Dans quel contexte s’inscrit l’évolution des organisations sanitaires et quel sera son impact sur le terrain ?
Lamine Gharbi : Cette évolution est à mettre en regard avec l’arrivée de nombreuses avancées technologiques (intelligence artificielle, génomique, robotique, …), qui modifient la manière-même dont les patients sont pris en charge. La part des actes réalisés en ambulatoire augmentera significativement, y compris pour des interventions complexes comme la chirurgie interventionnelle endoluminale. Déjà, les principes de récupération rapide après chirurgie permettent de réaliser des interventions lourdes, telles que la colectomie, avec des complications moindres. Ce virage ambulatoire et son corollaire, l’hospitalisation de jour, vont impacter l’ensemble des établissements de santé, qu’ils soient MCO, SSR ou de psychiatrie, et bouleverseront l’architecture traditionnelle. L’hôpital et la clinique de demain n’auront assurément pas la même silhouette qu’aujourd’hui !
Cette mutation va de pair avec le recentrement du système de santé autour du patient.
Le patient passera en effet de moins en moins de temps dans nos établissements. Mais son parcours, en amont et en aval de son hospitalisation, fera l’objet d’une attention renforcée. Coordination interprofessionnelle, suivi personnalisé des malades, meilleure prise en compte de l’humain, … Les activités, les organisations et les missions des équipes médicales et soignantes seront dès lors directement impactées. La clinique de demain débordera largement de ses murs et sera au cœur d’un réseau territorial d’acteurs de santé, où chacun aura un rôle à jouer dans le suivi du patient et de son parcours. De la même manière, elle améliorera son maillage territorial en intégrant dans son périmètre d’activité des centres de santé ou des maisons de santé pluriprofessionnelles qui répondent à l’ensemble des besoins médicaux, avec la biologie médicale, l’imagerie,… La clinique de demain verra également son rôle social croître : au cœur du parcours de soins, soucieuse de l’impact social et environnemental de son activité, elle sera un acteur reconnu de la vie d’un territoire.
Lamine Gharbi : Cette évolution est à mettre en regard avec l’arrivée de nombreuses avancées technologiques (intelligence artificielle, génomique, robotique, …), qui modifient la manière-même dont les patients sont pris en charge. La part des actes réalisés en ambulatoire augmentera significativement, y compris pour des interventions complexes comme la chirurgie interventionnelle endoluminale. Déjà, les principes de récupération rapide après chirurgie permettent de réaliser des interventions lourdes, telles que la colectomie, avec des complications moindres. Ce virage ambulatoire et son corollaire, l’hospitalisation de jour, vont impacter l’ensemble des établissements de santé, qu’ils soient MCO, SSR ou de psychiatrie, et bouleverseront l’architecture traditionnelle. L’hôpital et la clinique de demain n’auront assurément pas la même silhouette qu’aujourd’hui !
Cette mutation va de pair avec le recentrement du système de santé autour du patient.
Le patient passera en effet de moins en moins de temps dans nos établissements. Mais son parcours, en amont et en aval de son hospitalisation, fera l’objet d’une attention renforcée. Coordination interprofessionnelle, suivi personnalisé des malades, meilleure prise en compte de l’humain, … Les activités, les organisations et les missions des équipes médicales et soignantes seront dès lors directement impactées. La clinique de demain débordera largement de ses murs et sera au cœur d’un réseau territorial d’acteurs de santé, où chacun aura un rôle à jouer dans le suivi du patient et de son parcours. De la même manière, elle améliorera son maillage territorial en intégrant dans son périmètre d’activité des centres de santé ou des maisons de santé pluriprofessionnelles qui répondent à l’ensemble des besoins médicaux, avec la biologie médicale, l’imagerie,… La clinique de demain verra également son rôle social croître : au cœur du parcours de soins, soucieuse de l’impact social et environnemental de son activité, elle sera un acteur reconnu de la vie d’un territoire.
Pourtant les dynamiques territoriales actuellement à l’œuvre font la part belle aux hôpitaux publics. Où se positionneraient les établissements privés ?
