Présente depuis déjà plusieurs années dans le monde de l’imagerie médicale, l’intelligence artificielle ne cesse de s’y développer et d’élargir ses indications. De nouveaux outils voient régulièrement le jour, souvent avec un champ d’application très spécialisé. Les établissements de santé sont d’ailleurs eux-mêmes acteurs de cette révolution aux promesses nombreuses.
Dès 2019, le CHU de Rennes avait ainsi noué un partenariat avec une start-up œuvrant pour le développement de solutions IA en imagerie médicale, afin de permettre à ses équipes de prendre part à la co-création des outils de demain.
Des applications en contexte d’urgence…
Plusieurs projets sont nés de cette union, comme celui destiné au « Désengorgement des urgences par l’intelligence artificielle » (DUTI). Piloté par le Dr Ulysse Donval, lui-même médecin urgentiste, il a été mené en lien avec la direction des services numériques et la direction de l’innovation de l’établissement. L’initiative, alors avant-gardiste, avait allié innovation technologique et innovation organisationnelle, pour adapter les pratiques et y apporter notamment une solution permettant une première lecture des images de « petite traumatologie » par l’IA. Bien que les examens soient ensuite revus par un spécialiste, l’application a néanmoins permis de réduire les temps de passage aux urgences, à hauteur « de 21 % pour les patients sans fracture, et de 27 % pour les patients avec fracture, soit 1h à 1h20 d’attente en moins », indique le CHU, qui précise également que « la solution n’a pas engendré de sur-sollicitation de spécialistes ou de sur-prescription ».
… comme dans le cadre des soins programmés
L’IA a aussi trouvé, au sein du CHU, d’autres applications, particulièrement dans le flux d’imagerie programmée. Utilisé en routine au sein du pôle d’imagerie médicale et d’exploration fonctionnelle, un logiciel créé par les équipes apporte ainsi une aide au diagnostic dans la lecture des IRM de la prostate. « Le cancer de la prostate est le cancer plus fréquent chez l’homme, avec 50 400 cas par an en France. Avec 8 500 décès chaque année, c’est aussi la troisième cause de mortalité par cancer chez cette population », indique le Dr Luc Beuzit, qui a lui-même travaillé sur la création et le développement de cette solution experte. S’impliquant déjà dans la recherche en imagerie médicale, il y a vu l’opportunité de réfléchir à une application pratique de l’intelligence artificielle pour accélérer la détection de la pathologie. « Poser un diagnostic de cancer de la prostate impose habituellement plusieurs étapes. D’abord un toucher rectal ou un dosage de PSA (Prostate Specific Antigen), puis, si les résultats sont évocateurs, une IRM pour effectivement dépister la pathologie et cibler une zone de réalisation d’une biopsie échoguidée », explique le médecin.
L’examen IRM est donc ici central, mais il n’en reste pas moins complexe : « Peu de radiologues sont spécialisés dans la détection de ces lésions subtiles, qui subissent une grande variabilité des images selon les appareils et nécessitent un temps d’interprétation élevé », ajoute le médecin. C’est pour justement répondre à cette difficulté qu’il a souhaité développer un logiciel d’aide à l’interprétation des IRM de la prostate, dont l’ambition est triple : « améliorer les performances diagnostiques et la reproductibilité de l’analyse, améliorer la transmission de l’information aux destinataires du compte rendu, et accélérer le temps de lecture ».
L’examen IRM est donc ici central, mais il n’en reste pas moins complexe : « Peu de radiologues sont spécialisés dans la détection de ces lésions subtiles, qui subissent une grande variabilité des images selon les appareils et nécessitent un temps d’interprétation élevé », ajoute le médecin. C’est pour justement répondre à cette difficulté qu’il a souhaité développer un logiciel d’aide à l’interprétation des IRM de la prostate, dont l’ambition est triple : « améliorer les performances diagnostiques et la reproductibilité de l’analyse, améliorer la transmission de l’information aux destinataires du compte rendu, et accélérer le temps de lecture ».
