Le chemin a été long : instauré en 2004 sous l’appellation de « Dossier Médical Personnel », le DMP a subi une première mutation sous la forme de « Dossier médical Partagé » confié à partir de 2012 à la Caisse Nationale d’Assurance Maladie. Une troisième évolution est survenue depuis un an devenant « Mon Espace Santé », outil de partage des documents médicaux qui intègre également une messagerie sécurisée, un agenda pour centraliser les rendez-vous médicaux et les vaccinations et un catalogue d’applications numériques certifiées par l’État.
Des évolutions concrètes mises en place pour promouvoir l’usage de Mon Espace Santé
Contrairement à la première mutation, cette dernière mouture intègre enfin des évolutions qui permettent de penser que le succès est à portée : en premier lieu, il semble acté que l’hôpital et les établissements de santé sont la source première d’alimentation des plateformes de santé. Nous en avions souligné l’importance et les financements du Ségur de la Santé vont dans ce sens (SUN-ES à l’attention des établissements sanitaires et SONS à l’attention des éditeurs). C’est un premier stimulant direct, qui a longtemps tardé à être mis en place. Reste à généraliser le déploiement des connecteurs permettant d’alimenter directement le DMP à partir des différents outils informatiques utilisés par les professionnels de santé dans le cadre de leur activité hospitalière.
Une deuxième évolution majeure est disponible depuis janvier 2022, après avoir été testée dans trois départements pilotes depuis août 2021 : Mon Espace Santé est ouvert à tous les usagers français. Ils reçoivent progressivement un courrier leur proposant d’activer eux-mêmes immédiatement leur espace de santé et leur DMP. Sans réponse négative après 6 semaines, le profil Mon Espace Santé est automatiquement créé. Ce mécanisme garantit qu’à terme une majorité de citoyens disposera d’un DMP ouvert – les oppositions exprimées étant très rares.
Le troisième groupe d’évolutions est d’ordre technique, mais de la plus grande importance. Tout d’abord l’identification du patient, l’INS-NIR qui correspond au numéro de sécurité sociale du bénéficiaire lorsque l’usager est lui-même l’assuré, devient l’identifiant de santé unique : il va progressivement s’imposer à tous les acteurs de santé et constitue la condition nécessaire pour consolider les données. En second lieu, les standards informatiques ont été parfaitement définis au sein d’un « cadre national d’interopérabilité » qui s’impose à tous les acteurs de santé devant alimenter le DMP. En troisième lieu les acteurs de santé disposent maintenant d’un service (« Pro-Santé Connect », de l’Agence du Numérique en Santé), leur permettant une connexion sécurisée et directe aux plateformes de santé en utilisant leur carte professionnelle CPS ou leur smartphone (service e-CPS). Enfin des « plateformes d’intermédiation (PFI) » sont en cours d’installation : elles permettent de transcoder dans le format d’interopérabilité défini plus haut les informations médicales provenant des systèmes d’information hétérogènes – ainsi le monde de la santé pourra « parler le même langage », et pourra évoluer plus facilement.
Une deuxième évolution majeure est disponible depuis janvier 2022, après avoir été testée dans trois départements pilotes depuis août 2021 : Mon Espace Santé est ouvert à tous les usagers français. Ils reçoivent progressivement un courrier leur proposant d’activer eux-mêmes immédiatement leur espace de santé et leur DMP. Sans réponse négative après 6 semaines, le profil Mon Espace Santé est automatiquement créé. Ce mécanisme garantit qu’à terme une majorité de citoyens disposera d’un DMP ouvert – les oppositions exprimées étant très rares.
Le troisième groupe d’évolutions est d’ordre technique, mais de la plus grande importance. Tout d’abord l’identification du patient, l’INS-NIR qui correspond au numéro de sécurité sociale du bénéficiaire lorsque l’usager est lui-même l’assuré, devient l’identifiant de santé unique : il va progressivement s’imposer à tous les acteurs de santé et constitue la condition nécessaire pour consolider les données. En second lieu, les standards informatiques ont été parfaitement définis au sein d’un « cadre national d’interopérabilité » qui s’impose à tous les acteurs de santé devant alimenter le DMP. En troisième lieu les acteurs de santé disposent maintenant d’un service (« Pro-Santé Connect », de l’Agence du Numérique en Santé), leur permettant une connexion sécurisée et directe aux plateformes de santé en utilisant leur carte professionnelle CPS ou leur smartphone (service e-CPS). Enfin des « plateformes d’intermédiation (PFI) » sont en cours d’installation : elles permettent de transcoder dans le format d’interopérabilité défini plus haut les informations médicales provenant des systèmes d’information hétérogènes – ainsi le monde de la santé pourra « parler le même langage », et pourra évoluer plus facilement.