Répondre pleinement aux besoins en santé de la population impose l’engagement de tous les acteurs. Or cette nécessité est potentiellement menacée par une conception étriquée des Groupements hospitaliers de territoire (GHT), qui vient entraver la coopération des acteurs de santé. Faire de l’hôpital public l’alpha et l’oméga de l’offre de soins n’est pourtant pas sans risques pour nos concitoyens. Aussi la FHP est-elle très attentive à ce que, dans les territoires, les établissements privés puissent préserver le rôle qui est le leur auprès des patients. Nous souhaitons que soit constituée une offre territoriale qui englobe le secteur public bien sûr, mais aussi le secteur privé et la ville, dans le respect des partenariats (public-privé, privé-privé) et promue, de façon transparente, par les Agences Régionales de Santé (ARS).
Il s’agit là d’un premier point de vigilance pour soutenir l’avènement de nouveaux modes organisationnels au bénéfice des patients. Un deuxième point a trait au financement du système de santé.
Il est en effet impératif de sortir de la politique de baisse perpétuelle des tarifs, qui a désormais atteint sa limite. Ce n’est qu’en redonnant de l’oxygène aux soignants et à nos établissements, et en préservant les moyens de leur ambition quotidienne – bien soigner – que la transformation de l’offre de soins est envisageable. Il est vrai que les dépenses de santé connaissent une croissance exponentielle, à mettre en regard avec le vieillissement des babyboomers et l’augmentation des maladies chroniques. Mais personne n’a semble-t-il pris soin de prévoir cette évolution somme toute naturelle…
Répondre pleinement aux besoins en santé de la population impose l’engagement de tous les acteurs. Or cette nécessité est potentiellement menacée par une conception étriquée des Groupements hospitaliers de territoire (GHT), qui vient entraver la coopération des acteurs de santé. Faire de l’hôpital public l’alpha et l’oméga de l’offre de soins n’est pourtant pas sans risques pour nos concitoyens. Aussi la FHP est-elle très attentive à ce que, dans les territoires, les établissements privés puissent préserver le rôle qui est le leur auprès des patients. Nous souhaitons que soit constituée une offre territoriale qui englobe le secteur public bien sûr, mais aussi le secteur privé et la ville, dans le respect des partenariats (public-privé, privé-privé) et promue, de façon transparente, par les Agences Régionales de Santé (ARS).
Il s’agit là d’un premier point de vigilance pour soutenir l’avènement de nouveaux modes organisationnels au bénéfice des patients. Un deuxième point a trait au financement du système de santé.
Il est en effet impératif de sortir de la politique de baisse perpétuelle des tarifs, qui a désormais atteint sa limite. Ce n’est qu’en redonnant de l’oxygène aux soignants et à nos établissements, et en préservant les moyens de leur ambition quotidienne – bien soigner – que la transformation de l’offre de soins est envisageable. Il est vrai que les dépenses de santé connaissent une croissance exponentielle, à mettre en regard avec le vieillissement des babyboomers et l’augmentation des maladies chroniques. Mais personne n’a semble-t-il pris soin de prévoir cette évolution somme toute naturelle…
“Pourquoi ne pas rémunérer l’activité médicale en fonction de sa valeur ajoutée, comme c’est le cas pour les médicaments, plutôt que sur la base des coûts de production constatés ?”
Que préconisez-vous ?
Le mode de financement actuel doit évoluer pour encourager le développement des innovations médicales et organisationnelles. Pourquoi ne pas rémunérer l’activité médicale en fonction de sa valeur ajoutée, comme c’est le cas pour les médicaments, plutôt que sur la base des coûts de production constatés ? La ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, a fait un premier pas avec la création d'un fonds pour l'innovation organisationnelle et tarifaire doté d’une enveloppe de 30 millions d'euros en 2018. C’est une opportunité dont vont se saisir les hôpitaux et cliniques privés pour expérimenter de nouveaux parcours de soins et de nouvelles coopérations. Attention toutefois à ne pas se contenter d’un financement dérogatoire et discrétionnaire de l’innovation. On ne transformera réellement le système qu’en accordant aux expérimentations retenues des financements pérennes et inscrits dans le droit commun.
Mais les freins à l’innovation ne sont pas uniquement financiers. Comment mieux encourager son intégration aux pratiques et aux organisations médicales ?
