autonome. Si j’occupe également la fonction de DSI du GHT, c’est essentiellement pour piloter la stratégie collective, et non les ressources locales. Il n’y a pas d’équipe informatique commune, ni même de liens hiérarchiques entre les différentes structures. Nous interagissons véritablement dans une optique de collaboration.
Quelles sont les principales orientations du CHU de Nantes en matière de santé numérique ?
En tant que DSN, je participe aux réunions de direction, ainsi qu’aux commissions stratégiques des systèmes d'information, à l’échelle du CHU comme du GHT. Je travaille ainsi sur les feuilles de route numériques des deux entités. Celle du CHU est axée sur différentes thématiques, et intègre un volet important portant sur la lutte contre l’obsolescence, enjeu ô combien primordial pour s’assurer du bon fonctionnement des infrastructures informatiques. S’y ajoute toute une série de projets relatifs à la modernisation du système d'information pour répondre, notamment, aux demandes des professionnels de santé dans l’accès à des outils plus performants. Je peux par exemple évoquer ici la numérisation en cours des laboratoires d’anatomopathologie, la mise en place de la préadmission en ligne, ou encore l’installation de bornes d'accueil et d'orientation pour les patients.
Qu’en est-il du nouvel hôpital de l’île de Nantes, qui doit ouvrir ses portes en 2027 ? Ce projet d’ampleur s’inscrit-il dans votre feuille de route actuelle ?
Il s’agit même de l’une des briques majeures de cette feuille de route, et elle représente d’ailleurs une charge de travail importante pour nos équipes. La construction d’un nouveau bâtiment comporte forcément un volet numérique, pour notamment créer toute l'infrastructure réseau – réseaux fibre optique, Wifi, GSM, téléphonie… Et nous sommes ici confrontés à des enjeux forts en matière de modernisation, pour installer des technologies de pointe. Dans plusieurs domaines, nous nous apprêtons donc à faire de réels bonds technologiques.
Pourriez-vous nous donner quelques exemples ?
Prenons la téléphonie. La technologie aujourd’hui utilisée est ancienne ; nous allons donc passer sur une téléphonie IP, reliée à Internet, mais aussi remplacer tout notre système DECT par des smartphones. L’impact sera particulièrement positif pour les professionnels de santé, qui bénéficieront ainsi d’équipements favorisant l’utilisation des outils métiers en mobilité, jusqu’au lit du patient.
Quels sont les autres projets prévus dans le cadre du nouvel hôpital ?
La feuille de route comporte aussi tout un volet applicatif avec, en premier lieu, l’adaptation des logiciels métiers aux nouvelles organisations. Par exemple, l’hôpital actuel compte plusieurs blocs opératoires indépendants, tandis que le nouvel hôpital sera doté d’un immense et unique plateau, comportant 57 salles opératoires. Les processus organisationnels sont donc amenés à évoluer, en matière de gestion logistique, gestion du stock, modalités de constitution des chariots de blocs, etc. Les différents métiers concernés ont donc ici des attentes fortes, pour bénéficier d’une solution informatique qui facilitera « l’industrialisation » de ces différentes tâches.
Ces nouveaux outils seront-ils disponibles dès l’installation dans le nouveau bâtiment ?
Pour certains oui, mais nous essayons de limiter cette simultanéité entre deux « gros » changements – nouveaux locaux et nouveaux outils – et d’équiper les professionnels en amont, afin qu’ils puissent s’habituer aux nouveaux systèmes. Mais cela n’est pas toujours possible. Typiquement, le passage du système DECT au smartphone se fera forcément en mode « Big Bang » lors de l'ouverture du nouvel hôpital, car l’on ne pourrait pas changer notre téléphonie avant le déménagement prévu dans deux ans et demi.
Vous évoquiez plus haut le département Recherche, Innovation, Data de la DSN. Pourriez-vous nous en parler plus en détail ?
Une partie de son travail est de soutenir le volet IT de l’innovation numérique, en travaillant avec la Direction de la recherche et de l'innovation du CHU, mais aussi, parfois, avec des start-up sur du co-développement d'outils. Par exemple, nous nous penchons actuellement sur l’IA générative, pour évaluer son intérêt dans les pratiques, identifier son périmètre, ses délais de mise en œuvre… Notre ambition est bien ici d’innover, y compris en allant vers « l’inconnu ». Et, bien que la majorité des activités de la DSN ne relève pas du champ de l’innovation, cette réflexion n’en est pas moins cruciale pour véritablement porter l’innovation au cœur de notre établissement.
Arrêtons-nous à présent sur vos projets e-santé à destination des patients. Pourriez-vous en citer quelques-uns ?
Ce volet tient particulièrement à cœur de Philippe El Saïr, le directeur général du CHU, et il recouvre plusieurs chantiers, notamment en lien avec le parcours administratif : alimentation de Mon espace santé, communication avec les patients via la messagerie sécurisée de santé citoyenne, prise de rendez-vous en ligne, préadmission en ligne, mise en place de serveurs vocaux interactifs pour la téléphonie… Et puis, il y a aussi tout un volet sur la télémédecine, que l’on continue à exploiter avec de la téléexpertise, de la télésurveillance ou de la téléconsultation, utilisée notamment avec les EHPAD du territoire.
