Favoriser « une mise en mouvement collective, cohérente et efficace ». Cette ambition, inscrite au cœur du volet numérique de « Ma Santé 2022 », n’est visiblement pas un vœu pieux. Certains en doutaient peut-être, certainement échaudés par les nombreuses promesses d’un grand soir de la e-santé en France, qui tardait à arriver. Dominique Pon et Laura Létourneau, co-pilotes de la nouvelle Délégation ministérielle du numérique en santé (DNS) se sont, eux, résolument attachés à éviter les écueils du passé, en portant une approche résumée en préambule de la feuille de route dévoilée le 25 avril 2019 : « Le numérique en santé doit être collé à la réalité du terrain, au plus proche des utilisateurs, des métiers et des spécificités territoriales. Il doit s’inscrire dans une démarche ambitieuse mais pragmatique, progressive mais volontaire. Il doit surtout libérer les usages au bénéfice des professionnels et des citoyens ». Un programme qui se décline, de manière très opérationnelle, en 26 actions, elles-mêmes structurées en cinq grandes orientations : (1) renforcer la gouvernance du système de santé, (2) intensifier la sécurité et l’interopérabilité des systèmes d’information en santé, (3) accélérer le déploiement des services numériques socles, (4) déployer au niveau national des plateformes numériques de santé, (5) soutenir l’innovation et favoriser l’engagement des acteurs.
Une feuille de route lisible et saluée par l’écosystème
Pour en simplifier la compréhension, la feuille de route a été assimilée à une maison. Dans les fondations se trouvent les référentiels socles, articulés autour de trois piliers, l’éthique, la sécurité et l’interopérabilité, et sans lesquels rien ne peut fonctionner. À ce cadre de confiance s’ajoutent les services socles : Dossier Médical Partagé, messageries sécurisées, prescriptions dématérialisées, outils de coordination. Dans les pièces et le toit, se situent les trois grandes plateformes numériques : l’Espace Numérique de Santé destiné aux citoyens, le bouquet de services pour les professionnels de santé, et le Health Data Hub, qui permettra aux chercheurs d’accéder aux vastes ensembles de données de santé afin de notamment entraîner des modèles d’intelligence artificielle. Au-delà des infrastructures, les actions visant à dynamiser l’écosystème sont matérialisées par des nuages – financement, appui à l’innovation, outils de mesure de la conformité, engagement auprès des acteurs.
La lisibilité d’ensemble, saluée par tout l’écosystème de la e-santé, s’est déjà traduite par des réalisations concrètes tout au long de l’année 2019. En parallèle, Dominique Pon et Laura Létourneau n’ont pas ménagé leurs efforts, s’engageant entre septembre 2019 et février 2020 dans un Tour de France pour présenter la politique nationale du numérique en santé, et surtout débattre de sa mise en œuvre concrète avec tous les acteurs de la e-santé mobilisés dans les territoires. Ces rencontres leur ont également permis de porter, avec beaucoup de pédagogie, leur concept d’un « État-plateforme » visant à favoriser l’alignement des acteurs à travers « la création d’un ”contenant” avec des règles s’appliquant à tous, pour que puissent s’y développer de nouveaux services et de nouveaux usages », explique Dominique Pon.
La lisibilité d’ensemble, saluée par tout l’écosystème de la e-santé, s’est déjà traduite par des réalisations concrètes tout au long de l’année 2019. En parallèle, Dominique Pon et Laura Létourneau n’ont pas ménagé leurs efforts, s’engageant entre septembre 2019 et février 2020 dans un Tour de France pour présenter la politique nationale du numérique en santé, et surtout débattre de sa mise en œuvre concrète avec tous les acteurs de la e-santé mobilisés dans les territoires. Ces rencontres leur ont également permis de porter, avec beaucoup de pédagogie, leur concept d’un « État-plateforme » visant à favoriser l’alignement des acteurs à travers « la création d’un ”contenant” avec des règles s’appliquant à tous, pour que puissent s’y développer de nouveaux services et de nouveaux usages », explique Dominique Pon.