Se contenter de financer l’innovation n’est en effet pas suffisant. Il faut également défaire les carcans administratifs et réglementaires qui entravent aujourd’hui les acteurs de santé. Passons d’une politique du contrôle et de la sanction à une approche incitative et bienveillante des innovations de terrain, encourageons les retours d’expériences non punitifs et l’évaluation par les pairs. Plus valorisante pour les acteurs de santé, cette approche favorisera l’amélioration de la qualité médicale et la pertinence des soins. Il serait en outre opportun que le système évolue vers plus de transparence, avec par exemple la publication des indicateurs qualité et des avis des usagers, afin de favoriser une saine émulation et une dynamique vertueuse. L’engagement de l’hospitalisation privée dans les démarches d’amélioration de la qualité des soins est d’ailleurs reconnu : la FHP propose ainsi une augmentation significative du financement à la qualité dans les établissements de santé, puissant levier de motivation des professionnels.
Le mode de financement actuel doit évoluer pour encourager le développement des innovations médicales et organisationnelles. Pourquoi ne pas rémunérer l’activité médicale en fonction de sa valeur ajoutée, comme c’est le cas pour les médicaments, plutôt que sur la base des coûts de production constatés ? La ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, a fait un premier pas avec la création d'un fonds pour l'innovation organisationnelle et tarifaire doté d’une enveloppe de 30 millions d'euros en 2018. C’est une opportunité dont vont se saisir les hôpitaux et cliniques privés pour expérimenter de nouveaux parcours de soins et de nouvelles coopérations. Attention toutefois à ne pas se contenter d’un financement dérogatoire et discrétionnaire de l’innovation. On ne transformera réellement le système qu’en accordant aux expérimentations retenues des financements pérennes et inscrits dans le droit commun.
Mais les freins à l’innovation ne sont pas uniquement financiers. Comment mieux encourager son intégration aux pratiques et aux organisations médicales ?
Se contenter de financer l’innovation n’est en effet pas suffisant. Il faut également défaire les carcans administratifs et réglementaires qui entravent aujourd’hui les acteurs de santé. Passons d’une politique du contrôle et de la sanction à une approche incitative et bienveillante des innovations de terrain, encourageons les retours d’expériences non punitifs et l’évaluation par les pairs. Plus valorisante pour les acteurs de santé, cette approche favorisera l’amélioration de la qualité médicale et la pertinence des soins. Il serait en outre opportun que le système évolue vers plus de transparence, avec par exemple la publication des indicateurs qualité et des avis des usagers, afin de favoriser une saine émulation et une dynamique vertueuse. L’engagement de l’hospitalisation privée dans les démarches d’amélioration de la qualité des soins est d’ailleurs reconnu : la FHP propose ainsi une augmentation significative du financement à la qualité dans les établissements de santé, puissant levier de motivation des professionnels.
La Fédération promeut en outre de nombreuses actions en faveur de l’innovation. Pouvez-vous nous en parler ?
Nous sommes convaincus que l’innovation en santé passe par la coopération avec de nouveaux acteurs, et notamment avec les start-ups. La FHP a donc noué un partenariat avec l’association France eHealthTech, qui regroupe l’ensemble des start-ups de la e-santé, afin d’encourager les échanges autour de concepts innovants. Nous avons également organisé, en 2016, un ‘grand challenge de l’innovation’ pour que des start-ups puissent proposer leurs solutions en direct à nos établissements. Nous favorisons par ailleurs le partage d’expériences grâce à nos Trophées de l’Hospitalisation privée, un rendez-vous annuel très attendu par les hôpitaux et cliniques privés, qui y voient l’occasion de valoriser leurs initiatives innovantes auprès des acteurs de santé et des usagers. Les équipes de la FHP sont, enfin, pleinement mobilisées pour soutenir les établissements privés dans leur participation aux expérimentations, notamment dans le cadre de l’article 51 de la LFSS 2018 : conseils juridiques et réglementaires, journées thématiques, … Toute l’action de la FHP vise à accompagner la profession dans les mutations perpétuelles de son activité.
Justement, quels messages portez-vous quant aux évolutions à venir ?
