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Biologie

Le Docteur Sophie Laplanche, Coordinatrice du pôle LBM, GHPSJ : avec l'IA, « les changements à venir sont majeurs »


Rédigé par Aurélie Pasquelin le Mercredi 15 Janvier 2025 à 09:55 | Lu 133 fois


Répartis entre les hôpitaux Saint-Joseph et Marie-Lannelongue, les 130 professionnels exerçant au sein du département de Biologie médicale du Groupe hospitalier Paris Saint-Joseph (GHPSJ) analysent chaque jour les échantillons des patients du groupe et de ses partenaires, ainsi que de patients extérieurs. Rencontre avec le Docteur Sophie Laplanche, Coordinatrice du pôle des laboratoires, responsable du département de biologie bi-site et cheffe du service de Biologie médicale.



Pourriez-vous, pour commencer, nous présenter le laboratoire de biologie médicale (LBM) du GHPSJ ?

Dr Sophie Laplanche : Polyvalent et multi-sites, il est issu de la fusion de plusieurs laboratoires hospitaliers, ceux des hôpitaux Saint-Joseph, Saint-Michel et Notre-Dame de Bonsecours, tous trois situés à Paris, et plus récemment de l’hôpital Marie-Lannelongue, au Plessis-Robinson, dans les Hauts-de-Seine. Lors de la première fusion, il y a dix ans, les laboratoires des trois premiers hôpitaux ont été regroupés en un seul département qui, compte tenu de sa taille, a lui-même été divisé en deux services, l’un pour la biologie et l’autre pour la microbiologie. 

Quid du site de l’hôpital Marie-Lannelongue ?

En 2020, lorsque l’établissement a rejoint le GHPSJ, il a été décidé de maintenir, sur le site de Marie-Lannelongue, un laboratoire dédié aux analyses urgentes adaptées aux activités de chirurgie cardiaque, pulmonaire et greffes, et de regrouper, sur le site de Saint-Joseph, l'ensemble de la microbiologie ainsi que les activités de biologie spécialisée, comme l’immunologie et la génétique. Notre champ d’activité est lui aussi spécifique, puisque 30 % des actes ne sont pas directement liés à nos hôpitaux, mais concernent des patients extérieurs ou pris en charge dans des établissements partenaires. Nous recevons également des prélèvements de toute la France sur des domaines où notre expertise est nationalement reconnue, comme pour le dosage des anti-infectieux. 

Quels sont les effectifs du département ?

Une centaine de professionnels sont présents sur le site de l’hôpital Saint-Joseph, et une trentaine à Marie-Lannelongue. J’évoquerais d’ailleurs une dernière particularité :  nous réalisons nous-mêmes les examens d’immunohématologie et sommes responsables, sur chaque site, des dépôts de délivrance des produits sanguins labiles pour la transfusion sanguine. Bien entendu, nous avons une convention avec l’Établissement français du sang, qui nous alimente en produits dérivés du sang. Ce choix, historique pour l’hôpital Saint-Joseph, a été étendu à Marie-Lannelongue qui, depuis un an, s’inscrit donc dans la même logique. 

Pourriez-vous détailler l’organisation retenue pour le site de Saint-Joseph ? 

Comme évoqué plus haut, les équipes y sont divisées en deux services : l’une pour la microbiologie, qui rassemble donc cette spécialité à l’échelle du groupe, et l’autre pour la biologie, regroupant les activités d’immunohématologie, la biologie de routine 24h/24 et la biologie spécialisée avec, entre autres, les secteurs d'immunologie et de génétique. Nous disposons également d’équipes mutualisées pour les gardes, ainsi que pour les fonctions support – qui elles-mêmes recouvrent la réception des échantillons, le management Qualité, les préleveurs, et le service de navettes assurant une liaison toutes les deux heures entre les deux sites et des acheminements réguliers avec nos partenaires.  

Et sur le champ des innovations techniques équipant le LBM ?

Ces dernières années, les principales innovations techniques mises en œuvre ont trait à l'automatisation des processus et à l'informatisation des activités. Nous nous sommes par exemple équipés d’une chaîne analytique automatisée pour l’hématologie, et d’une chaîne dédiée à la biologie. L’évolution majeure de ces dernières années réside toutefois principalement dans les logiciels qui pilotent ces chaînes robotisées et les tapis roulants les reliant. Ils surveillent également le bon fonctionnement du système, détectent les exceptions, relancent un certain nombre de règles en fonction des alertes remontées par les automates, ou des alertes biologiques… Au fil des années, ils deviennent de plus en plus performants, intègrent des règles de plus en plus expertes, et sont de plus en plus paramétrables en fonction de l’évolution des besoins cliniques et des connaissances. C’est donc une avancée de taille pour le monde de la biologie médicale. Et la microbiologie n’est pas en reste. Là aussi, l’automatisation va de pair avec une informatique toujours plus experte. Les progrès réalisés sur les outils de pilotages nous font aujourd’hui gagner un temps précieux, et ces solutions deviennent progressivement indispensables pour répondre aux attentes des soignants et des patients. 