3 000 IRM annotées
Plusieurs années ont néanmoins été nécessaires pour mettre au point l’outil, qui mesure le volume de la prostate, puis détecte et localise les lésions suspectes. Il a ainsi fallu trois ans, de 2020 à 2023, pour collecter les données et annoter les 3 000 images IRM – une tâche ayant mobilisé 12 radiologues – nécessaires à l’entraînement du logiciel d’IA. « Sur chaque image, il a fallu entourer les lésions et donner un score de gravité », indique Luc Beuzit, en précisant qu’une série de lectures effectuée par des radiologues différents était « nécessaire pour multiplier les points de vue, varier les visions et donc éviter la répétition des mêmes erreurs au sein du logiciel ». Relié au PACS, ce dernier récupère désormais les images anonymisées des examens de la prostate pour en calculer le volume, délimiter les zones suspectées d’héberger des cellules cancéreuses et générer un rapport intégrant leur localisation et niveau de risque.
Nécessitant la mise en place d’une passerelle entre le PACS du CHU et le serveur externe de son partenaire, l’outil a également imposé une importante réflexion autour de la sécurisation des données de santé. « Les images sont toutes pseudonymisées avant d’être traitées », insiste le radiologue, qui juge positivement l’expérience. « Cela dit, bien que j’aie un intérêt certain pour les nouvelles technologies en général et l’IA en particulier, coder n’est pas mon métier. L’appui de développeurs experts était donc précieux pour mener ce projet à bien », note-t-il.
Nécessitant la mise en place d’une passerelle entre le PACS du CHU et le serveur externe de son partenaire, l’outil a également imposé une importante réflexion autour de la sécurisation des données de santé. « Les images sont toutes pseudonymisées avant d’être traitées », insiste le radiologue, qui juge positivement l’expérience. « Cela dit, bien que j’aie un intérêt certain pour les nouvelles technologies en général et l’IA en particulier, coder n’est pas mon métier. L’appui de développeurs experts était donc précieux pour mener ce projet à bien », note-t-il.
Un outil pour l’hôpital et la ville
Autre point de vigilance, la réglementation autour de l’utilisation des données de santé, qui a elle aussi requis de nombreuses heures de travail. « Pour pouvoir utiliser les IRM ayant permis d’entraîner le moteur intelligent, il nous a fallu recueillir le consentement de 6 000 patients, dont certains avaient été accueillis en consultation il y a douze ans », se souvient Luc Beuzit en évoquant « une tâche chronophage », voire « un frein au développement ». Il observe : « Le consentement des patients est bien sûr primordial, mais ce mode de fonctionnement n’est pas optimal ». Le CHU de Rennes s’y est d’ailleurs depuis penché, revoyant son organisation sur ce champ précis. Les patients reçoivent dorénavant un document d'information, fourni lors de la consultation, et un renvoi sur le site internet de l’hôpital pour éventuellement faire opposition à la réutilisation de leurs données.
Utilisée en routine au CHU de Rennes depuis 2023, la solution s’est aujourd’hui élargie à d’autres structures, dont le centre de radiologie IRIS Grim à Nantes. « Le logiciel n’est pas spécialement pensé pour l’hôpital. Il s’adapte très bien à la ville, où sont réalisées beaucoup d’IRM de la prostate », poursuit le radiologue qui espère, à l’avenir, affiner encore les capacités de lecture de l’outil, mais aussi l’intégrer dans les protocoles de suivi des lésions pour notamment accélérer l’évaluation post-thérapeutique. « L’objectif n’est pas de remplacer le radiologue, mais bien de lui apporter une aide.Même s’il est accompagné par l’IA, l’humain reste au centre du diagnostic et de la décision médicale », conclut Luc Beuzit.
> Article paru dans Hospitalia #65, édition de mai 2024, à lire ici
Utilisée en routine au CHU de Rennes depuis 2023, la solution s’est aujourd’hui élargie à d’autres structures, dont le centre de radiologie IRIS Grim à Nantes. « Le logiciel n’est pas spécialement pensé pour l’hôpital. Il s’adapte très bien à la ville, où sont réalisées beaucoup d’IRM de la prostate », poursuit le radiologue qui espère, à l’avenir, affiner encore les capacités de lecture de l’outil, mais aussi l’intégrer dans les protocoles de suivi des lésions pour notamment accélérer l’évaluation post-thérapeutique. « L’objectif n’est pas de remplacer le radiologue, mais bien de lui apporter une aide.Même s’il est accompagné par l’IA, l’humain reste au centre du diagnostic et de la décision médicale », conclut Luc Beuzit.
> Article paru dans Hospitalia #65, édition de mai 2024, à lire ici