L’innovation médicale, les révolutions technologiques, et les nouveaux modes de prise en charge ne servent qu’un objectif : mieux soigner. Notre ambition pour le système de santé est d’offrir des soins pertinents de qualité prouvée aux patients, au juste prix, avec des professionnels satisfaits de leur travail et convenablement rémunérés. En ce qui concerne plus particulièrement l’innovation, nous appelons à ce que les différentes mesures en sa faveur se fassent au bénéfice de l’ensemble des acteurs de santé : médecine libérale, hôpitaux publics et privés, paramédicaux, … tous doivent bénéficier d’un encouragement à l’innovation pour faire remonter les pratiques innovantes et pertinentes. Travaillons donc au décloisonnement des acteurs de santé, plutôt que d’organiser le recentrage de l’offre de santé autour de l’hôpital public ! Ce serait contre-productif et à rebours du sens de l’histoire…
Nous sommes convaincus que l’innovation en santé passe par la coopération avec de nouveaux acteurs, et notamment avec les start-ups. La FHP a donc noué un partenariat avec l’association France eHealthTech, qui regroupe l’ensemble des start-ups de la e-santé, afin d’encourager les échanges autour de concepts innovants. Nous avons également organisé, en 2016, un ‘grand challenge de l’innovation’ pour que des start-ups puissent proposer leurs solutions en direct à nos établissements. Nous favorisons par ailleurs le partage d’expériences grâce à nos Trophées de l’Hospitalisation privée, un rendez-vous annuel très attendu par les hôpitaux et cliniques privés, qui y voient l’occasion de valoriser leurs initiatives innovantes auprès des acteurs de santé et des usagers. Les équipes de la FHP sont, enfin, pleinement mobilisées pour soutenir les établissements privés dans leur participation aux expérimentations, notamment dans le cadre de l’article 51 de la LFSS 2018 : conseils juridiques et réglementaires, journées thématiques, … Toute l’action de la FHP vise à accompagner la profession dans les mutations perpétuelles de son activité.
Justement, quels messages portez-vous quant aux évolutions à venir ?
L’innovation médicale, les révolutions technologiques, et les nouveaux modes de prise en charge ne servent qu’un objectif : mieux soigner. Notre ambition pour le système de santé est d’offrir des soins pertinents de qualité prouvée aux patients, au juste prix, avec des professionnels satisfaits de leur travail et convenablement rémunérés. En ce qui concerne plus particulièrement l’innovation, nous appelons à ce que les différentes mesures en sa faveur se fassent au bénéfice de l’ensemble des acteurs de santé : médecine libérale, hôpitaux publics et privés, paramédicaux, … tous doivent bénéficier d’un encouragement à l’innovation pour faire remonter les pratiques innovantes et pertinentes. Travaillons donc au décloisonnement des acteurs de santé, plutôt que d’organiser le recentrage de l’offre de santé autour de l’hôpital public ! Ce serait contre-productif et à rebours du sens de l’histoire…
La clinique de demain se construit dès à présent
Qu’elles soient techniques ou organisationnelles, les innovations portées par les cliniques et hôpitaux privés sont légions. La preuve par l’exemple.
• À la Clinique Victor Hugo du Mans (ELSAN), le Docteur Fabrice Denis, médecin oncologue, a imaginé l’application Web MoovcareTM pour détecter à distance les rechutes du cancer du poumon. Il suffit au malade de renseigner, chaque semaine, son état de santé avec précision à travers 11 symptômes qui peuvent être le signe d’une rechute. Le déclenchement des soins se fait alors non pas par le calendrier, mais en fonction de la symptomatologie clinique. Les tests ont montré que l’application avait détecté 100% des rechutes, contre 80% pour les scanners programmés à date fixe. Les TDM (scanners) existent toujours ; mais ils sont désormais réalisés en fonction de la clinique et non à dates fixes programmées à l’avance. Il s’agit de la première application en cancérologie à avoir passé toutes les étapes d’évaluation clinique pour un dispositif médical, et pouvant aboutir à un remboursement.
• Inaugurée en 2016, la Clinique de Domont (Groupe Capio) est entièrement dédiée à la chirurgie et la médecine ambulatoires. Ce nouveau modèle d’établissement offre des prises en charge plus efficientes et de meilleure qualité, du fait d’une maîtrise des process et des flux rendus possible par des locaux adaptés et un plateau technique de pointe. En cas de nécessité, le repli en hospitalisation conventionnelle est organisé en coopération avec la Clinique Claude Bernard à Ermont, qui appartient également au groupe Capio.
Interview réalisée par Joëlle Hayek paru dans le numéro 41 d'Hospitalia, magazine à consulter en intégralité ici.