Travaillez-vous ici en lien avec la direction des services numériques (DSN) du GHPSJ ?

Nous avons la chance de disposer d’une DSN très performante et à notre écoute, avec des référents dédiés au département de biologie médicale. Nous travaillons donc en étroite collaboration sur de nombreux projets. En complément, notre propre équipe intègre plusieurs profils – techniciens ou biologistes – fléchés sur le numérique. Ces personnes sont formées, et interviennent en lien avec la DSN pour assurer le bon fonctionnement du laboratoire de biologie médicale. Car aujourd’hui, sans informatique, il est difficile pour un LBM d’être opérationnel. 

Après l’automatisation et la numérisation, quelle sera, pour vous, la prochaine évolution majeure ?

L’intelligence artificielle attire tous les regards, et il est certain que nous, biologistes, devons absolument prendre le train en marche. Grâce aux données, nous pourrons mieux évaluer certains risques et enrichir le dialogue clinique avec les prescripteurs, particulièrement lorsque le diagnostic est difficile à établir. Et puis, l’IA sera également intéressante en cancérologie, pour faciliter la recherche de tumeurs, mais aussi mieux évaluer les risques de résistances ou de toxicités en lien avec les médicaments. Après la révolution de la robotique et de l’informatique, nous entrons donc dans une décennie d’évolutions majeures, qui va là aussi révolutionner les pratiques. 

Comment les médecins et techniciens des LBM appréhendent-ils cette vague ?

La situation actuelle me ramène plus de dix années en arrière, lorsque j'avais mis en place la première chaîne de biologie robotisée à l’hôpital Paris Saint-Joseph. Les craintes éventuelles avaient été rapidement levées et, aujourd’hui, l’automatisation de tâches sans valeur ajoutée pour les techniciens de laboratoire est bien perçue par tous. Techniciens comme biologistes peuvent ainsi se concentrer sur les dossiers complexes, et y apporter leur expertise. Les biologistes peuvent également faire du conseil clinico-biologique auprès des prescripteurs et des patients, amenant là aussi une expertise non négligeable. 

Y a-t-il, néanmoins, des craintes quant à l’arrivée de l’IA en biologie médicale ? 

Il est certain qu’une technologie qui poserait elle-même le diagnostic, qui classerait seule les cellules pathologiques en hématologie, peut être source d’inquiétudes. Mais nous n’en sommes pas encore là, et peut-être n’y arriverons nous jamais. Pour autant, il est indéniable que les technologies d’intelligence artificielle ouvrent de nouvelles perspectives, et les professionnels de la biologie médicale doivent s’emparer dès à présent du sujet. Il leur faut notamment, pour cela, travailler en lien avec les différents services hospitaliers, afin de constituer et de valider les bases de données nécessaires au fonctionnement des technologies IA. L’utilisation des données de santé pose d’ailleurs déjà plusieurs questions d’éthique, sur lesquelles nous devons aussi travailler pour proposer un cadre pertinent qui viendra justement appuyer la création et l’exploitation de ces bases de données.

Le numérique devrait donc prendre encore davantage de place dans les LBM au cours des années à venir… 

Oui, et il est clair que nous allons avoir besoin de développer des compétences en informatiques. C’est d’ailleurs déjà le cas pour plusieurs jeunes professionnels, qui ont décidé de se former très tôt aux outils numériques. Ils nous apportent aujourd’hui une vision et une expertise intéressantes.

Quelle sera, pour vous, la place du biologiste demain ?

Si nous ne passons pas à côté de la révolution de l’IA, nous aurons toujours une place prépondérante pour assurer le bon fonctionnement des outils de laboratoire. Bien entendu, nous sommes équipés de logiciels pour le suivi et le contrôle de la qualité, mais l’expertise technique du biologiste reste essentielle au quotidien, pour valider les performances de nos analyseurs (calibration, suivi des tendances, recherche de causes de dérives…). Celle-ci ne pourra, à mon sens, pas être remplacée. De même, pour l’expertise clinico-biologique, qu’il faut continuer de développer car les relations avec les cliniciens et les patients doivent être au cœur de notre métier.  

Le mot de la fin ?

Le monde de la biologie médicale a déjà connu les révolutions de l’automatisation et de l’informatique, et il a su pleinement s’y adapter. Aujourd’hui, l’arrivée de l’intelligence artificielle annonce de grands bouleversements qui modifieront notre exercice en profondeur. Il est impératif de s’y intéresser dès à présent, pour intégrer rapidement, et de la meilleure manière possible, les outils les plus pertinents. Pour autant, bien que les changements à venir soient majeurs, je les perçois pour ma part comme une opportunité au profit des patients et de l'amélioration du diagnostic clinico-biologique. Grâce à l’intelligence artificielle, on peut imaginer un dépistage et des diagnostics plus précoces à l’aide de signaux faibles, ce qui limitera les examens complémentaires inutiles et facilitera le parcours des patients. 

> Article paru dans Hospitalia #67, édition de décembre 2024, à lire ici  
 






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