Une architecture centralisée limitant l’efficience du dispositif
Malgré ces évolutions, Mon Espace Santé reste une architecture centralisée, dans la mesure où elle impose aux différents acteurs de santé de lui envoyer physiquement des documents, qui sont hébergés en un lieu unique. L’information ainsi partagée reste médicalement incomplète : seuls les documents transmis à partir de l’ouverture du DMP par le patient sont disponibles, et tous ne sont pas considérés « éligibles » à l’envoi au DMP par les professionnels qui les produisent. De ce fait, un praticien qui cherche une information pour un patient ayant un lourd historique hospitalier ou à accéder à une donnée précise a de grandes chances de ne pas la trouver dans le DMP. Or, c’est justement pour les malades, notamment âgés, avec de lourdes comorbidités et un dossier médical complexe et ancien, qu’il est important d’accéder rapidement à l’information recherchée, pour éviter des examens redondants, des ré-hospitalisations ou des passages aux urgences évitables. C’est là qu’une telle centralisation de l’information au sein de Mon Espace Santé trouve ses limites médicales.
La solution à ce problème est d’ordre technique et passe par une architecture répartie prenant pour base les PFI citées ci-dessus. Dans ce modèle de partage des informations médicales, l’alimentation des plateformes de santé ne passe pas par l’envoi physique de documents, mais par la mise à disposition de liens internet qui permettent d’aller les chercher directement en leurs lieux de stockage d’origine, notamment hospitaliers. Les PFI assurent la sécurité des échanges et la compatibilité des transactions avec le cadre d’interopérabilité défini au national.
La solution à ce problème est d’ordre technique et passe par une architecture répartie prenant pour base les PFI citées ci-dessus. Dans ce modèle de partage des informations médicales, l’alimentation des plateformes de santé ne passe pas par l’envoi physique de documents, mais par la mise à disposition de liens internet qui permettent d’aller les chercher directement en leurs lieux de stockage d’origine, notamment hospitaliers. Les PFI assurent la sécurité des échanges et la compatibilité des transactions avec le cadre d’interopérabilité défini au national.
L’évolution vers une architecture répartie serait un modèle efficient, mais culturellement disruptif
Les technologies actuelles de l‘information permettraient d’évoluer sans grande complexité technique vers une telle architecture de mise à disposition répartie de l’information médicale : une preuve de concept a d’ailleurs été établie par l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, qui a déployé avec le support de l’ARS Île-de-France un démonstrateur conforme à ce principe de fonctionnement.
Migrer vers une architecture répartie comporterait de nombreux avantages, en premier lieu d’ordre médical : un praticien se connectant à Mon Espace Santé et cherchant une information sur un patient – information qu’il ne trouverait pas dans le DMP – pourrait ainsi accéder directement et simplement, de manière sécurisée, aux informations réparties présentes dans les entrepôts de stockage hospitaliers. Mais d’autres avantages majeurs, ce modèle limitant les échanges purement documentaires au profit de pointeurs, en résulteraient également : compte tenu de la volumétrie prévisible, une sécurité accrue de l’information, d’importantes économies d’archivage et une réduction significative de l’empreinte carbone – les « datacenters » étant particulièrement énergivores – pourraient être obtenues. Ce type d’urbanisation des échanges médicaux ouvre enfin la perspective d’un dossier partagé dépassant un cadre national, puisqu’il repose sur des standards définis au niveau européen et même international.
L’obstacle majeur à ce stade est d’ordre culturel, car un tel modèle disruptif se heurte à une tradition nationale privilégiant les solutions centralisées, à un hospitalo-centrisme qui reste encore trop souvent présent et risque de porter préjudice à des lobbies industriels ayant traditionnellement déployé au sein des hôpitaux des progiciels de gestion intégrée complexes, au profit de solutions innovantes et agiles beaucoup moins spécifiques et onéreuses...
Article publié dans l'édition de décembre 2022 d'Hospitalia à lire ici.
Migrer vers une architecture répartie comporterait de nombreux avantages, en premier lieu d’ordre médical : un praticien se connectant à Mon Espace Santé et cherchant une information sur un patient – information qu’il ne trouverait pas dans le DMP – pourrait ainsi accéder directement et simplement, de manière sécurisée, aux informations réparties présentes dans les entrepôts de stockage hospitaliers. Mais d’autres avantages majeurs, ce modèle limitant les échanges purement documentaires au profit de pointeurs, en résulteraient également : compte tenu de la volumétrie prévisible, une sécurité accrue de l’information, d’importantes économies d’archivage et une réduction significative de l’empreinte carbone – les « datacenters » étant particulièrement énergivores – pourraient être obtenues. Ce type d’urbanisation des échanges médicaux ouvre enfin la perspective d’un dossier partagé dépassant un cadre national, puisqu’il repose sur des standards définis au niveau européen et même international.
L’obstacle majeur à ce stade est d’ordre culturel, car un tel modèle disruptif se heurte à une tradition nationale privilégiant les solutions centralisées, à un hospitalo-centrisme qui reste encore trop souvent présent et risque de porter préjudice à des lobbies industriels ayant traditionnellement déployé au sein des hôpitaux des progiciels de gestion intégrée complexes, au profit de solutions innovantes et agiles beaucoup moins spécifiques et onéreuses...
Article publié dans l'édition de décembre 2022 d'Hospitalia à lire ici.