Une gouvernance renouvelée qui fait la part belle aux concertations
Reprenons les cinq grandes orientations évoquées plus haut. D’abord, la gouvernance, qui faisait jusque-là quelque peu défaut. Les projets et programmes nationaux, ainsi que les initiatives locales, n’en finissaient pas de se superposer, sans visibilité claire quant à leur articulation concrète ou leur inscription dans un cadre global cohérent – ce qui a certainement contribué au retard de la France en matière de e-santé. Fin 2019, cette exception française a semble-t-il été résolue : la Délégation ministérielle du numérique en santé (DNS) a vu le jour, quelques jours après la suppression de la Délégation à la stratégie des systèmes d’information de santé (DSSIS). Placée donc sous la houlette de Dominique Pon et de Laura Létourneau, elle assurera le pilotage de l’ensemble des chantiers de transformation numérique. Son bras armé est l’Agence du numérique en santé (ANS), ex-Agence des systèmes d’information partagés de santé (ASIP Santé), désormais présidée par le Docteur Jacques Lucas, ancien « Monsieur numérique » du Conseil national de l’ordre des médecins.
Des développements qui sont intervenus quelques mois après la relance du Conseil du numérique en santé (CNS), « véritable grande messe du numérique ouverte à l’ensemble de l’écosystème », précise Laura Létourneau. Les quatre premiers groupes de travail lancés en juin 2019 ont livré des propositions concrètes le 20 février 2020 lors du deuxième CNS, dont quelques unes applicables avant l’été. « Un CNS se tiendra tous les six mois. À chaque fois, de nouveaux groupes de travail pourront être lancés en fonction des thématiques identifiées lors des échanges avec les participants, sur la base d’une logique ascendante. Plutôt que de viser dès le départ un idéal quelque peu intimidant, l’idée est d’y tendre progressivement, concertation après concertation, action concrète après action concrète », sourit Dominique Pon. Une démarche dans laquelle s’est également engagée la Cellule éthique du numérique en santé, qui vise à inscrire les actions de la DNS dans un cadre de valeurs humanistes. Quant à la doctrine technique de la feuille de route numérique, qui comporte à la fois un schéma d’urbanisation cible et les arbitrages associés, elle a été publiée fin janvier 2020, après avoir été soumise à concertation – plus de 250 contributions formelles ont été reçues ! –, puis sera régulièrement mise à jour. « Certainement une fois par an », indique le responsable ministériel du numérique en santé.
Nouvelle dynamique en matière de sécurité et d’interopérabilité
La dynamique se met également en place sur les champs de la sécurité et de l’interopérabilité des systèmes d’information en santé, avec un calendrier désormais arrêté. Attendu depuis plusieurs années, l’arrêté approuvant et définissant le référentiel de l’Identifiant national de santé (INS), lequel vise à assurer la continuité des parcours et sera rendu obligatoire au 1er janvier 2021, a été publié le 28 décembre 2019, avant la mise en production d’un premier télé-service INSi (Identifiant National de Santé intégré). De la même manière, la mise à disposition d’une application e-CPS, assortie d’un fournisseur national d’identification sectoriel dit « Pro Santé Connect » – sur le modèle du dispositif France Connect – sont en production depuis septembre dernier. « À Lyon par exemple, la plateforme de e-santé régionale a d’ores-et-déjà basculé sur le système e-CPS et Pro Santé Connect », se félicite Dominique Pon. La Carte Vitale dématérialisée, dite APCV, fait pour sa part déjà l’objet d’une expérimentation dans les Alpes Maritimes et le Rhône. Elle sera ensuite mise en œuvre par paliers jusqu’en 2022. En matière de cybersécurité, l’Agence du numérique en santé et l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) ont lancé des audits de cybersurveillance de l’ensemble des Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT). Une campagne de communication autour de cet enjeu majeur, spécifiquement destinée aux établissements de santé, a également vu le jour en décembre 2019. Un premier panorama des vulnérabilités des plus critiques et de leurs évolutions au sein des structures est à ce titre attendu au premier trimestre 2020.