Quelle tendance observez-vous quant à l'utilisation effective de ces outils ?
En matière de e-santé, les usages s’accroissent depuis la crise sanitaire, également favorisés par les politiques volontaristes mises en place par l’État. Néanmoins, je pense que l’utilisation des outils informatiques, au sens large, est dépendante de la maturité des établissements, des pôles et des services. Nous en sommes témoins au quotidien, la dynamique est différente suivant les équipes. Cette variabilité est fonction des volontés individuelles, mais aussi de l’appétence des personnes, tous âges confondus. À Nantes, nous avons la chance d’avoir des professionnels de santé très matures en matière d’usages numériques. C'est une grande force, et aussi un moteur pour la DSN qui doit pouvoir suivre en termes de moyens financiers et humains.
Les professionnels de santé sont donc plutôt réceptifs aux outils numériques…
Globalement oui, avec des solutions qu’ils identifient rapidement comme pouvant leur faire gagner du temps. Pour autant, il reste plusieurs points à améliorer pour accroître l’adhésion, notamment en ce qui concerne l’ergonomie des outils disponibles. Écrans peu lisibles, multiplication des clics pour une action relativement simple… Il arrive que des soignants soient frustrés et déçus par des systèmes qu’ils ont du mal à s’approprier. Tous, au quotidien, utilisent leur smartphone, et sont habitués à des outils faciles d’approche. Ils sont donc souvent perturbés par des outils métiers plus complexes à prendre en main.
Quel peut être ici votre champ d’action en tant que DSN ?
Bien que deux développeurs soient présents au sein de notre équipe, ils travaillent peu sur ces sujets, se concentrant plutôt sur l’innovation. En matière de santé numérique et de logiciels métiers, la stratégie du CHU de Nantes a toujours été de s’orienter davantage vers des outils du marché, plutôt que de développer ses propres solutions. Dans ce cas de figure, c’est donc aux éditeurs d’agir pour améliorer l’ergonomie de leur offre. Nous travaillons d’ailleurs étroitement avec eux au sein de groupes d’utilisateurs, pour porter ce sujet, remonter les problématiques rencontrées et être forces de proposition.
Quel avenir imaginez-vous pour l'hôpital ? Pensez-vous que le numérique y occupera une place toujours plus importante ?
Nous avons beaucoup à apprendre et à exploiter des outils numériques. À l'hôpital public notamment, nous sommes en retard sur l'exploitation complète des solutions à notre disposition. Je pense qu'il pourrait y avoir beaucoup plus d'aide à la prise de décision, d’interopérabilité pour limiter la recopie d'un logiciel à l'autre, de systèmes d'alerte pour éviter aux professionnels d'avoir à regarder plusieurs fois les mêmes résultats de biologie… Les applications du numérique sont nombreuses, et on peut imaginer autant de gains de temps possibles. Mais je sais qu’il y a aussi des limites au numérique. Nous le voyons déjà sur certains projets. Prenez par exemple l'installation des bornes d’accueil, qui va permettre aux patients d’être plus autonomes dans leur arrivée à l’hôpital. Il faudra néanmoins toujours quelqu'un pour accompagner ceux qui ne seront pas à l'aise avec le numérique, qui ne parlent pas français, qui n’auront pas pu faire leur préadmission en ligne… À l’instar de ces bornes, les systèmes numériques ne remplacent pas totalement l’humain, mais ils peuvent aider les professionnels de l’hôpital en réduisant le temps consacré à certaines tâches, dont sur le plan administratif.
Les métiers du numérique à l’hôpital font actuellement face à des enjeux d’attractivité forts. Comment œuvrez-vous pour attirer et fidéliser des compétences aujourd’hui très demandées ?
Pour ce qui est du recrutement, nous sommes en lien avec la direction des ressources humaines et faisons régulièrement appel à des cabinets de chasseurs de têtes, qui participent aussi à mieux faire connaître nos métiers hospitaliers dans le secteur du numérique. Depuis que nous avons opté pour cette approche, nous avons divisé par deux le temps de vacance de poste. Avec la DRH, nous avons aussi des échanges réguliers sur la grille salariale pour essayer de coller aux réalités du marché du travail, tout en restant dans le cadre de la fonction publique hospitalière. Et puis, pour fidéliser nos collaborateurs, mon responsable adjoint Charles-André Boissac et moi-même, avons à cœur d'animer, d’impliquer, de communiquer et de soutenir l’équipe. Nous nous sommes également rapprochés de nos maîtrises d'ouvrage pour tenter de limiter la pression directe sur nos professionnels. Car, en cas de dysfonctionnement d’un outil, le stress, et parfois même l’agressivité, peuvent être compliqués à gérer et détériorent les conditions de travail de nos professionnels.
À l’avenir, quelle place occuperont, selon vous, les DSN au sein des établissements de santé ?
Je ne crois pas à une grande révolution, mais les DSN prendront sûrement plus de place. Ce phénomène est déjà en train de se produire. Au quotidien, les DSN sont de plus en plus incontournables dans l’ensemble des discussions. Au CHU de Nantes, nous avons la chance d’avoir une Direction générale très à l’écoute, qui a pris conscience du caractère indispensable du numérique et nous accompagne dans tous nos projets.
> Article paru dans Hospitalia #67, édition de décembre 2024, à lire ici