Un cas d’école de communication de crise… aux conséquences imprévues
Les tout premiers jours laissaient présager un cas d’école de communication de crise pour les directions de la communication des hôpitaux : installation de la cellule de crise – dès le 24 janvier 2020 au CHU de Bordeaux qui a accueilli le premier patient Covid –, identification des porte-parole, déploiement des premiers points presse, intensification des messages sur les réseaux sociaux… Mais l’intensité et la durée de la crise nous ont obligés à créer de nouvelles méthodologies de communication et ont considérablement élargi le champ d’expression des établissements. Avec pour résultat des audiences doublées voire triplées, que ce soit en abonnés sur les réseaux sociaux ou en nombre de retombées presse dans les médias.
Une prise de parole plus collective, plus transparente
La prise de parole officielle des hôpitaux – qui plus est dans un contexte de crise – est généralement très contrôlée. L’établissement s’exprime habituellement par la voix de son Directeur général et des médecins qui répondent dans leurs champs de spécialité. La crise, par sa longueur et par sa nécessité d’intervenir sur des sujets très variés a fait naitre de nouveaux interlocuteurs. La désignation d’un nombre de porte-parole très limité est souvent la règle en communication de crise. Ce que nous avons mis en place au CHU de Bordeaux. Mais les semaines passant, nous nous sommes rendus compte que l’incarnation de la prise de parole par deux ou trois personnes ne tiendrait pas : épuisement des intervenants mis en avant, lassitude des médias, durabilité des messages trop courte au vu des aléas de la crise. Très rapidement, le choix d’une prise de parole plus collective s’est imposé.
Cela a pris plusieurs formes : de façon organisée dans les relations presse, où l’on a beaucoup plus fréquemment donné la parole à des médecins peu habitués à l’expression médiatique, et à des soignants. Mais aussi de façon spontanée par le biais des réseaux sociaux. De nombreux professionnels ont créé leurs comptes, des équipes ont fait de même (« Team réanimation » de certains sites par exemple) et en racontant leur quotidien ont donné à voir leur implication dans la lutte contre l’épidémie : récit d’un renfort en Guyane, instantanés d’une évacuation sanitaire, célébration d’une sortie d’un patient Covid… Bien sûr les directions de la communication doivent encadrer ces expressions, mais les principes fondamentaux – protection de l’image des patients, respect du secret médical – sont parfaitement acceptés. Il apparaît que ce parti pris de la transparence, en montrant le terrain tel qu’il était, a considérablement augmenté la puissance des messages sanitaires.
Cela a pris plusieurs formes : de façon organisée dans les relations presse, où l’on a beaucoup plus fréquemment donné la parole à des médecins peu habitués à l’expression médiatique, et à des soignants. Mais aussi de façon spontanée par le biais des réseaux sociaux. De nombreux professionnels ont créé leurs comptes, des équipes ont fait de même (« Team réanimation » de certains sites par exemple) et en racontant leur quotidien ont donné à voir leur implication dans la lutte contre l’épidémie : récit d’un renfort en Guyane, instantanés d’une évacuation sanitaire, célébration d’une sortie d’un patient Covid… Bien sûr les directions de la communication doivent encadrer ces expressions, mais les principes fondamentaux – protection de l’image des patients, respect du secret médical – sont parfaitement acceptés. Il apparaît que ce parti pris de la transparence, en montrant le terrain tel qu’il était, a considérablement augmenté la puissance des messages sanitaires.
Lutter contre les fake news
Au cœur de la crise, pendant le premier confinement, les hôpitaux ont été témoins de rumeurs plus ou moins folles circulant sur les réseaux sociaux. Au CHU de Bordeaux, nous l’avons constaté à plusieurs reprises : prétendu essai clinique contre le Covid recherchant des volontaires pour absorber des boissons chaudes (!), supposée alerte de notre service d’urgence annonçant la fermeture à venir des boulangeries à Bordeaux (!!)… Nous avons alors pris soin de vérifier, infirmer les rumeurs et alerter le public sur ces fausses informations grâce à nos réseaux sociaux ; une mission importante dans le contexte.
L’humour, malgré la crise
Dernier pied de nez – car aucune méthode de communication de crise ne le prévoit –, nouvelle audace pour les hôpitaux : adopter un ton humoristique. Car même dans une crise sanitaire qui aura coûté plus de 84 000 vies en France, une communication plus légère, souvent drôle a été déployée. Il aura fallu attendre la deuxième vague de l’épidémie pour que ces campagnes commencent à se multiplier à l’hôpital (alors que la communication des collectivités locales avait pris ce virage très tôt), que la parole hospitalière ait encore acquis plus de crédit pour s’autoriser à aller sur ce terrain si peu connu. La tendance se confirme. Cette fois-ci, pas de crainte de mauvais commentaires sur les réseaux : place à une communication sur des sujets sérieux, mais décomplexée et surtout parfaitement acceptée par le public, voire saluée. Signe que la communication hospitalière s’est transformée. La voix des hôpitaux compte. Et à l’aune des défis à relever pour aller au bout de cette crise sanitaire, elle est désormais attendue.
Article publié dans le numéro de février d'Hospitalia à consulter ici.