Coup d’accélérateur sur les services socles
En ce qui concerne les services numériques socles (orientation numéro 3), le Dossier médical partagé (DMP) poursuit sur sa lancée avec 8,4 millions de dossiers désormais créés. En décembre dernier, 425 établissements de santé, dont 21 CHU, étaient engagés dans une démarche d’alimentation. Le déploiement des messageries sécurisées de santé a lui aussi connu un (gros) coup d’accélérateur : plus de 200 systèmes de messageries sont désormais compatibles MSSanté, parmi lesquels 179 sont portés par les établissements de santé, 13 par les GRADes en régions (Groupes régionaux d’appui au développement de la e-santé, anciennement dénommés GCS Télésanté), et 22 par les industriels. Par ailleurs, 1 244 des établissements de santé (soit 38%) sont eux aussi compatibles MSSanté, dont 463 émetteurs avec un volume moyen d’échanges atteignant 3 057 mails par établissement. « À l’échelle nationale, plus de 2,2 millions de messages sont émis mensuellement dans l’Espace de Confiance tous acteurs confondus (établissements de santé et ville) », note Laura Létourneau. En matière de e-prescription des médicaments et des dispositifs médicaux, une première expérimentation associant six éditeurs, les syndicats de médecins et de pharmaciens, et la Caisse nationale d’Assurance Maladie (CNAM), est en train d’arriver à son terme. Ses modalités de généralisation seront prochainement connues, après concertation des organismes représentatifs des professionnels concernés. Enfin, pour ce qui est du développement des services numériques territoriaux de coordination, en particulier ceux inscrits dans le programme national e-Parcours, les industriels sélectionnés ont été notifiés entre juillet et octobre 2019, et 90 projets territoriaux, couvrant une population de 32 millions d’habitants, ont d’ores-et-déjà été financés.
Les trois plateformes numériques sur la bonne voie
L’orientation numéro 4, peut-être la plus attendue, est celle qui a trait aux plateformes numériques de santé. Parmi ses projets phares, l’Espace numérique de santé (ENS), accessible à chaque citoyen, devrait se matérialiser progressivement d’ici la fin 2020. « Une première maquette, co-construite par la Direction Générale de la Santé (DGS), la CNAM et des citoyens-usagers, a été présentée en novembre dernier », précise Laura Létourneau. Les professionnels de santé pourront quant à eux accéder à une plateforme de bouquets de services communicants, actuellement en cours de cadrage. Ce rassemblement des données de santé dans un même schéma d’urbanisation sécurisé vise, entre autres, à permettre leur analyse à grande échelle au bénéfice de tous. C’est l’objectif du Health Data Hub, l’entrepôt national des données de santé, en cours de déploiement. Dix projets pilotes, plus prometteurs les uns que les autres, ont été sélectionnés dès avril 2019, dans le cadre d’un premier appel à projets. Un deuxième appel à projets, co-organisé dans le cadre du Grand Défi « Amélioration des diagnostics médicaux par l’intelligence artificielle » et opéré par la Banque publique d’investissement BPI France, est actuellement en cours.
La nécessaire mobilisation des acteurs
Reste, enfin, le soutien à l’innovation et la mobilisation des acteurs (orientation numéro 5) : développement de la télémédecine et du télésoin – ce dernier ayant été inscrit dans l’article 54 de la Loi Santé –, lancement opérationnel du programme HOP’EN, qui prend la suite du Programme Hôpital Numérique (PHN), avec notamment la sélection des candidats par les Agences Régionales de Santé et l’allocation des premiers financements, Tour de France de la e-santé, tenue de six ateliers citoyens du numérique en santé et organisation d’une première Journée dédiée à l’éthique en e-santé, développement de l’outil de mesure de la conformité « Convergence », qui présente, de manière opérationnelle, les ambitions d’urbanisation, de sécurité et d’interopérabilité et vise à accompagner les acteurs des secteurs sanitaires et médico-sociaux sur le chemin de la convergence, … Ces derniers mois ont assurément été riches en réalisations. « Nous avons souhaité montrer notre engagement en faveur de la feuille de route du numérique en santé en tenant le calendrier annoncé. Après une première année 2019 qui a incarné de manière très concrète nos valeurs, 2020 sera l’année du déploiement par l’écosystème. Aux acteurs de jouer le jeu. Nous continuerons pour notre part à impulser les dynamiques nécessaires pour que les échéances soient respectées », annonce Dominique Pon. La matérialisation de ce programme d’envergure impose en effet la mobilisation de tous, ainsi que l’a dès le départ souligné Agnès Buzyn, alors Ministre de la Santé : « Nous savons tous à quel point la coordination des actions et la recherche de synergies sont la condition de notre réussite ». Dont acte.